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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1783/2022

ATAS/440/2024 du 12.06.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1783/2022 ATAS/440/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 juin 2024

8ème Chambre

 

En la cause

A______

représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1990, a travaillé chez B______ AG en tant qu’employé polyvalent depuis le 1er septembre 2018. À ce titre, il était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA ou l'intimée).

b. Le 26 novembre 2019, l’assuré a chuté à moto en glissant sur du gravier avec réception sur l’hémicorps droit. Les médecins ont alors posé les diagnostics de disjonction acromio-claviculaire et de contusions multiples (hanche droite, poignet droit, coude droit). L’incapacité de travail était totale depuis l’accident.

c. Les suites de l’accident ont été prises en charge par la SUVA.

d. En raison de la persistance des douleurs du sus-épineux, d’un léger déficit en abduction et rotation interne, ainsi que d’une éventuelle déchirure tendineuse, une échographie de l’épaule droite a été effectuée le 26 février 2020. Celle-ci a conclu à une tendinopathie fissuraire quasi-transfixiante du tiers antérieur du supra-épineux et à une discrète bursite sous-acromio-deltoïdienne droite.

e. Selon le rapport du 27 février 2020 du docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, l’assuré est logisticien dans la vitrerie et a repris le travail sans charge depuis fin 2019. En raison de persistance des douleurs en mouvement et en charge, il avait de nouveau consulté son médecin traitant. Il n’avait jamais eu de douleurs d’épaule avant l’accident. Selon le Dr C______, l’assuré présentait une lésion traumatique du tendon sus-épineux droit.

f. L’arthro-imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) de l’épaule droite, effectuée le 9 mars 2020, a mis en évidence une petite rupture partielle de la face profonde et antérieure associée à une tendinopathie du supra-épineux, une absence de rupture transfixiante et une minime bursite sous-acromio-deltoïdienne.

g. Depuis le 14 décembre 2020, une incapacité de travail totale est attestée.

h. Selon le rapport du 12 janvier 2021 du Dr C______, l’assuré notait une péjoration progressive de la situation douloureuse avec des douleurs spécifiques en élévation/abduction accompagnées de faiblesse et de douleur aux mouvements répétitifs. Pour le reste, l’examen orthopédique était superposable au précédent.

i. Dans son rapport du 3 mai 2021, le Dr C______ a attesté une évolution favorable et que l’assuré avait regagné une mobilité complète. Toutefois, il persistait un claquement supérieur lors des mouvements de rotation externe/abduction. Il commençait à travailler le renforcement. Cependant, il s'épuisait en soulevant 2 kg après huit répétitions. L’arrêt de travail perdurait.

j. Le 23 juin 2021, l’assuré a été examiné par le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la SUVA. Dans le rapport y relatif, il est mentionné que l’assuré a été licencié fin avril 2021. Il n’y avait aucune limitation dans les amplitudes des deux épaules, lesquelles étaient strictement symétriques. Le médecin d’arrondissement a noté par ailleurs la présence d’un signe de Rockwood bilatéral et symétrique avec tiroir antéro-postérieur, témoignant d’une instabilité potentielle des épaules, sans aucun antécédent de luxation. L’examen orthopédique de l’épaule droite était ainsi normal. En dépit des douleurs évoquées par l’assuré au niveau de cette articulation, l’évolution était excellente sans aucun signe pathologique lors de l’élévation de la coiffe des rotateurs. Quant à la discrète instabilité des deux épaules, elle était constitutionnelle et ne pouvait pas être liée à l’accident. Toutefois, il y avait lieu de procéder à des examens radiologiques complémentaires.

k. L’arthro-IRM de l’épaule droite effectuée le 29 juin 2021 a conclu à la persistance d’une tendinopathie insertionnelle du supra-épineux avec micro-fissure de sa face profonde, non majorée depuis le dernier contrôle, à l’absence de signe de rupture transfixiante et à la persistance d’une discrète bursite sous-acromio-deltoïdienne.

