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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/706/2023

ATAS/416/2024 du 30.05.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/706/2023 ATAS/416/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mai 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate

 

recourant

 

contre

AXA ASSURANCES SA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1962, travaillait en qualité de mandataire commercial auprès de la banque B______ SA. A ce titre, il était assuré contre le risque d’accident auprès de la WINTERTHUR ASSURANCES SA, reprise en 2006 par AXA WINTERTHUR SA (ci-après : l’assurance).

b. L'assuré a été victime d'une chute de son scooter le 1er novembre 2000. A la suite de cet accident, il a souffert notamment d'une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite. Une réparation chirurgicale de la coiffe a eu lieu le 12 juin 2001, qui s’est compliquée d’une capsulite rétractile.

c. Le 16 octobre 2002, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

d. L’assuré a fait réaliser une expertise par le docteur C______, sous la supervision du professeur D______, chef du service de chirurgie orthopédique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Les médecins ont conclu à une totale incapacité de travail en raison de l’atteinte somatique dans leur rapport du 1er février 2006.

e. Sur mandat de l’assurance-accidents, les docteurs E______, spécialiste FMH en médecine interne, F______, spécialiste FMH en rhumatologie et G______, spécialiste FMH en psychiatrie, experts auprès de la Policlinique médicale universitaire (PMU), ont réalisé une expertise le 19 septembre 2006. Ces médecins ont retenu, à titre de diagnostics ayant une influence sur la capacité de travail : une épaule droite bloquée, une capsulite rétractile séquellaire avec douleurs scapulo-humérales persistantes et un trouble de l'adaptation, réaction mixte anxieuse et dépressive dans le cadre d'une situation de santé et socio-économique inquiétante. A titre de diagnostics sans influence sur la capacité de travail, ils ont mentionné notamment un status après accident à l'épaule droite avec contusion osseuse du trochiter associée à une probable déchirure distale du tendon sous-épineux et sub-luxation interne du long chef du biceps par désinsertion du tendon sous-scapulaire, un status après arthroscopie de l’épaule droite et des douleurs du genou gauche intermittentes sur probable déchirure de la corne postérieure du ménisque interne du genou droit.

Au plan somatique, l’assuré présentait une épaule droite bloquée dans le cadre d'un syndrome douloureux loco-régional complexe scapulaire droit. Il se plaignait de douleurs fortes et permanentes de cette épaule, avec un retentissement fonctionnel dans toutes les activités de la vie quotidienne, y compris une gêne nocturne entraînant des perturbations du sommeil. Les experts ont constaté des limitations sévères des amplitudes articulaires de l'épaule droite, puisque l'abduction et l'élévation antérieure étaient bien en-deçà d'un plan horizontal et la rotation externe quasiment inexistante. L'examen psychiatrique n’a révélé aucune pathologie de cet ordre. L’assuré n’avait aucun antécédent psychique et son parcours révélait de bonnes capacités d'adaptation et de résilience.

Les experts ont estimé la capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée à 50%, en tenant compte de l'ensemble des facteurs, y compris la diminution de rendement. Les limitations fonctionnelles excluaient les travaux manuels et bi-manuels, les activités répétées de préhension, de manipulation d'objets, de modelage, les travaux impliquant des « serrages ou des frottements manuels », l'écriture prolongée, l’usage de claviers d'ordinateur, de souris ou autres outils informatiques avec la main droite, l'élévation du membre supérieur droit, les travaux en hauteur et le port de charges avec le membre supérieur gauche de 5 kg, (moins en cas de port répété). Le port de charges avec le membre supérieur droit, non fonctionnel, était limité à 1 kg. Les travaux lourds étaient contre-indiqués. Il était difficile d'envisager une activité mieux adaptée que celle de mandataire commercial.

Les troubles dont l'assuré se plaignait avaient une origine principalement somatique. Les troubles psychiques étaient apparus après une période de latence de plusieurs années et étaient probablement liés à la dégradation de sa situation socio-économique. Bien que le caractère de l'assuré ait été modifié à la suite de l'accident, l'évaluation psychiatrique n'objectivait ni troubles de la pensée, ni trouble de la personnalité. L'incapacité de travail en raison des troubles psychiques, inférieure à 20%, était négligeable. Ces troubles n’entraînaient aucune limitation supplémentaire significative de la capacité de travail.

f. Par décision du 29 janvier 2007, confirmée sur opposition le 19 mars 2007, l’assurance a alloué à l'assuré une rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain de 50 % dès le 1er janvier 2007.

Saisi d’un recours à l’encontre de cette décision, le Tribunal cantonal des assurances sociales de Genève (ci-après : le Tribunal), alors compétent, a notamment entendu le Dr E______ et le Pr D______. Ce dernier a déclaré que les limitations fonctionnelles retenues par le Dr E______ lui paraissaient correctes. Selon le Pr D______, la médication pouvait entraîner des problèmes de concentration. Le Tribunal a rejeté le recours par arrêt du 27 mai 2008 (ATAS/627/2008).

Saisi à son tour, le Tribunal fédéral a lui aussi débouté l’assuré, le 17 mars 2009 (ATF 8C_558/2008). Il a en substance reconnu une pleine valeur probante au rapport de la PMU, qui tenait compte des plaintes de l'assuré et notamment de ses problèmes de concentration et de récupération. L’expertise privée du Dr C______ et du Pr D______ ne démontrait pas pourquoi l'assuré ne serait pas en mesure de reprendre son ancienne activité à mi-temps après adaptation de son poste de travail. En effet, ces médecins s’étaient contentés de mentionner le caractère particulièrement invalidant des troubles de la concentration et du sommeil, sans toutefois étayer leur appréciation par des constatations objectives précises. Au demeurant, ils avaient justifié une incapacité de travail entière en évoquant la longue absence d'activité professionnelle, ce qui ne suffisait pas pour nier toute capacité de travail. La capacité de travail de 50% et le degré d’invalidité correspondant étaient confirmés.

B. a. Le 18 septembre 2014, la ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCES SA, intervenant en qualité d’assurance de responsabilité civile, a communiqué à l’OAI trois rapports de surveillance établis par des détectives privés, qui avaient suivi l’assuré lors de ses déplacements quotidiens hors de son domicile en Haute-Savoie et lors de ses vacances en Italie.

b. L’assurance a entamé une révision du droit aux prestations.

Dans ce contexte, par décision du 15 juin 2015, elle a suspendu avec effet immédiat le versement de la rente en retirant l’effet suspensif à un éventuel recours et confié une expertise au docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.

L’assurance a par la suite annulé sa décision du 15 juin 2015 en tant qu’elle retirait l’effet suspensif et l’a maintenue pour le surplus, ce dont la Cour de céans a pris acte dans un arrêt incident du 14 juillet 2015 restituant l’effet suspensif au recours interjeté par l’assuré à l’encontre de cette décision.

La désignation du Dr H______ a été confirmée sur recours par arrêt de la Cour de céans du 14 octobre 2015 (ATAS/766/2015).

