Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/816/2023 du 18.10.2023 ( LAA ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1545/2023 ATAS/816/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 18 octobre 2023 Chambre 4 |
En la cause
A______ représentée par Me Marlyse CORDONIER, avocate
| recourante |
contre
SWICA ASSURANCES SA
| intimée |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1958, a travaillé en qualité de responsable des ventes pour l’entreprise familiale de traiteur dès 1996. À ce titre, elle était assurée contre les accidents auprès de SWICA ASSURANCES SA (ci-après l’assurance ou l’intimée).![endif]>![if>
Cette entreprise ayant été reprise par une autre société, cette dernière a conclu avec l’assurée un contrat de travail le 1er décembre 2020, dans lequel elle s’est engagée à employer l’assurée jusqu’à son 64ème anniversaire, soit à l’âge légal de la retraite, à savoir jusqu’au 31 octobre 2022 (sic).
b. Le 8 juillet 2021, l’assurée a subi un accident. Elle est tombée et s’est fait mal au poignet et au pied notamment. Elle a été en incapacité de travail dès le lendemain, une reprise du travail à 50 % le 19 juillet suivant s’étant soldée par un échec après un jour.![endif]>![if>
c. À la demande de l’assurance, le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a procédé à une expertise de l’assurée. Dans son rapport du 5 juillet 2022, ce médecin a posé les diagnostics de status après contusions multiples avec probable entorse externe de la cheville gauche, probable entorse du poignet gauche et contusions thoraciques à gauche, ainsi que de possible algodystrophie du membre supérieur gauche au décours. Actuellement, on ne pouvait poser le diagnostic d’algodystrophie, les critères de Budapest n’étant pas remplis. Les traitements restaient justifiés. Les troubles au membre supérieur gauche étaient en lien de causalité probable avec l’accident. En ce qui concernait cet événement, l’arrêt de travail en tant que responsable des ventes était justifié. Il était probable qu’après la stabilisation de cette atteinte, attendue une année et demie après l’accident, l’assurée puisse reprendre son activité habituelle. L’accident du 8 juillet 2021 n’était pas la seule cause des troubles, l’assurée souffrant de lombalgies chroniques. En ce qui concernait le pied gauche, en l’absence de lésions structurelles dues à l’accident, on pouvait établir un statu quo sine à six mois de cet événement. Les douleurs à la hanche droite n’étaient pas en lien avec l’accident, mais avec une coxarthrose débutante associée à une périarthrite de la hanche. L’assurée pouvait exercer une activité épargnant son membre supérieur gauche, dont elle pouvait se servir uniquement pour des gestes d’appoint. En raison des lombalgies et de la coxarthrose bilatérale, l’activité devait être sédentaire ou semi sédentaire. Eu égard aux lésions des pieds, l’assurée devrait éviter de marcher en terrain irrégulier, la station debout prolongée de plus de 15 minutes, ainsi que le port de charges supérieures à 10 kg.![endif]>![if>
d. Par décision du 27 juillet 2022, l’assurance, se prévalant de l’expertise du Dr B______, a affirmé que les troubles étaient imputables à une maladie six mois après l’accident, soit le 8 janvier 2022 au plus tard. Les problèmes de hanche ne relevaient pas de l’assurance-accidents. S’agissant de l’affection du membre supérieur gauche, l’assurance continuerait à prendre en charge le traitement médical. Elle suspendait ses prestations avec effet au 8 janvier 2022 en ce qui concernait le traitement médical et les indemnités journalières (sic), renonçant toutefois à réclamer leur remboursement.![endif]>![if>
e. Selon un décompte adressé à la même date à l’employeur, l’assurance a versé des indemnités journalières pour l’assurée pour la période du 1er juin au 31 juillet 2022. ![endif]>![if>
f. Par courrier du 18 août 2022, annulant et remplaçant sa décision du 27 juillet 2022, l’assurance a retenu que ladite décision n’était pas assez complète et assez précise. Un complément d’information devrait être demandé à l’expert, qui aurait à se prononcer sur un lien de causalité naturelle entre les accidents survenus à la cheville gauche en 2010 et au pied gauche en 2015, que l’assurance avait pris en charge à l’époque, et les troubles actuels de ces parties du corps. En ce qui concernait le membre supérieur gauche, l’assurance poursuivait la prise en charge du traitement médical.![endif]>![if>
Par courrier du même jour, l’assurance a indiqué à l’assurée que certaines questions n’avaient pas été posées à l’expert au sujet de sa capacité de travail dans une activité adaptée, celle-ci étant droitière et ses troubles concernant le membre supérieur gauche. Elles seraient éclaircies au moyen d’un complément d’expertise. L’assurance a de plus invité l’assurée à lui indiquer si elle comptait mettre un terme à son activité professionnelle, compte tenu du fait qu’elle atteindrait l’âge de la retraite le 3 septembre suivant.