l. Selon le rapport du 1er juillet 2021 du Dr C______, l’assuré gardait des douleurs au repos avec le poids du membre supérieur. Le running et le vélo étaient douloureux de par la position. Les mouvements répétitifs (visser) étaient rapidement épuisants et douloureux. Dans les exercices de renforcement, il arrivait à épuisement avec 3 kg après huit répétitions. Il n’arrivait toujours pas à porter les courses. Toutefois, la mobilité restait complète et il persistait un claquement supérieur lors de mouvements de rotation externe/abduction. Ce médecin s’est par ailleurs étonné que le rapport du Dr D______ ne mentionnait pas les éléments anamnestiques de douleurs et les limitations fonctionnelles. Selon l’assuré, la consultation avait été brève et l’examen clinique sommaire. De l'avis du Dr C______, l’assuré n’était pas physiquement apte à reprendre son activité préalable et une reconversion auprès de l’assurance-invalidité était préconisée. L’assuré continuait à être incapable de travailler à 100%.

m. Par courrier du 25 juin 2021, la SUVA a informé l’assuré que, selon son médecin d'arrondissement, il était capable de reprendre le travail à plein temps avec un rendement à 100% dès le jour de l’examen. Cela étant, la SUVA cesserait de verser à l’assuré les indemnités journalières dès le 1er juillet 2021. Dans un courrier de la même date, elle a précisé que son médecin d’arrondissement avait considéré que les troubles persistants n’avaient actuellement plus aucun lien avec l’accident.

n. Selon le rapport du 12 juillet 2021 du docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, les examens radiologiques ne révélaient pas de signes compatibles avec des lésions traumatiques de la coiffe. Il existait des signes de tendinopathie bénins.

o. Depuis le 1er août 2021, l’assuré est aidé par l’Hospice général.

p. Selon le rapport du 14 octobre 2021 du docteur F______, du département de chirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), les amplitudes articulaires étaient préservées à l’examen clinique, avec cependant des douleurs systématiques bicipitales lors du testing de la force dans tous les secteurs. Les tests d’instabilité étaient également positifs sur le plan douloureux avec un push pull test positif en postérieur en particulier. Le diagnostic de ce médecin était une épaule de type douloureuse instable associée à une pathologie bicipitale. Au vu de l’échec du traitement conservateur, une arthroscopie d’épaule avec ténodèse du biceps et réinsertion du labrum supérieur pourrait être proposée à l’assuré.

q. Dans son rapport du 27 octobre 2021, le Dr D______ a déclaré que l’arthro-IRM confirmait l’absence de pathologie liée à l’accident. L’instabilité annoncée n’était pas en lien avec cet événement.

r. Par décision du 27 octobre 2021, la SUVA a confirmé que les troubles persistants et l’opération envisagée n’étaient plus en lien avec l’accident et qu'elle mettait fin à ses prestations au 1er juillet 2021.

B. a. Par courrier du 29 novembre 2021, l’assuré a formé opposition à cette décision, par l’intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et au versement des indemnités journalières dès le 1er juillet 2021. Par courrier du 4 janvier 2022, l’assuré a motivé son opposition. Il a relevé qu’il était encore jeune, 31 ans, et qu'il avait été en parfaite santé avant l’accident. Son état de santé ne lui permettait pas une reprise de son activité professionnelle et une reconversion était nécessaire.

b. Par décision du 27 avril 2022, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré. Un raisonnement fondé sur l’adage « post hoc, ergo propter hoc » ne permettait pas d’établir un lien de causalité naturelle au degré de la vraisemblance prépondérante. Par ailleurs, les investigations médicales menées dans le cadre de la « second opinion » n’avaient pas montré de séquelles post-sinistre, mais des problématiques pathologiques à la charge de l’assureur-maladie. L’avis du Dr D______ était cohérent et motivé, de sorte qu’une pleine valeur probante devait lui être attribuée.