Par arrêt du 29 octobre 2015 (ATAS/854/2015), la Cour de céans a annulé la décision de l’assurance suspendant la rente de l’assuré.

c. L’assuré a pour sa part requis un complément d’expertise du Pr D______ qui, dans son rapport du 2 mai 2016, a conclu à une totale incapacité de travail, motivée selon lui par la raideur et les contractures post-traumatiques, chronicisées, ayant pour origines une contusion osseuse ancienne, des déchirures et subluxations tendineuses et des éléments psychogènes anxio-dépressifs. Cette raideur objective et les douleurs qui en étaient la conséquence nécessitaient une prise importante de médicaments antalgiques. Cette situation ne permettait pas la concentration nécessaire à l'accomplissement d'une activité comptable ou administrative et empêchait tout travail d’ordre manuel.

d. Dans un complément du 7 novembre 2016, le Pr D______ a relaté ses recherches approfondies dans la littérature médicale, au vu des particularités du cas. L'examen physique révélait une raideur articulaire passive et active et des mouvements parasites et mal contrôlés. On ne trouvait pas de stigmates de type amyotrophies musculaires ou lésions cutanées d'immobilisation (aisselles). La mobilisation passive était rendue impossible par les contractures et les co-contractures musculaires. La scintigraphie réalisée ne mettait pas en évidence de syndrome régional complexe douloureux (SRDC), qu’on ne retrouvait pas toujours dans ce type d'évolution vers la dystonie douloureuse. Une analyse de la littérature démontrait que cette situation rare était bien connue ; de nombreuses publications en attestaient. Il s’agissait d'une forme de dystonie entraînant une contracture d'origine psychogène causée par un traumatisme, même banal ou léger, ou par une intervention chirurgicale. Un cas de dystonie semblable à celui de l’assuré était rapporté dans la littérature, ce qui démontrait l'existence objective d'un tel syndrome après un traumatisme peu important. Les mécanismes pouvant aboutir à un handicap aussi majeur n’étaient pas complètement élucidés, mais plusieurs études tendaient à démontrer que des altérations de la reconnaissance, de l'intégrité et de l'image corporelle des membres affectés étaient à la base de ce type de réaction. Tous les auteurs s'accordaient à reconnaître le rôle déterminant d’un événement traumatique, voire d’une intervention chirurgicale dans le déclenchement de ce syndrome fort handicapant, entraînant des douleurs chroniques invalidantes. Pour aller plus loin dans le diagnostic de cette affection rare et invalidante, une exploration comprenant une imagerie neuro-fonctionnelle pourrait être utile, encore que les connaissances dans ce domaine soient éparses. Cette pathologie était à la frontière entre chirurgie orthopédique, neurologie et psychiatrie.

e. L’assurance a mis un terme au versement de la rente complémentaire d’invalidité de l’assuré dès le 1er août 2016 par décision sur opposition du 26 juillet 2017, en se fondant sur les conclusions du Dr H______.

f. Saisie d’un recours contre cette décision, la Cour des assurances sociales (ci-après : la Cour de céans) l’a partiellement admis par arrêt du 3 avril 2018 (ATAS/292/2018) et a renvoyé la cause à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire. Elle a retenu que le Dr H______ avait remis en question les diagnostics posés à l’époque, ainsi que l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et la déchirure de la coiffe des rotateurs, ce qu’il ne lui appartenait pas de faire. Qui plus est, cet expert n’avait pas procédé à une comparaison de l’état de santé de l’assuré et de sa capacité résiduelle de travail entre le moment de l’octroi de la rente d’invalidité et celui de son examen clinique, comme il aurait convenu de le faire dans le cadre d’une révision du droit à la rente. Le fait qu’il remette systématiquement en question les diagnostics posés par les experts de la PMU et leurs conclusions quant au lien de causalité naturelle entre les troubles de l’assuré et l’accident permettait de douter sérieusement de la pertinence de ses conclusions, de sorte que son expertise ne pouvait se voir reconnaître de valeur probante. Le rapport du Pr D______ reprenait ses explications de 2006 pour justifier une incapacité de travail totale de l’assuré dans toute activité. Il n’y avait cependant pas lieu de revenir sur l’appréciation du Tribunal fédéral, qui avait écarté son rapport initial de 2006. En l’absence de rapport médical probant comparant la situation médicale entre le moment de l’octroi initial de la rente d’invalidité et celui de la décision litigieuse, la Cour de céans ne disposait pas des éléments nécessaires pour statuer.

g. Plusieurs échanges d’écritures entre l’assurance et l’assuré sur l’expert à mandater ont abouti à l’arrêt de la Cour de céans du 2 avril 2019 (ATAS/305/2019), qui a désigné le docteur I______, médecin au service de chirurgie orthopédique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Dans son rapport du 24 octobre 2019, l’expert a mentionné des gonalgies droites et une probable bursite chronique trochantérienne à droite, sans répercussions sur la capacité de travail. Il a estimé qu’en revanche, les cervicobrachialgies droites chroniques conduisaient à une limitation fonctionnelle majeure, avec répercussions sur la capacité de travail. Il a également fait état de douleurs occasionnelles de la hanche droite et du genou droit. Il a constaté que l’examen clinique réalisé en 2006 et son status étaient globalement comparables, avec des amplitudes articulaires de l’épaule, de la hanche et du genou droits similaires, à treize ans d’intervalle. L’examen clinique objectivait une épaule droite douloureuse et limitée fonctionnellement, tant passivement qu’activement. L’évolution était stable sur le plan clinique par rapport à 2006, mais en dégradation sur le plan subjectif. Les indications subjectives et les constatations objectives coïncidaient. Cependant, il n’existait pas de lésion objectivable pouvant expliquer les symptômes de l’assuré. Le Dr I______ a en outre mentionné la présence d’une scapula droite surélevée et décollée du plan thoracique, avec un trapèze contracturé, induré et tuméfié, douloureux lors de la palpation. Il a proposé une imagerie par résonance magnétique (IRM) de l'épaule droite et du rachis cervico-thoracique, afin d'évaluer plus précisément les muscles du complexe huméro-scapulo-rachidien, toutes les imageries datant de plus de trois ans. Il a également suggéré un électroneuromyographe (ENMG) du nerf long thoracique pour rechercher une origine à la scapula alta, ainsi qu’une consultation d’antalgie. Sur le plan psychologique, l’assuré se plaignait de troubles de la concentration et d’une sensation d'épuisement en lien avec ses problèmes assécurologiques, associés à une inquiétude concernant sa vie personnelle et une situation financière de plus en plus compromise. Il restait méfiant face aux possibilités thérapeutiques antalgiques et avait un sentiment d’abandon de la part du corps médical depuis de nombreuses années. Le Dr I______ a conclu qu'une activité de bureau, sans utilisation du membre supérieur droit au-dessus du plan de travail, avec possibilité de travailler de manière discontinue, par exemple deux fois deux heures de travail entrecoupées de 30 minutes de pause, était tout à fait exigible, telle qu’un travail en home office à 50%. Les problèmes de concentration devraient encore être évalués par un neuropsychologue.

h. Par courrier du 6 février 2020, l’assurance a informé l’assuré qu’eu égard à l’absence de modification de son état de santé ressortant du rapport du Dr I______, le degré d’invalidité de 50% était maintenu.

