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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3430/2023

ATAS/511/2024 du 26.06.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3430/2023 ATAS/511/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2024

Chambre 4

 

En la cause

 

A______

B______

tous deux représentés par Me Sarah BRAUNSCHMIDT, avocate

 

recourants

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame B______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1979, originaire du Portugal, au bénéfice d’un permis C, divorcée depuis le 24 février 2017 de Monsieur B______ et mère de deux fils.

b. Elle s’est inscrite à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) le 2 août 2021 et un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert dès cette date jusqu’au 1er août 2023.

c. Le 2 août 2021, elle a rempli le formulaire de demande d’indemnité de chômage destiné à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse ou l’intimée) et a notamment indiqué « oui » à la question : « Avez-vous, vous, votre conjoint ou partenaire enregistré(e), une obligation d’entretien envers des enfants jusqu’à 18 ans révolus, des enfants en incapacité de gain jusqu’à 20 ans révolus ou des enfants en formation jusqu’à 25 ans révolus ? ». Le formulaire précisait qu’en cas de réponse positive, l’assurée devait remplir le formulaire « obligation d’entretien envers des enfants ».

Dans le formulaire « Obligation d’entretien envers des enfants », l’assurée a indiqué, le même jour, sous la rubrique « Supplément pour les allocations familiales » (ci-après : supplément AF), « oui » à la question 2 : « Percevez-vous actuellement un revenu d’une activité indépendante ou dépendante supérieur CHF 587.- par mois ? ». Le formulaire précisait qu’en cas de réponse affirmative à cette question, elle devait faire valoir son droit aux allocations familiales auprès de son employeur ou de la caisse de compensation familiale compétente.

L’assurée a ensuite répondu « oui » à la question 3 : « Est-ce qu’une autre personne (p. ex. un autre parent) a droit aux allocations familiales ? C’est toujours le cas lorsque cette personne obtient un revenu minimum de CHF 587.- par mois ».

Elle a ensuite coché une case indiquant « non », à la question 4 : « Faites-vous valoir le droit aux allocations familiales auprès de l’assurance-chômage ? Ce droit n’existe que si vous avez répondu "non" aux questions 2 et 3 ».

d. Le 5 octobre 2021, la caisse a communiqué à l’assurée des informations importantes concernant l’indemnisation et le formulaire « Indication de la personne assurée » (ci-après « IPA »), qui devait lui être transmis dans le délai de trois mois suivant la période de contrôle à laquelle il se rapportait sous peine de péremption. Il lui était notamment indiqué comment remplir le formulaire « IPA » et notamment la rubrique « Allocations familiales ».

e. Le 19 août 2022, l’OCE a informé l’assurée que son dossier en qualité de demandeur d’emploi avait été annulé le 13 juillet 2022.

f. Le 24 mai 2023, l’assurée a demandé à la caisse, par le biais du formulaire « Obligation d’entretien envers les enfants », le versement du supplément AF pour ses enfants pour les mois d’août 2021 à juillet 2022, faisant valoir qu’elle ne percevait pas actuellement un revenu d’une activité lucrative supérieur à CHF 597.- par mois et qu’il n’y avait pas d’autre personne qui avait droit aux allocations familiales.

g. Par décision du 1er juin 2023, la caisse a refusé le versement rétroactif du supplément AF, au motif que la demande de l’assurée était tardive. Par analogie aux principes légaux et jurisprudentiels relatifs à l’exercice du droit à l’indemnité, le droit au supplément AF s’éteignait s’il n’était pas exercé dans les trois mois suivant la fin de la période de contrôle à laquelle il se rapportait. En l’occurrence, la demande de supplément AF pour la période du 2 août 2021 au 12 juillet 2022 avait été déposée le 24 mai 2023, soit plus de trois mois après sa demande d’indemnité. La caisse indiquait, dans l’exposé des faits, que l’assurée avait déclaré sur sa demande d’indemnité avoir deux enfants à charge pour lesquels elle percevait un supplément AF et qu’elle voulait faire valoir auprès de l’assurance-chômage en complétant le formulaire « Obligation d’entretien envers les enfants ».

h. Le 21 juin 2023, l’ex-mari de l’assurée a informé la caisse que celle-ci était au courant qu’il travaillait, mais pas que son travail n’était pas déclaré, raison pour laquelle il n’avait jamais fait de demande d’allocations. Son épouse avait toujours cotisé et elle était en droit de percevoir les allocations de leurs enfants communs.

i. Par décision sur opposition du 21 septembre 2023, la caisse a rejeté l’opposition de l’assurée, en reprenant la motivation de sa première décision.

