Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3688/2022

ATAS/817/2023 du 18.10.2023 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.12.2023, rendu le 16.02.2024, REJETE, 9C_754/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3688/2022 ATAS/817/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 octobre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

représenté par Me Jean-Michel DUC, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1985, est architecte.

b. Le 16 novembre 2012, il a été victime d’un accident de moto. Il a subi des fractures vertébrales et des côtes et a été en incapacité de travail totale jusqu’au 15 janvier 2013. Il a repris son activité professionnelle à 50% le 16 janvier 2013.

c. Le 20 juin 2014, il a déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

d. Dans un rapport établi le 4 novembre 2021, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a rappelé que suite à son accident, l’assuré avait bénéficié d’une stabilisation dorsale par spondylodèse étendue de D3 à D7 avec une bonne évolution radio-clinique, sans complications neurologiques. Il avait repris son activité habituelle auprès de son employeur à 50% le 16 janvier 2013, puis à 25% le 19 décembre 2013, en raison de la recrudescence de ses douleurs dorsales. À l’issue d’un séjour à la clinique romande de réadaptation (CRR) effectué du 11 novembre au 10 décembre 2014, la situation a été jugée stabilisée, avec persistance de dorsalgies chroniques devant faire éviter les positions statiques prolongées au-delà de trois heures, le port de charges de plus de 3 kg, le travail en hauteur ainsi qu’en porte-à-faux, et devant favoriser une alternance des positions assise-debout et les déplacements à pied en terrain facile. L’assuré avait retrouvé une capacité de travail de 50% dans son activité habituelle dès le 11 décembre 2014, et de 60% dès le 21 septembre 2015, capacité que les médecins estimaient susceptible de s’améliorer après l’ablation du matériel d’ostéosynthèse (ci-après : AMO). Dans une activité strictement adaptée, une exigibilité médico-théorique entière était retenue (rapport CRR du 16 décembre 2014 ; rapport du docteur B______ des 9 septembre 2015 et 9 mai 2016 et rapport du docteur C______ du 30 novembre 2015). Une AMO D3 à D7 avait été effectuée le 30 janvier 2018, sans complication post-opératoire (rapports du docteur D______ des 14 juin et 16 janvier 2018). L’assuré avait repris son activité professionnelle à 60% le 12 février 2018 (rapport du Dr D______ du 31 janvier 2018 et note téléphonique de la SUVA du 29 mai 2018). Les dorsalgies et scapulalgies se sont améliorées sous traitement de physiothérapie et le pronostic était favorable (rapports du Dr E______ du 3 avril 2019). À ce jour, l’assuré ne bénéficiait plus de physiothérapie et utilisait un traitement antalgique en réserve. Il avait interrompu son master en architecture pour des raisons personnelles (courriel du 14 février 2021).

Le SMR concluait que les rachialgies chroniques après spondylodèse D3-D7 n’avaient été que partiellement améliorées par l’AMO de janvier 2018 et qu’elles limitaient la capacité de travail de l’assuré dans son activité habituelle, qui ne respectait pas pleinement les limitations fonctionnelles et qui n’était donc plus exigible depuis l’accident. En revanche, dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles, la capacité de travail médico-théorique résiduelle était entière et sans baisse de rendement depuis le 12 février 2018.

e. Selon un rapport final sur mesures d’ordre professionnelle (MOP) du 17 décembre 2021, du point de vue de la réadaptation, l’activité habituelle se confondait avec l’activité adaptée, car il s’agissait d’une activité sédentaire, sans port de charges et avec la possibilité d’alterner les positions à sa guise. Le poste de travail de l’assuré avait été adapté du point de vue ergonomique. En conséquence, il était retenu que l’assuré pourrait théoriquement travailler à 100% dans son activité habituelle et retrouver ainsi sa capacité de gain. Le mandat de réadaptation était terminé.

