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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1460/2023

ATAS/531/2024 du 27.06.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1460/2023 ATAS/531/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 juin 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Andres PEREZ, avocat

 

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. En juillet 2012, Madame A______ (ci-après : l'assurée), née ______ 1971, exerçant la profession de commise-administrative à 80%, a déposé une première demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI).

b. Cette demande a été rejetée par décision du 8 mai 2013, l'intéressée ayant retrouvé un poste de travail à 80% au terme des mesures d'intervention précoce.

B. a. Le 10 octobre 2018, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations.

b. Ont été versés au dossier, notamment :

-          un rapport du docteur B______, médecin traitant, du 23 octobre 2018, attestant d'une totale incapacité de travail depuis le 11 juin 2018 et mentionnant des troubles digestifs, des maux de tête, des "serrements de mâchoire", des troubles de la mémoire, de la concentration et du sommeil et une agoraphobie chez une patiente au profil très anxieux ;

-          un rapport rédigé le 30 octobre 2018 par le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, énonçant les diagnostics suivants : trouble dépressif récurrent épisode sévère sans symptômes psychotiques, agoraphobie sans trouble panique et traits de personnalité anankastique ;

-          un rapport du 19 juin 2019 du docteur D______, spécialiste FMH en neurologie, faisant état d’un examen neurologique normal ;

-          un rapport rédigé le 30 août 2019 par le docteur E______, spécialiste FHM en rhumatologie, consulté pour des douleurs de type neurogène, notant l'absence d'anomalie à l'examen et la présence de plusieurs points de fibromyalgie douloureux, sans toutefois retenir ce diagnostic ; le médecin préconisait de compléter le bilan par une sérologie pour la maladie de Lyme (qui se révèlera négative, le 17 juin 2019) ;

-          un rapport du 19 septembre 2019 de Madame F______, neuropsychologue, relatant que son examen avait mis en évidence, sur le plan psychologique, des signes massifs de la lignée anxio-dépressive, associés à ceux d’une lutte antidépressive mobilisant des mécanismes labiles; le tableau anxio-dépressif s’assortissait d’une réactivité aux facteurs de stress très vive, bien que retardée et inhibée dans son expression et plutôt somatisée; était également mentionné un narcissisme demeuré fragile, facteur de risque quant à la survenue d’une symptomatologie d’épuisement au contact d’un monde externe par rapport auquel l’assurée se mobilisait jusqu’à la limite de ses forces et de ses facultés d’adaptation; sur le plan cognitif, l'examen avait révélé des troubles attentionnels moyennement sévères touchant l'attention divisée sur plusieurs foyers, la mémoire et le travail, et l'attention soutenue, accompagnés d'une fatigabilité importante à la mobilisation intellectuelle ;

-          un rapport du Dr C______, le 11 octobre 2019, qualifiant la situation de stationnaire ;

-          un rapport rédigé le 29 janvier 2020 par la docteure G______, confirmant la présence d’un trouble neurocognitif dans un contexte anxio-dépressif et indiquant que les troubles pouvaient être expliqués par le tableau psychiatrique, sans pour autant pouvoir exclure une atteinte neurodégénérative débutante sous-jacente ;

-          un rapport du Dr C______ du 24 septembre 2020, faisant état d’une nette aggravation de l’état psychique de sa patiente : le trouble anxieux se manifestait désormais également par une anxiété généralisée, avec la présence de pratiquement tous les symptômes liés à cette pathologie ;

-          le 25 septembre 2020, le Dr B______ a lui aussi fait état d'une aggravation de l’état de santé de sa patiente remontant au 3 mars 2020, date à compter de laquelle l’agoraphobie était devenue un problème très handicapant ; depuis mai 2020, les rendez-vous avec sa patiente s’étaient d'ailleurs déroulés par téléphone.

c. L’assurée s’étant opposée à la mise sur pied d’une expertise, l’OAI, par décision incidente du 11 septembre 2020, a ordonné formellement une expertise médicale, qu’il a confiée à CEMEDEX SA, plus précisément aux docteurs H______ (médecine interne générale), I______(neurologie), J______ (psychiatrie) et K______(rhumatologie).

d. Saisie d’un recours de l’assurée – qui concluait au renvoi de la cause à l’OAI à charge pour ce dernier de statuer sur la base de documents déjà à sa disposition, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OAI en lui enjoignant de fixer un lieu d’expertise de manière consensuelle – la Cour de céans a statué en date du 23 décembre 2021 (ATAS/1357/2021). Rejetant le recours, elle a pris acte de la proposition de l’OAI de prendre en charge les frais d’un transport privé pour l’assurée et un accompagnement pour se rendre sur les lieux de l’expertise.