g. Par courriel du 19 août 2022, l’employeur a fait savoir à l’assurance que l’assurée n’avait pas manifesté son intention de continuer son activité professionnelle au-delà de l’âge de la retraite, et aucune discussion à ce sujet n’avait eu lieu.![endif]>![if>
h. Selon une note d’entretien téléphonique du 26 août 2022, l’assurée a confirmé à l’assurance qu’elle voulait prendre sa retraite à l’âge ordinaire et n’avait rien entrepris pour travailler au-delà de cette date. Elle a répété par courrier du 27 août 2022 à l’assurance qu’elle comptait mettre un terme à son activité au 31 octobre 2022.![endif]>![if>
i. Le 5 septembre 2022, l’employeur a indiqué à l’assurée que son contrat de travail prendrait fin automatiquement le 31 octobre 2022.![endif]>![if>
j. Le 22 septembre 2022, l’assurée, par sa mandataire, a donné des précisions sur la nature de son travail. Elle était chargée du planning du personnel, des commandes, de la réception des marchandises et des plats préparés, de la mise en place des plats dans les vitrines, des ventes et du conseil à la clientèle. Son activité impliquait beaucoup de manutention et n’était pas compatible avec une activité épargnant le membre supérieur gauche. L’arrêt de travail était justifié selon l’expert et un complément d’expertise était superflu à ce stade. Par ailleurs, selon la jurisprudence, les indemnités journalières devaient continuer à être versées même lorsqu’un assuré avait atteint l’âge de la retraite. Son cas devrait ainsi être examiné en fin d’année 2022 ou en début d’année 2023, afin de déterminer s’il était alors stabilisé. L’assurée a invité l’assurance à reprendre le versement des indemnités journalières.![endif]>![if>
k. Par courrier du 12 octobre 2022, l’assurance a répondu à l’assurée que le contrat de travail mentionnait qu’elle serait employée jusqu’à son 64ème anniversaire, à savoir jusqu’au 31 octobre 2022. Malgré cette inexactitude dans les dates, l’assurance était exceptionnellement disposée à allouer les indemnités journalières jusqu’au 31 octobre 2022 au plus tard. En effet, l’employeur avait confirmé que rien n’avait été entrepris pour permettre à l’assurée de travailler au-delà de l’âge de la retraite, ce qui était déterminant pour le droit aux indemnités journalières. ![endif]>![if>
l. Par courrier du 9 novembre 2022, l’assurée a derechef requis de l’assurance la poursuite du versement des indemnités journalières au-delà de l’âge de la retraite.![endif]>![if>
m. Par décision du 21 décembre 2022, l’assurée a confirmé qu’elle mettait fin au versement des indemnités journalières au 31 octobre 2022. Dès cette date, l’assurée ne subissait plus de perte salariale ni de perte économique.![endif]>![if>
n. L’assurance-invalidité a communiqué à l’assurée dans un projet de décision du 17 janvier 2023 qu’elle lui allouerait une rente d’invalidité entière, tenant compte d’une incapacité de travail totale dans toute activité dès le mois de juillet 2021.![endif]>![if>
o. Le 1er février 2023, l’assurée s’est opposée à la décision de l’assurance. Elle a répété que le droit aux indemnités journalières ne cessait pas à l’âge de la retraite. Elle a conclu à la poursuite de leur versement.![endif]>![if>
À la même date, l’assurée a informé l’assurance de la poursuite du traitement médical, se référant à un rapport du 5 décembre 2022 du docteur C______, spécialiste en chirurgie de la main, dans lequel celui-ci a noté que l’évolution était bonne et qu’il s’attendait à une amélioration dans les trois mois. L’algoneurodystrophie était dans sa dernière phase.
