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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/598/2023

ATAS/359/2024 du 21.05.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/598/2023 ATAS/359/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 mai 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______

représentée par l’APAS-Association pour la permanence de défense des patients et assurés, mandataire

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : la requérante), née le ______ 1973, est au bénéfice d’une rente d’invalidité entière et de prestations complémentaires (ci-après : PC).

b. La requérante vit avec son époux Monsieur B______, né le 22 septembre 1979, et leur fils, né le 25 décembre 2003.

c. L’époux de la requérante a été en arrêt de travail complet dès le 25 février 2021 et a perçu des indemnités perte de gain jusqu’au 30 septembre 2022.

d. Il a sollicité une rente d’invalidité et une expertise a été mise en œuvre.

B. a. Par décision du 3 novembre 2022, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a procédé à un nouveau calcul des PC avec effet au 1er octobre 2022 en tenant compte d’un gain hypothétique pour le conjoint de la requérante.

b. Par courrier du 29 novembre 2022, la requérante s’est opposée à cette décision, au motif que son époux n’avait pas de capacité de gain.

c. Par décision du 6 décembre 2022, le SPC a procédé au calcul des PC dès le 1er janvier 2023, en tenant compte d’un gain hypothétique pour le conjoint de la requérante.

d. Par courrier du 10 janvier 2023, la requérante s’est opposée à cette décision pour le même motif.

e. Par décision du 18 janvier 2023, le SPC a rejeté les oppositions.

C. a. Par acte du 20 février 2023, la requérante a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre cette décision en contestant le gain hypothétique pris en compte, son époux étant dans l’incapacité de travailler pour des raisons de santé qui n’avaient pas fait l’objet d’une instruction par le SPC. Elle concluait sous suite de frais et dépens à l’annulation de la décision attaquée et à ce que le SPC calcule à nouveau ses droits, sans tenir compte d’un gain hypothétique, dès le 1er octobre 2022.

b. Par lignes du 17 mars 2023, le SPC a maintenu sa décision et a conclu au rejet du recours.

c. Les 16 juin et 15 août 2023, la requérante a persisté dans ses conclusions en fournissant le rapport de l’expertise mise en œuvre par l’assurance-invalidité. Son époux présentait une incapacité totale de travailler dans son activité dès le 7 février 2019. Dans une activité adaptée, sa capacité était nulle à partir du mois de mars 2022. Dès le 3 mai 2023, son époux avait recouvré une pleine capacité de travail dans une activité adaptée selon le cardiologue traitant. Par projet de décision du 16 juin 2023, l’OAI avait ainsi reconnu à l’époux de la requérante le droit à une rente entière de mars à fin juillet 2023, mais refusé des mesures de réadaptation. Son époux avait contesté cette décision, dans la mesure où son état de santé nécessitait des mesures de réadaptation conformément à l’avis de plusieurs médecins. La requérante estimait qu’aucun gain hypothétique ne pouvait être imputé à son époux dans ces circonstances.

d. Par acte du 31 août 2023, le SPC a rappelé que la décision attaquée portait sur les mois d’octobre et novembre 2022. Au vu de l’expertise produite dans le cadre de la procédure et à teneur de laquelle durant les mois d’octobre et de novembre 2022 notamment l’époux de la requérante était en incapacité totale de travailler, le SPC indiquait que le recours devait être admis, en ce sens que le gain hypothétique devait être retiré des ressources et ce jusqu’au 1er mars 2023. Pour la période postérieure, le SPC devait tenir compte d’un montant de la rente d’invalidité, puis d’un gain potentiel dès le 1er août 2023.

e. Par acte du 25 septembre 2023, la requérante a pris acte de l’acquiescement du SPC en s’opposant toutefois à la prise en compte d’un gain hypothétique dès le 1er août 2023. Il fallait à tout le moins accorder un délai d’adaptation à son époux pour se réorienter et retrouver un emploi, jusqu’au 31 juillet 2024.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC ; J 4 20] ; art. 43 LPCC).

2.             Le litige porte sur la question du gain hypothétique de l’époux de la recourante tel que pris en compte par l’intimé dans sa décision du 18 janvier 2023.