e. Le Dr H______, expert en médecine interne, a rappelé que l’assurée avait souffert d’un burn-out en 2012 – qui avait entraîné un arrêt de travail de dix mois environ –, qu’elle avait recommencé à travailler en 2013 dans un autre département et cessé définitivement en juin 2018. Elle souffrait de nombreuses somatisations, se plaignait de douleurs articulaires diffuses aux niveaux des bras, des mains, des jambes et du dos, qui avaient été investiguées par un rhumatologue et un neurologue sans trouvaille particulière. En 2019, une IRM cervicale avait mis en évidence une discopathie débutante et une IRM cérébrale la présence d’une atrophie débutante péri-hippocampique. L’assurée était autonome dans les gestes de la vie quotidienne, effectuait son ménage et pouvait conduire sur de petites distances. Ont été retenus les diagnostics de surcharge pondérale, de syndrome des apnées du sommeil légères, sans nécessité d’appareillage, d’endométriose et de status après surdité subite de l’oreille gauche en 2013, avec régression par la suite. L’expert a conclu à une capacité de travail de 100%, indiquant qu’en termes de médecine interne générale, il n’y avait ni limitation, ni handicap.

Le Dr I______, expert neurologue, a noté que l’assurée se plaignait de maux de tête, qualifiés de céphalées de tension, en partie régressifs avec la prise de médicaments, associés à des troubles de la concentration, ainsi que d’engourdissements des avant-bras et des jambes, pour lesquels le neurologue traitant n’a retrouvé aucune anormalité. Une IRM cérébrale avait montré une atrophie péri-hippocampique disproportionnelle en regard de l’âge de l’assurée, ouvrant la possibilité, mais non la certitude, d’une maladie dégénérative juvénile débutante. L’examen neuropsychologique effectué en septembre 2019 avait montré avant tout des signes massifs de la lignée anxio-dépressive. En janvier 2020, une ponction lombaire avait été réalisée, mais les biomarqueurs pour Alzheimer étaient tous revenus négatifs. L’expert a indiqué qu’une partie des céphalées était compatible avec le diagnostic de céphalées de tension et qu’elles s’inséraient dans un contexte psychiatrique patent. Quant aux paresthésies ressenties dans les membres, elles étaient aspécifiques et sans aucune corrélation avec une atteinte des nerfs des membres ou une pathologie quelconque d’origine cervicale ou médullaire. Les troubles de la mémoire et de l’attention étaient à relativiser, dans le contexte dépressif majeur. L’expert a retenu les diagnostics de céphalées de tension soulagées par la prise de médicaments, suspicion d’atrophie péri-hippocampique à confirmer au cours du temps, troubles d’ordre neuropsychologique à forte composante anxio-dépressive et céphalées psychogènes probables. S’agissant de la capacité de travail, l’expert a conclu à une capacité de travail neurologique de 80%, avec une baisse de 20% motivée par une perte d’endurance en relation avec les céphalées de tension, dans toute activité. L’expert a ensuite brièvement décrit les tâches domestiques accomplies par l’assurée, respectivement sa compagne.

Le Dr J______, expert psychiatre, a relevé qu’en février 2012, l’assurée avait présenté un trouble de l’adaptation avec réaction anxieuse et dépressive mixte, qui s’était totalement résorbé, mais qu’elle avait fait une nouvelle dépression à partir de juin 2018 et n’avait plus repris d’activité professionnelle depuis lors. Elle présentait une accentuation des traits de personnalité et avait développé une agoraphobie sans trouble panique. L’expert a retenu, à titre de diagnostics ayant des conséquences en termes de capacité de travail : un trouble dépressif récurrent, épisode dépressif moyen, avec syndrome somatique (F 33.11) et une agoraphobie sans trouble panique (F 40.00). Il a également mentionné, en précisant qu’ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail, l’accentuation de certains traits de personnalité (anankastiques et évitants), ainsi qu’une phobie spécifique, acrophobie et claustrophobie. S’agissant de la capacité de travail à compter de juin 2018, il l’a qualifiée de nulle, en raison d’aspects essentiellement phobiques. L’expert a souligné que l’activité habituelle n’était pas adaptée, car trop stressante, exigeant une adaptation trop rapide à des situations nouvelles et pouvant exposer l’assurée à des critiques. En revanche, dans une activité plus répétitive, sans sollicitation intellectuelle majeure et qui valoriserait l’assurée, il a estimé que la capacité de travail de celle-ci pourrait être, dans un premier temps, de 50% (100% de temps de présence avec une baisse de rendement de 50%), puis, avec le temps et un traitement adéquat, de 100%, après trois mois. Dans le ménage, il n’y avait aucune limitation fonctionnelle psychiatrique.