C. a. Par acte du 30 mai 2022, l’assuré a interjeté recours contre cette décision, par l’intermédiaire de son conseil en concluant à son annulation et à la condamnation de la SUVA au paiement des indemnités journalières dès le 1er juillet 2021, sous suite de dépens. Le médecin d’arrondissement avait posé de manière précipitée et sans examen approfondi le diagnostic dans son appréciation médicale du 21 juin 2021, de sorte que cet avis ne pouvait être considéré comme suffisamment probant. Il ressortait au contraire de l’arthro-IRM effectuée le 29 juin 2021 qu’il présentait toujours une tendinopathie insertionnelle du supra-épineux avec micro-fissure de sa face profonde et une discrète bursite sous-acromio-deltoïdienne. Il était par ailleurs étonnant que le Dr D______ n’ait pas mentionné les douleurs et les limitations fonctionnelles. Quant à l’avis du Dr F______, il ne confirmait pas l’absence de lien de causalité entre les pathologies constatées à l’épaule droite et l’accident. Tout portait à croire que les douleurs et la nécessité d’une intervention chirurgicale étaient toujours en relation de causalité naturelle et adéquate avec l’accident. En outre, son état de santé demeurait instable.

c. Le 22 juin 2022, le docteur G______, chef de clinique au service d'orthopédie et de traumatologie aux HUG dirigé par le professeur H______, a examiné le recourant à la demande du Dr C______. Dans son courrier du 29 juin à ce dernier, le Dr G______ a conclu, à une symptomatologie plutôt axée sur l'articulation acromioclaviculaire. Il y avait aussi un léger œdème osseux de la clavicule distale. Ce médecin a suggéré de réaliser une infiltration-test de l'articulation acromioclaviculaire et de répéter éventuellement l'IRM. Il ne retrouvait pas de signes en faveur d'une instabilité et il n'y avait pas d'indication chirurgicale.

d. Dans sa réponse du 25 août 2022, la SUVA a conclu au rejet du recours, en se fondant sur l’avis du Dr D______.

e. Dans sa réplique du 24 octobre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a souligné qu’il n’avait aucun antécédent médical pouvant justifier une « épaule instable », d’autant plus qu’il était jeune. Par ailleurs, selon les informations médicales recueillies, l’instabilité de l’épaule pouvait être post-traumatique, post-luxation ou atraumatique, comme chez les sujets hyperlaxes. Or, rien dans le dossier médical ne laissait penser qu’il était un sujet hyperlaxe. En outre, les douleurs ne concernaient pas les deux épaules. Pour le surplus, le recourant a repris ses précédents arguments.

f. Par écritures du 24 novembre 2022, l'intimée a persisté dans ses conclusions.

g. Par ordonnance du 7 novembre 2023, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise médicale judiciaire et l'a confiée au docteur I______, spécialiste en chirurgie orthopédique.

h. Dans son rapport du 22 février 2024, l'expert a constaté une proéminence modérée de l'extrémité latérale de la clavicule à droite en rapport avec l'accident. Les blessures dues à l'accident étaient stabilisées et le statu quo ante a été atteint avec une probabilité prépondérante à partir du 1er juillet 2021. Dès cette date, il n'y avait plus de limitations dues à l'accident. Le recourant souffrait cependant également d'une névralgie cervico-brachiale C6 à droite, d'origine maladive, engendrant des limitations pour les postures contraignantes du haut du corps, le soulèvement de charges au-dessus de la poitrine, les activités impliquant des vibrations ou des mouvements de percussion. Seules des activités physiquement légères étaient possibles. Un traitement médical pour les blessures en rapport avec l'accident n'était plus nécessaire et il n'y avait pas d'atteinte à l'intégrité durable au niveau de l'épaule.

i. Le 6 mai 2024, le recourant s'est déterminé sur l'expertise et a persisté dans ses conclusions. L'expert judiciaire avait écarté sans motif les diagnostics précédents, en particulier la fissuration quasi transfixiante du tiers antérieur du supra-épineux qui avait été mise en évidence par l'échographie et l'ultrasonographie. Il était dès lors contradictoire de retenir uniquement une disjonction acromio-claviculaire de degré II avec un temps de guérison de trois mois. En évaluant les deux blessures conjointement, l'expert aurait dû retenir un temps de guérison global plus long. Il n'était pas non plus convaincant que la névralgie cervico-brachiale C6 ne soit pas en rapport de causalité avec l'accident, alors qu'une chute et un effort physique peuvent déclencher une hernie discale. Le recourant était en parfaite santé avant son accident. L'expert n'a pas réussi à démontrer à quelle date la maladie se serait manifestée, considérant que la névralgie cervico-brachiale avait évolué en même temps que les douleurs liées à l'accident. Il était tout à fait vraisemblable qu'en raison de la chute sur l'épaule, une hernie discale s'était développée. Son état de santé n'était ainsi pas encore stabilisé et nécessitait une intervention chirurgicale pour l'instabilité de l'épaule, laquelle était en rapport de causalité avec l'accident.