2.1 Conformément à la pratique développée en relation avec l'ancien art. 11 al. 1 let. g LPC, un revenu hypothétique doit aussi être pris en considération au titre d'une renonciation à des revenus (art. 11a al. 1 LPC, entré en vigueur le 1er janvier 2021) auprès du conjoint du requérant de prestations complémentaires (voir FF 2016 7249 p. 7322), pour autant que le conjoint renonce à l'exercice d'une activité lucrative exigible ou à son extension. Une invalidité (partielle) du conjoint concerné n'y change rien. Pour évaluer l'éventuelle activité exigible de la part du conjoint, il convient d'examiner le cas concret compte tenu des principes du droit de la famille (voir l'art. 163 du Code civil suisse [CC, RS 210]). En conséquence, il convient de tenir compte de l'âge de la personne, de son état de santé, de ses connaissances linguistiques, de sa formation professionnelle, de l'activité exercée jusqu'ici, du marché de l'emploi et, le cas échéant, du temps plus ou moins long pendant lequel cette personne a été éloignée de la vie professionnelle (ATF 142 V 12 consid. 3.2 ; SVR 2018 EL n° 20 c. 3.2.1). Selon la jurisprudence, il faut cependant octroyer au conjoint un délai de transition réaliste pour la prise exigible d'une activité lucrative ou l'augmentation du taux d'activité, aussi bien lorsque des prestations sont en cours que dans le cadre d'une première demande de prestations complémentaires. Ce principe ne vaut pas lorsqu'au vu de l'obtention prévisible des prestations complémentaires par l'un des conjoints, en raison par exemple de l'accession à l'âge de la retraite AVS et de la cessation de l'activité lucrative, l'autre conjoint a disposé de suffisamment de temps pour une intégration professionnelle (ATF 142 V 12 consid. 5.4 ; SVR 2018 EL n° 20 c. 3.2.1). Si, en dépit d'une capacité de travail résiduelle (partielle), le conjoint ne cherche pas ou seulement de façon insuffisante un emploi, il viole par là son obligation de diminuer le dommage (SVR 2016 EL n° 1 c. 3.2.1).

2.2 Le fardeau objectif de la preuve qu'il n'y a pas de renonciation à un revenu au sens de l'ancien art. 11 al. 1 let. g et de l'art. 11a al. 1 LPC, parce que la force de travail n'est pas exploitable sur le marché concret du travail, incombe au requérant des prestations (arrêt du Tribunal fédéral 9C_549/2016 du 13 juillet 2017 consid. 2). Même en dehors du champ d'application de l'art. 14a OPC-AVS/AI, relatif au revenu de l'activité lucrative des assurés partiellement invalides, l'impossibilité (fondamentale ou pour des cas précis) de mettre en valeur la capacité de travail résiduelle ne peut être admise que si elle est établie avec une vraisemblance prépondérante (ATF 138 V 218 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2012 du 2 juillet 2012 consid. 2.2).

2.3 La décision litigieuse rendue le 18 janvier 2023 retenait en effet un gain hypothétique dans les revenus de l’époux de la recourante. Cependant, l’intimé a admis sur la base d’une expertise médicale rendue, en cours de procédure, dans une cause parallèle concernant l’époux de la recourante, que ce dernier était incapable de travailler à tout le moins dès le 1er octobre 2022, de sorte qu’il convenait de ne pas tenir compte d’un gain hypothétique dès cette dernière date et d’admettre le recours partiellement en ce sens.

2.4 Au vu de l’expertise rendue, il apparaît en effet que l’époux de la recourante n’avait pas de capacité de travail au 1er octobre 2022. Il a été mis au bénéfice d’une rente d’invalidité entière dès le 1er mars 2023 (fin du délai de carence d’un an) et jusqu’au 31 juillet 2023, dont l’intimé tiendra compte dans ses nouveaux calculs.

2.5 S’agissant de la capacité de travail de l’époux de la recourante dans une activité adaptée dès le 1er août 2023, force est de constater que dès le 3 mai 2023, l’époux avait recouvré une pleine capacité de travail dans une activité adaptée selon son cardiologue traitant. Il a bénéficié d’une rente jusqu’au 31 juillet 2023 et ainsi d’un délai de trois mois pour se réadapter et se réinsérer sans que des mesures de réadaptation ne soient reconnues par l’assurance-invalidité.

La capacité de travail médicalement reconnue n’est pas contestée dès le 1er août 2023. Il est établi par ailleurs que l’époux de la recourante a disposé d’une rente et d’un délai de trois mois pour se réinsérer professionnellement. Au-delà de ce délai, sauf évènement nouveau, un gain réel ou hypothétique devrait être pris en compte dans ses ressources. Il appartiendra à l’intimé, le cas échéant, de le fixer dans une décision sujette à recours.

Le recours sera dès lors partiellement admis et la décision attaquée annulée.

La cause sera renvoyée au SPC pour nouvelle décision qui ne tiendra pas compte d’un gain hypothétique dès le 1er octobre 2022. Il arrêtera en outre les droits de la recourante dès le 1er mars 2023 en prenant en compte à titre de revenu la rente d’invalidité de l’époux de cette dernière. Il fixera enfin par nouvelle décision les droits de la recourante dès le 1er août 2023.

3.             La recourante obtient ainsi partiellement gain de cause. Elle a droit à une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

4.             Pour le surplus, la procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 18 janvier 2023.

4.        Renvoie le dossier à l’intimé pour nouvelle décision et calculs au sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens à charge de l’intimé.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le