Quant au Dr K______, expert rhumatologue, il a constaté que l’examen neurologique et l’ENMG s’étaient révélés parfaitement normaux et que l’IRM cervicale n’avait montré que de très discrètes discopathies débutantes. Les douleurs décrites par l’assurée étaient très variables, diffuses et sans aucune systématisation. Un bilan rhumatologique à la recherche d’anticorps n’avait donné aucun résultat. Le tableau ne ressemblait ni à une polyarthrite inflammatoire, ni à une maladie auto-immune et il ne s’agissait pas non plus de fibromyalgie. L’expert a relevé des incohérences entre l’importance des plaintes et les constatations objectives cliniques, sans exagération toutefois à l’examen. Les limitations physiques n’étaient pas conformes à ce qui avait été constaté objectivement, mais la souffrance était réelle, bien que d’origine non rhumatologique. En définitive, l’expert n’a retenu aucun diagnostic ayant une incidence sur la capacité de travail ou l’accomplissement des tâches ménagères et a conclu à une capacité de travail de 100% dans toute activité.

Dans leur évaluation interdisciplinaire, les experts ont relevé des incohérences aux niveaux neurologique et rhumatologique. Après avoir récapitulé les diagnostics retenus dans les diverses spécialités, il a été conclu qu’il n’y avait de limitation qu’aux niveaux psychiatrique – nécessité d’éviter tout travail trop stressant car l’assurée ne peut s’adapter rapidement à de nouvelles situations, ni être exposée aux critiques ainsi qu’à de potentiels jugements sur ses compétences, préférence pour une activité répétitive, sans sollicitation intellectuelle majeure – et neurologique – diminution de l’endurance en raison des céphalées de tension. Sur le plan neurologique, la capacité de travail a été évaluée à 100% avec diminution de rendement de 20% depuis juin 2018, au niveau psychiatrique, à 0% de février 2012 à janvier 2013, puis à 100% jusqu’en juin 2018, puis à nouveau à 0%. Dans une activité adaptée, la capacité de travail a été évaluée à 100% avec diminution de rendement de 20% depuis juin 2018 au plan neurologique, à 50% (100% avec diminution de rendement de 50%) depuis juin 2018, au plan psychiatrique, étant précisé qu’avec un traitement adéquat, la capacité de travail pourrait augmenter à 100% en l’espace de trois mois.

f. Le dossier a été soumis au SMR qui, en date du 28 juin 2022, a proposé de suivre les conclusions des experts, jugées motivées et cohérentes, et de retenir une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée, susceptible d’évoluer vers un taux de 100% avec une prise en charge psychiatrique adéquate, raison pour laquelle il a préconisé une révision à une année. Le SMR a ainsi admis une aggravation depuis le 11 juin 2018 pour trouble dépressif récurrent, épisode dépressif moyen avec syndrome somatique et agoraphobie sans trouble panique, ainsi que céphalées de tension soulagées par la prise de médicaments. La capacité à exercer l’activité habituelle a été reconnue, mais il a en revanche été considéré que l’assurée avait toujours conservé une capacité de travail de 50% s’agissant d’une activité adaptée. Les limitations fonctionnelles retenues étaient les suivantes : perte d’endurance liée aux céphalées de tension, éviter tout travail trop stressant, les situations nouvelles, l’exposition aux critiques, privilégier une activité répétitive sans sollicitation intellectuelle majeure. Un traitement spécialisé était raisonnablement exigible, sous la forme d’un suivi hebdomadaire par thérapie cognitivo-comportementale avec exposition à des situations stressantes, ainsi qu’un changement du traitement antidépresseur (introduction d’un inhibiteur de la recapture de la sérotonine ou de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine).

g. La division de réadaptation a alors procédé au calcul du degré d’invalidité.

S’agissant du revenu avant invalidité, il a été retenu que l’assurée travaillait en qualité de commise administrative 4 à l’État de Genève et qu’elle aurait réalisé en 2017, selon le questionnaire employeur, un revenu de CHF 78'273.- qui, indexé en 2018 au moyen de l’indice suisse des salaires (ISS), conduisait à un revenu de CHF 78'647.- pour un 80% (correspondant à CHF 98'309.- pour un plein temps). Selon la division de réadaptation, l’augmentation liée à l’annuité aurait été de la même proportion que l’augmentation telle que calculée avec l’ISS.

