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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/802/2024

ATAS/412/2024 du 06.06.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/802/2024 ATAS/412/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 juin 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par ADC Association de défense des chômeur-se-s, mandataire

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1992, de nationalité française, s’est inscrit auprès de l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) en date du 29 août 2023 en expliquant être apte au placement dès le 1er octobre 2023, à un taux d’activité de 100%. Dans son formulaire d’inscription, il exposait que son dernier employeur était B______ (ci-après : B______), auprès duquel il avait travaillé du 23 mai 2022 jusqu’au 8 juillet 2023. L’employeur avait résilié les rapports de travail de l’assuré le 8 juillet 2023, pour le 30 septembre 2023 ; le dernier jour de travail de l’assuré était le jour de son licenciement, soit le 8 juillet 2023.

b. L’employeur a complété l’attestation destinée à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la CCGC ou l’intimée), en date du 3 octobre 2023, en inscrivant sous le chiffre 13 « Motif de la résiliation » la mention « Licenciement par l’employeur ». La lettre de licenciement du 10 juillet 2023 ne mentionnait pas de motifs, elle se référait au contrat de travail ainsi qu’à « l’entretien du 8 juillet 2023 » et ajoutait que l’assuré avait été libéré de son obligation de travailler, à compter du 10 juillet 2023.

c. Par courrier du 26 octobre 2023, l’assuré a interpellé la CCGC, rappelant qu’il avait déposé son dossier le 3 octobre « suite à un licenciement assez abusif de mon employeur » et demandant que son dossier soit traité rapidement.

d. Dans le questionnaire en cas de licenciement qu’il a retourné à la CCGC, en date du 31 octobre 2023, l’employeur a précisé que l’assuré n’avait pas été licencié en raison de restructurations ou de contraintes économiques mais en raison de son comportement inadéquat et en précisant qu’il avait fait l’objet d’avertissements oraux et écrits. Il était notamment mentionné qu’il avait commis des erreurs dans le cadre de sa fonction soit de l’impulsivité, du retard et un non‑respect des procédures, ce qui avait abouti à un conflit sur le lieu de travail. L’employeur ajoutait encore que, malgré plusieurs entretiens oraux et la volonté de la part du collaborateur, son impulsivité et ses retards avaient continué.

e. L’employeur a également transmis à la CCGC un courrier daté du 9 août 2023 et adressé à l’assuré par lequel l’employeur s’étonnait que l’employé allègue ignorer les motifs du licenciement dans la mesure où « tant votre licenciement que ses motifs vous ont bel et bien été exprimés clairement lors de votre entretien du 8 juillet 2023. En effet, lors de cet entretien, nous vous avons expliqué que votre impulsivité a donné lieu à plusieurs litiges, que ce soit avec des clients qu’envers [sic] votre hiérarchie et ce, malgré le fait qu’il vous ait été remonté oralement à plusieurs reprises [sic] et lors de votre EAD en janvier 2023, que des efforts de votre part devaient être fournis concernant votre posture et votre communication. Depuis juillet 2023, vous n’avez à nouveau pas su gérer une cliente, ce qui a à nouveau donné lieu à un litige client. En outre, la manière dont vous vous êtes exprimé auprès de votre hiérarchie lors de votre demande de congé hors-délai n’était pas acceptable. Dans l’attitude agressive que vous avez décidé d’adopter durant l’entretien du 8 juillet 2023, vous avez refusé de signer votre lettre de licenciement, laquelle vous a dès lors été adressée par courrier recommandé le 10 août suivant ». (…) « De surcroît, vous avez fait l’objet de nombreux retards durant toute la durée de votre contrat, ce qui vous a également été remonté à plusieurs reprises que ce soit oralement ou lors de votre EAD ». Un formulaire d’évaluation (EAD) était également joint en annexe, mentionnant parmi les axes d’amélioration, le fait que l’assuré ne pouvait pas prendre de lui-même la décision de partir avant (la fin de son travail), qu’il devait faire attention car sa maladresse pouvait lui porter préjudice et qu’il devait également faire attention à la communication en rapport avec un mail envoyé à l’un de ses collègues. S’agissant de la relation clientèle, il lui était reproché d’être moins avenant et injuste et de pouvoir se braquer rapidement face à des clients difficiles. Il était enfin rappelé qu’il avait été nommé « capitaine » du magasin, ce qui était un honneur et qu’il devait être exemplaire sur la sécurité, la propreté du magasin, la ponctualité ou le commerce, ce qui était en très bonne voie pour 2023.

