Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/534/2024

ATAS/392/2024 du 30.05.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/534/2024 ATAS/392/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mai 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1981, s’est inscrite auprès de l’office régional de placement (ci‑après : l'ORP), en date du 20 juin 2023, pour un taux d’activité à 100%.

b. Dans son contrat d’objectifs de recherches d’emploi du 12 juillet 2023, à discuter avec son conseiller en personnel lors de l’entretien du même jour, l’assurée s’est engagée à fournir un nombre minimum de 10 recherches d’emploi mensuelles. Ledit contrat mentionne que tout manquement aux obligations envers l’assurance-chômage ainsi qu’aux instructions de l’ORP peut entraîner une suspension du droit à l’indemnité, également en cas d’utilisation d’un formulaire de recherches d’emploi concernant la mauvaise période de contrôle.

c. Elle a fait l’objet de plusieurs décisions de suspension de son droit à l’indemnité, soit :

-        cinq jours, le 7 juillet 2023, en raison de son absence injustifiée à l’entretien de conseil du 27 juin 2023 ;

-        neuf jours, le 10 juillet 2023, en raison de son absence injustifiée à l’entretien de conseil du 3 juillet 2023 ;

-        19 jours, le 29 septembre 2023, en raison de son absence injustifiée à l'entretien de conseil du 12 septembre 2023 ;

-        douze jours, le 3 novembre 2023, en raison de recherches d’emploi inexistantes durant la période précédant son inscription à l’ORP ;

-        huit jours, le 13 novembre 2023, en raison de recherches d’emploi inexistantes durant la période du 19 au 30 juin 2023 ;

-        20 jours, le 22 novembre 2023, en raison de la remise tardive de recherches d’emploi effectuées durant la période de contrôle du mois de septembre 2023.

Les décisions de sanction mentionnaient un avertissement, écrit en caractères gras, informant l’assurée que le cumul de sanctions constituait un motif de négation de l’aptitude au placement ayant pour conséquence l’arrêt total du versement des indemnités de chômage.

B. a. Par décision du 24 novembre 2023, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) a prononcé l’inaptitude au placement de l’assurée, dès le 10 octobre 2023. Les six décisions de sanction, prises pendant les deux dernières années et totalisant 73 jours de suspension, étaient invoquées comme motif de négation de l’aptitude au placement dès lors que l’assurée ne s’était pas conformée, à plusieurs reprises, aux instructions de l’ORP et, en dépit des sanctions infligées, avait persisté dans son comportement et avait commis un nouveau manquement en ne se présentant pas à l’entretien de conseil du 9 octobre 2023.

b. Par courrier remis à l’OCE en date du 21 décembre 2023, l’assurée s’est opposée à la décision du 24 novembre 2023 en invoquant une certaine confusion pour comprendre ses obligations, des difficultés à recevoir ses e-mails et une période pendant laquelle elle avait eu beaucoup de problèmes avec son fils à l’école. Elle présentait ses excuses et exposait que le respect de ses obligations de chômeuse n’était pas facile tous les jours, tout en expliquant qu’elle avait fait parvenir ses recherches d’emploi à une mauvaise adresse, mais qu’elle avait réglé ce problème avec son conseiller, et demandait qu’on lui laisse une nouvelle chance.

c. Par décision sur opposition du 26 janvier 2024, l’OCE a relevé que les engagements énoncés par l’assurée dans son opposition du 19 décembre 2023 étaient en contradiction avec les pièces au dossier dès lors qu’elle avait manqué à nouveau à ses obligations, en omettant de remettre ses recherches d’emploi du mois de décembre 2023. Ce nouveau manquement démontrait que l’assurée n’avait pas amené la preuve d’un changement de comportement et de son aptitude au placement. Elle n’apportait aucun élément objectif et pertinent de nature à remettre en question la décision litigieuse, qui était ainsi confirmée.

C. a. Par acte posté auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en date du 13 février 2024, l’assurée a recouru contre la décision sur opposition du 26 janvier 2024, en répétant, en substance, les arguments déjà invoqués au stade de l’opposition et en concluant, implicitement, à l’annulation de la décision contestée.

b. Par réponse du 15 mars 2024, l’OCE a considéré que la recourante n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir la décision querellée, ce qui l’amenait à persister intégralement dans les termes de cette dernière.

c. Par courrier du 20 mars 2024, la chambre de céans a invité la recourante à répliquer dans un délai échéant au 10 avril 2024.

d. Faute de réaction, un nouveau délai échéant au 3 mai 2024 a été octroyé à la recourante pour une éventuelle réplique.

e. La recourante n’a pas réagi.

f. La cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

g. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

 

EN DROIT

 

1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

3. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 26 janvier 2024, d’inaptitude au placement de l’assurée, dès le 10 octobre 2023.

4. Aux termes de l'art. 17 al. 1 LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe en particulier de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment. Il doit apporter la preuve des efforts qu'il a fournis.

5. L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Conformément à l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, notamment être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).

Les conditions de l'art. 8 al. 1, qui sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2), sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), ainsi que - dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) - par les instructions édictées par le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (ci-après : Bulletin LACI IC).

