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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2401/2023

ATAS/535/2024 du 27.06.2024 ( PC ) , PARTIEL. ADMIS/RENV

*** ARRET DE PRINCIPE ***
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2401/2023 ATAS/535/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 juin 2024

 

En la cause

A______

représentée par Monsieur Heinz GÖEHRY, mandataire

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1967, s’est vu reconnaître le droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2012 par décision de l’assurance-invalidité du 25 juillet 2018.

b. Le 3 août 2018, l’assurée a requis le versement de prestations complémentaires auprès du Service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC).

c. Par décision du 30 novembre 2018, le SPC lui a reconnu le droit à des prestations complémentaires fédérales et cantonales dès le 1er janvier 2012.

Le montant dû rétroactivement pour la période courant jusqu’au 30 novembre 2018 s’élevait à CHF 137'612.-, dont CHF 33'446.50 revenaient à l’Hospice général, le solde de CHF 103'679.50 étant versé à l’assurée.

Dès le 1er décembre 2018, le droit aux prestations complémentaires était calculé en tenant notamment compte, à titre de fortune, d’une épargne de CHF 103'682.05, d’un capital de la prévoyance professionnelle de CHF 13'434.85 et du produit de ces éléments de fortune.

d. Selon l’extrait de compte postal de l’assurée, celle-ci a retiré un montant de CHF 80'000.- le 13 décembre 2018.

B. a. Le 1er décembre 2021, le SPC a informé l’assurée que l’ancien droit restait applicable dans son cas, dès lors que les dispositions légales entrées en vigueur le 1er janvier précédent auraient conduit à la suppression des prestations complémentaires.

b. Par décision du 6 décembre 2022, le SPC a calculé le montant des prestations complémentaires dès le 1er janvier 2023, en tenant compte de l’épargne et du capital de la prévoyance professionnelle déjà pris en considération dans ses précédentes décisions.

c. Par courrier du 27 décembre 2022, l’assurée a exposé au SPC qu’elle ne disposait plus de la fortune et du capital de la prévoyance professionnelle qui lui étaient imputés. L’essentiel du montant rétroactif des prestations complémentaires avait été utilisé pour régler certains frais courants, dont les primes et son loyer de CHF 1'800.-, qui n’était pas intégralement couvert. Elle avait également remboursé les montants qu’elle devait à ses proches et ferait parvenir au SPC les reconnaissances de dettes établies. Elle avait aussi acquis une voiture et du matériel informatique. à l’appui de ses dires, elle produisait un contrat, non daté, concernant un véhicule acquis pour CHF 8'900.-, et une quittance d’achat de CHF 2'985.75 pour du matériel informatique.

d. Par décision du 6 janvier 2023, le SPC a repris le calcul des prestations complémentaires dès le 1er février 2023 en tenant à nouveau compte de l’épargne de CHF 103'682.05 et du capital de la prévoyance professionnelle de CHF 13'434.85 à titre de fortune.

e. Le 27 janvier 2023, l’assurée s’est opposée à cette décision en répétant qu’elle ne disposait plus de cette fortune, qui avait servi à rembourser sa famille. Elle se référait à un avis de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), dont elle avait sollicité l’avis sur la question, et invitait le SPC à reprendre le calcul de ses prestations dès décembre 2018.

f. Par décision du 20 juin 2023, le SPC a partiellement admis les oppositions de l’assurée à ses décisions des 6 décembre 2022 et 6 janvier 2023.

L’Hospice général avait assisté l’assurée financièrement. Partant, en l’absence de justificatifs concernant les dettes alléguées, il fallait considérer que l’intéressée s’était dessaisie de CHF 80'000.- au 31 décembre 2018. Cela étant, compte tenu de l’amortissement, il n’y avait lieu de tenir compte que d’une valeur de CHF 40'000.- dès le 1er janvier 2023 à titre de bien dessaisi. Les nouveaux plans de calcul révélaient un montant rétroactif de CHF 2'310.- en faveur de l’assurée.

Le même jour, le SPC a rendu une seconde décision, aux termes de laquelle il refusait d’entrer en matière sur la demande de reconsidération de ses décisions antérieures portant sur le droit aux prestations complémentaires depuis décembre 2018.