i. L’assuré a transmis à l’assurance un rapport du 14 février 2020 du docteur J______, spécialiste FMH en pneumologie, qui a diagnostiqué un syndrome sévère d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil avec quelques événements centraux et un index d’apnées de 64 par heure. Un appareillage continuous positive airway pressure (CPAP) avait été installé le 27 février 2020. L’assuré présentait une surcharge pondérale.

j. Le 6 avril 2020, le docteur K______, spécialiste FMH en médecine générale et médecin-conseil de l’assurance, s’est prononcé sur le syndrome d'apnées-hypopnées obstructives du sommeil diagnostiqué. Il a indiqué que les utilisateurs d'opioïdes à long terme présentaient un risque augmenté de présenter des apnées ou hypopnées d'allure centrale. Ce risque était difficile à préciser, mais était plutôt moyen. Il existait par ailleurs un faible risque de présenter des apnées obstructives du sommeil en cas d'utilisation chronique d'opioïdes. Dans le cas de l’assuré, la composante obstructive nécessitait la prise en charge par CPAP. Les opiacés étaient bien connus pour provoquer une sédation et une somnolence diurne. Ainsi, on pouvait admettre que la composante centrale des apnées du sommeil était de manière possible, voire probable, liée au traitement par opiacés. La causalité n’était que peu probable concernant la composante obstructive. En l'absence de causalité naturelle établie au degré de la probabilité, la prise en charge du traitement par CPAP n'incombait pas à l’assurance. S’agissant de l’examen neuropsychologique, il nécessitait une appréciation par un médecin spécialiste soit en neurologie, soit en psychiatrie. Dans le cas de l’assuré, il serait judicieux de choisir un neurologue, au vu de l’ENMG également préconisé par le Dr I______.

Les parties ont par la suite eu plusieurs échanges de correspondances portant sur l’établissement de l’expertise neuropsychologique.

C. a. L’OAI a également procédé à la révision du droit à la rente de l’assuré, ce qui a conduit à la mise en œuvre d’une expertise confiée au SMEX, soit aux docteurs L_____, M_____, N_____, et O_____, respectivement spécialistes FMH en psychiatrie, neurologie, médecine interne et chirurgie orthopédique.

Ces médecins ont rendu leur rapport le 13 novembre 2020.

Au plan orthopédique, les plaintes étaient restées les mêmes depuis l’accident, avec une limitation de la mobilité de l’épaule et une évolution défavorable malgré l’intervention de juin 2001. L’assuré avait eu une immobilisation très longue de son épaule, entraînant une épaule gelée, ce qui expliquait l’impotence fonctionnelle actuellement mesurée. Les gonalgies à la marche en descente aux deux genoux s’expliquaient par un syndrome rotulien bilatéral non incapacitant. Ces douleurs étaient plus sporadiques et pouvaient être liées à un déconditionnement. Elles étaient dépendantes des efforts. Les gênes au niveau de la hanche droite, ainsi que les cervicalgies et lombalgies, n’avaient pas de substrat organique et pouvaient également être liées à un déconditionnement.

Du point de vue de la médecine interne, l’assuré avait de multiples plaintes. À l’examen clinique, on retrouvait une obésité modérée, associée à un déconditionnement physique, probablement responsable d’une dyspnée à l’effort. Les examens biologiques n’avaient pas montré de pathologie organique. De ce point de vue, il n’y avait pas de limitation fonctionnelle.

Au plan neurologique, l’assuré ne présentait pas d’anomalies. Un diagnostic de dystonie avait été posé par le Pr D______. Une dystonie était caractérisée par une augmentation du tonus musculaire avec résistance au mouvement passif. S’il était bien possible de modifier la position de l’épaule droite, la mobilité du coude, du poignet et des doigts restait normale. Cela ne permettait pas de retenir une dystonie, car celle-ci portait toujours sur un membre entier. La fatigue et la somnolence dont se plaignait l’assuré atteignaient un niveau élevé sur le score d’Epworth et correspondaient à un syndrome sévère d’apnées du sommeil, dont le traitement était insuffisant. L’usage de l’appareillage Continuous positive airway pressure (CPAP) était en effet considéré comme inefficace en-dessous de 4h30 par jour ; or, jamais l’assuré n’avait atteint une telle durée d’utilisation selon les données de suivi sur 35 jours transmises à l’expert.

L’experte psychiatre a retenu un trouble de la personnalité paranoïaque (F 60).

Les diagnostics ayant une incidence sur la capacité de travail étaient les suivants : trouble de la personnalité paranoïaque (F 60), status après entorse de l’épaule droite le 1er novembre 2020 avec lésion du sus-épineux et du tendon du long chef du biceps, épaule gelée et persistance d’une impotence fonctionnelle. Parmi les diagnostics sans incidence sur la capacité de travail, les experts ont mentionné notamment : des gonalgies bilatérales avec syndrome rotulien, un déconditionnement musculaire, un syndrome d’apnées du sommeil appareillé, une obésité et une somnolence diurne sur syndrome d’apnées du sommeil sévère sous-traité depuis février 2020.

Le degré d’atteinte à la santé était considéré comme grave du point de vue interdisciplinaire. Les troubles psychiatriques étaient graves et influençaient lourdement la vie de l’assuré et celle de ses enfants. Ils empêchaient la prise en charge psychique. Au plan orthopédique, les troubles étaient moyens, seul le membre supérieur droit étant touché. Il n’y avait pas de déficit du point de vue de la médecine interne. Au plan neurologique, le syndrome d’apnées du sommeil était sévère, mais sous-traité. Un usage optimal de l’appareillage ne permettrait pas de déficit de cet ordre. L’assuré était centré sur sa maladie physique, anosognosique de ses problèmes psychiques et de ses carences affectives. Son sens des réalités et sa capacité de jugement avaient été altérés par ses perceptions. S’agissant des ressources, au plan psychique, l’assuré pouvait exercer une activité encadrée sans responsabilité sur le marché libre, ce qui tenait compte du fait qu’il avait perdu le contact avec une partie de la réalité externe. Les experts ont relaté que la famille de l’assuré fréquentait d’autres familles dans le cercle des témoins de Jéhovah. Elle était aussi beaucoup aidée par le frère de l’assuré. Au plan orthopédique, une activité de bureau sans utilisation du membre supérieur droit au-dessus du plan de travail était possible. Les limitations fonctionnelles étaient les travaux manuels et bimanuels, les activités répétées de préhension, de manipulation d’objets, de modelage, les travaux impliquant des serrages ou des frottements manuels, l’écriture prolongée, l’usage de clavier et souris ou d’autres outils informatiques avec la main droite. Le port de charges avec le membre supérieur droit était exclu. Du point de vue neurologique, la somnolence liée à la mauvaise compliance à l’appareillage limitait toute activité nécessitant une concentration ou une attention soutenue, comme par exemple la conduite professionnelle. S’agissant de la cohérence, l’assuré était limité dans tous les domaines, son auto-victimisation lui garantissant de garder sa famille autour de lui. Au plan orthopédique, il était limité dans toutes les activités nécessitant l’utilisation de son membre supérieur droit. Cela étant, il conduisait sa voiture automatique et devait ainsi pouvoir tenir le volant à deux mains. Les experts ont écarté tout élément d’auto-limitation. S’agissant de la capacité de travail, au plan psychique, au vu de l’anamnèse de 14 ans qui permettait un regard différent sur la situation, il apparaissait vraisemblable que, depuis le jour de l’accident, l’assuré présentait une incapacité de travail totale en raison des symptômes d’un trouble de la personnalité à traits paranoïaques. L’experte a précisé qu’il s’agissait d’une appréciation différente de la même situation et non d’une modification de l’état de santé, liée aux informations et à l’historique beaucoup plus long désormais à sa disposition, que le Dr G______ ignorait à l’époque. L’assuré pouvait toutefois exercer une activité encadrée sans responsabilité sur le marché libre du travail. Du point de vue orthopédique, la capacité de travail en tant que comptable était restée de 50%, l’expert exprimant son accord avec l’expertise du Dr I______. Aux plans neurologique et de la médecine interne, elle avait toujours été entière. Les experts ont retenu que l’état de l’assuré était stable. Il y avait eu une aggravation après l’expertise de la PMU de septembre 2006, avec une immobilité et non-utilisation de l’épaule droite, et le profil d’efforts était plus limité. Le syndrome sévère d’apnées et hypopnées obstructives du sommeil était également un facteur d’aggravation. Une incapacité totale n’était pas compréhensible, sachant que l’assuré conduisait sa voiture automatique et devait pouvoir tenir le volant à deux mains.