j. Selon le rapport du 6 mai 2024 de la doctoresse J_____, médecin-conseil de l'intimée, il n'y avait pas de motifs de s'écarter des conclusions de l'expertise judiciaire.

k. Dans ses observations sur expertise du 10 mai 2024, l'intimée s'est ralliée aux conclusions de l'expert.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable.

3.             L’objet du litige est la question de savoir si l’intimée est tenue de verser au recourant des indemnités journalières au-delà du 30 juin 2021. Plus particulièrement se pose la question de savoir si les douleurs et limitations fonctionnelles du côté droit sont toujours dans un rapport de causalité naturelle avec l’accident.


 

4.              

4.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

4.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

4.3 Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

4.4 Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc»; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

4.5 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b).

4.6 Selon l'expérience médicale, pratiquement toutes les hernies discales s'insèrent dans un contexte d'altération des disques intervertébraux d'origine dégénérative, un événement accidentel n'apparaissant qu'exceptionnellement, et pour autant que certaines conditions particulières soient réalisées, comme la cause proprement dite d'une telle atteinte. Une hernie discale peut être considérée comme étant due principalement à un accident, lorsque celui-ci revêt une importance particulière, qu'il est de nature à entraîner une lésion du disque intervertébral et que les symptômes de la hernie discale (syndrome vertébral ou radiculaire) apparaissent immédiatement, entraînant aussitôt une incapacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_256/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3 et les références). Dans de telles circonstances, l'assureur-accidents doit, selon la jurisprudence, allouer ses prestations également en cas de rechutes et pour des opérations éventuelles. Si la hernie discale est seulement déclenchée, mais pas provoquée par l'accident, l'assurance-accidents prend en charge le syndrome douloureux lié à l'événement accidentel. En revanche, les conséquences de rechutes éventuelles doivent être prises en charge seulement s'il existe des symptômes évidents attestant d'une relation de continuité entre l'événement accidentel et les rechutes (voir notamment RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_560/2017 du 3 mai 2018 consid. 6.1).

La preuve médicale de la causalité naturelle dans le cas d’une hernie discale, décompensée par l’accident assuré, est remplacée par la présomption jurisprudentielle – qui se fonde sur la littérature médicale – selon laquelle une aggravation traumatique d’un état dégénératif préexistant de la colonne vertébrale cliniquement asymptomatique doit être considérée comme étant terminée, en règle générale, après six à neuf mois, au plus tard après un an (arrêts du Tribunal fédéral 8C_412/2008 du 3 novembre 2008 consid. 5.1.2 et 8C_467/2007 du 25 octobre 2007 consid. 3.1; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 354/04 du 11 avril 2005 consid. 2.2 avec références). S’il s’agit d’un accident sans lésions structurelles au squelette, il y a lieu de considérer que la chronicisation des plaintes doit être attribuée à d’autres facteurs (étrangers à l’accident). Des plaintes de longue durée consécutives à une simple contusion doivent en effet souvent être imputées à un trouble de l’adaptation ou de graves perturbations psychiques (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 354/04 du 11 avril 2005 consid. 2.2; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 60/02 du 18 septembre 2002).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