B. a. Le 20 octobre 2023, l’assurée et son ex-mari ont formé recours contre la décision sur opposition du 21 septembre 2023. La recourante avait mentionné dans sa demande d’indemnité à l’intimée qu’elle voulait faire valoir le supplément d’AF. Le père de ses enfants était alors indépendant. Il avait été victime d’un grave accident le 12 avril 2022. Le couple avait été considérablement accaparé par les conséquences de cet accident. La recourante s’était ensuite retrouvée elle-même en arrêt maladie et avait bénéficié des prestations cantonales en cas de maladie. La caisse cantonale d’allocations familiales lui avait versé les allocations familiales et l’avait renseignée lors qu’elle avait demandé pourquoi elle n’avait pas touché les allocations précédemment en l’invitant à déposer une demande rétroactive à l’intimée. Comme son ex-époux avait besoin d’assistance, la recourante avait décidé de cohabiter avec lui. Selon la jurisprudence, lorsqu’un assuré avait expressément demandé le supplément AF dans sa demande d’indemnité initiale, comme c’était le cas en l’espèce, la caisse devait rendre une décision à ce sujet et ne pouvait se contenter de ne pas verser le supplément et de se prévaloir ensuite du fait que les décomptes d’indemnité valaient décisions (ATAS /56/2009 du 22 janvier 2009 et ATAS/658/2011 et du 28 juin 2011).

Il y avait lieu de considérer que la recourante avait valablement et en temps utile déposé une demande de supplément AF dans sa demande d’indemnité du 2 août 2021. En outre, elle remplissait les conditions de fond pour son octroi. En conséquence, l’intimée devait être condamnée au versement rétroactif du supplément AF la période du 2 août 2021 au 12 juillet 2022, avec suite de dépens.

b. Dans sa réponse du 1er décembre 2023, l’intimée a contesté la qualité de partie de l’ex-époux de la recourante, dans la mesure où seule cette dernière était concernée par la décision du 1er juin 2023. Par conséquent, il fallait tout au plus le considérer comme le représentant de son ex-épouse. Sur le fond, la recourante n’avait apporté aucun élément nouveau lui permettant de revoir sa position. Elle n’avait pas demandé le supplément AF dans le délai requis, mais seulement le 24 mai 2023 pour la période du 1er août 2021 au 31 juillet 2022, soit 21 mois après la naissance du droit à celui-ci. Le fait que son ex-époux avait eu un grave accident le 12 avril 2022, ce qui avait entraîné des problèmes pénaux, administratifs et financiers, ne justifiait pas le retard dans les démarches de la recourante en vue du paiement du supplément AF plus d’un an après. En outre, si les ex-époux avaient des problèmes financiers et que la recourante avait décidé de retourner cohabiter avec son ex-époux, afin notamment de lui permettre de voir régulièrement ses enfants, on peinait à comprendre pourquoi la question du supplément AF n’avait pas été réglée plus tôt, car cela aurait consisté une aide précieuse.

Les décisions de l’intimée mentionnaient accidentellement que la recourante avait requis le supplément litigieux dans sa demande d’indemnité. Il fallait comprendre par là uniquement qu’elle avait déclaré avoir une obligation d’entretien envers des enfants et rempli le formulaire « obligation d’entretien envers des enfants » nécessaire au calcul du nombre d’indemnités de chômage, du délai d’attente et du taux d’indemnisation. Elle avait indiqué qu’un autre parent était en droit de percevoir les allocations familiales et qu’elle ne faisait pas valoir son droit auprès de l’assurance-chômage, déclarations auxquelles l’intimée s’était conformé. Il ne fallait pas perdre de vue que l’assurance-chômage versait le complément pour autant qu’aucun autre ayant droit ne puisse faire valoir un droit auprès d’une autre institution. Dans le cas d’espèce, il ressortait des déclarations de l’ex-mari de la recourante qu’il exerçait une activité lucrative indépendante non-déclarée jusqu’au jour de son accident. C’était donc à lui de faire valoir les allocations litigieuses.