b. Dans un rapport du 7 mars 2021, le Dr J______ a confirmé le diagnostic de syndrome sévère d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil avec un index très élevé à 64 par heure et quelques évènements centraux. Certains patients ne supportaient pas l’appareillage, dans une proportion que ce médecin évaluait à 5%. Le traitement était inefficace en cas d’utilisation de moins de quatre heures par nuit. Les apnées-hypopnées obstructives du sommeil pouvaient être dues à un collapse des voies respiratoires, favorisé par l’anatomie, la surcharge pondérale et les sédatifs, et les apnées-hypopnées centrales résultaient d’une diminution du drive respiratoire pouvant être causée par une insuffisance cardiaque sévère, une atteinte traumatique ou ischémique et les sédatifs. Pour l’assuré, le syndrome était principalement de type obstructif avec quelques éléments centraux. Il prenait des antalgiques. L’indication à l’appareillage avait été posée de manière absolue au vu de la sévérité du syndrome. L’assuré avait signalé une tolérance au masque très médiocre avec une observation insuffisante. Il reconnaissait une disparition du ronflement sous traitement, mais se disait toujours aussi fatigué et somnolent la journée. Le pneumologue avait pris connaissance de son suivi thérapeutique par la technicienne d’appareillage. Selon les statistiques d’utilisation de la machine, l’observance était respectivement de 50%, 48% et 60%, ce chiffre représentant le nombre de nuits avec port de masque plus de quatre heures. Les données attestaient une excellente efficacité du traitement par appareillage. Les douleurs dues à la capsulite rétractile compliquaient la situation en affectant la qualité du sommeil et la tolérance au masque, l’assuré devant se mobiliser plusieurs fois pour trouver une position dans laquelle les douleurs devenaient tolérables.

c. Le 19 août 2021, le Dr K______ a qualifié l’expertise du SMEX de « très complète et concluante ». Le trouble de la personnalité paranoïaque était sans relation de causalité avec l’événement du 1er novembre 2000. Il était clairement précisé dans l'expertise que l’assuré ne présentait pas de troubles de la vigilance, de l'attention ou de la concentration. Il n’était pas fatigable. Les éclaircissements fournis par l'expertise SMEX du 13 novembre 2020 permettaient de renoncer à un examen neuropsychologique complémentaire. En effet, la somnolence diurne pourrait être complètement réversible par l'utilisation adéquate du CPAP. La relation de causalité entre le syndrome des apnées obstructives du sommeil et l'accident n’était pas retenue au-delà de la simple hypothèse. Le traitement par opiacés pouvait éventuellement être à l'origine d'apnées centrales, mais cette composante avait été estimée discrète. La somnolence diurne ne résultait donc pas de cette composante centrale, mais bien de la composante périphérique, totalement réversible sous traitement. Ainsi, le traitement par opiacés ne participait que de manière hypothétique et clairement anecdotique à la somnolence diurne. Les experts avaient retenu par ailleurs une obésité favorisant certainement le syndrome d’apnées-hypopnées du sommeil. Le traitement par opiacés avait été introduit depuis longtemps, alors que le syndrome des apnées du sommeil n’avait été diagnostiqué qu’en février 2020. Il n’y avait ainsi pas de relation de causalité entre ce syndrome et l'événement du 1er novembre 2000.

d. Par courrier du 17 septembre 2021, l’assurance a annoncé à l’assuré qu’un examen neuropsychologique n’était plus nécessaire, l’aspect neurologique ayant été analysé par l’expertise du SMEX, à laquelle elle se ralliait.

e. Par courrier du 29 septembre 2021, l’assuré a contesté l’expertise du SMEX et l’avis du Dr K______, requérant une expertise neuropsychologique.

f. Par décision du 12 mai 2022, l’assurance, se référant au rapport du Dr K______, a exclu toute relation de causalité entre le syndrome des apnées obstructives du sommeil et l'événement du 1er novembre 2000, les quelques éléments d'apnées centrales étant uniquement en lien possible avec la prise d’opiacés. De plus, un syndrome des apnées obstructives du sommeil pouvait être aisément traité par CPAP, de sorte qu’il ne constituait pas une aggravation. L’expertise du SMEX avait parfaitement pris en compte les douleurs chroniques et leur traitement par opiacés, et il n’y avait pas lieu de s’en écarter. L'aspect neuropsychologique ayant été analysé par l’OAI, une expertise sur ce point s’avérait inutile. Partant, l’assurance excluait toute modification de l’état de santé consécutif à l’accident et maintenait le degré d’invalidité à 50%.

g. L’assuré s’est opposé à cette décision en concluant à l’octroi d’une rente d’invalidité complète.

h. Par décision du 27 juillet 2022, l’OAI a reconnu le droit de l’assuré à une demi-rente d’invalidité correspondant à un degré d’invalidité de 50% et recalculé les rentes à partir du 1er novembre 2011. Le montant de la rente était modifié au vu de l’octroi d’une rente à son épouse.

i. Dans un complément d’opposition du 30 septembre 2022, l’assuré a exposé qu’il avait recouru contre la décision de l’OAI, qui n’avait pas instruit la cause de manière complète, notamment sur le plan neuropsychologique. Il a transmis un rapport du docteur P______, spécialiste FMH en psychiatrie, et soutenu que la dystonie évoquée par le Pr D______ n’avait pas été prise en compte par le SMEX. L’ENMG et l’IRM suggérés par le Dr I______ n’avaient en outre pas été réalisés.

j. Dans son rapport du 18 juin 2021, le Dr P______ a exposé ses divergences avec l’expertise psychiatrique du 13 novembre 2020.