6.             En l'occurrence, l'expert constate que l'accident a provoqué une disjonction acromio-claviculaire de degré II et une lésion partielle du tendon du supraépineux. En règle générale, la guérison et le retour à une fonction normale peuvent être attendus dans les deux à trois mois pour une telle lésion. Ainsi, l'évolution est dans le cas présent totalement inattendue, dans la mesure où les troubles avec une faiblesse motrice se sont aggravés de plus en plus et ont provoqué une nouvelle incapacité de travail. Le recourant souffre de douleurs lancinantes quotidiennes, localisées dans la zone du trapèze et sur le côté du bras, exacerbées par la mobilité avec une crispation (crampe), une sensation de perte de force et un épuisement dans les activités répétitives. La douleur s'étant progressivement déplacée vers la nuque, le diagnostic de névralgie cervico-brachiale C6 est posé. À l'examen d'imagerie du 10 août 2022, un ostéophyte et une hernie discale entraînant un rétrécissement foraminal C5-C6 avec contact de la racine C6 sont mis en évidence. Une infiltration C5-C6 est réalisée. En fait, selon l'expert, le recourant ne présente pas d'instabilité à l'épaule, mais une hernie discale cervicale. Par conséquent, les douleurs décrites dans le biceps lors du testing de force étaient probablement neurogènes et non pas liées à une pathologie du tendon du biceps. L'opération de l'épaule recommandée aurait donc été inutile, voire erronée et les douleurs auraient persisté. Quant à la disjonction acromio-claviculaire, elle a guéri sans séquelles. Le tableau clinique d'une névralgie cervico-brachiale C6 est apparu successivement à partir de fin 2020 « sans raison apparente et sans lien apparent avec l'accident subi ».

L'expert retient dans les diagnostics une névralgie cervico-brachiale C6 à droite, un status après luxation acromio-claviculaire à droite, un status après microfissure du tendon supraépineux à droite et un snapping subacromial à l'épaule droite. Seule la proéminence modérée à l'extrémité latérale de la clavicule à droite est en rapport de causalité avec l'accident. Les blessures dues à l'accident sont stabilisées et le statu quo ante a été atteint avec une probabilité prépondérante à partir du
1er juillet 2021. Dès cette date, il n'y a plus de limitations dues à l'accident. En raison des atteintes maladives (névralgie cervio-brachiale C6 à droite), le recourant présente des limitations pour les postures contraignantes du haut du corps, le soulèvement de charges au-dessus de la poitrine, les activités impliquant des vibrations ou des mouvements de percussion. Seules des activités physiquement légères sont possibles. Un traitement médical pour les blessures en rapport avec l'accident n'est plus nécessaire et il n'y a pas d'atteinte à l'intégrité durable au niveau de l'épaule.

7.              

7.1 Cette expertise a été rendue en connaissance du dossier médical, prend en considération les plaintes du recourant, est fondée sur un examen clinique consciencieux et contient des conclusions motivées et convaincantes. Elle remplit ainsi les critères jurisprudentiels pour lui reconnaître une pleine valeur probante.

7.2 Toutefois, le recourant n'est pas convaincu par cette expertise. Il reproche à l'expert d'avoir écarté sans motif les diagnostics précédents, en particulier la fissuration quasi transfixiante du tiers antérieur du supra-épineux qui avait été mise en évidence par l'échographie et l'ultrasonographie. L'arthro-IRM de l'épaule droite du 29 juin 2021 mentionne encore la persistance d'une tendinopathie insertionnelle du supra-épineux avec microfissure de sa face profonde, non majorée depuis le dernier contrôle. Il est dès lors contradictoire de retenir uniquement une disjonction acromio-claviculaire de degré II avec un temps de guérison de trois mois. En évaluant les deux blessures conjointement, l'expert aurait dû retenir un temps de guérison global plus long. Il n'est pas non plus convaincant que la névralgie cervico-brachiale C6 ne soit pas en rapport de causalité avec l'accident, alors qu'une chute et un effort physique peuvent déclencher une hernie discale. Il était en parfaite santé avant son accident. L'expert n'a pas réussi à démontrer à quelle date la maladie se serait manifestée, considérant que la névralgie cervico-brachiale a évolué en même temps que les douleurs liées à l'accident. Il est tout à fait vraisemblable qu'en raison de la chute sur l'épaule, une hernie discale s'est développée. Son état de santé n'est ainsi pas encore stabilisé et nécessite une intervention chirurgicale pour l'instabilité de l'épaule, laquelle est en rapport de causalité avec l'accident.