B. a. Par projet de décision du 13 juin 2022, l’OAI a octroyé à l’assuré le droit à une demi-rente d’invalidité du 1er décembre 2014 au 31 août 2015, sur la base d’un degré d’invalidité de 50%, puis à un trois quarts de rente du 1er septembre 2015 au 31 mai 2018, sur la base d’un degré d’invalidité de 60%. Dès février 2018, l’assuré était totalement capable de travailler dans son activité habituelle. De ce fait, son droit à la rente était supprimé dès le 31 mai 2018, soit trois mois plus tard, selon l’art. 88a RAI. L’assuré avait trente jours pour s’opposer à ce projet.

b. Le 13 juillet 2022, l’assuré, agissant en personne, a demandé une prolongation du délai pour s’opposer au projet de décision du 13 juin 2022. Il contestait être capable d’assumer un travail à temps complet depuis février 2018. Le cabinet de son médecin était fermé jusqu’au 18 juillet. Il ne pouvait donc pas obtenir de rapport de celui-ci dans le délai accordé.

c. L’OAI a octroyé à l’assuré un délai au 1er septembre 2022 pour lui transmettre de nouveaux éléments médicaux pouvant modifier son appréciation.

d. Le 21 juillet 2022, l’assuré a sollicité par téléphone un délai supplémentaire au 30 septembre 2022, car il n’avait pas pu obtenir un rendez-vous chez son médecin avant le 15 septembre 2022. Un délai exceptionnel supplémentaire lui a été octroyé par l’OAI.

e. Par un courriel du 16 août 2022, l’assuré a demandé une copie de son dossier à l’OAI pour pouvoir compléter son opposition.

f. Le 9 septembre 2022, l’assuré, représenté par un conseil, a fait valoir qu’il ne pouvait pas travailler à 100% dans son activité habituelle d’architecte. Il demandait une copie du dossier et un délai pour compléter ses objections.

g. Le 13 septembre 2022, l’OAI a informé l’assuré que le délai de trente jours pour faire part de ses observations concernant le projet de décision ne pouvait pas être prolongé, selon la loi. Un délai supplémentaire lui avait déjà été octroyé au 30 septembre 2022. Sans nouvelles de sa part ou de son conseil à l’échéance de ce délai, une décision serait rendue et il aurait la possibilité de recourir dans les trente jours contre celle-ci.

h. Par courrier du 30 septembre 2022, enregistrée par l’OAI le 3 octobre 2022, le conseil de l’assuré lui a demandé une nouvelle prolongation exceptionnelle au 28 octobre 2022 pour compléter ses objections et lui fournir des éléments médicaux. Il invoquait qu’il venait de recevoir et de prendre connaissance du dossier de l’assurance-invalidité.

i. Par courrier du 5 octobre 2022, l’OAI a informé l’assuré que le délai de trente jours pour faire part de ses observations ne pouvait être prolongé et que la décision avait déjà été transmise à la caisse de compensation le 30 septembre 2022. Il aurait la possibilité de recourir dans les trente jours dès la notification de la décision auprès de la chambre de céans.

j. Le 17 octobre 2022, l’assuré s’est plaint d’une violation de son droit d’être entendu et que la manière de procéder de l’OAI était illicite et lésait ses intérêts, car elle l’obligeait à faire valoir les nouveaux éléments médicaux au tribunal et le privait de la procédure de double instance.

k. Par décision du 26 octobre 2022, l’OAI a confirmé son projet de décision.

C. a. Le 8 novembre 2022, l’assuré a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice concluant à son annulation et à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité au-delà du 31 mai 2018.

b. Le 5 février 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant a été entendu par la chambre de céans le 7 juin 2023.

d. Le 29 juin 2023, il a informé la chambre de céans qu’il renonçait à produire de nouvelles pièces.

e. Le 13 octobre 2023, le recourant a produit un certificat médical établi le 20 septembre 2023 par le docteur F______, lequel indiquait le suivre depuis le 9 juin 2023 dans le contexte de troubles dépressifs sévères et qu’à son avis, sur le plan psychiatrique, il était incapable de travailler à 40% d’un temps complet.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le droit du recourant à une demi-rente d’invalidité dès le 1er juin 2018.

4.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022, mais le litige porte sur le droit à une rente demi-rente d’invalidité au-delà du 31 mai 2018, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

5.              