Il a contesté le diagnostic de trouble de la personnalité avec des traits paranoïaques. Il en a rappelé et commenté les critères diagnostiques, exposant pourquoi ils n’étaient pas remplis. Ces critères n’avaient d’ailleurs pas été documentés dans l’expertise, et n’étaient pas confirmés par les observations tirées du suivi de l’assuré. Il était d’ailleurs nécessaire que les traits paranoïaques soient présents depuis le jeune âge adulte, ce qui n’avait pas été relevé dans l’expertise de 2006. Seules les relations avec les assurances démontraient une certaine prudence de l’assuré, car celui-ci avait perçu leur manière d’agir comme déloyale. L’expertise n’avait en outre pas pris en considération les facteurs culturels, soit l’origine italienne et la spiritualité de l’assuré. Dans cette culture, il était très mal vu de se plaindre de troubles psychiques. Ce psychiatre a également regretté l’absence de bilan neuropsychologique, soutenant que l’assuré présentait des troubles cognitifs. Il avait décrit au statut psychiatrique et à l’anamnèse des troubles de la concentration et de l’attention augmentés lors d’efforts de concentration. L’assuré se plaignait en outre d’une fatigue importante. La médication antalgique était en partie responsable de ces troubles, dont l’expertise ne pouvait faire abstraction. L’expertise avait en outre négligé de décrire le traitement pris, mentionnant uniquement les consultations rhumatologiques, la physiothérapie et le traitement antalgique. En conclusion, elle comportait d’importantes lacunes. Cela n’excluait toutefois pas l’existence de troubles psychiatriques invalidants, et le Dr P______ rejoignait l’experte psychiatre sur l’incapacité de travail complète au plan psychique, mais celle-ci ne s’appliquait pas uniquement à son ancien poste de travail. Ce psychiatre pouvait attester d’une incapacité totale pour motifs psychiatriques en avril 2015 déjà, mais celle-ci était anamnestiquement présente bien avant, soit deux ans après l’accident, à partir de la chronicisation des douleurs. Une reprise d’activité nécessiterait un long processus de réadaptation, qui semblait déraisonnable avec de très faibles chances de succès au vu des limitations. Un échec serait en outre difficile à supporter pour l’assuré.

k. Par décision du 26 janvier 2023, l’assurance a rejeté l’opposition.

Elle a retenu que l’expertise du Dr I______, probante, excluait toute modification du droit à la rente. S’agissant de l’examen neuropsychologique, l’expertise du SMEX apportait les éléments nécessaires permettant d'évaluer les problèmes de concentration annoncés par le Dr I______. Ces problèmes étaient en lien avec une utilisation insuffisante du CPAP, et les troubles de la concentration n’étaient en outre pas incapacitants. Le syndrome d’apnées du sommeil n’était pas exclusivement associé au traitement par opiacés, et n’était ainsi pas en lien de causalité avec l’accident, comme l’avait établi le Dr K______.

D. a. L’assuré a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de céans. Il a conclu, sous suite de dépens, préalablement à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire neuropsychologique et rhumatologique, à l’apport du dossier de l’OAI, et à ce qu’il soit autorisé à produire des pièces médicales complémentaires, principalement à l’annulation de la décision sur opposition du 26 janvier 2023, et à ce qu’il soit dit qu’il a droit à une rente d'invalidité de l’assurance entière dès le 1er mai 2015.

b. Dans sa réponse du 18 avril 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours en reprenant pour l’essentiel les considérants de sa décision sur opposition.

c. Dans sa réplique du 17 juillet 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a soutenu qu’un examen neuropsychologique du 23 mai 2023 avait confirmé l’existence de tels troubles, lesquels avaient des conséquences sur sa capacité de gain et persistaient malgré une utilisation adéquate du CPAP. Les troubles de la concentration et la somnolence étaient en lien direct avec les antalgiques et, partant, avec l'accident. Seule une expertise permettrait de trancher définitivement et clairement la capacité de travail en lien avec ces troubles. Le docteur Q______, spécialiste FMH en médecine physique, avait diagnostiqué des pathologies occasionnant des douleurs supplémentaires. Il y avait donc lieu de diligenter une expertise également sur les troubles de l'épaule. Enfin, il a soutenu que ses troubles psychiques étaient en lien de causalité avec l’accident et n’avaient pas été instruits par l’intimée. Plusieurs des critères d’adéquation dégagés par la jurisprudence étaient réalisés : l’épaule gelée résultait en effet d’une erreur de traitement, à savoir une immobilisation trop longue. Les douleurs physiques étaient persistantes et invalidantes. Le traitement avait été très long, et l’incapacité de travail était permanente et importante. L’intimée ne s’était pas prononcée sur le rapport du Dr P______, dont le recourant demandait l’audition. Il demandait alternativement une expertise judicaire pluridisciplinaire.

Il a produit les documents suivants :

-          rapport d’utilisation démontrant une application du CPAP de 6h20 par jour en moyenne de mai 2022 à mai 2023 ;

-          rapport du 16 mai 2023 de Madame R______, psychologue. Celle-ci a noté que l’assuré était non ralenti et légèrement fatigable lors de son examen neuropsychologique. Cet examen avait mis en évidence un déficit en mémoire épisodique verbale affectant le processus de récupération et un encodage légèrement laborieux, avec uniquement le premier rappel total inférieur à la norme, et des difficultés attentionnelles caractérisées par un ralentissement dans des tâches d'exploration visuo-spatiales et de rendement visuo-spatial et de rendement. Ce ralentissement était présent uniquement dans les tâches écrites. Le reste des fonctions cognitives investiguées apparaissait en revanche préservé. Les difficultés cognitives observées pourraient s'inscrire dans le cadre d'une problématique thymique de type anxio-dépressive. Par ailleurs, la médication et la composante algique pourraient également participer aux difficultés rencontrées ;

-          rapport du 6 avril 2023 du Dr Q______ évoquant un status après chirurgie réparatrice de l’épaule compliquée d’une capsulite rétractile et impotence fonctionnelle et algique majeure chronique, actuellement décompensée par une bursite sous-acromiale, un conflit sous-acromial, une tendinopathie du sus-épineux et un épanchement gléno-huméral modéré, et attestant une incapacité de travail totale conformément à l’expertise de 2016 du Pr D______ ;

-          rapport d’IRM du 13 février 2023 retenant un status après ténodèse du tendon du long chef du biceps dans le cadre d'une ancienne cure chirurgicale de rupture de coiffe, sans récidive de déchirure, sans atrophie ni amyotrophie des muscles de la coiffe, un conflit sous-acromial avec une fine réaction liquidienne de la bourse sous-acromio-deltoïdienne associé à une tendinopathie sous-jacente du tendon du muscle sus-épineux qui présentait un remaniement inflammatoire, et une discrète ascension de la tête humérale par rapport à la glène, mais sans omarthrose.

d. Dans sa duplique du 29 août 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions. Elle avait soumis les éléments médicaux produits par le recourant à son médecin conseil, le docteur S______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, qui confirmait la capacité de travail de 50% déjà admise. S’agissant des troubles psychiques, l’experte du SMEX n’avait pas retenu de lien de causalité avec l’accident, et le rapport de Mme R______ ne mentionnait pas non plus de causalité. Par ailleurs, l’accident était de peu de gravité, de sorte que les troubles psychiques n’étaient pas en lien avec l’accident. S’agissant des troubles du sommeil, le rapport sur l’utilisation du CPAP était postérieur à l’expertise et ne pouvait la remettre en question. De plus, la doctoresse T______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin-conseil de l’intimée, s’était déterminée sur ce point. L’intimée a soutenu que le recourant avait cherché à établir un lien de causalité entre ses troubles neuropsychologiques et les apnées du sommeil, alors même qu’il suivait déjà un traitement efficace par CPAP, de sorte que les apnées ne pouvaient ainsi être à l’origine de ces troubles. L’intimée y voyait un manque de transparence.