f. Dans son propre questionnaire en cas de licenciement, l’employé a mentionné qu’il n’avait pas fait l’objet d’avertissements oraux ou écrits et qu’aucun objectif ne lui avait été fixé. Il a admis avoir commis une erreur dans le cadre de sa fonction lorsqu’il avait demandé un jour de congé pour le mariage de son frère et, après avoir subi un refus, avait menacé de se mettre en arrêt de travail, ce qu’il n’avait finalement pas fait. Il mentionnait être venu travailler, malgré le refus, et avoir été licencié dès le lendemain. Il reconnaissait un conflit sur le lieu de travail et mentionnait des conflits « discriminatoires » et un licenciement pour avoir demandé un jour de congé qui lui avait été refusé. Il contestait les motifs invoqués par l’employeur, mais précisait n’avoir pas déposé de demande en justice à son encontre.

g. L’assuré a joint à sa réponse à la CCGC un courrier envoyé le 3 août 2023 à son employeur, dans lequel il s’opposait au licenciement et alléguait qu’aucun motif de licenciement ne lui avait été donné lors de l’entretien du 8 juillet 2023. Il ajoutait avoir toujours rempli les exigences de l’entreprise, avoir assuré les objectifs du chiffre d’affaires, avoir pris part à tous les entretiens d’évaluation qui étaient positifs et avoir obtenu des notations de satisfaction très élevées par la clientèle. Il mentionnait que, depuis l’arrivée d’une nouvelle direction en février 2023, les conditions et le climat de travail s’étaient dégradés, qu’il n’avait plus bénéficié de formation et avait vu surgir des agissements hostiles à son égard ; il considérait n’avoir obtenu aucun soutien du management lors d’une agression verbale à caractère raciste de la part d’une cliente et s’être vu refuser un congé d’un jour, pour un événement familial important, alors qu’il en avait formulé la demande à l’avance, congé qu’il n’avait finalement pas pris.

h. Par email du 3 novembre 2023, la CCGC a demandé des précisions à l’employeur, notamment s’il avait délivré des avertissements oraux et écrits. L’employeur a répondu, par e-mail du 6 novembre 2023, qu’il avait échangé avec l’assuré sur les axes de travail de l’assuré, c’est-à-dire ses retards et son impulsivité. Deux entretiens oraux avaient été convenus et c’était la dernière fois que ces problématiques « faisaient état de lieu » (sic). Suite au non-respect de cet accord, l’employeur avait décidé de résilier le contrat de l’assuré.

B. a. Par décision du 10 novembre 2023, la CCGC a prononcé à l’égard de l’assuré une suspension du droit à l’indemnité de 20 jours, en considérant que par son comportement, il avait donné à son employeur un motif de résiliation de son contrat de travail. Son comportement inapproprié envers son employeur, fondé notamment sur les déclarations de ce dernier, était la raison de son licenciement ; partant, il était responsable de sa situation de chômage. Néanmoins, afin de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, la quotité de la suspension avait été fixée à 20 jours, soit une pénalité pour faute moyenne ; la sanction, en cas de faute grave, qui s’étendait normalement de 31 à 60 jours de suspension, avait ainsi été réduite.

b. Par courrier reçu le 10 novembre 2023 par la CCGC, l’assuré a exposé à nouveau les arguments qu’il avait déjà mentionnés, considérant que son employeur avait menti et qu’une des raisons de son licenciement était la couleur de sa peau, « suite à plusieurs remarques et suite à plusieurs litiges avec des clients qui ont eu des propos discriminatoires à mon égard ». Il a joint à son courrier les pièces suivantes :

-        une attestation non datée rédigée par un dénommé C______, ancien collègue de travail qu’il avait fréquenté pendant dix mois et qui parlait de lui en des termes flatteurs, mentionnant notamment ses compétences remarquables dans la gestion des conflits avec les clients et ajoutant que l’assuré avait une « capacité à répondre de manière polie et diplomatique, résolvant le conflit avec tact, » ce qui l’avait toujours profondément impressionné. Il concluait que l’assuré n’avait jamais « eu de problème avec la direction », n’avait « pas eu d’avertissement ou de remarque qui a[vait] pu jouer en sa défaveur » ;

-        un courrier du 1er août 2023, rédigé par un dénommé D______, certifiant que l’assuré avait travaillé avec lui depuis le mois de mai 2022 jusqu’à son départ, au sein de B______, et qu’il avait eu, pendant toute la durée du travail, « un grand sens de responsabilité, de leader et de motivateur avec toute l’équipe ». Il mentionnait également un grand sens relationnel avec la clientèle et le fait que l’assuré n’avait jamais eu d’avertissement oral ou écrit et avait toujours fait preuve de professionnalisme avec ses collègues ;