7.3 Le recourant ne se fonde sur aucune pièce médicale pour mettre en cause les conclusions d'expertise.

Il est par ailleurs faux que l'expert n'admet pas que l'accident ait provoqué une fissuration quasi transfixiante. Il le constate au contraire expressément dans son rapport (p. 16 sous « Anamnèse »). Toutefois, ces blessures sont entièrement guéries depuis fin juin 2021, selon l'expert. En admettant que ces atteintes sont seulement guéries depuis cette date, soit plus d'une année et demi après l'accident, l'expert a tenu compte déjà d'un temps de guérison plus long que celui qui est attendu en règle générale, soit une durée de deux à trois mois.

Il est vrai que, selon l'artho-IRM du 29 juin 2021, il y a encore une tendinopathie insertionnelle du supra-épineux avec microfissure à l'épaule droite, ce qui semble indiquer que les atteintes à l'épaule ne sont pas totalement guéries à cette date. Toutefois, selon le rapport du 12 juillet 2021 du Dr E______, les signes de tendinopathie sont bénins et les examens radiologiques ne révèlent pas de signes compatibles avec des lésions traumatiques de la coiffe. Dans ces conditions, un lien de causalité entre la tendinopathie et l'accident ne peut pas être retenu au degré de la vraisemblance prépondérante en juin 2021, d'autant moins que les lésions à l'épaule suite à un traumatisme guérissent normalement dans les deux et trois mois. Quoi qu'il en soit, l'expert ne retient plus de lien de causalité avec l'accident fin juin 2021 s'agissant des atteintes à l'épaule, et cela n'est contredit par aucun avis médical.

Quant au lien de causalité entre la hernie discale qui a provoqué une névralgie cervico-brachiale C6, et l'accident, il est vrai que l'expert n'a pas cherché à connaître la raison de l'apparition de cette atteinte, se contentant de dire « sans raison apparente ». Toutefois, cette pathologie n'était pas présente directement après l'accident et ne s'est manifestée qu'environ une année après. Or, selon la jurisprudence précitée, une lésion du disque intervertébral ne peut être considérée comme étant provoquée par un traumatisme que si les symptômes de la hernie discale apparaissent immédiatement et entraînent aussitôt une incapacité de travail. En l'occurrence, au degré de la vraisemblance prépondérante, cela n'est pas le cas. En effet, dans le questionnaire rempli par le recourant le 26 mars 2020, celui-ci déclare être de nouveau apte au travail à partir de janvier 2020. Une rechute n'est annoncée que le 23 novembre 2020 en raison de douleurs dans l'épaule droite. Le 12 janvier 2021, le Dr C______ note une péjoration progressive avec des douleurs spécifiques en élévation et abduction avec faiblesse et douleurs aux mouvements répétitifs et une légère limitation en rotation interne. Les douleurs typiques d'une névralgie cervico-brachiale n'étaient ainsi pas présentes tout de suite après l'accident. Un lien de causalité ne peut donc être admis pour cette pathologie.

Il n'y a aucun signe d'hyperlaxité et d'instabilité de l'épaule, selon l'expert, ce qui est confirmé par les deux spécialistes de l'épaule les plus expérimentés de la Suisse romande, aux dires de ce dernier, à savoir le Dr E______ et le
Prof. H______ avec le Dr G______. En effet, les douleurs sont actuellement liées à la névralgie cervico-brachiale et non à une atteinte à l'épaule, ce qui n'a pas été compris par tous les médecins consultés, notamment le Dr F______. Ainsi, une opération de l'épaule n'est pas indiquée, selon l'expert, et serait inutile.

Quant à l'argument du recourant, selon lequel il était en bonne santé avant l'accident, il n'est pas suffisant pour admettre un lien de causalité entre les atteintes constatées et cet évènement, comme exposé ci-dessus. Il faut en effet toujours rechercher l'étiologie et établir sur cette base l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré. Or, en l'espèce, il s'avère qu'une nouvelle atteinte, sous la forme d'une hernie discale, est apparue après l'accident et que celle-ci ne peut être reliée à cet évènement, selon la jurisprudence précitée.

Cela étant, les arguments du recourant ne sont pas propres à faire douter des conclusions de l'expert.

Par conséquent, l'intimée était en droit de mettre fin aux prestations fin juin 2021.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9.             La procédure est gratuite.

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le