Elle a produit l’appréciation de la Dresse T______ du 14 août 2023. Celle-ci y a retenu que le CPAP était le traitement optimal du syndrome d'apnées du sommeil. Dans son rapport, le Dr J______ avait très clairement exposé les différentes étiologies de ce syndrome et souligné que l’assuré présentait de manière nettement prépondérante une atteinte périphérique, liée à son anatomie et son obésité de stade I. Les données communiquées par le Dr J______ démontraient en outre une excellente efficacité du traitement en cas de compliance.

Dans l’avis joint du 12 août 2023, le Dr S______ a considéré que le Dr Q______ ne pouvait être suivi en tant qu’il affirmait que l'assuré ne pouvait pas effectuer des tâches comptables ou administratives. Ce médecin n’avait pas précisé les angulations dans les différents secteurs de mobilité. Il ne mentionnait pas de nouveau diagnostic susceptible de modifier les appréciations antérieures, pas plus que l’IRM.

e. Dans son écriture du 13 septembre 2023, le recourant a soutenu que ses troubles neuropsychologiques étaient imputables essentiellement aux antalgiques qu’il prenait. Ils étaient ainsi en lien avec l’accident. Il a soutenu que les accidents impliquant des motocyclistes percutés par des voitures étaient classés dans les accidents de gravité moyenne.

f. Le 28 septembre 2023, l’intimée a allégué que le diagnostic de trouble de la personnalité paranoïaque posé par l’experte psychiatre du SMEX n’était pas en lien de causalité avec l’accident. Par ailleurs, cet événement était de gravité faible.

g. Les parties ayant donné leur accord à une interpellation par écrit du Dr P______ et soumis leurs questions, la Cour de céans a invité ce médecin à y répondre le 29 septembre 2023.

Celui-ci a exposé suivre le recourant depuis avril 2015 et, avant cette date, dans le cadre d'une prise en charge systémique d'un membre de sa famille. Les difficultés médico-assécurologiques avaient un important impact sur la famille. La problématique psychiatrique étant devenue plus importante, avec une prise en charge régulière dès juin 2021, avec des entretiens mensuels ou plus fréquents. Les diagnostics non somatiques étaient ceux de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen à sévère avec syndrome somatique F 33.1, de trouble anxieux sévère F 41, de modification durable de la personnalité sur troubles anxio-dépressifs persistants F 62 et de troubles cognitifs à prédominance mnésique et attentionnelle F 06. Le Dr P______ a également mentionné des diagnostics somatiques. La capacité de travail du recourant était nulle dans son métier d'aide-comptable en raison de ses difficultés d'attention et de mémoire. Le Dr P______ ne concevait pas d’activité adaptée pour lui en raison de ses limitations physiques et psychiatriques et de sa vulnérabilité au stress. Depuis 2015, 1'incapacité de travail était totale sur le plan psychiatrique. Les limitations fonctionnelles étaient une anxiété en rapport avec chaque décision, une procrastination, un manque de flexibilité relationnelle, une irritabilité, un risque accru d'erreurs en raison des troubles cognitifs à prédominance mnésique et attentionnelle, une perte d'autonomie pour certaines tâches, notamment administratives, un repli social, une angoisse envahissante lorsqu'il se retrouvait dans certaines situations dans lesquelles des inspecteurs l'avaient suivi, un épuisement, un découragement pour certaines tâches administratives, une angoisse liée aux troubles neuropsychologiques, ainsi qu’une lenteur liée aux vérifications et à l’évitement de certaines tâches, et une capacité fortement réduite à tenir le stress. Le Dr P______ a mentionné des difficultés sur le plan cognitif révélées à l'anamnèse et à l'hétéro-anamnèse recueillie auprès de son épouse et de ses filles. Le status psychiatrique mettait également en évidence de tels troubles lorsqu'on les cherchait systématiquement. Le test du Mini Mental State de Folstein avait été effectué à plusieurs reprises, avec un score anormal pour l’âge et la formation du recourant. De plus la médication prise induisait typiquement des troubles cognitifs. Un bilan neuropsychologique avait finalement pu être effectué et contredisait les conclusions du SMEX. L’assuré présentait en outre une fatigue, une fatigabilité et une somnolence diurne, possiblement d'origine multiple : les troubles anxieux et dépressif d'une part, et d'autre part les médicaments antalgiques, qui avaient un impact toxique à court et long termes, et les troubles du sommeil. Enfin, on ne pouvait exclure une contribution, possiblement minime, de l'âge au déclin cognitif observé. Le Dr P______ avait lui-même constaté des troubles neuropsychologiques. La capacité de travail était nulle selon le psychiatre, et le pronostic était mauvais au vu des troubles chroniques, qui iraient en s’aggravant.

h. Dans ses déterminations du 23 novembre 2023, l’intimée a répété que les troubles du sommeil ne pouvaient être à l’origine des troubles neuropsychologiques, puisque le CPAP était efficace et qu’il était désormais utilisé correctement. S’agissant d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques, l’intimée l’a nié au motif que l’accident était de peu de gravité. Il s’était en effet produit à faible vitesse, puisque le recourant avait freiné avant sa chute. Même s’il fallait considérer que cet accident était à la limite inférieure des cas de gravité moyenne, seul le critère de l’incapacité de travail pourrait être retenu, ce qui était insuffisant. Les autres critères n’étaient pas remplis lors de la stabilisation du cas.

i. Le recourant s’est déterminé le 15 décembre 2023 en persistant dans ses conclusions. Il a affirmé qu’il roulait à 50 km/h lorsqu’il était tombé de son scooter. L’accident était ainsi de gravité moyenne. Par ailleurs, le Dr P______ avait bien étayé ses difficultés, dont l’expertise du SMEX n’avait pas adéquatement tenu compte.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable.

4.             Le litige porte sur le point de savoir si le degré d’invalidité du recourant s’est modifié dans une mesure déterminante pour son droit aux prestations.

5.             En préambule, s’agissant de la requête du recourant tendant à l’apport du dossier de l’OAI, on relèvera qu’il a eu accès à l’intégralité de ce dossier, à l’instar de l’intimée, dont les pièces essentielles ont en outre été versées à la procédure. Partant, la Cour de céans renonce à formellement ordonner une telle mesure.

6.             Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). L'art. 8 LPGA précise qu'est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d'activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA).