C. a. Le 19 juillet 2023, l’assurée a interjeté recours contre ces décisions auprès de la Cour de céans.

La recourante soutient qu’un versement rétroactif de prestations complémentaires ne doit pas être pris en compte lorsqu’il a servi à rembourser des dettes. Elle explique que, de 2010 à novembre 2018, sa sœur, son frère et son ami l’ont soutenue à hauteur de 250.- CHF/mois chacun pour compléter l’assistance insuffisante de l’Hospice général. Ces prêts n’ont pas fait l’objet de quittances. Le montant de CHF 80'000.- retiré en décembre 2018 lui a permis de les rembourser.

La recourante a produit à l’appui de sa position un document non daté, sur papier libre, dont elle affirme qu’il s’agit d’un courrier de l’OFAS et dont il ressort en substance que la prise en compte de la fortune telle que décrite par la recourante n’est pas correcte.

b. Invité à se déterminer, l’intimé a conclu à l’irrecevabilité du recours dirigé contre la décision refusant la reconsidération du droit aux prestations dès décembre 2018 et à son rejet en tant qu’il porte sur sa décision sur opposition du 20 juin 2023.

c. Par écriture du 15 septembre 2023, la recourante a soutenu que les prestations complémentaires pour les années 2021 et 2022 ne seraient pas conformes au nouveau droit. Elle estime qu’elle aurait dû recevoir CHF 23'232.- de plus durant ces années, dès lors que sa fortune n’atteignait pas le seuil de CHF 100'000.-. La non-prise en compte de la fortune de décembre 2018 à décembre 2020 représenterait un reliquat en sa faveur de CHF 16'615.-.

Pour le surplus, la recourante a produit des confirmations de débit des montants que son frère, Monsieur B______, lui a versés dès janvier 2021.

d. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 21 septembre 2023.

L’intimé a exposé les modalités de calcul applicables selon lui en cas de versement rétroactif de prestations complémentaires.

La recourante a indiqué pour sa part n’avoir aucun justificatif des dettes alléguées, parce que l’argent a été remis de main à main.

Elle a précisé que son recours est dirigé tant contre la décision sur opposition du 20 juin 2023 que contre la décision de refus de reconsidération.

Pour le surplus, elle a produit les courriels échangés en allemand avec l’OFAS, dans lesquels cet office indique avoir exposé au SPC qu’un montant rétroactif de prestations complémentaires ne doit pas être pris en compte à titre de fortune, et qu’à tout le moins, ce montant doit être traité comme un bien dessaisi et amorti chaque année.

e. L’intimé s’est déterminé le 9 octobre 2023.

Il considère avoir à juste titre tenu compte des arriérés de prestations à titre de fortune.

Par ailleurs, il constate qu’aucun justificatif n’a été produit pour justifier le retrait de CHF 80'000.- et l’affectation de cette somme au remboursement de dettes.

f. Par écriture du 18 octobre 2023, la recourante a répété qu’elle a utilisé le rétroactif pour régler ses dettes. Son ami, son frère et sa sœur peuvent en témoigner sur l’honneur.

g. Interrogé par la Cour de céans sur les renseignements donnés à la recourante, l’OFAS a répondu, en date du 8 novembre 2023, qu’en cas de prise en compte à titre de fortune d’un versement rétroactif, celui-ci « risquait d’être aussitôt repris à l’ayant droit ». Il indique avoir adapté ses directives pour l’année suivante et a produit la modification destinée à être intégrée le 1er janvier 2024.

L’OFAS a également produit le courrier qu’il a adressé en date du 3 mai 2023 à l’intimé, dans lequel il émet l’avis que les prestations complémentaires allouées rétroactivement ne peuvent être considérées comme une fortune, car cela viderait de son sens le versement rétroactif.

h. Le 24 novembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

i. Le 29 novembre 2023, l’intimé a fait de même, arguant que l’origine des valeurs patrimoniales n’a aucune incidence sur leur prise en compte et qu’en outre, la recourante n’a pas apporté la preuve de la manière dont les CHF 80'000.- retirés ont été dépensés.

j. à la demande de la Cour de céans, l’intimé a produit en date du 21 mai 2024 la décision d’octroi de rente de l’assurance-invalidité, la demande de prestations complémentaires déposée par la recourante, ainsi que la décision initiale d’octroi des prestations complémentaires du 30 novembre 2018.

k. Le 28 mai 2024, la recourante a répété que le calcul de l’intimé est erroné depuis décembre 2018.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La novelle du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dans la mesure où le recours n’était pas pendant à cette date, il est soumis au nouveau droit (art. 82a LPGA).