-        un courrier du 18 août 2023, rédigé par un dénommé E______, par lequel ce dernier exprimait le professionnalisme de son ex-collègue, avec lequel il avait travaillé pendant un peu plus d’une année. Il mentionnait que l’assuré était un travailleur assidu, qui n’avait jamais hésité à en faire plus que ce qui lui était demandé et était toujours là pour l’épauler en cas de besoin. Lors de situations difficiles avec certains clients, il avait remarqué que l’assuré prenait les devants pour essayer de régler la situation au mieux. Enfin, il précisait que l’assuré avait toujours été professionnel et avait toujours fait preuve de clémence et qu’il n’avait jamais eu d’avertissement au sein de l’entreprise ;

-        une capture d’écran WhatsApp, datant du mois de mars 2023, dont il ressortait qu’une collègue de travail dénommée F______ avait parlé avec G______ (G______, la nouvelle directrice) et qui mentionnait qu’une cliente s’était plainte, un samedi après-midi, de n’avoir pas pu récupérer sa commande à cause de l’assuré ; la situation était admise par l’assuré, qui mentionnait toutefois qu’il n’acceptait pas de se faire insulter et traiter de « sale noir » devant trois à quatre autres clients qui étaient témoins ; il précisait n’être pas un « chiffon mais un être humain » et avoir donné sa commande à la cliente, tout en lui demandant de ne plus revenir. Il précisait ne pas accepter les gens racistes, qui l’insultaient en raison de sa couleur de peau et qui le rabaissaient ; la conversation se poursuivait, car apparemment la situation s’était détériorée par la suite et le mari de la cliente avait demandé à pouvoir consulter les vidéos de surveillance. Parallèlement, une personne de B______ essayait de réconforter l’assuré en lui disant qu’elle n’acceptait pas cette situation (les propos racistes) et avait essayé de joindre la cliente à plusieurs reprises.

c. Par courrier du 11 décembre 2023, l’assuré a fait formellement opposition à la décision du 10 novembre 2023 ; il a résumé la chronologie des événements, a mentionné à nouveau les insultes racistes dont il avait fait l’objet et pour lesquelles il n’avait reçu aucun support de la part de la nouvelle directrice du magasin, Madame G______, qui avait toujours minimisé la gravité des attaques et insultes à caractère raciste dont il avait fait l’objet. Il se plaignait de n’avoir pas bénéficié de mesures de protection de sa personnalité et contestait le licenciement, qu’il estimait abusif. Enfin, il concluait à ce que la décision de sanction soit annulée, niant que son comportement était fautif et qu’il soit la raison de son licenciement.

d. Par décision sur opposition du 5 février 2024, la CCGC a récapitulé l’ensemble des faits, l’argumentation et les pièces produites par l’assuré ; après quoi, elle a écarté l’opposition et confirmé la décision du 10 novembre 2023, considérant que l’origine du licenciement de l’assuré lui était imputable.

C. a. Par acte posté en date du 6 mars 2024, l’assuré a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), contre la décision sur opposition du 5 février 2024, en concluant à son annulation et à l’octroi de dépens. Il a repris, en substance, l’argumentation qu’il avait déjà développée au stade de l’opposition, notamment les abus discriminatoires auxquels il avait dû faire face seul, sans le soutien de sa direction.

b. Par réponse du 4 avril 2024, l’intimée a considéré qu’il n’existait aucun élément nouveau qui permettait à la CCGC de revoir sa position et a conclu au rejet du recours.

c. Par courrier de la chambre de céans du 9 avril 2024, l’assuré a été invité à répliquer, au 30 avril 2024.

d. Sans réaction de sa part, la chambre de céans lui a fixé, par courrier du 6 mai 2024, un nouveau délai échéant au 17 mai 2024 pour répliquer. Le recourant n’a pas réagi.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension du droit du recourant à l’indemnité de chômage pour une période de 20 jours, pour chômage fautif.

4.             Selon l’art. 30 LACI, il convient de sanctionner par une suspension du droit à l’indemnité de chômage celui qui est sans travail par sa propre faute (al. 1 let. a). La durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours (al. 3, 3ème phr.).

L’art. 44 al. 1 let. a de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02) dispose qu’est notamment réputé sans travail par sa propre faute l’assuré qui par son comportement, en particulier par la violation de ses obligations contractuelles de travail, a donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail.

Aux termes de l’art. 45 al. 2 OACI, la durée de la suspension dans l’exercice du droit à l’indemnité est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a) ; 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) ; 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c).