Une réduction supplémentaire de 10% a été appliquée au revenu après invalidité pour tenir compte des années de service et du taux d’occupation. Il a été précisé que les limitations fonctionnelles avaient été prises en compte dans la diminution de la capacité de travail.

h. Il a en outre été procédé à une enquête économique ménagère qui a donné lieu à un rapport, le 14 décembre 2022. En substance, les empêchements ont été évalués à 47.5%, taux réduit à 37.5% en tenant compte d’une aide exigible de 10% de la part de la compagne de l’assurée. Il a été noté que la compagne de l’assurée souffrait d’une maladie auto-immune provoquant une asthénie chronique et qu’elle bénéficiait d’une rente entière de l’assurance-invalidité.

i. Un projet de décision a été adressé à l’assurée en date du 16 décembre 2022, qu’elle a contesté en date du 3 février 2023.

j. Par décision du 15 mars 2023, l’OAI a nié à l’assurée le droit à des mesures professionnelles. En revanche, il lui a reconnu le droit à un trois-quarts de rente sur la base d’un degré d’invalidité de 67% depuis le 1er juin 2019.

L’OAI a reconnu à l’assurée un statut d’active à 80%, les 20% restants étant consacrés à l’accomplissement des travaux habituels dans le ménage.

A l’issue de l’instruction médicale, l’OAI a constaté une totale incapacité à exercer l’activité habituelle depuis le 11 juin 2018, début du délai d’attente d’une année. Il a en revanche considéré que l’assurée avait toujours conservé une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à son état de santé.

Dans la sphère ménagère, se référant à l’enquête à laquelle il avait été procédé, l’OAI a retenu des empêchements à hauteur de 37,5%.

Dans la sphère professionnelle, l’OAI a comparé le revenu que l’assurée réalisait avant son invalidité, soit CHF 98'309.-, à celui que lui aurait permis d’obtenir une activité adaptée exercée à 50%, soit CHF 24'607.- après déduction supplémentaire de 10%. En résultait une perte de gain de CHF 73'702.- correspondant à un degré d’invalidité de 74,97%.

Dès lors, le taux d’invalidité global était de 67% (74,97% dans la sphère professionnelle de 80% = 59,98% + 37,5% dans la sphère ménagère de 20% = 7,5%).

C. a. Par écriture du 1er mai 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant à ce que lui soit octroyée une rente entière d’invalidité.

En premier lieu, la recourante conteste la valeur probante du volet psychiatrique de l’expertise, réalisé par le Dr J______.

En second lieu, elle conteste le calcul du degré d’invalidité, plus particulièrement le montant du revenu avant invalidité – dont elle demande qu’il soit fixé à CHF 102'427.- –, le montant de la réduction supplémentaire appliquée au revenu d’invalide – dont elle estime qu’elle devrait être de 20%.

Enfin, la recourante fait grief à l’enquête ménagère de n’avoir pas tenu compte, en déterminant l’aide exigible de sa compagne, des atteintes à la santé dont souffre cette dernière.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 14 juin 2023, a conclu au rejet du recours.

S’agissant des conclusions de l’expertise, l’intimé relève que la motivation de la recourante consiste essentiellement à souligner la divergence d’opinion entre l’expert psychiatre et ses médecins traitants quant à sa capacité de travail.

Concernant le revenu sans invalidité, l’intimé indique s’être basé sur le questionnaire rempli par l’employeur et avoir indexé le montant de salaire indiqué. Quant à la réduction supplémentaire, il rappelle que les affections psychiques ont été prises en compte lors de l’évaluation de la capacité résiduelle de travail dans une activité adaptée et qu’elles ne sauraient l’être une nouvelle fois par le biais d’une réduction du salaire statistique.

Enfin, s’agissant de l’enquête ménagère, l’intimé rappelle les règles applicables s’agissant de l’aide exigible des membres de la famille. Il relève que, contrairement à ce qu’allègue la recourante, l’enquêtrice avait connaissance des problèmes de santé de sa compagne et qu’aucun élément au dossier ne donne à penser que le fait d’exiger d’elle une aide à 10% serait déraisonnable.

c. Dans sa réplique du 14 juillet 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle reproche aux experts de n’avoir tout simplement pas motivé leurs conclusions et de ne pas avoir analysé les diagnostics à l’aune des critères énoncés par la CIM-10. Elle ajoute que les experts sont contradictoires quant aux taux de capacité de travail retenus.

S’agissant du revenu sans invalidité, elle rappelle que les modifications doivent être prises en compte jusqu’au moment où la décision est rendue et argue qu’au vu des augmentations d’annuités dont elle aurait profité, le montant aurait dû être fixé sur la base de l’échelle de traitement classe 12 annuité 21.