3.             S’agissant de la recevabilité des recours, la Cour de céans retient ce qui suit.

3.1 En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l'assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

S'agissant des prestations complémentaires cantonales, l'art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

3.2 Un recours unique a été interjeté contre les deux décisions émises par l’intimé le 20 juin 2023, portant respectivement sur le refus de reconsidérer ses décisions entrées en force fixant le montant des prestations complémentaires depuis décembre 2018, d’une part, sur le droit aux prestations complémentaires dès janvier 2023, d’autre part.

3.2.1 Selon l’art. 53 al. 2 LPGA, l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable.

La reconsidération d'une décision manifestement erronée au sens de l'art. 53 al. 2 LPGA relève d'une simple faculté de l'administration, et ni l'assuré ni le juge ne peuvent l'y contraindre (ATF 117 V 8 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_447/2007 du 10 juillet 2008 consid. 1). On précisera que même si l’on admet que la non-entrée en matière sur une demande de reconsidération constitue une décision, la procédure d’opposition n’est pas ouverte (ATF 133 V 50 consid. 4.2.1 et 4.2.2). Compte tenu du fait que la reconsidération est laissée à l’appréciation de l’administration, le juge ne saurait entrer en matière sur un refus de l’administration d’y procéder. Un recours contre une décision refusant d’entrer en matière sur une demande de reconsidération de l'assuré est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_680/2023 du 1er mai 2024 consid. 4.3 et les références).

3.2.2 Compte tenu de ce qui précède, le recours est irrecevable en tant qu’il tend à l’annulation de la décision du 20 juin 2023 refusant la reconsidération des décisions portant sur la période du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2022.

Il est en revanche recevable en tant qu’il porte sur le droit aux prestations complémentaires dès le 1er janvier 2023, dès lors qu’il a été déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA).

4.             Le litige porte sur le montant des prestations complémentaires dès le 1er janvier 2023, en particulier sur le point de savoir s’il y a lieu d’intégrer dans le calcul desdites prestations, à titre de fortune, le montant des arriérés versés pour la période de 2012 à novembre 2018, respectivement, de tenir compte d’un dessaisissement de ce montant.

5.             La Cour de céans rappelle ce qui suit au sujet de l’établissement du droit aux prestations complémentaires.

5.1 La réforme du droit aux prestations complémentaires faisant l’objet de la modification légale du 22 mars 2019 (Réforme des PC) est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Cette novelle a introduit un seuil de fortune à l’art. 9a al. 1 LPC, qui dispose que les personnes seules dont la fortune est inférieure à CHF 100'000.- ont droit à des prestations complémentaires. Selon l’alinéa premier des dispositions transitoires relatives à la réforme des PC, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1).

5.2 La circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des prestations complémentaires (C-R PC), édictée par l’OFAS et valable dès le 1er janvier 2021, dispose qu’afin de déterminer si l’ancien ou le nouveau droit est plus favorable aux cas en cours au 1er janvier 2021, il faut dresser une comparaison en établissant un calcul selon l’ancien droit et un autre selon le nouveau droit. Un calcul comparatif doit être établi pour les cas où des prestations complémentaires sont versées le 31 décembre 2020 et continueront vraisemblablement d’être versées après le 1er janvier 2021, ou lorsque des prestations complémentaires sont octroyées après l’entrée en vigueur de la réforme des PC avec effet rétroactif au mois de décembre 2020 ou à une date antérieure. Pour les cas où la fortune au 1er janvier 2021 dépasse le seuil prévu à l’art. 9a al. 1 LPC, il n’est pas nécessaire d’établir un calcul comparatif, car les conditions d’octroi des prestations complémentaires ne seraient plus remplies dans le nouveau droit. Dans cette situation, il faut continuer de calculer les prestations complémentaires conformément à l’ancien droit (chiffres 2101 à 2103).

5.3 Selon la LPC dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions (personnelles) prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Y ont ainsi droit, notamment, les personnes qui bénéficient d’une rente de l’assurance-invalidité (cf. art. 4 al. 1 let. c LPC).

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L'art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

Au niveau fédéral, les revenus déterminants comprennent notamment un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 37'500.- pour les personnes seules (art. 11 al. 1 let. c LPC) et les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

5.4 Depuis le 1er janvier 2021, l’art. 9a al. 1 let. a LPC subordonne le droit des personnes seules aux prestations complémentaires à la condition que leur fortune soit inférieure à CHF 100'000.-. L’art. 11 al. 1 let. c LPC a également été modifié, en ce sens que les revenus déterminants comprennent un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 30'000.-  pour les personnes seules.