5.             La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2007 du 6 avril 2008 consid. 2.1.2).

Il n’est pas nécessaire que l’assuré ait violé ses obligations contractuelles de travail pour qu’une suspension de son droit à l’indemnité de chômage puisse lui être infligée (arrêt du Tribunal fédéral C 254/06 du 26 novembre 2007
consid. 4.2). Il suffit que le comportement à l’origine de la résiliation ait pu être évité si l’assuré avait fait preuve de la diligence voulue, en se comportant comme si l’assurance n’existait pas (ATF 112 V 242 consid. 1).

Pour qu’une sanction se justifie, il faut que le comportement de l’assuré ait causé son chômage. Un tel lien fait défaut si la résiliation est fondée essentiellement sur un autre motif que le comportement du travailleur. Il est par ailleurs indifférent que le contrat de travail ait été résilié de façon immédiate et pour de justes motifs ou à l’échéance du congé légal ou contractuel. Il suffit que le comportement à l’origine de la résiliation ait pu être évité si l’assuré avait fait preuve de la diligence voulue, comme si l’assurance n’existait pas. Le comportement reproché doit toutefois être clairement établi (ATF 112 V 242 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_370/2014 11 juin 2015 consid. 2.2 ; Thomas NUSSBAUMER, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Arbeitslosenversicherung, vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2515 n. 837). En outre, il est nécessaire, en application de l’art. 20 let. b de la Convention n° 168 concernant la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage du 21 juin 1988 (RS 0.822.726.8), que l’assuré ait délibérément contribué à son renvoi, c’est-à-dire qu’il ait au moins pu s’attendre à recevoir son congé et qu’il se soit ainsi rendu coupable d’un dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_268/2015 du 6 août 2015 consid. 4.2 et les références). Le dol simple entraîne a fortiori une sanction (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 24 ad art. 30 LACI).

6.             La durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la faute, mais également du principe de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral C 254/06 du 26 novembre 2007).

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le pouvoir d'examen de la chambre de céans n'est pas limité à la violation du droit mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 110 ad art. 30).

7.             La Directive LACI IC du Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) relative au marché du travail et à l’indemnité de chômage prévoit notamment qu’il n’y a chômage fautif que si la résiliation est consécutive à un dol ou à un dol éventuel de la part de l’assuré. Il y a dol lorsque l’assuré adopte intentionnellement un comportement en vue d’être licencié. Il y a dol éventuel lorsque l’assuré sait que son comportement peut avoir pour conséquence son licenciement et qu’il accepte de courir ce risque (Directive LACI IC, D18).

Aucune suspension pour chômage fautif ne sera prononcée lorsque le comportement de l’assuré est excusable. Le surmenage, l’état de santé et un mauvais rendement au travail doivent être pris en compte lors de la suspension. Le harcèlement sexuel au travail ou le mobbing peuvent diminuer la faute, voire la supprimer (Directive LACI IC, D22 et les références : arrêts du Tribunal fédéral C 289/03 du 24 mars 2005 et C 155/00 du 20 avril 2001).

La durée de la suspension est fixée en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier, telles que le mobile, les circonstances personnelles (l’âge, l’état civil, l’état de santé, une dépendance éventuelle, l’environnement social, le niveau de formation, les connaissances linguistiques, etc.), des circonstances particulières (le comportement de l’employeur ou des collègues de travail, le climat de travail, etc.), de fausses hypothèses quant à l’état de fait (par exemple quant à la certitude d’obtenir un nouvel emploi (Directive LACI IC, D64).

En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème indicatif à l’intention des organes d’exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas d’espèce et de fixer la sanction en fonction de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1).

Selon l’échelle de suspensions à l’intention des caisses de chômage établie par le SECO, la faute est qualifiée de légère à grave en cas de licenciement du travailleur dans le respect des délais de congé en raison de son comportement, en particulier de la violation de ses obligations contractuelles de travail. Les avertissements de l’employeur peuvent entraîner un durcissement de la sanction ; leur nombre, leur intervalle, leur motif et le fait que le dernier avertissement précède ou non de peu la résiliation, sont des facteurs à prendre en compte (Directive LACI IC, D75, 1.B).

8.             Une suspension du droit à l’indemnité ne peut être infligée à l’assuré que si le comportement qui lui est reproché est clairement établi. Lorsqu’un différend oppose l’assuré à son employeur, les seules affirmations de celui-ci ne suffisent pas à établir une faute contestée par l’assuré et non confirmée par d’autres preuves ou indices aptes à convaincre l’administration ou le juge (ATF 112 V 245
consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_497/2011 du 4 avril 2012 consid. 4 ; 8C_660/2009 du 18 mars 2010 consid. 3 ; C 190/06 du 20 décembre 2006
consid. 1.2).

