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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/925/2021

ATAS/790/2023 du 09.10.2023 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

lA/925/2021 ATAS/790/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

Représentée par Maitre Sacha CAMPORINI, avocat

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1960, mariée, mère de trois enfants nés en 1980, 1982 et 1983, originaire de Serbie-Monténégro, entrée en Suisse en 1991, a exercé une activité de femme de chambre pour l’hôtel B______ du 1er novembre 2001 au 31 août 2003.

b. Elle a déposé le 7 décembre 2004 une demande de prestations d’invalidité (pour un eczéma chronique des mains en réaction à des produits de nettoyage).

B. a. Le 17 septembre 2003, le docteur C______, spécialiste FMH en dermatologie et vénéréologie, a rendu un rapport d’expertise (à la demande de l’assurance-accidents). Depuis 1999, l’assurée présentait une dermatite irritative chronique causée par l’activité de nettoyeuse et un eczéma herpeticatum et neuralgies chroniques, soit une complication de l’eczéma et de son traitement. Une activité de femme de chambre était possible à 50%,

b. Par décision du 24 mars 2005, la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (SUVA) a déclaré l’assurée inapte à tous les travaux de nettoyage par voie humide.

c. La docteure D______, spécialiste FMH en dermatologie et vénérologie, a attesté le 5 septembre 2005 d’une capacité de travail nulle de l’assurée comme femme de ménage et totale dans un travail sans contraintes mécaniques ou toxiques pour les mains.

d. Par décision du 28 septembre 2005, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) a rejeté la demande de prestations, en constatant que l’assurée présentait un degré d’invalidité de 3,8% fondé sur une capacité de travail totale dans une activité adaptée, d’autre part refusé une mesure de reclassement.

e. L’assurée a repris un emploi de nettoyeuse pour E______ du 1er septembre 2005 au 31 mai 2011.

C. a. Le 14 mars 2013, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations (lombalgies et arthrose du genou).

b. Le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a attesté le 13 mai 2013 de lombosciatalgies bilatérales (depuis 2007) et de gonalgie gauche chronique (depuis 2010).

c. Les docteurs G______, spécialiste FMH en médecine générale, et H______, spécialiste FMH en médecine interne, ont attesté le 4 juin 2013 d’hernie discale L4-L5 et L5-S1 et de lésion grade II corne post ménisque interne entrainant une incapacité de travail totale.

d. Le 28 avril 2014, le docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’un épisode dépressif majeur d’intensité sévère chez l’assurée, ainsi que des séquelles d’encéphalopathie hypertensive chronique.

e. Le 6 février 2015, l’assurée a été opérée d’un kyste arthrosynovial à droite.

f. Le 24 février 2015, la docteure J______, spécialiste FMH en neurologie, a attesté de céphalées et lombosciatalgies depuis 2013.

g. Le 9 mars 2016, un résumé de polysomnographie a montré un syndrome d’apnées du sommeil au caractère obstructif de degré sévère.

h. Le 12 avril 2016, la docteure K______, spécialiste FMH en neurochirurgie, a attesté d’un lumbago persistant mais de la disparition complète des lombosciatalgies.

i. À la demande de l’OAI, le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie, a rendu un rapport d’expertise le 11 mai 2017, concluant à un épisode dépressif majeur actuellement de gravité légère, non incapacitant, à la suite de l’examen de l’assurée du 1er décembre 2016.

j. Le service médical régional (ci-après : SMR) a estimé le 9 juin 2017 que l’assurée présentait une capacité de travail nulle dans son activité habituelle depuis 2002 mais qu’elle pouvait exercer une activité adaptée dès novembre 2002.

k. Le 30 mai 2018, le Dr I______ a attesté d’une dépression récurrente sévère sans caractéristique psychotique, totalement incapacitante depuis 2014 et le 4 juillet 2018, il a indiqué que les conclusions du Dr L______ ne représentaient pas l’état clinique qu’il avait lui-même constaté.

l. Le 19 septembre 2018, une enquête économique sur le ménage a conclu à un empêchement pondéré de 18% et nul avec une exigibilité de l’époux et du fils de l’assurée d’un taux de 18%.

m. Le 9 avril 2019, l’OAI a retenu un statut mixte pour l’assurée de 50% active, 50% ménagère.

n. L’assurée a débuté une mesure d’orientation professionnelle le 7 octobre 2019 qu’elle a dû interrompre le 8 octobre 2019, la Dre J______ ayant délivré un arrêt de travail total d’un mois.

o. Le 17 octobre 2019, le SMR a maintenu son avis du 9 juin 2017.

p. Le 21 octobre 2019, la Dre J______ a attesté de lombosciatalgies chroniques.