L’art. 11a al. 2 LPC prévoit désormais que les autres revenus, parts de fortune et droits légaux ou contractuels auxquels l’ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s’il n’y avait pas renoncé. Selon l’al. 3 de cette disposition, un dessaisissement de fortune est également pris en compte si, à partir de la naissance d’un droit à une rente de survivant de l’AVS ou à une rente de l’AI, plus de 10% de la fortune est dépensée par année sans qu’un motif important ne le justifie. Si la fortune est inférieure ou égale à CHF 100'000.-, la limite est de CHF 10'000.- par année. Le Conseil fédéral règle les modalités ; il définit en particulier la notion de « motif important ».

5.5 Au plan cantonal, l'art. 4 LPCC dispose qu'ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable.

L'art. 5 LPCC renvoie à la réglementation fédérale pour le calcul du revenu déterminant, sous réserve notamment de l'ajout des prestations complémentaires fédérales au revenu déterminant et de la prise en compte d’une part de fortune d’un huitième, respectivement d’un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, après déduction des franchises prévues par le droit fédéral.

Ces dispositions cantonales n’ont pas connu de modification en lien avec la réforme du droit fédéral aux prestations complémentaires. Dans un arrêt de principe, la Cour de céans a néanmoins retenu que le seuil de fortune déterminant pour l’octroi des prestations complémentaires fédérales en vigueur depuis le 1er janvier 2021 était également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales (ATAS/521/2023 du 29 juin 2023 consid. 12.5).

6.             Selon l’art. 12 LPC, le droit à une prestation complémentaire annuelle prend naissance le premier jour du mois au cours duquel la demande est déposée, pour autant que toutes les conditions légales soient remplies (al. 1). Le Conseil fédéral édicte des dispositions sur le paiement des arriérés de prestations ; il peut réduire la durée prévue à l’art. 24 al. 1 LPGA (al. 4).

Le Conseil fédéral a fait usage de cette délégation législative à l’art. 22 al. 1 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), qui prévoit que si la demande d’une prestation complémentaire annuelle est faite dans les six mois à compter de la notification d’une décision de rente de l’AVS ou de l’AI, le droit prend naissance le mois au cours duquel la formule de demande de rente a été déposée, mais au plus tôt dès le début du droit à la rente.

Le droit à des arriérés de prestations complémentaires est réglé de manière restrictive en raison du but de ces prestations, soit la couverture des besoins courants (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l’AI, ch. 7 p. 210 ad art. 12 LPC ; arrêt du Tribunal fédéral P 37/02 du 9 aout 2002 consid. 1.2).

7.             S’agissant des éléments à prendre en compte dans les revenus déterminants, on peut rappeler les principes suivants.

7.1 Tout élément patrimonial dont peut librement disposer le bénéficiaire doit être intégré dans la fortune déterminante (ATF 127 V 368 consid. 5a). Il faut ainsi tenir compte à titre de fortune les actifs que l'assuré a effectivement reçus et dont il peut disposer sans restriction (Erwin CARIGIET / Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 3ème éd. 2021, n. 581). L’origine de la fortune n’est pas déterminante pour sa prise en compte (Urs MÜLLER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 3ème éd. 2015, n. 352 ad art. 11 LPC). Cela a notamment pour conséquence que même la fortune constituée d’aliments fournis par des proches en vertu de l’art. 328 du Code civil suisse (CC – RS 210) - en tant que tels exclus des revenus déterminants par l’art. 11 al. 3 let. a LPC - est prise en considération lorsque l’assuré ne les a pas affectés à son entretien, mais les a déposés sur un compte d’épargne (RCC 1984/1 p. 47 consid. 2b). Il y a également lieu de prendre en considération une indemnité versée à la victime d'un accident de la circulation par une assurance ou une indemnité versée à titre de réparation morale. Le fait qu’un assuré doive d'abord puiser dans ses propres deniers avant que ses besoins courants ne soient pris en charge par les prestations complémentaires correspond à l'esprit de cette assurance (arrêt du Tribunal fédéral P 43/04 du 3 décembre 2004 consid. 3).

Il y a également lieu de tenir compte dans la fortune d’une épargne constituée par des prestations d’assurance incluant des prestations complémentaires économisées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_612/2012 du 28 novembre 2012 consid. 3.3).