p. Par décision du 21 mars 2022, l’assurance a écarté l’opposition. Le droit à la rente de vieillesse de l’assurée était né le 1er octobre 2022 et il était établi qu’elle n’aurait pas continué d’exercer une activité professionnelle après cette date. Si le droit aux indemnités journalières était justifié selon la jurisprudence après l’âge de la retraite, celles-ci entraient dans le calcul de la surindemnisation. En l’occurrence, il n’y avait pas de gain présumé perdu et les indemnités journalières étaient réduites à concurrence de la rente de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS), sous peine de surindemnisation. Le gain présumé perdu après l’âge de la retraite était nul. Les indemnités journalières pouvaient être réduites dans le calcul de la surindemnisation lorsque la personne assurée n’aurait pas continué à travailler au-delà de l’âge de la retraite. Partant, l’assurance maintenait les termes de sa décision.![endif]>![if>
B. a. Par écriture du 8 mai 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre de céans. Elle a conclu, sous suite de dépens, à son annulation et au versement d’indemnités journalières du 1er novembre 2022 au 27 mars 2023, date à laquelle son état était stabilisé en ce qui concernait son poignet gauche. Sa rente de vieillesse s’était élevée à CHF 1'969.- dès octobre 2022 et à CHF 2'019.- dès janvier 2023. Elle a allégué que la surindemnisation devait porter sur des prestations de même nature. Or, il était douteux que les indemnités journalières aient une fonction analogue à une rente de vieillesse. Les prestations en jeu n’étaient de plus pas consécutives au même événement. L’intimée restait ainsi tenue de servir les indemnités journalières du 1er novembre jusqu’au 27 mars 2023 sans réduction. ![endif]>![if>
La recourante a produit le courrier de la caisse de compensation lui communiquant les montants de ses rentes de vieillesse de l’AVS en 2022 et en 2023, et un rapport du 27 mars 2023 du Dr C______ mentionnant que le cas était désormais stabilisé et la capacité de travail pleine, en lien avec l’atteinte au poignet gauche.
b. Dans sa réponse du 3 juillet 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours, en reprenant la motivation de sa décision sur opposition.![endif]>![if>
c. Dans ses déterminations du 27 juillet 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.![endif]>![if>
d. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimée le 28 juillet 2023.![endif]>![if>
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger. ![endif]>![if>
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).![endif]>![if>
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable au présent recours, dès lors qu'il n'était pas pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).![endif]>![if>
3. Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable. ![endif]>![if>
4. Le litige, tel que circonscrit par les conclusions du litige, porte sur le droit à des indemnités journalières du 1er novembre 2022 au 27 mars 2023. ![endif]>![if>
5. Les prestations suivantes sont prévues en cas d'accident.![endif]>![if>
5.1 En vertu de l'art. 10 al. 1 LAA, l'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident.![endif]>![if>
5.2 Aux termes de l'art. 16 LAA, l'assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d'un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1). Le droit à l'indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l'accident. Il s'éteint dès que l'assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu'une rente est versée ou dès que l'assuré décède (al. 2). ![endif]>![if>
En vertu de l'art. 17 al. 1 LAA, l'indemnité journalière correspond, en cas d'incapacité totale de travail (art. 6 LPGA), à 80 % du gain assuré. Si l'incapacité de travail n'est que partielle, l'indemnité journalière est réduite en conséquence.