Quant à l’enquêtrice ménagère, si elle avait certes connaissance des pathologies de sa compagne, elle en ignorait les répercussions sur sa santé et sa capacité à effectuer des tâches ménagères.

d. Par écriture du 14 septembre 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

e. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le degré d’invalidité à reconnaître à la recourante.


 

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, le droit à la rente s’ouvrant le 1er juin 2019, les dispositions légales seront citées dans leur ancienne teneur.

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008)

4.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

4.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA.

4.3.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.3.2 On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1)

4.3.3 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.       Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.       Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.       Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

4.3.4 Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

4.4 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

4.4.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

4.4.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (cf. ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

4.4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf.  130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.             En l’espèce, l’intimé, se ralliant aux conclusions des experts, a considéré que si l’assurée avait été dans l’incapacité totale d’exercer son activité habituelle depuis le 11 juin 2018, début du délai d’attente d’une année, elle avait en revanche conservé une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à son état de santé.

En premier lieu, la recourante conteste la valeur probante du volet psychiatrique de l’expertise réalisée par le Dr J______.

La Cour de céans constate que l’expert psychiatre, tout comme ses collègues, s’est livré à une anamnèse approfondie, qu’il a indiqué quelles avaient été ses constatations objectives et s’est également fait le relais des plaintes de l’assurée. Quant à ses conclusions, contrairement à ce que soutient la recourante, il les a longuement motivées, de sorte qu’elles apparaissent convaincantes. Son rapport peut se voir reconnaître une pleine valeur probante, tant du point de vue formel que matériel, comme on va le voir par la suite.

La recourante reproche à l’expert de s’écarter substantiellement de l’appréciation de son psychiatre traitant, le Dr C______, qui retenait – en date du 29 août 2012 – une réaction dépressive prolongée et anxieuse pour conclure quant à lui à un trouble de l’adaptation avec réaction anxieuse et dépressive mixte sans en expliquer les raisons.

Cela étant, la recourante se réfère à une appréciation concernant le premier épisode dépressif qu’elle a traversé, dont il n’a pas été contesté qu’il s’était complètement amendé par la suite, au point de lui permettre de recouvrer une pleine capacité de travail en 2013. Il est vrai que l’expert a préféré qualifier de trouble de l'adaptation avec réaction anxieuse et dépressive mixte ce que le psychiatre traitant désignait comme une réaction dépressive et anxieuse. Cela étant, il ressort de l’ensemble de ses explications que cette divergence s’explique sans doute par le fait qu’il s’agissait-là du premier épisode présenté par l’intéressée. Quoi qu’il en soit, cette qualification différente du premier épisode traversé par la recourante – étant rappelé que c’est le second qui a motivé sa nouvelle demande de prestations –, apparaît peu pertinente.

S’agissant de ce second épisode, l’expert a expliqué avoir retenu un trouble dépressif récurrent, épisode dépressif moyen, avec syndrome somatique (F 33.11) et une agoraphobie sans trouble panique (F 40.00). Il a également mentionné, en précisant qu’ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail, l’accentuation de certains traits de personnalité (anankastiques et évitants), ainsi qu’une phobie spécifique, acrophobie et claustrophobie. S’agissant du diagnostic principal, l’expert a expliqué qu’il concluait à un trouble dépressif récurrent, épisode moyen, parce qu’il existait un antécédent de trouble de l’adaptation. Depuis juin 2018, il existait une fatigue et une fatigabilité moyennes, avec une baisse d’estime et un effondrement narcissique. La patiente a été décrite comme souvent sur la défensive, présentant une baisse d’intérêt, des troubles du sommeil et des variations de poids. L’expert a également noté une tendance à la culpabilité, l’absence d’idées suicidaires ou d’éléments psychotiques et un ralentissement psychomoteur qualifié de quasiment inexistant. Le diagnostic de trouble de l’adaptation a été écarté parce qu’il existait un véritable épisode dépressif constitué. L’anxiété généralisée a été écartée, car il n’y avait ni anxiété constante flottante, ni véritables attaques de panique. A cet égard, l’expert a précisé que les accès d’angoisse décrits étaient d’intensité insuffisante pour caractériser un tel épisode, d’autant qu’ils n’étaient pas accompagnés de sentiments de dépersonnalisation ou déréalisation. L’expert a également reconnu l’existence d’une agoraphobie, tout en notant que l’assurée pouvait sortir de chez elle lorsqu’elle devait prendre un chemin connu. Il n’a pas retenu de véritables troubles obsessionnels, même si les stratégies adoptées par l’assurée lorsqu’elle est anxieuse pouvaient évoquer un tel trouble. En effet, il n’y avait pas de rituel de vérification, ni de véritable comptage, susceptibles de venir entraver le bon fonctionnement des journées. L’expert n’a pas non plus retenu le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant en l’absence de détresse physiologique en rapport avec les douleurs et de dramatisation. Enfin, l’expert a retenu une accentuation de certains traits de personnalité, mais pas de véritables troubles de personnalité, car l’assurée en dehors des périodes de conflit, fonctionnait habituellement normalement.