7.2 Il  y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_422/2021 du 23 mars 2022 consid. 3.2).

Selon l’art. 17a al. OPC-AVS/AI dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2020, repris ensuite à l’art. 17e al. 1 OPC-AVS/AI, la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11 al. 1 let. g LPC) est réduite chaque année de CHF 10'000.-. Pour le calcul des prestations complémentaires, une fois déterminé le montant de la fortune dessaisie, cette valeur est reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (ch. 3483.06 des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI [DPC] dans leur version au 1er janvier 2018).

7.3 En ce qui concerne la prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires de prestations périodiques versées rétroactivement sous forme de capital, la Cour de céans relève ce qui suit.

7.3.1 Dans le cas d’une assurée percevant des prestations complémentaires, qui s’était par la suite vu reconnaître le droit rétroactif à une rente de la prévoyance professionnelle dès juillet 1991, le Tribunal fédéral a confirmé la reprise des calculs des prestations complémentaires en incluant ladite rente dès cette date, même si celle-ci n’avait été effectivement versée qu’en juillet 1992 (ATF 122 V 134 consid. 2f). La doctrine a commenté cet arrêt en soulignant que, lorsque des rentes, pensions et autres prestations périodiques sont versées sous forme de capital car elles sont allouées rétroactivement, la question se pose de savoir si ces prestations doivent être prises en compte à titre de fortune au sens de l’art. 11 al. 1 let. c LPC, ou de prestations périodiques au sens de l’art. 11 al. 1 let. d LPC. Dans ce dernier cas, il y a lieu de procéder à une révision du droit aux prestations complémentaires en tenant rétroactivement compte de ces prestations périodiques. Cette solution purement procédurale (rein verfahrensrechtliche Lösung), consacrée par le Tribunal fédéral dans l’ATF 122 V 134, n’est juste que si le capital rétroactif d’une rente d’invalidité n’est pas pris en compte et remplacé par la fiction que les rentes en réalité octroyées sous forme de capital ont été versées périodiquement dès le début du droit aux prestations (Ralph JÖHL / Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], vol. XIV, Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, n. 189).

7.3.2 La question de la prise en compte d’arriérés de prestations complémentaires dans le calcul de ces prestations a été soumise au tribunal des assurances de Bâle-Ville, qui a eu à examiner le cas d’une assurée qui avait bénéficié de l’aide sociale avant de recevoir des prestations complémentaires avec effet rétroactif. Le montant de CHF 32'955.60 qui lui avait été versé à ce titre avait été pris en compte à titre de fortune dans le calcul des prestations complémentaires pour la période courante, ce que l’assurée contestait. Les juges bâlois ont constaté que la durée de la procédure d’établissement du droit aux prestations complémentaires avait certes été relativement longue et que l’intéressée, durant ce laps de temps, avait dû se contenter d’un budget réduit aux versements de l’aide sociale. Ils ont également admis que si les prestations complémentaires avaient été versées en temps réel et non de manière rétroactive, aucune fortune n’aurait été imputée à l’assurée, dès lors qu’elle aurait affecté les prestations en question à la couverture de ses besoins courants. Cela étant, l’assurée n’avait pas pris de mesures pour accélérer la procédure et n’avait notamment pas interjeté recours pour déni de justice. De plus, la fortune résultant du paiement rétroactif des prestations complémentaires avait été prise en compte durant seulement 10 mois, au prorata d’un montant de CHF 583.- par année, le produit de la fortune retenu à titre de revenu ne s’élevant qu’à CHF 2.- Dans ces circonstances, il n’y avait pas lieu de s’écarter de la jurisprudence restrictive imposant de tenir compte de tout élément de fortune, quelle que soit son origine (arrêt du tribunal des assurances sociales du canton de Bâle-Ville du 22 octobre 2018 EL 2018.4 SVG.2018.288 consid. 8).

7.3.3 Les Directives de l’OFAS concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), dans leurs éditions valables dès le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2024, prévoient en leur chiffre 3451.03 qu’en cas de versements de rentes arriérées, le montant afférent à l’année civile pour laquelle une prestation complémentaire est payée est à prendre en compte dans l’année où intervient le paiement de l’arriéré. La somme des rentes se rapportant à une période antérieure – pour laquelle aucune prestation complémentaire n’est fixée – doit être, le cas échéant, prise en compte comme fortune, après déduction des dettes éventuelles que l’assuré aurait contractées pour subvenir à son entretien et à celui de sa famille.