L’art. 19 al. 1 LAA dispose que le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. En d’autres termes, l’assuré incapable de travailler a droit aux indemnités journalières en règle générale jusqu’à la stabilisation de son état de santé, la fin du droit à ces prestations et le début du droit à la rente étant liés et formant un seul et unique objet du litige en cas de contestation (cf. ATF 144 V 354 consid. 4.2).
6. Le droit à des indemnités journalières suppose une restriction de la capacité de travail ayant pour conséquence une perte de gain, soit un dommage économique. En application de ce principe, le Tribunal fédéral a nié le droit à de telles prestations à un assuré ayant subi un accident alors qu’il avait déjà pris une retraite anticipée, dès lors que l’incapacité de travail en résultant n’entraînait pas de perte de salaire (ATF 130 V 35 consid. 3.3 et 3.4). On rappellera que dans le droit en vigueur, le calcul des indemnités journalières s’opère en fonction du gain réalisé avant l’accident, selon une méthode de calcul abstraite, et non plus en fonction du gain présumé perdu comme le prévoyait l’ancienne loi sur l’assurance-maladie et accidents (LAMA) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_243/2017 du 31 août 2017 consid. 3.3). Le droit à des indemnités journalières reste dû malgré une modification ou une résiliation des rapports de travail survenue durant l’incapacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2012 du 12 juillet 2013 consid. 2.2). La cessation de l’activité professionnelle en raison de l’âge ne constitue pas un motif d’extinction du droit à l’indemnité selon l’art. 16 al. 2 LAA : le droit à l’indemnité journalière est maintenu au-delà de l’âge ouvrant droit à une rente de l’AVS, tant que la personne assurée désormais retraitée n’a pas recouvré une pleine capacité de travail ou que le traitement médical n’est pas terminé (Jean-Maurice FRÉSARD / Margit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, n. 223). Le Tribunal fédéral a ajouté que mettre un terme aux indemnités journalières en raison de la fin de la perte de gain liée à la retraite reviendrait à introduire une limitation temporelle au versement des indemnités journalières, laquelle n’est pas prévue par la loi et ne correspond pas à l’intention du législateur de lege ferenda. Une telle pratique supposerait du reste au préalable une adaptation correspondante des primes d’assurance, dès lors que les assurés s’acquittent à l’avance de primes complètes pour les indemnités journalières. Partant, il a admis que l’assurée qui dans le cas d’espèce avait subi un accident alors qu’elle était encore en activité, conservait le droit à des indemnités journalières après sa retraite (ATF 134 V 392 consid. 5.3.1). Notre Haute Cour a confirmé ce principe dans ses arrêts ultérieurs (par exemple arrêt 8C_811/2008 du 4 février 2009 consid. 4).![endif]>![if>
7. Les art. 63 à 71 LPGA contiennent les règles de coordination qui s'appliquent aux prestations allouées par plusieurs assurances sociales (art. 63 al. 1 LPGA). ![endif]>![if>
En vertu de l'art. 63 al. 3 LPGA, la coordination des prestations d'une même assurance sociale est régie par la loi spéciale concernée. La coordination intrasystémique des indemnités journalières et des rentes dans l'assurance-accidents est réglée à l'art. 19 al. 1 LAA (Ueli KIESER, Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts (ATSG) in SBVR, n. 363 p. 363). L'art. 68 LPGA dispose que sous réserve de surindemnisation, les indemnités journalières et les rentes de différentes assurances sociales sont cumulées. L'art. 69 LPGA, relatif à la surindemnisation, précise que le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de l'ayant droit. Ne sont prises en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l'assuré en raison de l'événement dommageable (al. 1). Il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l'assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches (al. 2). Les prestations en espèces sont réduites du montant de la surindemnisation. Sont exceptées de toute réduction les rentes de l'AVS et de l'AI, de même que les allocations pour impotents et les indemnités pour atteinte à l'intégrité. Pour les prestations en capital, la valeur de la rente correspondante est prise en compte (al. 3).