L’art. 24 LPGA prescrivait que le droit à des prestations ou à des cotisations arriérées s’éteignait cinq ans après la fin du mois pour lequel la prestation était due et cinq ans après la fin de l’année civile pour laquelle la cotisation devait être payée. Il était dès lors encore possible pour le père des enfants de la recourante de percevoir les allocations familiales via la caisse de compensation compétente pour la période litigieuse. En conséquence, le droit au supplément AF de la recourante devait lui être nié.

c. Le 9 février 2024, la recourante a fait valoir qu’elle avait indiqué lors de son inscription à l’OCE, le 16 juillet 2021, qu’elle était séparée de son mari. Pour cette raison, ils ne se tenaient plus informés en détail de l’évolution de leur situation professionnelle ou personnelle. Par ailleurs, elle avait indiqué, sur sa demande d’indemnité de chômage du 2 août 2021, avoir des enfants à charge, ce qui lui permettait de faire valoir le supplément AF auprès de l’assurance-chômage. Elle avait complété le formulaire idoine et indiqué, par erreur, que l’autre parent exerçait une activité pour laquelle il obtenait un revenu égal ou supérieur à CHF 597.-. L’intimée avait relevé dans sa réponse que la recourante n’avait pas demandé le supplément AF, puisqu’elle avait déclaré, dans le formulaire d’inscription, qu’un autre parent était en droit de percevoir les allocations familiales. L’intimée aurait dû procéder à une vérification auprès de la recourante ou de son ex-époux pour déterminer si les allocations familiales étaient effectivement déjà perçues par celui-ci, conformément à son devoir de renseigner et conseiller. En effet, une simple recherche dans le registre des allocations familiales, qui permettait d’éviter que plusieurs allocations familiales soient touchées pour un même enfant, aurait éclairci la situation.

Par ailleurs, alors que le dossier était toujours en cours d’instruction, il ressortait du formulaire « IPA » rempli par la recourante en août 2021, que celle-ci avait coché « non » à la question : « est-ce qu’une autre personne a droit à des allocations pour enfant et/ou à des allocations de formation ? ». La caisse aurait dès lors dû, une nouvelle fois, informer la recourante sur ses droits et obligations, conformément à son devoir de renseigner et conseiller. Si elle ne le faisait pas, c’était qu’elle considérait que c’était une renonciation de l’assurée à des prestations qui lui étaient dues au sens de l’art. 23 LPGA. Quand l’assureur recevait la déclaration écrite de renonciation, il devait vérifier que toutes les conditions posées par cette disposition étaient remplies, en requérant le cas échéant la collaboration de l’ayant droit sur la base de l’art. 28 al. 2 LPGA. Si tel était le cas, il devait adresser à l’ayant droit une conformation écrite de la renonciation en mentionnant l’objet, l’étendue et les conséquences de la renonciation afin que celui-ci soit informé clairement de la portée de son acte (CR-LPGA-PETREMAND, art. 23 N 34). En l’espèce, il était donc établi, dès le mois d’août 2021, que l’autre parent, à savoir son ex-conjoint, ne bénéficiait pas des allocations familiales.

La recourante s’était par la suite retrouvée en arrêt maladie et avait bénéficié de prestations cantonales en cas de maladie (ci-après : PCM). Ce n’était que lorsqu’elle avait été renseignée par la caisse cantonale d’allocations familiales qu’elle avait réalisé ne pas avoir perçu le supplément pour la période courant du 2 août 2021 au 12 juillet 2022. L’assurance-chômage versait le supplément AF pour autant qu’aucun autre ayant droit ne puisse faire valoir un droit auprès d’une autre institution. La situation professionnelle de l’ex-mari de la recourante ne lui permettait pas de faire valoir un droit aux allocations familiales, raison pour laquelle il avait toujours laissé le soin à son ex-femme de les recevoir. Il résultait de cela que le supplément AF était effectivement dû pour les enfants de la recourante.