9. Une preuve absolue n’est pas requise en matière d’assurances sociales. L’administration et le juge fondent leur décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute le cas échéant d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références).

10. En matière de chômage fautif, les versions du travailleur et de l’employeur doivent être systématiquement confrontées car la faute intentionnelle ou le dol éventuel (l’assuré tient pour possible la réalisation du dommage et l’accepte au cas où il se produirait) doivent être clairement établis (Bulletin LACI IC D18). En cas de divergence, des investigations complémentaires sont nécessaires (Directive LACI IC, D76).

11.         En l’espèce, le recourant reproche à son employeur de ne pas lui avoir apporté son soutien alors qu’il a fait l’objet de propos discriminatoires et racistes d’une cliente, en raison de son origine, et ne pas avoir fait précéder la décision de licenciement, d’avertissements oraux ou écrits. Il estime ne pas être responsable de la fin des rapports de travail.

L’intimée a tenu compte du ressenti du recourant mais a tout de même estimé qu’il était responsable de son licenciement, de par son attitude, ce qui ressortait des déclarations de son employeur. Elle a corrigé la quotité de la sanction, en considérant qu’il s’agissait d’une faute moyenne et non pas d’une faute grave.

11.1 S’agissant de la question des avertissements préalables, l’employeur n’a produit aucun document écrit faisant mention d’un avertissement formel. Il ressort des qualifications de l’employé sur le formulaire EAD qu’un certain nombre de remarques lui ont été faites et qu’il lui a été demandé de modifier son comportement dans certains axes, mais la manière dont ces remarques sont rédigées ne permet pas au lecteur de les considérer comme des avertissements pouvant entraîner le licenciement si les objectifs n’étaient pas atteints ; il s’agit plutôt de consignes en vue d’améliorer les performances de l’employé. L’ensemble des qualifications fait plutôt ressortir un ressenti positif des compétences de l’assuré.

Les trois attestations écrites produites par le recourant à l’appui de son opposition mentionnent que ses trois collègues n’ont jamais eu connaissance des avertissements oraux ou écrits dont il aurait fait l’objet ; cela n’est toutefois pas déterminant car ce type d’avertissement fait généralement l’objet d’une communication confidentielle et n’est pas porté à la connaissance d’autres employés que celui qui est concerné.

Selon les termes de la lettre de l’employeur du 9 août 2023, exposant les motifs du licenciement, il s’agirait d’un litige client, qui se serait produit au début juillet 2023 et lors duquel l’assuré n’aurait pas su gérer une cliente, ainsi que la manière dont l’assuré s’est exprimé auprès de sa hiérarchie, lors de sa demande de congé « hors délai » intervenue quelques jours avant son licenciement, qui n’étaient pas acceptables.

Bien que l’employeur mentionne que des avertissements préalables ont été donnés, aucun document écrit ne vient confirmer ces allégations.

Le renvoi par l’employeur aux mentions figurant dans le formulaire de qualification EAD pour expliquer les manquements renforce la version du recourant selon laquelle aucun avertissement écrit ou oral ne lui a été adressé avant son licenciement. Le court délai entre l’incident avec une cliente au « début juillet », la demande de congé et le licenciement, intervenu le 8 juillet 2023, est également de nature à rendre vraisemblable l’absence d’avertissement oral ou écrit, dès lors que les événements se sont succédé dans un court laps de temps de moins d’une semaine.

La chambre de céans considère donc qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré n’a pas fait l’objet d’avertissements préalables formels, que ce soit par oral ou par écrit, avant son licenciement.

11.2 S’agissant des qualités qui sont prêtées au recourant dans les trois attestations qu’il produit, la chambre de céans n’a aucune raison d’en douter, car elles sont en grande partie confirmées par les qualifications EAD faites sous l’ancienne direction. Il n’en reste pas moins que, quelles que soient les compétences du recourant, il ne s’agit pas d’examiner son comportement avec certains collègues qui l’apprécient et qui mentionnent des qualités, au demeurant présentes, mais de déterminer si le recourant a commis une faute qui a pu entraîner son licenciement.

11.3 En ce qui concerne les allégations du recourant concernant la discrimination qu’il aurait subie sur son lieu de travail, il convient de rappeler ce qui suit.