Le gain présumé perdu au sens de l’art. 69 al. 2 LAI est celui que la personne aurait réalisé sans l’événement dommageable (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 39 ad art. 69 LPGA). En cas d’accident, il s’agit du gain perdu en raison de cet événement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_512/2012 du 7 juin 2013 consid. 6.1).
L'art. 69 al. 1 LPGA consacre le principe de la concordance des droits. Ce principe en cas de concours est le suivant : seules les prestations d'un but et d'un type analogues, allouées à la même personne, pour le même événement dommageable et pour la même période sont prises en considération (Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Jean-Maurice FRÉSARD in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, nn. 12 et 15 ad art. 69 LPGA). Le principe de la concordance doit également trouver sa concrétisation en l'absence de disposition idoine, dès lors qu'il a une portée générale dans l'assurance sociale (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1). Après avoir laissé la question ouverte, le Tribunal fédéral a confirmé au terme d’une analyse approfondie que le calcul de la surindemnisation doit tenir compte des différentes prestations des assurances sociales qui se rapportent au même évènement (concordance événementielle, ereignisbezogene Kongruenz) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_512/2012 du 7 juin 2013 consid. 5.3.7 rendu dans un cas portant sur la prise en compte d’une rente de l’assurance-invalidité allouée non uniquement en raison des troubles causés par l’accident, mais également pour d’autres atteintes). Selon la doctrine, il est douteux qu’une réduction des indemnités journalières de l’assurance-accidents soit possible en cas de concours avec une rente de vieillesse de l’AVS, à défaut de concordance événementielle de ces prestations (Marc HÜRZELER in Basler Kommentar zum ATSG, 2020, n. 10 ad art. 68 LPGA).
8. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3 ; ATF 122 V 157 consid. 1c). Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). La jurisprudence a posé le principe que le seul fait que les médecins de l'assurance sont employés de celle-ci ne permet pas de conclure à l'existence d'une prévention et d'un manque d'objectivité. Si un cas est jugé sans rapport d'un médecin externe à l'assurance, l'appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes. Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de l'assurance sont à prendre en considération tant qu'il n'existe aucun doute, même minime, sur l'exactitude de leurs conclusions (arrêt du Tribunal fédéral 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2 et les références). Il convient d'ordonner une expertise par un médecin externe à l'assurance si des doutes, mêmes faibles, subsistent quant à la fiabilité et à la pertinence des constatations médicales effectuées à l'interne (ATF 135 V 465 consid. 4).![endif]>![if>
9. En l’espèce, la chambre de céans relève en préambule que la nécessité d’un traitement médical et d’un arrêt de travail en raison de l’atteinte au membre supérieur gauche de la recourante a été établie à satisfaction de droit par le Dr B______, dont l’expertise comprend tous les éléments formels exigés par la jurisprudence pour se voir reconnaître valeur probante. Ses conclusions sont motivées et convaincantes au vu des limitations fonctionnelles qu’il décrit en lien avec le bras gauche, qui ne peut être utilisé que pour des gestes d’appoint. En effet, l’activité de responsable des ventes sur le stand du traiteur implique de nombreuses manutentions et manipulations de produits et marchandises. La chambre de céans n’a ainsi pas de motif de s’écarter des conclusions de l’expert.![endif]>![if>
On ne saurait en particulier suivre l’intimée lorsqu’elle affirme qu’un complément d’expertise aurait été nécessaire, notamment au motif que la recourante serait droitière. En effet, le Dr B______ l’a noté. De plus, au vu de ses conclusions quant à des capacités presque monomanuelles, il paraît patent que l’activité habituelle ne pouvait être exercée. L’intimée n’a du reste en définitive pas procédé au complément d’expertise annoncé, et le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_555/2020 du 16 décembre 2020 consid. 2.2.2).