La version allemande de ces directives a la teneur suivante : Bei Rentennachzahlungen ist im Jahre der Nachzahlung der auf das Kalenderjahr, für welches die Ergänzungsleistung ausgerichtet wird, entfallende Betrag anzurechnen. Die auf die vorangegangene Zeit – für welche keine Ergänzungsleistung festzusetzen ist – entfallende Rentensumme ist gegebenenfalls als Vermögen anzurechnen, wobei allfällige Verpflichtungen, die die versicherte Person eingehen musste, um ihren eigenen Unterhalt und denjenigen ihrer Familienangehörigen zu sichern, davon abzuziehen sind.

7.3.4 Les DPC dans leur version valable à compter du 1er janvier 2024 ont été modifiées. Le chiffre nouveau 3451.04 (introduit suite au cas soumis par la recourante, selon les explications de l’OFAS du 8 novembre 2023) prévoit que les paiements rétroactifs de prestations complémentaires ne doivent pas être pris en compte comme fortune. Un éventuel solde après la procédure de compensation avec des tiers ayant fait une avance (par exemple, l’aide sociale) et après le remboursement de dettes ne doit pas être pris en compte comme fortune pendant l’année en cours et au moins l’année suivante. Les dettes remboursées au moyen de ce montant n’ont pas à être justifiées auprès de l’organe d’exécution des prestations complémentaires.

7.3.5 C’est le lieu de rappeler que les directives de l’administration – ou ordonnances administratives – s’adressent aux autorités d’exécution et ne lient pas le juge des assurances sociales (ATF 133 V 587 consid. 6.1). Elles ne créent pas de nouvelle règle de droit et donnent le point de vue de l'administration sur l'application d'une disposition, et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Si le juge n’est pas lié par ces directives, il doit en tenir compte dans la mesure où elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (ATF 129 V 200 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral I 174/03 du 28 décembre 2004 consid. 4.4, cf. également arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2018 du 21 janvier 2020 consid. 6.1).

8.             En l’espèce, la Cour de céans est d’avis que la prise en compte des arriérés de prestations complémentaires dans la fortune déterminante et, par conséquent, d’un dessaisissement d’une partie de ce montant, n’est pas conforme au droit, pour les motifs suivants.

8.1 Les prestations complémentaires visent à garantir un minimum vital aux bénéficiaires de rentes de vieillesse ou d’invalidité, sans que ceux-ci ne doivent recourir à l’aide sociale, conformément à l’art. 112a al. 6 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst. – RS 101) (ATF 127 V 368 consid. 5a). Il convient de souligner que les besoins vitaux sont réputés couverts par les prestations complémentaires ajoutées aux revenus déterminants. Cela a pour conséquence qu’on ne saurait admettre une déduction de la fortune afin de combler un déficit résultant de dépenses liées à des besoins vitaux qui excéderaient le forfait (arrêt du Tribunal fédéral 9C_397/2013 du 15 octobre 2013 consid. 6.1). La fiction de la couverture des besoins vitaux par le forfait prévu à l’art. 10 al. 1 let. a LPC exclut également la prise en compte de variations des coûts de la vie dans le calcul des prestations (arrêt du tribunal des assurances du canton de St. Gall du 19 décembre 2023 EL 2023/32 consid. 4.2).

On doit admettre que le principe selon lequel le forfait alloué pour les besoins vitaux est suffisant à leur couverture a pour corollaire que ce forfait est également nécessaire à cet effet. En d’autres termes, la couverture des besoins vitaux – ou au plan cantonal du revenu minimum d'aide sociale – épuise intégralement les prestations complémentaires versées. Par conséquent, il y a lieu de poser en présomption que si la recourante avait bénéficié en temps réel des prestations complémentaires, elle les aurait affectées à son entretien et n’aurait pu les thésauriser, de sorte qu’elle n’en aurait plus disposé au 1er décembre 2018. Le fait que la recourante ait vécu de prestations d’assistance pendant la période litigieuse ne permet pas une autre appréciation, puisque celles-ci lui ont été versées à titre d’avances et que l’Hospice général en a obtenu le remboursement par l’intimé.

Comme on l’a vu, la doctrine exclut d’ailleurs qu’un calcul rétroactif tienne compte de prestations périodiques arriérées à la fois dans la fortune et dans les revenus déterminants. Cela semble également être la position adoptée par l’OFAS au chiffre 3451.03 des directives DPC, quand bien même sa version française est moins claire à ce sujet que le texte allemand.