La condition de satisfaire aux exigences du contrôle, posée par l'art. 8 al. 1 let. g LACI, renvoie aux devoirs de l'assuré et prescriptions de contrôle prévus par l'art. 17 LACI. Les al. 1 à 3 de cette disposition-ci imposent aux chômeurs des devoirs matériels, qui concernent la recherche et l'acceptation d'un emploi, ainsi que la participation aux mesures de marché du travail et aux séances et entretiens obligatoires, ainsi que des devoirs formels, qui ont pour objet l'inscription au chômage et la revendication régulière des prestations au moyen de formules officielles (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 1 ad art. 17 LACI).

5.1 Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. Cette disposition doit être mise en relation avec l’art. 17 al. 1 LACI, aux termes duquel l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter ou réduire le chômage (ATF 139 V 524 consid. 2.1.2). Il doit en particulier pouvoir apporter la preuve des efforts qu’il a fournis en vue de rechercher du travail (cf. art. 17 al. 1, 3ème phr., LACI). La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; ATF 126 V 520 consid. 4).

5.2 Selon l'art. 24 al. 1 et 2 OACI, si l’office compétent considère que l’assuré n’est pas apte au placement ou ne l’est que partiellement, il en informe la caisse (al. 1). L’office compétent rend une décision sur l’étendue de l’aptitude au placement (al. 2).

5.3 Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI).

5.4 L'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et, d'autre part, la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI - ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 58 consid. 6a ; ATF 123 V 216 consid. 3 et la référence).

6. En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté des directives à l'intention des organes chargés de l'application de l'assurance-chômage afin d'assurer une pratique uniforme en ce domaine. Dans ce but, elles indiquent l'interprétation généralement donnée à certaines dispositions légales. Elles n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux (ATF 133 II 305 consid. 8.1 p. 315 et les références).

Au ch. B217 de son bulletin LACI IC, le SECO souligne que lorsqu'un assuré est disposé à travailler, en mesure et en droit de le faire et qu'il cherche du travail, il est en principe réputé apte à être placé, indépendamment de ses chances sur le marché du travail. Par contre, si, en raison de sa situation personnelle et familiale ou pour des raisons d'horaire, il ne peut ou ne veut pas se mettre à disposition comme on pourrait l'exiger normalement d'un travailleur, il doit être considéré comme inapte au placement.

La volonté de l'assuré d'accepter une activité salariée est un élément fondamental de l'aptitude au placement. Il ne suffit pas que l'assuré déclare être disposé à être placé. Il doit se mettre à la disposition du service de l'emploi et accepter tout travail réputé convenable qui lui est offert. Il doit également chercher activement un emploi et participer à une mesure de réinsertion (ch. B219 Bulletin LACI IC).

Des recherches d'emploi continuellement insuffisantes ou le refus répété d'un emploi convenable ou de participer à une mesure de réinsertion sont autant de signes démontrant que l'assuré n'est pas disposé à être placé. La négation de l'aptitude au placement en cas de recherches d’emploi insuffisantes doit toutefois se fonder sur des circonstances particulièrement qualifiées : un tel cas se présente lorsqu'un assuré ayant subi plusieurs sanctions persiste à ne pas rechercher un emploi. Si l'on constate en revanche que l'assuré déploie tous ses efforts pour retrouver du travail, l'aptitude au placement ne sera pas niée (cf. ch. B221 et B326 Bulletin LACI IC).

7. En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

8. En l’espèce, la recourante ne produit aucune pièce permettant de rendre vraisemblable l’existence de motifs valables pour excuser l’un ou l’autre de ses manquements.

Ses explications, très générales, font état de difficultés à comprendre ses obligations, sans les détailler, et de difficultés avec son fils, à l’école, sans fournir de plus amples informations. Selon le curriculum vitae de la recourante, cette dernière a occupé des postes de serveuse et de vendeuse, de 2009 à 2023 et se qualifie comme étant flexible, rigoureuse, avec le sens des responsabilités et polyvalente. Au niveau des langues, elle mentionne la maîtrise courante du français et du portugais.

8.1 Au vu de son parcours professionnel, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assurée est en mesure de comprendre le français et d’être ainsi informée de ses obligations de demandeuse d’emploi. Son expérience professionnelle de vendeuse et de serveuse, de plus d’une dizaine d’années, permet d’admettre qu’elle est capable de comprendre la nature et la portée de ses obligations et d’y faire face.

8.2 S’ajoute à cela, comme le relève l’intimé, que l’assurée a commis un nouveau manquement, à la fin du mois de décembre 2023, alors même qu’elle alléguait, dans son opposition du 21 décembre 2023, avoir compris qu’elle devait désormais respecter sérieusement ses obligations.

8.3 Compte tenu de ce qui précède, les nombreux manquements de l’assurée, auxquels s’est ajouté un nouveau manquement pendant la procédure d’opposition, sont autant de signes démontrant que l'assurée n'est pas disposée à être placée.

Aucun élément ne permet de considérer que la recourante est prête à déployer tous ses efforts pour retrouver un emploi.

Partant, la décision d’inaptitude au placement prononcée par l’OCE est bien fondée et la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

9. Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le