d. Le 4 mars 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions. Le formulaire « obligation d’entretien envers des enfants » du 2 août 2021 ne laissait place à aucune interprétation, dès lors que la recourante y déclarait qu’une autre personne avait droit aux allocations familiales et qu’elle ne les faisait pas valoir auprès de l’intimée. Contrairement à ce que la recourante affirmait dans son écriture du 9 février 2024, elle n’avait pas indiqué par erreur que l’autre parent exerçait une activité. En effet, elle savait que cette personne travaillait, comme cela ressortait du courrier adressé le 21 juin 2023 par l’ex-époux de la recourante à l’intimée. Cette dernière n’avait aucune raison d’instruire une question à laquelle la recourante avait clairement répondu.

e. Le 12 juin 2024, la chambre de céans a entendu les parties et un gestionnaire de l’intimée chargé du traitement des formulaires « IPA » et du paiement des indemnités aux assurés.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0). Elle connaît également, conformément à l'art. 134 al. 3 let. b LOJ, des contestations prévues à l'art. 49 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) en matière de prestations cantonales complémentaires de chômage.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 La décision querellée a trait aux prestations cantonales complémentaires de chômage prévues par la LMC. Cette dernière ne contenant aucune norme de renvoi, la LPGA n’est pas applicable (cf. art. 1 et 2 LPGA).

Interjeté dans les forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 49 al. 3 LMC et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

1.3 Selon l’art. 60 al. 1 let. a LPC, ont qualité pour recourir, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée.

En l’occurrence, la question de savoir si l’ex-époux de la recourante pouvait recourir en son nom peut rester ouverte, dès lors que cette dernière le pouvait, étant principalement touchée par la décision de l’intimée en sa qualité de bénéficiaire des prestations de celle-ci.

1.4 Dans cette mesure, le recours est recevable.

2.              

2.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, s’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2).

Selon l’art. 22 al. 1 LACI, l'indemnité journalière pleine et entière s'élève à 80% du gain assuré. L'assuré perçoit en outre un supplément qui correspond au montant, calculé par jour, de l'allocation pour enfant et l'allocation de formation professionnelle légales auxquelles il aurait droit s'il avait un emploi. Ce supplément n'est versé qu'aux conditions suivantes : les allocations ne sont pas versées à l'assuré durant la période de chômage (let. a); aucune personne exerçant une activité lucrative ne peut faire valoir de droit aux allocations pour ce même enfant (let. b).

Selon l’art. 20 al. 3 LACI, droit du chômeur à l’indemnité de chômage s’éteint s’il n’est pas exercé dans les trois mois suivant la fin de la période de contrôle à laquelle il se rapporte. Les indemnités qui n’ont pas été perçues sont périmées trois ans après la fin de ladite période.

Le délai de trois mois de l’art. 20 al. 3 LACI s'applique au supplément correspondant aux allocations familiales, quand bien même il ne s'agit pas d'une prestation relevant de l'assurance-chômage mais de la législation relative aux allocations familiales (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 140/00 du 7 août 2002 consid. 1 et ss).

Le délai prévu par l'art. 20 al. 3 LACI est un délai de péremption, dont l'inobservation entraîne l'extinction du droit à l'indemnité pour la période de contrôle concernée. Il ne peut être ni prolongé ni interrompu, mais il peut faire l'objet d'une restitution, s'il existe une excuse valable pour justifier le retard (ATF 117 V 244 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 2.1).

Une restitution de délai peut être accordée, de manière exceptionnelle, à condition que le requérant ou son mandataire ait été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé (art. 41 al. 1 LPGA) et pour autant qu’une demande de restitution motivée, indiquant la nature de l’empêchement, soit présentée dans les 30 jours à compter de celui où il a cessé et que l'acte omis ait été accompli dans le même délai (ATF 119 II 87 consid. 2a ; 112 V 256 consid. 2a). Par empêchement non fautif, il faut entendre aussi bien l'impossibilité objective ou la force majeure, que l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou une erreur excusable. Ces circonstances doivent être appréciées objectivement : est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur – respectivement un mandataire – consciencieux d’agir dans le délai fixé. Un accident ou une maladie peut constituer, selon les circonstances, une cause légitime de restitution du délai au sens des dispositions précitées (ATF 108 V 109 consid. 2c). En revanche, l’ignorance du droit n’est en principe pas une excuse valable pour se voir accorder une restitution de délai (RCC 1968 586 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 63/01 du 15 juin 2001 consid. 2).