Une solution contraire reviendrait en effet à tenir compte deux fois des mêmes éléments patrimoniaux pour couvrir les besoins vitaux durant des périodes différentes, la première fois en tant que revenus - dans le calcul rétroactif du droit aux prestations complémentaires –, la seconde fois à titre de fortune – dans le calcul afférent à la période courante. Un tel constat s’impose en particulier dès lors que les prestations complémentaires fédérales sont incluses dans les revenus déterminants pour le calcul des prestations complémentaires cantonales.

On précisera que l’arrêt précité du 28 novembre 2012 confirmant la prise en considération, dans la fortune déterminante, d’économies réalisées sur des prestations complémentaires, n’est pas transposable au présent litige, dès lors qu’il porte sur une épargne concrètement accumulée provenant de prestations perçues en temps réel, dont l’intéressée pouvait effectivement disposer pour contribuer à son entretien lors du nouveau calcul du droit aux prestations complémentaires. Or, rien ne permet de considérer dans le cas d’espèce que la recourante n’aurait pas dévolu l’intégralité des prestations complémentaires à la couverture de ses besoins, conformément à leur but.

8.2 La décision de l’intimé consacre en outre une inégalité de traitement.

L'art. 8 al. 1 Cst., qui pose le principe de l'égalité de traitement en prévoyant que tous les êtres humains sont égaux devant la loi, vise à atteindre un traitement égal de personnes se trouvant dans une situation semblable. Une décision viole le principe d'égalité lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances (arrêts du Tribunal fédéral 8D_5/2021 du 10 février 2022 consid. 7.2.2 et 2C_187/2019 du 9 septembre 2019 consid. 8.1). Les situations semblables doivent être traitées de manière égale dans la mesure de leur similitude et les situations différentes doivent être traitées de manière différente dans la mesure de leur dissimilitude (ATF 144 I 113 consid. 5.1.1).

Or, un assuré dont le droit à une rente d’invalidité serait reconnu immédiatement au terme du délai de carence d’une année prévu par l’art. 28 de la loi sur l’assurance-invalidité (LAI – RS 831.20), et qui sollicite des prestations complémentaires, en obtiendra le paiement dès la procédure d’instruction achevée, laquelle est généralement assez brève dans ce domaine puisque l’établissement du droit à ces prestations ne soulève en principe pas de difficultés techniques particulières. Ainsi, dans un tel cas, l’éventuel montant correspondant aux arriérés de prestations imputé à titre de fortune sera modique, et n’abaissera pas significativement le montant des prestations complémentaires auxquelles l’assuré a droit.

En revanche, un assuré qui, comme en l’espèce, ne se voit reconnaître le droit à une rente d’invalidité qu’après plusieurs années, obtiendra des arriérés de prestations complémentaires sous forme d’un capital qui peut s’avérer important et est ainsi susceptible de réduire de manière conséquente la quotité des prestations complémentaires s’il est pris en considération comme fortune. Une telle inégalité de traitement ne trouve pas de justification. En effet, la durée de la procédure en matière d’assurance-invalidité – sur laquelle les assurés n’ont du reste que peu d’emprise lorsqu’elle est liée à la complexité de la situation médicale – ne relève pas d’un motif objectif pour fonder un traitement différent de ceux-ci, dès lors qu’il s’agit là d’un élément étranger au droit aux prestations complémentaires. Les art. 12 al. 1 LPC et 22 al. 1 OPC-AVS/AI ne prévoient d’ailleurs pas de correctif dans le calcul des prestations complémentaires lorsque celles-ci sont octroyées pour le passé.

On relèvera en outre que la pratique consistant à inclure dans la fortune déterminante les arriérés de prestations complémentaires pourrait avoir des conséquences particulièrement graves pour les bénéficiaires de rentes d’invalidité sous l’empire du nouveau droit, puisqu’un seuil de fortune de plus de CHF 100'000.- exclut purement et simplement le droit aux prestations. Or, il est notoire que la procédure en matière d’assurance-invalidité peut s’étendre sur des années, en particulier lorsque les questions médicales sont complexes et qu’une expertise pluridisciplinaire doit être mise en œuvre (sur ce point, cf. Michela MESSI, Daniel SALAMANCA, Expertises AI : la pénurie de médecins entraîne des temps d’attente, article disponible sur https://sozialesicherheit.ch/fr/expertises-ai-la-penurie-de-medecins-entraine-des-temps-dattente/). Lorsque le droit à une rente d’invalidité est reconnu à l’issue d’une longue procédure, il est possible que le montant des prestations complémentaires allouées rétroactivement excède le seuil de CHF 100'000.-, ce qui aurait pour conséquence que le bénéficiaire se verrait nier le droit aux prestations complémentaires pour le futur dès la date de versement du capital correspondant aux arriérés de prestations complémentaires.