L’art. 261bis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ‑ RS 311.0) punit d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de peine privative de liberté, l’appel public à la discrimination raciale (al. 1), le dénigrement (al. 2) et les propos portant atteinte à la dignité humaine en raison de la « race », de l’ethnie ou de la religion (al. 4 phr. 1). La poursuite d’actes discriminatoires constitue ainsi une problématique d’intérêt public. Elle repose sur la volonté de protéger les personnes concernées contre l’intimidation, la haine, le dénigrement et la marginalisation ainsi que sur la promotion de la coexistence pacifique au sein de la société.

Le rapport sur les incidents racistes recensés en 2023 rédigé par le Réseau de centres de conseil pour les victimes du racisme, fait l’objet d’un communiqué publié sur la page internet du Département fédéral de l’intérieur, https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-100842.html, sous l’égide de la Commission fédérale contre le racisme (ci-après : CFR), en date du 28 avril 2024. Il mentionne notamment que la majeure partie des incidents sont survenus dans le domaine de l’éducation, sur le lieu de travail et dans l’espace public, et avaient pour motifs la xénophobie et le racisme anti-Noirs. Selon les auteurs du rapport, ces résultats révèlent l’urgence d’un changement structurel et institutionnel dans les milieux éducatifs, le monde politique, mais aussi dans les secteurs de l’emploi et du logement. En 2023, la xénophobie (387 cas) et le racisme anti-Noirs (327 cas) ont été les motifs de discriminations les plus fréquents. Le racisme anti-Arabes (69 cas) et le racisme antimusulman (62 cas), qui sont étroitement liés, ont augmenté de manière significative, tout comme les cas d’antisémitisme (46).

Les rapporteurs concluent que les expériences vécues par les victimes engendrent une perte de confiance dans les institutions et la société. C’est pourquoi il faut cibler les processus établis par des moyens concrets. Il s’agit d’identifier puis d’éliminer les structures et les inégalités de traitement qui procèdent du racisme, en veillant impérativement à impliquer les personnes concernées car les victimes doivent être entendues et leurs perspectives, prises en compte.

Le Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), notamment l’art. 328 CC, oblige l’employeur à protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur (al. 1) et à prendre, pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l’expérience, applicables en l’état de la technique, et adaptées aux conditions de l’exploitation ou du ménage, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger de lui.

Le cas particulier de la discrimination raciale au travail fait l’objet d’une publication sur la page internet du Département fédéral de l’intérieur et de la CFR https://www.rechtsratgeber-rassismus.admin.ch/differents_domaines/f101.html. Il est notamment rappelé que la discrimination peut se manifester lors de la procédure d’embauche, lorsque les termes du contrat sont fixés (p. ex. salaire, indemnités variables, prestations supplémentaires), durant la période de travail, lors d’un licenciement ou après la cessation des rapports de travail. La discrimination raciale prend par exemple la forme d’une inégalité de traitement non justifiée, de propos racistes, de harcèlement moral ou de négligence du devoir de protection. Outre la personne discriminée, l’employeur, les collaborateurs ou les clients peuvent être impliqués dans le conflit.

11.4 En l’occurrence, le recourant a d’emblée mentionné l’incident à caractère raciste qui s’est déroulé avec une cliente et qui a fait notamment l’objet des échanges WhatsApp du mois de mars 2023 qu’il a produits dans le cadre de son opposition. La chambre de céans considère qu’au vu de la persistance des déclarations du recourant et des pièces produites, il est démontré, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’incident en question, lors duquel le recourant a fait l’objet de propos racistes, a eu lieu.

L’employeur, de son côté, ne s’est jamais prononcé sur les éventuelles mesures qu’il aurait prises à la suite de cet incident, ou pour éviter qu’un tel incident ne se produise. Il ressort de la conversation WhatsApp que son interlocutrice chez B______ mentionne que « nous ne laissons pas la situation telle quelle. J’ai essayé de joindre la cliente à plusieurs reprises ce matin ». Néanmoins, aucun document ne démontre les éventuelles suites données à cette affaire, alors même que la directrice de B______ avait été mise immédiatement au courant de l’incident, par la dénommée F______. Au regard des dispositions pénales et civiles citées supra, un tel comportement est contraire aux obligations contractuelles de l’employeur qui, bien qu’en possession des coordonnées de la cliente, ne semble pas avoir pris cet incident au sérieux, alors même que la question du racisme, d’une façon générale et anti-Noirs, en particulier, constitue une problématique d’intérêt public et concerne également les employeurs. La gravité d’un tel comportement est appuyée par la disposition pénale qui lui est spécialement dédiée, soit l’art 261bis CP, ainsi que par la peine menace de trois ans de peine privative de liberté.