S’agissant de la stabilisation de l’état de santé, que l’expert fixait de manière pronostique une année et demie après le traumatisme, on relève que le Dr C______ l’a finalement constatée le 27 mars 2023. Il n’existe aucun élément médical contradictoire qui justifierait de retenir une stabilisation à une date antérieure, le pronostic du Dr B______, non confirmé par un examen ultérieur, n’y suffisant pas.
La chambre de céans retiendra ainsi que la stabilisation de l’état de santé à la suite de l’atteinte accidentelle au poignet est survenue le 27 mars 2023 et que l’incapacité totale de travail de la recourante s’est poursuivie jusqu’à cette date.
L’intimée ne conteste du reste pas l’incapacité de travail ou l’absence de stabilisation de l’état de santé en tant que telles, mais uniquement le versement des prestations qui en découlent.
10. S’agissant du droit aux indemnités journalières durant cette période, dès lors qu’il est né alors que la recourante exerçait encore une activité lucrative, il perdure malgré le fait que celle-ci ait pris sa retraite, conformément aux principes rappelés ci-dessus. ![endif]>![if>
L’intimée, après avoir dans un premier temps refusé le versement d’indemnités journalières après le 31 octobre 2022 au motif que la recourante n’aurait pas poursuivi d’activé lucrative au-delà de cette date et ne subissait ainsi pas de perte de gain, semble du reste être revenue sur la position qu’elle défendait initialement. Elle paraît admettre désormais que le droit à ces indemnités ne s’est pas éteint au seul motif que la recourante est désormais retraitée. Cela étant, elle invoque désormais l’interdiction de la surindemnisation pour réduire à néant le montant des indemnités journalières dues après la retraite.
Ce raisonnement tombe à faux. En effet, comme on l’a vu, en cas d’accident, le gain perdu pris en compte dans le calcul de la surindemnisation est celui réalisé au moment de cet événement. Considérer qu’il n’y aurait plus de gain perdu après la fin des rapports de travail est contraire aux principes régissant la fixation des indemnités journalières, abstraite et fondée sur le revenu au moment de l’accident. Une telle analyse aurait en outre pour résultat de vider de sa substance le droit aux indemnités journalières après la retraite consacré à l’ATF 134 V 392. En effet, si le gain présumé perdu après la retraite correspondait à la seule rente de vieillesse de l’AVS – laquelle ne peut être réduite en vertu de l’art. 69 al. 3 LPGA –, toute prestation versée en sus constituerait par définition une surindemnisation, de sorte que les indemnités journalières de l’assurance-accidents ne devraient jamais être octroyées à un assuré bénéficiant d’une rente de vieillesse et sans activité lucrative depuis sa retraite. De plus, eu égard à l’absence de concordance événementielle entre l’octroi d’une rente de vieillesse de l’AVS (dont la cause est le fait d’atteindre l’âge prévu à l’art. 21 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants [LAVS - RS 831.10]) et le versement d’indemnités journalières de la LAA (qui trouve son fondement dans la survenance d’un accident), ces prestations ne peuvent en toute hypothèse pas faire l’objet d’une réduction en raison d’une surindemnisation, comme on l’a vu.
Partant, la recourante a droit à des indemnités journalières jusqu’au 27 mars 2023 sans réduction.
11. Le recours est admis.![endif]>![if>
La recourante a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable. ![endif]>![if>
Au fond :
2. L’admet.![endif]>![if>
3. Annule la décision de l’intimée du 21 mars 2022.![endif]>![if>
4. Condamne l’intimée à verser des indemnités journalières à la recourante du 1er novembre 2022 au 27 mars 2023.![endif]>![if>
5. Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.![endif]>![if>
6. Dit que la procédure est gratuite.![endif]>![if>
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.![endif]>![if>
La greffière
Isabelle CASTILLO |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le