8.3 Enfin, on ne saurait faire abstraction de la précision intégrée au chiffre 3451.04 nouvellement adopté dans les directives DPC, même si celui-ci est postérieur à la période litigieuse. Si comme on l’a vu, les directives administratives ne lient pas la Cour de céans, elles sont en revanche contraignantes pour les autorités d’exécution en matière de prestations fédérales.

8.4 Au vu du renvoi exprès et général de la LPCC au droit fédéral en cas de silence de celle-ci (cf. art. 1A al. 1 let. a LPCC), il n’existe pas de raison de procéder à une analyse différente en matière de prestations cantonales.

En effet, si celles-ci sont plus étendues que les prestations fédérales, en application de la latitude laissée aux cantons à l’art. 2 al. 2 LPC, leur finalité est également de fournir aux rentiers remplissant les conditions personnelles un revenu minimal, ce qui justifie qu’on applique les mêmes principes à leur établissement. Les travaux du législateur révèlent du reste la volonté générale d’aligner le régime genevois des prestations complémentaires cantonales sur le régime fédéral des prestations complémentaires fédérales (Exposé des motifs relatifs au PL 7893 modifiant diverses lois cantonales relatives à des prestations sociales, Mémorial du Grand conseil genevois 1998 40/VI 5172).

8.5 Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour de céans considère que c’est à tort que l’intimé a tenu compte dans la fortune déterminante des arriérés de prestations complémentaires.

En particulier, la Cour de céans ne saurait se rallier à la solution dégagée par les juges bâlois. D’une part, ceux-ci n’ont pas analysé la problématique sous l’angle de l’égalité de traitement. D’autre part, on ne peut dans le présent cas reprocher à l’intimé un quelconque retard, auquel la recourante aurait pu remédier en l’invitant à faire diligence, évitant ainsi d’augmenter la quotité des arriérés.

Par conséquent, c’est également à tort que l’intimé a considéré qu’il y avait dessaisissement du montant versé à titre d’arriérés de prestations complémentaires.

Pour le surplus, il est renoncé à examiner la question de la prise en considération dans la fortune du capital de la prévoyance professionnelle, dès lors qu’il est inférieur aux franchises de fortune prévues tant par l’ancien que par le nouveau droit et qu’il n’a ainsi pas d’incidence sur le droit aux prestations complémentaires en l’absence de tout autre élément de fortune.

9.             La décision de l’intimé du 30 juin 2023 portant sur le droit aux prestations complémentaires dès le 1er janvier 2023 doit ainsi être annulée en tant qu’elle tient compte d’un dessaisissement.

En d’autres termes, le recours est partiellement admis en tant qu’il porte sur le droit aux prestations complémentaires dès le 1er janvier 2023. La cause est renvoyée à l’intimé pour nouveau calcul dans ce sens, incluant une comparaison entre l’ancien et le nouveau droit, puis nouvelle décision sur le droit aux prestations.

Conformément à l’art. 61 let. g LPGA, la recourante n’a pas droit à des dépens, dès lors qu’elle n’est pas représentée par un avocat ou un autre mandataire qualifié (Jean METRAL in Commentaire romand LPGA, n. 106 ad art. 61 LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et art. 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative [LPA – RSG E 5 10]).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à l’art. 133 al.2 LOJ

 

À la forme :

1.        Déclare le recours irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la décision de l’intimé du 20 juin 2023 refusant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération de ses précédentes décisions.

2.        Déclare le recours recevable en tant qu’il vise la décision sur opposition de l’intimé portant sur le montant des prestations dès le 1er janvier 2023.

Au fond :

3.        Admet le recours partiellement.

4.        Annule la décision du 20 juin 2023 portant sur le droit aux prestations complémentaires dès le 1er janvier 2023.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveau calcul et nouvelle décision au sens des considérants.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La vice-présidente

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le