5.1  

5.1.1 Dans un premier grief formel, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu au motif que l’intimé ne lui avait accordé qu’une prolongation au 30 septembre 2022 pour compléter ses observations au projet de décision, ce qui était insuffisant pour obtenir les rapports médicaux. Son conseil n’avait reçu la copie du dossier que le 15 septembre 2022 et un délai de quinze jours pour prendre connaissance du dossier volumineux et solliciter des rapports médicaux complémentaires étaient irréaliste. L’intimé l’avait ainsi privé de la possibilité de se déterminer utilement.

5.1.2 L’intimé a contesté avoir violé le droit d’être entendu du recourant. Celui-ci avait demandé plusieurs prolongations de délai et il avait eu la possibilité de faire valoir ses objections entre la notification du projet de décision du 13 juin 2022 et le 30 septembre suivant, ce qui était un délai suffisant.

5.2  

5.2.1 Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier (ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10; arrêt du Tribunal fédéral 2C_782/2015 du 19 janvier 2016 consid. 2.1), de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494; 127 I 54 consid. 2b p. 56).

5.2.2 En vertu de l’art. 57a LAI, l’office AI est tenu de communiquer à l’assuré un préavis au sujet de la décision finale qu’il entend prendre. L’assuré a le droit d’être entendu (al. 1). Les parties peuvent faire part de leurs observations concernant le préavis dans un délai de 30 jours (al. 2).

Selon l'art. 73ter du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), les parties peuvent faire part à l'office AI de leurs observations sur le préavis dans un délai de 30 jours (al. 1). L'assuré peut communiquer ses observations à l'office AI par écrit ou oralement, lors d'un entretien personnel. Si l'audition a lieu oralement, l'office AI établit un procès-verbal sommaire qui est signé par l'assuré (al. 2).

Selon la jurisprudence et la doctrine, le délai de l'art. 73ter LAI est un délai d'ordre qui peut être prolongé pour de justes motifs (ATF 143 V 71 consid. 4.3). Prolongé ou non, il doit être respecté par l'office AI. Ce dernier commet ainsi une violation du droit de l'assuré à être entendu, notamment lorsqu'il statue sans tenir compte d'une demande de prolongation du délai présentée par l'assuré dans le délai de trente jours, par exemple, afin qu'il puisse se faire conseiller par le représentant qu'il a désigné entre-temps (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 658/04 du 27 janvier 2006 consid. 5 et I 459/02 du 29 octobre 2002 consid. 4 ; Michel VALTÉRIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, 2018, n°8 ad art. 57a LAI).

5.3 En l’espèce, il ressort des faits de la cause que deux prolongations du délai d’audition ont été acceptées par l’intimé, la première au 1er septembre 2022, selon une communication du 15 juillet 2022, puis la seconde au 30 septembre 2022, par communication du 21 juillet 2022. Le recourant a ainsi disposé d’un délai total de plus de trois mois après le projet de décision du 13 juin 2022 pour faire ses observations ainsi que d’un délai d’au minimum trois semaines depuis qu’il avait pris contact avec son conseil. Il en résulte que le droit d’être entendu du recourant n’a pas été violé, étant rappelé que selon l’art. 57a al. 2 LAI, il est en principe de trente jours. Il faut également relever que la prolongation de délai rédigée le 30 septembre 2022 était motivée par le fait que le mandataire du recourant venait de recevoir le dossier AI. Or, le dossier avait déjà été transmis le 17 août 2022 au recourant, qui aurait donc pu le transmettre bien avant à son conseil.

6.              

6.1  

6.1.1 Dans un second grief, le recourant a fait valoir que l’intimé avait retenu une pleine capacité de travail dans son activité habituelle dès le mois de février 2018 en se référant à l’avis du service de réadaptation du 17 décembre 2021, selon lequel l’activité adaptée se confondait avec l’activité habituelle, ce qui entrait en contradiction avec l’avis du SMR du 4 novembre 2018, qui retenait que la capacité de travail était limitée dans l’activité habituelle. L’intimé aurait donc dû procéder à la comparaison des revenus avec et sans invalidité. À ce jour, il percevait un salaire annuel de CHF 49'140.-. Selon son employeur, sans invalidité son revenu serait en 2022 de CHF 110'000.-. Il en résultait un degré d’invalidité de CHF 55.33%, ce qui lui ouvrait le droit à une demi-rente au-delà du février 2018.