S’agissant plus particulièrement de l’avis du Dr C______, l’expert a expliqué que le premier épisode dépressif s’était nettement amélioré au bout de six mois, raison pour laquelle il préférait pour sa part retenir un trouble de l’adaptation avec réaction anxieuse et dépressive mixte. Par ailleurs, l’expert a argué que les pensées ou ruminations obsédantes relevées par le psychiatre traitant constituaient selon lui avant tout d’une réaction de défense en lien avec l’anxiété due au trouble de l’adaptation.

La recourante reproche également à l’expert psychiatre de s’être écarté de l’avis du Dr L______ du 30 octobre 2018, s’agissant de la gravité de l’épisode dépressif, qu’il a qualifié pour sa part de « plutôt moyen » en relevant l’absence d’idées suicidaires, dont elle fait remarquer qu’elle n’est pas décisive pour exclure le caractère de sévérité, si d’autres critères sont remplis. Reprenant à son compte la description faite en page 25 de l’expertise, la recourante en tire la conclusion que les critères posés par la CIM-10 pour retenir un épisode dépressif sévère seraient remplis. Elle relève en particulier que des troubles de la concentration et de la mémoire ont été notés par le Dr C______, mais également par Madame F______, neuropsychologue, ce qui viendrait contredire les dires de l’expert, selon lequel le ralentissement psychomoteur serait quasiment inexistant.

Cela étant, la recourante tente simplement de substituer à l’avis de l’expert celui de son psychiatre traitant. La Cour de céans ne saurait la suivre sur ce terrain, encore moins prétendre confirmer ou infirmer un diagnostic en refaisant l’expertise en lieu et place du spécialiste. C’est le lieu de rappeler que, pour remettre en cause la valeur probante d’une expertise médicale, il ne suffit pas de prétendre que l’expert aurait dû logiquement présenter des conclusions différentes. Encore faut-il établir l’existence d’éléments objectivement vérifiables, de nature clinique ou diagnostique, qui auraient été ignorés dans le cadre de l’expertise, suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de celle-ci ou établir leur caractère incomplet. En l’occurrence, l’expert psychiatre a certes noté l’absence d’intention suicidaire, mais il a également relevé, s’agissant de l’examen neuropsychologique pratiqué le 19 septembre 2019, qu’à cette époque, l’expertisée évoquait une aggravation de la symptomatologie en raison de la panique ressentie pendant la période de la pandémie.

Pour le surplus, on relèvera que l’expert a longuement argumenté son évaluation de la capacité de travail de l’assurée, en se livrant notamment à une description détaillée de ses différentes capacités des ressources et difficultés, ce que n’a pas fait le psychiatre traitant. S’agissant de la capacité de travail à compter de juin 2018, il l’a qualifiée de nulle en raison d’aspects essentiellement phobiques, l’expertisée ne pouvant affronter le monde du travail dans son activité habituelle, car celle-ci ne respecte pas les limitations fonctionnelles : elle est trop stressante et requiert une adaptation trop rapide à des situations nouvelles ; qui plus est, ce poste pourrait exposer l’assurée à des critiques, ainsi qu'à de potentiels jugements sur ses compétences. En revanche, dans une activité plus répétitive, sans sollicitation intellectuelle majeure et qui la valoriserait, la capacité de travail pourrait être dans un premier temps de 50% (à temps complet, mais avec une baisse de rendement de 50%). L’expert a souligné qu’avec le temps et grâce à un traitement adéquat, cette capacité de travail pourrait monter à 100% dans une activité adaptée, car la recourante, si elle arrive à tirer des éléments positifs de son travail, pourrait voir son estime d’elle-même remonter spontanément. L’accentuation de certains traits de personnalité et l’agoraphobie pourrait ainsi disparaître. A cet égard, l’expert a préconisé la poursuite de la psychothérapie une fois par semaine par une thérapie cognitivo-comportementaliste avec exposition à des situations stressantes, un changement du traitement antidépresseur.