Chaque mois civil constitue une période de contrôle (art. 27a de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02). Selon l’art. 29 OACI, l’assuré exerce son droit, notamment, en remettant l’extrait du fichier « Données de contrôle » ou la formule « IPA » (al. 1 let. d et al. 2 let. a). L'al. 3 prévoit qu'au besoin, la caisse impartit à l'assuré un délai convenable pour compléter les documents et le rend attentif aux conséquences d'une négligence. Ce délai ne peut et ne doit être accordé que pour compléter les premiers documents et non pour pallier à leur absence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 2.2). Ces exigences ont pour but de permettre à la caisse de se prononcer suffisamment tôt sur le bien-fondé d’une demande d’indemnisation, afin de prévenir d’éventuels abus, en disposant des éléments essentiels qui lui sont nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 189/04 du 28 novembre 2005). L’art. 20 al. 3 LACI manquerait son but s’il suffisait, pour que soit respecté le délai de trois mois, que l’assuré ait réclamé, sans autres justificatifs, le paiement de l’indemnité prétendue. Au demeurant, un délai de trois mois apparaît suffisamment long pour que l’on puisse raisonnablement exiger de l’intéressé qu’il adresse à la caisse, en temps utile, les pièces nécessaires à l’exercice de son droit (ATF 113 V 66 consid. 1b).

Le bulletin LACI précise au chiffre C192, que le délai de péremption, qui ne peut être restitué que pour de justes motifs, notamment, dans certaines circonstances où l’assuré ne peut exercer son droit dans les délais parce qu’il est tombé gravement malade ou est dans l’impossibilité d’agir suite à un accident. Par contre, une méconnaissance de la loi ne fonde pas une restitution du délai. La demande de restitution du délai, avec exposé des motifs et moyens de preuve, doit être déposée dans les dix jours qui suivent la fin de l’empêchement en même temps que la demande d’indemnité. Si l’assuré a omis de demander le supplément correspondant au montant des allocations légales pour enfant et formation professionnelle lorsqu’il s’est inscrit au chômage ou lors des contrôles mensuels, il perd le droit à ce supplément après trois mois, même s’il a présenté sa demande d’indemnité dans le délai requis.

2.2 Le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3).

Il s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique (SVR 2007 KV n° 14 p. 53 et la référence). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration. Aucun devoir de renseignement ou de conseil au sens de l'art. 27 LPGA n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_557/2010 consid. 4.1).

L’obligation de conseiller n’est pas illimitée. On ne peut pas exiger de l’assureur qu’il fasse preuve d’une attention plus importante que celle qu’on peut exiger de manière générale. Les personnes intéressées ne peuvent pas prétendre devoir être renseignées sur toute hypothèse théorique qui leur permettrait éventuellement de pouvoir bénéficier de prestations. Le Tribunal fédéral a jugé que les personnes doivent solliciter les renseignements nécessaires lorsqu’ils peuvent raisonnablement penser qu’ils s’apprêtent à mettre leurs droits en péril. Les assurés sont censés se souvenir des renseignements déjà obtenus (CR-LPGA- LONGCHAMP, art. 27 N. 28).

3.              

3.1 En l’espèce, la demande de versement du supplément AF a été formée par la recourante le 24 mai 2023 pour les mois août 2021 à juillet 2022, soit après le délai de péremption de trois mois prévu par l’art. 20 al. 3 LACI, qui s’applique également pour ces demandes, selon la jurisprudence précitée. Cela entraîne l'extinction de son droit à ce supplément pour la période en cause, sauf si cette prestation doit lui être octroyée en vertu du principe de la bonne foi ou s’il existe une excuse valable justifiant le retard.

La jurisprudence invoquée par la recourante (ATAS/56/2009 du 22 janvier 2009 et ATAS/658/2011 et du 28 juin 2011) n’est pas applicable au cas d’espèce, puisqu’elle concerne des cas dans lesquels l’assuré avait expressément demandé le supplément correspondant aux allocations familiales, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence. La recourante a en effet indiqué clairement dans le formulaire « Obligation d’entretien envers des enfants » du 2 août 2021 qu’une autre personne avait droit aux allocations familiales et qu’elle ne faisait pas faire valoir le droit aux allocations familiales auprès de l’assurance-chômage.

