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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3973/2023

ATAS/322/2024 du 08.05.2024 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3973/2023 ATAS/322/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 mai 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1993, a déposé une demande de prestations invalidité qui a été reçue par l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) en date du 19 janvier 2016.

B. a. Par projet de décision du 14 juin 2023, l’OAI a octroyé à l’assurée une demi-rente invalidité, reconnaissant une perte de gain, soit un taux d’invalidité, de 51%. En raison de la demande tardive, la rente ne pouvait être versée qu’à compter du mois de juillet 2016.

b. Par prononcé du 4 septembre 2023, annulant et remplaçant le prononcé du 25 août 2023, l’OAI a informé la caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée), de sa détermination, soit le versement d’une demi-rente, dès le 1er juillet 2016, pour une durée illimitée, se fondant sur un degré d’invalidité de 51%. Le prononcé mentionnait également que la caisse devait examiner s’il n’y avait pas lieu de compenser des paiements rétroactifs de rente avec des créances en restitution fondées sur la LPP ou sur le versement d’indemnités journalières.

c. Par décision du 26 septembre 2023, l’OAI a confirmé le projet de décision du 14 juin 2023 en précisant les bases de calcul, soit : dès le 1er juillet 2023, l’assurée avait droit à une rente ordinaire mensuelle de CHF 869.- qui correspondait à 51% d’une rente entière ; l’échelle de rente applicable était l’échelle 44 ; le revenu annuel moyen (ci-après : RAM) déterminant, basé sur une année de cotisation, était de CHF 36'750.- et la durée de cotisation de la classe d’âge était d’une année.

C. a. Par acte posté en date du 26 novembre 2023, l’assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision du 26 septembre 2023. Elle a fait valoir qu’elle n’avait pas reçu la décision querellée à la date indiquée, mais en date du 26 octobre 2023, et déclarait ne pas comprendre sur quelle base le montant de CHF 36'750.- avait été retenu, pas plus que le fait qu’une année de cotisation seulement avait été prise en compte. Elle concluait à ce que le montant de sa rente soit recalculé ou que les bases de calcul lui soient expliquées.

b. Par courrier du 1er décembre 2023, elle a exposé à la chambre de céans que son compagnon avait déménagé et que la Poste, par erreur, avait inscrit le changement d’adresse pour son compagnon mais également pour elle-même, ce qui avait pour conséquence qu’elle ne recevait pas toujours le courrier qui lui était destiné.

c. Par courrier du 11 décembre 2023, la chambre de céans a interpellé la recourante afin qu’elle fournisse des explications complémentaires et des justifications quant aux raisons pour lesquelles elle avait attendu le 26 novembre 2023 pour recourir contre la décision du 26 septembre 2023, son recours pouvant être considéré comme tardif.

d. Cette dernière s’est expliquée, par courrier du 8 janvier 2024, fournissant des copies de courriers électroniques et d’une notification IncaMail de la Poste.

e. Par réponse du 8 février 2024, la caisse s’est déterminée sur la recevabilité du recours et a exposé que la décision avait été notifiée par courrier et que, suite à l’e-mail de l’assurée, daté du 13 octobre 2023, par lequel cette dernière se plaignait de n’avoir pas encore reçu de décision, un e-mail crypté via IncaMail lui avait été adressé en date du 26 octobre 2023. Selon les explications de la recourante, cette dernière n’était pas arrivée à ouvrir l’e-mail en question et à accéder à son contenu. La caisse considérait que l’on pouvait partir du principe que la décision était connue de la recourante, au plus tard le 26 octobre 2023, ce qui impliquait que le premier jour de recours était le 27 octobre 2023 et que le recours était tardif ; elle s’en rapportait toutefois à justice sur ce point, au vu des circonstances et de la notification par e-mail de la décision.

Sur le fond, la caisse maintenait le calcul opéré et concluait au rejet du recours. Il était exposé que le droit à la rente ne prenait pas naissance tant que l’assurée pouvait prétendre à l’octroi d’une indemnité journalière. S’agissant du montant du RAM, il était fixé en prenant en considération le revenu accompli après les 20 ans révolus, raison pour laquelle seul le revenu de l’année 2014 avait été retenu comme base de calcul, ce qui expliquait également la raison pour laquelle une année de cotisation seulement avait été retenue, sans tenir compte des cotisations des années 2012 et 2013, qui étaient antérieures à l’accomplissement des 20 ans révolus. La caisse mentionnait encore la possibilité pour l’assurée, si sa demi-rente ne lui suffisait pas pour vivre, de demander des prestations complémentaires.

f. Par réplique du 28 février 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

h. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3. Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a, certes, été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, le droit à une rente invalidité est né en juillet 2016, soit antérieurement au 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

4. Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

S’agissant de la notification de la décision, l’enveloppe qui la contenait a été retournée à l’expéditeur, qui l’a reçue le 2 octobre 2023, avec la mention « déménagé retour à l’expéditeur ». Cet élément concorde avec les explications fournies par la recourante selon lesquelles la Poste avait, à tort, considéré qu’elle n’habitait plus à l’adresse habituelle suite à un déménagement.