Quant au grief fait à l’expert de n’avoir pas pris langue avec le Dr M______, médecin associé en santé du travail, qui a toujours quantifié son incapacité de travail à 100%, même dans une activité adaptée, il convient de rappeler que l’expert ne doit pas obligatoirement se mettre en rapport avec d’autres médecins. La question de l’obtention d’autres avis médicaux relève en effet de sa propre marge d’appréciation.

Enfin, la recourante note que le Dr I______, expert neurologue, a répondu qu’elle pouvait exercer à raison de six heures par semaine une activité adaptée, ce qui représente un taux de travail de 15%. Elle en tire la conclusion qu’au vu des contradictions entre le neurologue et le psychiatre, sa capacité de travail ne peut être fixée à 50%.

Il ressort pourtant clairement du rapport de l’expert neurologue qu’il s’agit là manifestement d’une erreur de plume de sa part et qu’il a voulu parler de six heures de travail par jour et non par semaine. En effet, l’expert a exposé longuement, dans son rapport spécifique, les raisons qui l’amenaient à retenir une capacité de travail de 80%, tenant compte d’une perte d’endurance de 20% en raison des céphalées de tension. Cette conclusion est d’ailleurs cohérente avec ses constatations et les diagnostics retenus : des céphalées susceptibles d’être soulagées par de la médication et s’insérant dans un contexte psychiatrique plutôt que neurologique, des paresthésies ressenties dans les membres aspécifiques et sans aucune corrélation avec une atteinte objectivable, des troubles de la mémoire et de l’attention à relativiser – dont l’expert a constaté qu’ils avaient un impact mineur sur la capacité de l’assurée à être présente et à étayer son anamnèse, à répondre aux questions et à maintenir une attention soutenue durant tout l’examen.

Contrairement à ce que soutient la recourante, les conclusions consensuelles des experts quant à la capacité résiduelle de travail dans une activité adaptée apparaissent parfaitement cohérentes. Dans leur rapport commun, les experts, après avoir récapitulé les diagnostics retenus dans les diverses spécialités, ont rappelé qu’il n’y avait pas de limitation au niveau rhumatologique et de médecine interne. Au niveau psychiatrique, il fallait éviter tout travail trop stressant ou impliquant une grande adaptation ou une exposition aux critiques et privilégier une activité répétitive, sans sollicitation intellectuelle majeure. Au point de vue neurologique, les céphalées de tension entraînaient également des limitations en termes d’endurance. En conclusion, la capacité de travail a été évaluée à 0% de février 2012 à janvier 2013, puis à 100% de janvier 2013 à juin 2018, date à compter de laquelle elle n’a plus été que de 50% dans une activité adaptée (en raison d’une baisse de rendement de 50% sur un temps de travail de 100%), étant précisé qu’avec un traitement adéquat, cette capacité de travail pourrait augmenter à 100%.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour de céans considère qu’une pleine valeur probante peut être reconnue aux conclusions des experts, de sorte que c’est à juste titre que l’intimé s’y est rallié, s’agissant de l’évaluation de la capacité de travail de l’assurée.

Reste à examiner le calcul du degré d’invalidité, qui fait l’objet du second grief de la recourante.

6.              

6.1 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

Selon l’art. 27bis RAI en vigueur depuis le 1er janvier 2018, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7 al. 2 LAI, le taux d'invalidité est déterminé par l'addition des taux suivants : a. le taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative; b. le taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2).

Le calcul du taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative est régi par l'art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l'assuré aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel, s'il n'était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d'occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l'assuré n'était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d'occupation visé à l'al. 3 let. b et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER, Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale/CHSS n° 1/2018 p. 45).

6.2 La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants des deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2). A cet effet, on se fondera en principe sur les renseignements fournis par l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_434/2023 du 30 novembre 2023 consid. 3 et la référence).

Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178).  On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique – médiane – s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3. et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Cette évaluation ressortit en premier lieu à l'administration, qui dispose pour cela d'un large pouvoir d'appréciation. Le juge doit faire preuve de retenue lorsqu'il est amené à vérifier le bien-fondé d'une telle appréciation. L'examen porte alors sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans le cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Pour autant, le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 ; 123 V 150 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

6.3 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution – attestée médicalement – du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

Il existe dans l'assurance-invalidité – ainsi que dans les autres assurances sociales – un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les références; 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).

Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers – par exemple son conjoint [art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210)] ou ses enfants (art. 272 CC) – sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références).