L’employeur, au vu des explications fournies pour motiver le licenciement, expose - de manière pudique - dans son courrier du 9 août 2023, que « l’impulsivité » du recourant a donné lieu à plusieurs litiges « avec des clients ». Il ressort de ces déclarations, qui ne mentionnent absolument pas le caractère discriminatoire des propos et agissements de la cliente dont le recourant a été victime au mois de mars 2023, que la problématique du racisme dont peuvent faire l’objet les employés de la part de la clientèle, n’est absolument pas prise en compte par l’employeur dans le cas d’espèce.

Partant, il y a lieu de tenir compte de la passivité et de l’omission de l’employeur de protéger son employé, face aux propos discriminatoires dont il a pu faire l’objet. Étant précisé que les manquements de l’employeur ne constituent pas une justification pour une éventuelle faute commise par l’employé, mais qu’ils doivent être pris en compte, d’une manière générale, dans la qualification de la gravité de la faute.

11.5 Ces faits étant établis, il convient à présent d’examiner les agissements du recourant. Ce dernier, admet dans la conversation WhatsApp, qu’il a communiquée à l’intimée, que dans le cadre de l’incident avec la cliente qui l’avait insulté, il lui avait finalement remis sa commande - visiblement après avoir l’avoir retenue dans un premier temps - tout en intimant à cette dernière « de ne plus revenir ». Son interlocutrice WhatsApp lui répondait que son comportement n’était pas correct malgré tout, et que cela ne devait pas prendre de telles proportions, conseillant au recourant d’éviter tout contact avec la cliente et craignant que la situation ne s’envenime. Il ressort implicitement des propos du recourant que ce dernier est conscient de n’avoir pas géré correctement la situation, tout en expliquant ne pas supporter les insultes dont il a fait l’objet.

En ce qui concerne le jour de congé refusé par l’employeur, le recourant admet lui-même avoir tenté de forcer la main de ce dernier, pour qu’il lui accorde un jour de congé, afin de se rendre au mariage de son frère, tout en mentionnant qu’il était finalement venu travailler, malgré le refus du jour de congé ; cela renforce la crédibilité de l’argumentation de l’employeur, selon laquelle le recourant aurait laissé entendre que, si on ne lui donnait pas son jour de congé, il allait se mettre en arrêt de travail.

Cet élément, à lui seul, est de nature à fournir à l’employeur une raison de le licencier, dans la mesure où un employeur ne saurait accepter qu’un employé se déclare en congé maladie dans le but de profiter d’un jour de congé qui lui a été refusé par ce dernier. Un tel comportement est de nature à impacter objectivement la confiance qu’un employeur peut avoir envers un employé.

Il résulte de ce qui précède que les rapports de l’assuré avec la nouvelle directrice se sont peu à peu dégradés et que l’incident du jour de congé non accordé a vraisemblablement été l’élément déclencheur du licenciement.

En revanche, il ne sera pas tenu compte des prétendues relations difficiles de l’assuré avec la clientèle et de l’incident de « début juillet » dès lors que les déclarations de l’employeur – qui omet de mentionner les insultes racistes dont le recourant a fait l’objet en mars 2023 ainsi que le défaut de mesures prises afin de prévenir de tels incidents - ne sont pas étayées et manquent de crédibilité.

Le comportement adopté par le recourant, lorsqu’il a demandé un jour de congé qui ne lui a pas été accordé, était de nature à entraîner son licenciement, ce que l’assuré ne pouvait ignorer lorsqu’il a menacé son employeur de se mettre en arrêt maladie si un jour de congé ne lui était pas accordé. Partant, l’intimée était fondée à retenir que l’assuré était responsable de son chômage en raison de l’attitude adoptée vis-à-vis de son employeur, de sorte que le principe de la suspension de son droit à l’indemnité de chômage suite à son comportement fautif est justifié.

De surcroît, le comportement de l’assuré n’est pas excusable, même s’il considérait, à juste titre, ne pas avoir bénéficié du soutien de son employeur et d’une meilleure protection contre l’exposition à des propos racistes ; en effet, les manquements de l’employeur ne sont pas de nature à excuser les manquements de l’employé, dans un tout autre contexte.

11.6 Le principe de la faute étant admis, il convient à présent d’examiner la quotité de la sanction.

La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours, et dans le cas de l’al. 1 let. g, 25 jours (art. 30 al. 3 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3). Le conseil fédéral peut prescrire une durée minimale pour la suspension (art. 30 al. 3bis LACI).

L’OACI, en son art. 45, distingue trois catégories de fautes – à savoir les fautes légères, moyennes et graves – et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (al. 3). Il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré, notamment, refuse un emploi réputé convenable (al. 4 let. b). Si l’assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l’indemnité, la durée de suspension est prolongée en conséquence. Les suspensions subies pendant les deux dernières années sont prises en compte dans le calcul de la prolongation (al. 5).