En ce qui concerne la notification de la décision, le fichier électronique contenant cette dernière a été joint à l’e-mail du 16 octobre 2023 envoyé à la recourante par un gestionnaire de l’OAI. Cet envoi faisait suite à un e-mail de la recourante, adressé à son gestionnaire au sein de la caisse, avec copie à l’OAI, par lequel elle expliquait s’être rendu compte qu’elle ne recevait plus son courrier, car il y avait eu « un souci à la Poste : ils ont renvoyé tout mon courrier à tous les expéditeurs ». Dans le même e-mail, la recourante demandait « serait-ce possible de me renvoyer les courriers AI+ de la caisse s’il vous plaît ? ».

Selon l’art. 46 al. 2 LPA, les décisions peuvent être notifiées par voie électronique aux parties qui ont expressément accepté cette forme de communication.

Dans le cas d’espèce, on peut se demander si la communication du 13 octobre 2023, par laquelle l’assurée demande à recevoir les courriers précédents, peut vraiment être interprétée comme une autorisation expresse de notification de la décision par voie électronique, plutôt qu’un rappel, par voie électronique, du fait que la décision ne lui a pas été notifiée et doit lui être notifiée à nouveau, par la voie ordinaire.

Néanmoins, en raison des considérants qui suivent infra sous ch. 7, il n’est pas nécessaire de trancher cette question qui peut rester ouverte.

5. Le litige porte sur le montant retenu par la caisse pour déterminer le RAM ainsi que le nombre d’années pris en compte pour les cotisations.

6. Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

7. En l’espèce, la recourante conteste le montant de CHF 36'750.- fixé pour le RAM, ainsi que le fait qu’une seule année de cotisation a été retenue.

L’assurée est née en février 1993, elle a eu 18 ans en février 2011 et 20 ans révolus en février 2013.

7.1 À teneur de l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente nait dès le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré mais il ne prend pas naissance (art. 29 al. 2 LAI) tant que l’assurée peut faire valoir son droit à une indemnité journalière, au sens de l’art. 22 LAI.

En l’état, il est établi et non contesté que l’assurée a perçu des indemnités journalières, ce qui a suspendu son droit à une rente.

7.2 Le calcul d’une rente ordinaire est déterminé, d’une part, par le nombre d’années de cotisation de l’assuré et d’autre part, par son revenu annuel moyen, à teneur de l’art. 29 bis de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), applicable par renvoi de l’art. 3 al. 1 LAI.

L’art. 29 bis al. 1 LAVS précise encore que c’est la période entre le 1er janvier qui suit la date où l’ayant droit a 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède la réalisation du risque assuré qui doit être prise en compte pour calculer les années de cotisation et le RAM.

L’assurée a eu 20 ans révolus en février 2013, le 1er janvier 2014 fixe donc le début de la période qui doit être prise en compte.

S’agissant du risque assuré, il s’est réalisé le 23 mai 2015, qui correspond à la date prise en compte par l’OAI pour reconnaître le degré d’invalidité de 51% ; le 31 décembre 2014 fixe donc la fin de la période qui doit être prise en compte.

Compte tenu de ces éléments, seul le revenu de l’année 2014 doit être pris en compte pour fixer le RAM, ce qui correspond également à une année de cotisation (soit l’année 2014).

À teneur des informations tirées du compte individuel AVS de la recourante (pièce 10, chargé intimée), cette dernière a réalisé un revenu de CHF 34'976.- pendant l’année 2014.

Le montant qu’elle invoque à l’appui de son recours, soit un revenu total de CHF 94'728.-, correspond à la somme des revenus perçus pendant les années 2012 à 2015 ; or, comme cela été vu supra, la période pendant laquelle le RAM est pris en compte est clairement déterminée par les limites fixées par l’art. 29 bis LAVS, soit le 1er janvier 2014, qui suit l’accomplissement des 20 ans révolus en février 2013 et le 31 décembre 2014, qui précède la réalisation du risque en mai 2015.

Le nombre d’années de cotisation qu’elle invoque sort également de la période de cotisation telle qu’elle a été définie, ce qui explique que les années de cotisation 2012, 2013 et 2015 ne peuvent pas être prises en compte.

Pour être complet, on ajoutera que le montant de CHF 36'750.- retenu comme RAM correspond à la revalorisation, pour l’année 2023, du montant de CHF 34'976.- retenu pour l’année de cotisation 2014 (revalorisation fondée sur l’ISS de 2010 = 100).

8. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.

9. La procédure en matière d’octroi de prestations de l’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), la recourante supporte un émolument de CHF 200.-.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le