7.             Selon l'art. 17 al. 1 LPGA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 – applicable dès lors que le litige porte sur une modification du degré d’invalidité antérieure à cette date –, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

7.1 Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, et partant le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5). Une simple appréciation différente d'un état de fait, qui, pour l'essentiel, est demeuré inchangé n'appelle en revanche pas à une révision au sens de l'art. 17 LPGA (ATF 112 V 371 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_818/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2). Ainsi, le fait qu’un diagnostic ne soit plus retenu à l’issue d’un examen médical ne saurait justifier, à lui seul, la révision du droit à la rente, dans la mesure où un tel constat ne permet pas d’exclure que l’état de fait (demeuré pour l’essentiel inchangé) ait simplement été apprécié de manière différente. Une modification sensible de l’état de santé ne saurait être admise que si le nouveau diagnostic, ou l’absence d’un diagnostic posé précédemment, est corroboré par un changement clairement objectivé de la situation clinique et par l’amélioration, voire la disparition, des limitations fonctionnelles retenues précédemment (Margrit MOSER-SZELESS in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 12 ad. art. 17 LPGA).

7.2 Le point de savoir si un changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (arrêts du Tribunal fédéral 9C_89/2013 du 12 août 2013 consid. 4.1 et 9C_431/2009 du 3 novembre 2009 consid. 2.1). Une communication rendue par l'administration dans le cadre d’une procédure de révision, lorsqu'elle s'est contentée de recueillir l'avis du médecin traitant, ne peut se voir conférer la valeur d'une base de comparaison déterminante dans le temps (arrêts du Tribunal fédéral 9C_76/2011 du 24 août 2011 consid. 5.1 et 9C_910/2010 du 7 juillet 2011 consid. 3.2). En revanche, une communication reposant sur une expertise et une constatation des faits pertinents d'ordre médical et leur incidence sur la capacité de gain d’un assuré a été considérée comme une base de comparaison déterminante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_123/2011 du 7 novembre 2011 consid. 4).

8.             L'assurance-accidents est en principe tenue d'allouer ses prestations en cas d'accident professionnel ou non professionnel en vertu de l'art. 6 al. 1 LAA. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale (art. 4 LPGA).

9.             Le droit à des prestations d'assurance suppose entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle mais aussi adéquate (arrêt du Tribunal fédéral 8C_628/2007 du 22 octobre 2008 consid. 5.1). Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1).

L’existence d’un rapport de causalité adéquate entre l'événement assuré et l'atteinte à la santé est une question de droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_649/2019 du 4 novembre 2020 consid. 6.1.3).

Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d'assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien ne peut de toute façon pas être qualifié d'adéquat (ATF 135 V 465 consid. 5.1).

10.         En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants, ou de peu de gravité ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Le degré de gravité d'un accident s'apprécie d'un point de vue objectif, en fonction de son déroulement; il ne faut pas s'attacher à la manière dont la victime a ressenti et assumé le choc traumatique. Sont déterminantes les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2012 du 4 septembre 2013 consid. 7.2 et les références).  

10.1 Selon la jurisprudence, en cas d'accident insignifiant ou de peu de gravité, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et des troubles psychiques peut en règle générale être niée d'emblée (ATF 140 V 356 consid. 5.3). Ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'un accident de peu de gravité peut constituer la cause adéquate d'une incapacité de travail et de gain d'origine psychique. Il faut alors que les conséquences immédiates de l'accident soient susceptibles d'avoir entraîné les troubles psychiques et que les critères applicables en cas d'accident de gravité moyenne se cumulent ou revêtent une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2008 du 24 avril 2009 consid. 5.2 et les références).

10.2 En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants :  

-    les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident ; 

-    la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques ; 

-    la durée anormalement longue du traitement médical ; 

-    les douleurs physiques persistantes ; 

-    les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident ; 

-    les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ;  

-    le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques. 

10.3 Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsque l'on se trouve en présence d'un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_729/2016 du 31 mars 2017 consid. 5.2 et les références). Dans le cas d’un accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l'un des critères se manifeste avec une intensité particulière (arrêts du Tribunal fédéral 8C_566/2013 du 18 août 2014 consid. 6.1 et 8C_622/2010 du 3 décembre 2010 consid. 4.1).

10.4 Les événements suivants ont été classés dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des cas inférieurs : chute d’une cycliste dont le guidon est heurté par une voiture (arrêt du Tribunal fédéral 8C_768/2008 du 3 juin 2009 consid. 4.1), chute à moto lors d’une manœuvre d’évitement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_912/2009 du 26 février 2010 consid. 5.2), chute latérale sur l’épaule d’un cycliste qui freine brusquement en raison d’une manœuvre de freinage de son fils qui roulait devant lui (arrêt du Tribunal fédéral 8C_105/2012 du 23 juillet 2012 consid. 5.4) ; chute à moto à basse vitesse sans choc avec un autre véhicule (arrêt du Tribunal fédéral 8C_566/2013 du 18 août 2014 consid. 6.1).

10.5 Dans le cas d’espèce, on peut d'ores et déjà exclure un lien de causalité adéquate entre l'accident et d'éventuels troubles psychiques. En effet, l'événement du 1er novembre 2000 n'a pas consisté en une collision entre le scooter du recourant et une voiture, mais en une chute consécutive à un dérapage sur le sol mouillé après un freinage brusque pour éviter une voiture, comme cela ressort notamment de la déclaration de sinistre et des explications du recourant à la PMU. Compte tenu précisément du freinage opéré, on ne saurait retenir que la chute est survenue alors que le recourant roulait encore à 50 km/h. Par analogie avec la jurisprudence précitée, cet évènement doit ainsi être considéré comme un accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité. Il n’est du reste pas inutile de souligner que le Pr D______ semble implicitement admettre le caractère banal du traumatisme dans son complément d’expertise de novembre 2016.

Dans un tel cas de figure, quatre des critères dégagés par la jurisprudence doivent être remplis pour admettre l’existence d’un lien de causalité avec l’accident. Les parties s’accordent à raison sur le fait que le critère ayant trait à l’incapacité de travail est réalisé. S’agissant des autres critères, il n’est pas contesté que les circonstances concomitantes dramatiques ou la gravité ou nature particulière des lésions font défaut. En ce qui concerne la durée du traitement, elle n’est pas non plus réalisée. Le recourant a subi une intervention unique, et l’utilisation d’antalgiques et la physiothérapie par la suite ne sont pas déterminantes. En effet, il faut dans ce cadre uniquement prendre en compte le traitement thérapeutique nécessaire, dont les mesures d'instruction médicale et les simples contrôles chez le médecin ne font pas partie. Par ailleurs, l'aspect temporel n'est pas seul décisif. Il y a lieu de prendre en considération la nature et l'intensité du traitement, et si l'on peut en attendre une amélioration de l'état de santé de l'assuré. La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations, même pendant une certaine durée, ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.4.3 et les références). Contrairement à ce que soutient le recourant, on ne déplore aucune erreur médicale dans le traitement. En revanche, on doit admettre une complication importante en lien avec la survenance d’une capsulite rétractile. On doit également retenir que le critère des douleurs physiques persistantes est réalisé, dès lors que le recourant a besoin d’un traitement lourd par opiacés.

Partant, seuls trois critères sont réalisés, ce qui est insuffisant conformément à la jurisprudence en cas d’accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité.

11.         Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; ATF 115 V 133 consid. 2).

11.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a, ATF 22 V 157 consid. 1c).

11.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

11.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

12.         En l’espèce, la survenance d’une modification du degré d’invalidité doit être analysée par rapport à la situation qui prévalait lors de l’expertise de la PMU en 2006, à l’issue de laquelle les médecins avaient retenu une capacité de travail de 50%.