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation. Il y a abus de celui-ci lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.2 ; 8C_601/2012 consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

Le pouvoir d'examen de l'autorité judiciaire de première instance (donc de la chambre de céans) n'est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30).

Comme cela a été retenu par l’intimée, le chômage fautif ne doit pas systématiquement et forcément être qualifié de grave, la durée de la suspension devant notamment toujours être proportionnelle à la gravité de la faute, conformément au principe de rang constitutionnel de la proportionnalité, qui s’applique à l’ensemble des activités étatiques (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]). Les autorités décisionnelles se doivent donc d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 5 et 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1).

Parmi l’abondante casuistique relative aux sanctions prononcées dans les cas visés par l’art. 44 al. 1 let. a OACI, on peut citer les exemples suivants : 31 jours pour un assuré ayant à plusieurs reprises falsifié le pointage de ses heures de travail, ce qui a conduit à son licenciement immédiat (arrêt du Tribunal fédéral C 154/03 du 16 février 2004) ; 31 jours pour un employé de restauration s'étant présenté à de nombreuses reprises en retard à son travail malgré trois avertissements (arrêt du Tribunal fédéral C 207/05 du 31 octobre 2006) ; 20 jours pour un magasinier ayant unilatéralement modifié ses horaires de travail, rompant ainsi le lien de confiance avec son employeur (arrêt du Tribunal fédéral C 127/00 du 20 décembre 2000) ; 25 jours pour un employé qui manque de motivation, ne réalise pas les objectifs qui lui sont fixés et s'arroge des pauses non autorisées malgré plusieurs discussions avec son employeur sur la nécessité de s'améliorer (arrêt du Tribunal fédéral C 281/06 du 9 octobre 2007) ; 38 jours pour un travailleur qui n'a pas averti son employeur du fait qu'il ne pourrait se rendre au travail (arrêt du Tribunal fédéral C 2/06 du 4 mai 2006) ; 45 jours pour un employé qui n'a pas annoncé une absence, alors que son manque de ponctualité, de communication et des problèmes d'alcool avaient déjà fait l'objet d'avertissements de son employeur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2010 du 20 août 2010) ; 36 jours pour un employé aux retards répétés au travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_649/2009 du 30 octobre 2009) ; 31 jours pour une arrivée tardive après deux avertissements (arrêt du Tribunal fédéral C 84/06 du 4 septembre 2006)

Dans un arrêt du 7 mai 2024 (ATAS/316/2024), la chambre de céans a réduit de 31 à 18 jours la suspension du droit à l’indemnité d’un assuré responsable de son licenciement, qui avait fait l’objet d’avertissements préalables, mais dont le médecin avec confirmé que son état psychique s’était dégradé après le décès de sa mère.

La même chambre, dans un arrêt du 27 mars 2024 (ATAS/202/2024), a admis la réduction de 31 à 18 jours d’une suspension pour chômage fautif, pour un employé qui persistait à faire montre d’exigences disproportionnées à l’égard de ses collègues, malgré plusieurs remarques de sa hiérarchie.

Dans le cas d’espèce, la chambre de céans ne voit pas de raison de se distancer des précédentes sanctions de 18 jours de suspension pour chômage fautif. En effet, à teneur du dossier, l’assuré n’a pas fait l’objet d’avertissements préalables qui auraient pu le dissuader d’adopter un comportement revendicateur pour obtenir un jour de congé. De surcroît, la passivité de la nouvelle directrice face à l’incident du mois de mars 2023, lors duquel l’assuré avait fait l’objet de propos discriminatoires, était de nature à favoriser un mauvais climat de travail et une perte de confiance de l’assuré envers son employeur, éléments dont il sied de tenir compte dans la fixation de la sanction.

11.7 Au vu de ces éléments, la chambre de céans considère que l’intimée a fait un usage correct de son pouvoir d’appréciation en retenant une faute moyenne mais, compte tenu de la dégradation du climat de travail et de l’absence d’avertissements préalables, elle réduira la quotité de jours de suspension au niveau de la quotité appliquée dans les deux cas susmentionnés (ATAS/316/2024 et ATAS/202/2024), soit 18 jours de suspension du droit à l’indemnité. La décision querellée sera réformée dans ce sens.

12. Le recourant, qui obtient très partiellement gain de cause, qui n'est pas représenté en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

13. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA, en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet très partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition de l’intimée du 5 février 2024 et réduit la durée de la suspension du droit à l’indemnité du recourant de 20 jours à 18 jours.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le