7.             S’agissant du degré d’invalidité, l’intimé s’est basé sur les éléments suivants.

Pour le revenu avant invalidité, il a été retenu que l’assurée travaillait en qualité de commise administrative 4 à l’État de Genève et qu’elle aurait réalisé en 2017, selon le questionnaire employeur, un revenu de CHF 78'273.- qui, indexé en 2018 au moyen de l’ISS, conduisait à un revenu de CHF 78'647.- pour un 80% (correspondant à CHF 98'309.- pour un plein temps). Selon la division de réadaptation, l’augmentation liée à l’annuité aurait été de la même proportion que l’augmentation telle que calculée avec l’ISS. Une réduction supplémentaire de 10% a été appliquée au revenu après invalidité pour tenir compte des années de service et du taux d’occupation. Il a été précisé que les limitations fonctionnelles avaient été prises en compte dans la diminution de la capacité de travail.

La recourante conteste en premier lieu le montant retenu à titre de revenu avant invalidité. Elle fait valoir qu’il y aurait lieu de se baser sur l’échelle des traitements de l’Etat de Genève et, en tenant compte de la progression des annuités, de retenir le montant alloué en classe 12, annuité 21, soit un montant de CHF 102'427.- pour un plein temps selon l’échelle de traitement 2023. A cet égard, elle argue que les modifications doivent être prises en compte jusqu’au moment où la décision est rendue (en l’occurrence 2023) et qu’il est notoire que le salaire des fonctionnaires augmente régulièrement en raison des annuités. En 2016, elle était en classe 12, annuité 17. En 2017, elle aurait obtenu l’annuité 18, en 2018, l’annuité 19 et en 2019, l’annuité 20, ce qui correspond à un salaire annuel brut CHF 83'396.30. Selon elle, au moment de la décision litigieuse, le salaire sans invalidité aurait dû être retenu en se fondant sur l’échelle de traitement classe 12 annuité 21.

En l’occurrence, il faut se placer au moment déterminant, soit l’ouverture du droit à la rente, en juin 2019. Même si la jurisprudence prescrit de tenir compte des évolutions des circonstances jusqu’au moment où la décision est rendue, il n’en demeure pas moins qu’en juin 2019, la recourante aurait bénéficié de l’annuité 20 (et non de l’annuité 21, comme elle le prétend). Pour évaluer le revenu sans invalidité de la manière la plus concrète que possible, il conviendrait dès lors de se fonder sur le montant qu’aurait obtenu la recourante en 2019, selon l’échelle salariale applicable cette année-là – et non en 2023 – en classe 12, annuité 20.

Cela étant, même en retenant le montant de CHF 102'427.- pour un plein temps suggéré par la recourante, force est de constater que cela ne lui ouvrirait pas droit à une rente plus élevée, les autres griefs formulés à l’encontre du calcul de l’intimé devant être rejetés, ainsi que cela ressort de ce qui suit.

La recourante demande que la réduction supplémentaire au revenu d’invalide soit augmentée de 10% à 20% pour tenir compte des limitations fonctionnelles psychiatriques et de ses céphalées de tension, dont elle argue qu’elles constituent un obstacle important pour retrouver un emploi. Ce raisonnement ne saurait cependant être suivi dans la mesure où il a déjà été tenu compte des limitations fonctionnelles énoncées dans l’évaluation de la capacité résiduelle de travail à laquelle se sont livrés les experts. Il n’y a dès lors pas lieu de les prendre en considération une seconde fois.

Quant à l’argument selon lequel l’aide exigible de sa compagne, évaluée à 10% dans l’enquête ménagère, ferait fi des atteintes à la santé de l’intéressée, il n’est pas non plus convaincant. Il ressort en effet clairement du rapport d’enquête que l’enquêtrice avait connaissance des problèmes de santé de la compagne de la recourante, puisqu’elle a noté qu’elle souffrait d’une maladie auto-immune provoquant une asthénie chronique et qu’elle bénéficiait d’une rente entière de l’assurance-invalidité. Qui plus est, aucun élément ne vient étayer l’argument selon lequel exiger une aide – évaluée fort modérément à 10% – serait déraisonnable de la part de cette personne.

Pour en revenir au calcul du degré d’invalidité, on notera que, même en retenant à titre de revenu avant invalidité – extrapolé à un temps plein – le montant de CHF 102'427.- (trop élevé puisque correspondant à une annuité 21, qui plus est selon l’échelle salariale applicable en 2023), on obtient un degré d’invalidité global de 68.28% (75,98% dans la sphère professionnelle de 80% = 60.78% + 37,% dans la sphère ménagère de 20% = 7,5%), insuffisant pour ouvrir le droit à une rente supérieure au trois-quarts de rente déjà reconnu à la recourante.

8.             Eu égard aux considérations qui précèdent, la décision litigieuse n’apparaît pas critiquable. Le recours est donc rejeté.

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le