Le fait que les décisions de l’intimée aient par erreur mentionné que la recourante avait déclaré dans sa demande d’indemnité vouloir faire valoir le droit au supplément AF n’est pas déterminant, seul l’est ce qui ressort des pièces signées par la recourante.

Cette dernière a expliqué lors de l’audience devant la chambre de céans avoir indiqué qu’elle ne demandait pas le supplément AF, en raison du libellé des questions du formulaire « Obligation d’entretien envers des enfants ». Dans la mesure où il était indiqué à la question 4 que le droit aux allocations familiales n’existait que si elle avait répondu « non » aux questions 2 et 3, elle ne pouvait que répondre qu’elle ne demandait pas ce supplément.

Il résulte toutefois de ses déclarations à la chambre de céans que la recourante était très au clair sur le fait que son époux ne touchait pas les allocations familiales et qu’il ne le pouvait pas et qu’elle a toujours pensé qu’elle avait droit au supplément AF. Dès la réception du premier décompte l’intmée, elle s’est rendue compte du fait qu’elle ne l’avait pas touché et s’en est ouverte à son conseiller de l’office régional de placement (ci-après ORP), qui lui aurait dit que cela pouvait arriver au début et qu'il pouvait y avoir du retard en raison de la période estivale. Elle a également réagi suite à la réception du deuxième décompte de l’intimée qui ne mentionnait pas le supplément AF et en a parlé à son conseiller, qui lui a dit de voir avec l’intimée. La recourante a fait valoir qu’elle n’avait pas réussi à contacter l’intimée et que son numéro de téléphone ne figurait pas sur son site, ni sur les décomptes. Par le biais du site de la caisse, elle avait été redirigée vers un conseiller de l'ORP, qui l’avait redirigée vers l’intimée. Elle s’était retrouvée contre un mur. Bien plus tard, le service des PCM lui avait finalement expliqué la situation et dit comment faire pour s’adresser à l’intimée.

Le représentant de cette dernière a relevé que les premiers décomptes pour août et septembre avaient été adressés à la recourante en octobre et pas en période estivale, et que le 12 août 2021, l’intimée lui avait adressé une demande documents, qui mentionnait un lien pour le guichet en ligne et l’adresse du guichet physique.

La chambre de céans constate que les décomptes figurant au dossier indiquaient à la recourante que si elle n’était pas d’accord avec ceux-ci elle devait le signifier par écrit dans les 90 jours afin qu’une décision soit rendue et qu’à défaut les décomptes entreraient en force. Certes, ces décomptes ne précisent pas qu’ils émanent de l’intimée et il ne ressort pas des pièces au dossier que l’adresse de cette dernière était mentionnée avec l’envoi des décomptes. Cela étant, si la recourante avait réagi par écrit, comme cela lui était clairement signifié, elle aurait pu prouver avoir agi en temps utile, même si elle n’avait pas utilisé la bonne adresse. Les déclarations de son conseiller à l’ORP n’étaient pas erronées, dès lors qu’il l’a informée en temps utile qu’elle devait s’adresser à l’intimée. La recourante ne s’est pas trouvée dans une situation où elle ignorait son droit. Quoi qu’elle en dise, il ne paraît pas vraisemblable qu’elle n’ait pas pu trouver les coordonnées de l’intimée. Une simple recherche sur internet lui aurait en effet permis d’avoir un courriel ainsi que l’adresse du guichet de l’intimée. Il en résulte que la recourante ne peut se voir appliquer la jurisprudence relative au principe de la bonne foi, qui justifierait qu’elle se voie octroyer le droit aux suppléments AF demandés tardivement.

La recourante n’a enfin pas invoqué de circonstances justifiant la demande tardive du versement du supplément d’allocations familiales, étant relevé que l’accident de son ex-époux et sa période de maladie sont intervenus bien après l’inscription de la recourante au chômage et que sa maladie ne l’empêchait pas de contester les décomptes.

Au vu ce qui précède, la décision querellée doit être confirmée.

4.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Au fond :

1.        Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’état à l’économie par le greffe le