L’intimée a nié l’existence d’un motif de révision du droit à la demi-rente allouée en se fondant sur l’expertise du Dr I______ dans un premier temps, ainsi que sur l’expertise du SMEX s’agissant des volets neurologique et neuropsychologique.

13.         L’expertise du Dr I______ satisfait aux réquisits jurisprudentiels applicables pour admettre la valeur probante d’un rapport médical. Elle a en effet été établie en parfaite connaissance du dossier médical, elle relate les plaintes du recourant et reprend son anamnèse, et ses diagnostics ont été posés à l’issue d’un examen clinique détaillé. Ses conclusions sont en outre motivées et convaincantes. L’expertise du Dr I______ permet d’exclure une aggravation objective de l’état de santé du recourant au plan orthopédique, l’examen clinique étant largement comparable à celui du Dr E______. S’agissant de l’ENMG et de l’IRM dont cet expert a suggéré l’organisation, il suffit de souligner qu’il n’a pas subordonné la validité de ses conclusions à la réalisation de ces examens, qui visent avant tout à mieux cerner les causes de l’atteinte. Dans la mesure où ce sont les répercussions cliniques de ladite atteinte qui sont déterminantes pour évaluer la capacité de travail et de gain, et que le Dr I______ les a clairement exposées et prises en compte, les examens complémentaires évoqués ne sont pas indispensables dans la présente procédure.

En ce qui concerne l’évaluation du Pr D______ en 2016 invoquée par le recourant, on peut se référer aux considérants de la Cour de céans dans son arrêt du 3 avril 2018, et répéter qu’elle se fonde sur les mêmes arguments que l’expertise privée réalisée sous la supervision de ce médecin en 2006, dont la pertinence a été écartée par le Tribunal fédéral. Elle n’évoque pas de modification particulière depuis et ne révèle ainsi pas d’aggravation déterminante. S’agissant de la dystonie évoquée dans le complément d’expertise de novembre 2016 – que le Dr M_____ a écartée au motif qu’une telle atteinte touche l’ensemble du membre –, on précisera qu’il ne s’agit pas là non plus d’un diagnostic posé avec certitude mais d’une hypothèse, puisque le Pr D______ proposait des examens complémentaires pour le confirmer. Cela étant, même s’il fallait reconnaître l’existence d’une telle atteinte – malgré le fait que la science médicale semble selon les indications du Pr D______ peu avancée dans sa reconnaissance – cela relèverait d’une simple requalification du diagnostic, qui n’implique pas pour autant une aggravation de l’état de santé. En effet, le Pr D______ ne mentionne pas de limitations fonctionnelles supplémentaires liées à une éventuelle dystonie. Or, les répercussions de l’atteinte à l’épaule, notamment celles liées aux douleurs et aux limitations de la mobilité, ont déjà été dûment prises en compte par les médecins de la PMU et par le Dr I______, comme on l’a vu. Enfin, les conclusions du Dr Q______, au demeurant peu motivées, sont établies en référence à celles émises par le Pr D______ en 2016. Ce médecin n’amène ainsi aucun élément nouveau objectif, mais procède à une appréciation différente de la situation. L’IRM ne révèle pas non plus d’atteinte nouvelle déterminante, contrairement à ce que soutient le recourant.

 

14.          

14.1 En ce qui concerne le syndrome d’apnées et hypopnées du sommeil, on relèvera en premier lieu qu’il n’est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante qu’il soit en lien de causalité avec l’accident, dès lors que si l’utilisation d’opiacés – elle-même en relation de causalité avec cet accident – peut contribuer à son apparition, d’autres causes peuvent l’expliquer selon les indications du Dr J______, confirmées par le Dr K______. Quoi qu’il en soit, le Dr M_____ a écarté toute incidence de ce syndrome sur la capacité de travail, en relevant que l’utilisation de l’appareillage CPAP visant à le traiter était inférieure aux seuils d’efficacité. Les rapports du Dr J______ ne permettent pas d’écarter cette conclusion. Si la sévérité du trouble et l’indication à l’appareillage CPAP annoncées par ce pneumologue ne sont pas contestées, elles ne suffisent pas à fonder une incapacité de travail, seules les éventuelles répercussions sous forme de somnolence diurne ou de fatigue malgré une compliance adéquate à l’utilisation du CPAP devant être prises en compte. Or, le Dr J______ a relevé une excellente efficacité du traitement, lequel est désormais suivi dans la mesure exigible par le recourant, si l’on se réfère aux données d’utilisation de mai 2022 à mai 2023.

14.2 Compte tenu de ce qui précède, on peut exclure toute aggravation de l’état de santé au plan orthopédique et en raison du syndrome d’apnées du sommeil. En revanche, s’agissant des troubles neuropsychologiques dont le Dr I______ recommandait l'évaluation, ils n'ont fait l'objet d'aucun examen spécialisé. On ne peut en particulier pas suivre le Dr K______ lorsqu’il soutient que les experts du SMEX les ont analysés. La simple mention de l’absence de troubles de la vigilance, de l'attention ou de la concentration dans leur rapport ne saurait se substituer à un examen dans les règles de l’art de ces troubles, et ne suffit pas à les exclure. Le recourant s'est en effet plaint d'oublis et de fatigue à l'experte psychiatre, et le Dr P______ a confirmé avoir observé des troubles cognitifs. Enfin, l’examen neuropsychologique réalisé en mai 2023 a mis en évidence de tels troubles.

Il est vrai que le rapport d’examen neuropsychologique ne se prononce pas sur le degré de sévérité de ces troubles ni sur leur éventuelle incidence sur la capacité de travail – évaluation qui n’est du reste pas du ressort d’un psychologue mais d’un médecin. On doit aussi relever que l’origine des troubles neuropsychologiques n’est pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante, alors qu’elle est déterminante dans l’appréciation de la responsabilité de l’intimée. Selon les explications des spécialistes, lesdits troubles pourraient être imputés à un trouble psychique, auquel cas l’intimée n’en répondrait pas, ou résulter de la prise du traitement d’opiacés, hypothèse dans laquelle ils seraient en lien de causalité avec l’accident. Ce point doit ainsi également être clarifié.

En l’absence de rapport probant sur l’existence de troubles neuropsychologiques découlant du traitement par opiacés et sur leur caractère incapacitant, la Cour de céans n’est pas en mesure de trancher le litige.

L’intimée n’ayant pas procédé à l’instruction complète du litige, il se justifie de lui renvoyer la cause (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4) afin que ces points soient élucidés, avant de trancher une nouvelle fois le droit à la rente.

On précisera encore qu’une procédure parallèle oppose devant la Cour de céans le recourant à l’OAI (cause A/2949/2022), laquelle porte également sur la révision du droit aux prestations et implique également le renvoi pour investigation des troubles psychiques et neuropsychologiques. Dans ces circonstances, il paraît opportun que l’examen neuropsychologique soit organisé de concert avec l’OAI, dans le respect des exigences de participation prévues à l'art. 44 LPGA. 

15.         Le recours est partiellement admis.

Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision de l’intimée du 26 janvier 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le