6.1.2 L’intimé a répondu que compte tenu des explications du service de réadaptation, il se justifiait de considérer que l’activité habituelle dans la profession d’architecte du recourant respectait ses limitations fonctionnelles, de sorte que sa capacité de travail exigible était de 100% dans l’activité habituelle.

6.2  

6.2.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.2.2 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 531/04 du 11 juillet 2005, consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_462/2009 du 2 décembre 2009 consid. 2.4). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (ATF 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17; ATF 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

6.2.3 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

6.2.4 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

6.2.5 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).

Le salaire fondé sur les ESS doit encore être adapté à l’horaire de travail usuel de la branche, et indexé à l’année déterminante en tenant compte des valeurs spécifiques au sexe (ATF 129 V 408).

6.3  

6.3.1 En l’espèce, les conclusions du rapport final MOP du 17 décembre 2021 ne sont pas fondées sur un stage d’observation professionnelle, mais sur une appréciation théorique de l’activité habituelle du recourant, retenant qu’il s’agissait d’une activité sédentaire, sans port de charges avec la possibilité d’alterner les positions à sa guise. Cette appréciation s’écarte de l’avis médical du SMR du 4 novembre 2021. Or, en cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré. Il en résulte que l’intimé aurait dû soumettre les conclusions de sa division de réadaptation professionnelle à un médecin avant de retenir que le recourant était capable de travailler à 100% dans son activité habituelle.

6.3.2 Cela étant, il sera renoncé à une instruction complémentaire, car même en admettant par hypothèse que l’activité habituelle ne serait pas exigible à 100% du recourant et que seule une activité adaptée le serait à 100%, celui-ci n’aurait pas droit à une rente d’invalidité dès le 1er juin 2018.

En effet, pour fixer le taux d’invalidité, il faut comparer les revenus avec et sans invalidité. En l’occurrence, dans la mesure où le recourant persiste à travailler dans une activité qui ne lui permet pas de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide doit être évalué sur la base des données statistiques, telles qu'elles résultent de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), en se fondant sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » sur la médiane ou valeur centrale.

Son revenu avec invalidité doit ainsi être fixé sur l’ESS 2018, en vigueur depuis le 21 avril 2020, soit un salaire mensuel de CHF 5'417.-, correspondant à un salaire annuel de CHF 65'004.-, adapté à la durée de travail hebdomadaire moyenne usuelle dans les entreprises de 41.7 heures (x 41.7 / 40), soit CHF 67'766.67.

Son revenu sans invalidité ne doit pas être fixé sur la base du revenu que le recourant touchait concrètement en 2022, mais en tenant compte de celui qu’il aurait touché en 2018, à plein temps, sans atteinte à la santé. Il ressort du dossier qu’en janvier 2017, il touchait un salaire brut mensuel de CHF 2'820.- dans son activité habituelle exercée à 60%, ce qui équivaut à un salaire annuel de CHF 36'660.-. Sans invalidité, il aurait touché le même salaire à 100%, soit CHF 61'100.-, et CHF 61'398.- après indexation à 2018.

Le revenu avec invalidité est ainsi plus élevé que le revenu sans invalidité, de sorte que le recourant n’a pas droit à une rente d’invalidité dès le 1er juin 2018.

Il sera également relevé que même en tenant compte du revenu sans invalidité dont se prévaut le recourant, ce droit ne serait pas ouvert (CHF 110'000.- – CHF 67'766.67.- x 100 / CHF 110'000.- = 38.39 % de taux d’invalidité).

6.3.3 Le certificat médical produit le 20 septembre 2023 par le recourant ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle il était au moins capable de travailler à 100% dans une activité adaptée dès février 2018 jusqu’à la décision querellée du 26 octobre 2022, dès lors qu’il concerne l’état psychique du recourant sur une période postérieure.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant (art. 69 al.1bis LAI).

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le