q. Le 4 novembre 2019, le Dr G______ a indiqué que l’état de santé de l’assurée s’était détérioré depuis 2013 (problématique lombaire et gonalgies), de sorte qu’elle n’avait pas été capable de suivre un stage aux EPI.

r. Le 8 novembre 2019, le docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a attesté de gonalgie gauche totalement incapacitante.

s. Le 2 décembre 2019, la Dre J______ a attesté de lombosciatalgies chroniques invalidantes.

t. Le 24 janvier 2020, le Dr I______ a confirmé son précédent diagnostic.

u. Le 7 février 2020, le SMR a maintenu son avis du 9 juin 2017.

v. Par décision du 9 février 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que le degré d’invalidité de l’assurée était de 4% jusqu’au 31 décembre 2017, fondé sur une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée dès le 7 mai 2013 (sic). L’invalidité dans la sphère professionnelle était de 8%, ramenée à un statut d’active de 50%, et nulle dans la sphère ménagère. Le degré d’invalidité était de 29% dès le 1er janvier 2018 selon le nouveau calcul appliqué à la méthode mixte, soit un taux d’invalidité de 58% dans la sphère professionnelle et nul dans la sphère ménagère.

D. a. Le 12 mars 2021, l’assurée, représentée par une avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité ; l’expertise du Dr F______ concluait à une activité adaptée très hypothétique ; son état de santé s’était encore dégradé ; elle contestait l’enquête ménagère.

b. Le 26 mai 2021, l’OAI a conclu au rejet du recours.

c. Le 31 août 2021, la recourante a répliqué. Elle a communiqué un rapport du 24 juin 2021 du Dr I______, attestant d’une incapacité de travail totale depuis 2014. Les Drs G______, M______, J______ et I______ estimaient qu’elle était totalement incapable de travailler ; enfin, son âge était un obstacle à une réintégration professionnelle.

d. Le 13 octobre 2021, l’OAI a dupliqué et s’est rallié à un avis du SMR du 23 septembre 2021 selon lequel le Dr I______ n’amenait pas de nouvel élément médical objectif.

e. Le 16 mai 2022, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

À cette occasion, la recourante a produit :

-        un rapport du Dr G______ du 9 mai 2022, attestant d’une incapacité de travail totale dans toute activité, même adaptée, à cause de douleurs ;

-        un rapport du Dr I______ du 11 mai 2022, attestant d’une dépression récurrente sévère sans caractéristique psychotique, totalement incapacitante.

f. À la demande de la chambre de céans, les Dr M______ et J______ ont donné des renseignements complémentaires :

-        le 21 juin 2022, le Dr M______ a attesté de lombalgies étagées sur sténose du canal rachidien et gonarthrose gauche objectivée. En avril 2021, l’incapacité de travail était totale mais il n’avait pas revu l’assurée depuis ; il ne pouvait répondre à la question de la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée ;

-        le 19 août 2022, la Dre J______ a posé les diagnostics de lombosciatalgie chronique dans un contexte de trouble dégénératif de la colonne lombaire, de sténose foraminale droite en L4-L5, de sténose du récessus latéral droit en L5-S1 et d’une incapacité de travail constatée à la dernière consultation en 2020, en raison de limitations à rester assise ou debout longtemps, à la position accroupie et penchée en avant, à se déplacer et à porter des charges ; une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de 25 à 50% pourrait être envisageable.

g. Le 15 septembre 2022, le SMR a estimé qu’aucun élément médical objectivé nouveau n’avait été amené par les médecins traitants de l’assurée. L’OAI s’est rallié à cette appréciation.

h. Le 16 septembre 2022, l’assurée a observé que les rapports de ses médecins attestaient de son incapacité de travail et de son empêchement complet dans la sphère ménagère, étant relevé que la Dre J______ ne définissait pas le type d’activité adaptée.

i. Le 13 décembre 2022, l’assurée a communiqué un rapport du Dr M______ du 1er novembre 2022, attestant de douleurs multiples, d’une asthénie importante, d’une grande fatigue et d’un état dépressif chronique ; les radiographies du 17 octobre 2022 montraient une gonarthrose bilatérale et une discarthrose. Un examen neurologique avait été demandé.

j. Le 13 janvier 2023, le SMR a estimé que les rapports de radiographies montraient une gonarthrose bilatérale débutante, une rhizarthrose bilatérale modérée et des troubles dégénératifs lombaires avec discopathie en L4-L5 et L5‑S1. Le Dr M______ ne signalait pas de déficit neurologique. Il n’y avait pas d’aggravation notable de l’état de santé de l’assurée ; une activité respectant les limitations fonctionnelles d’épargne du rachis lombaire et des genoux (pas de port de charge et sans force avec la pince pouce-index) était exigible.

k. Le 17 janvier 2023, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.

l. Par ordonnance du 6 mars 2023, la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire confiée à la docteure N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en considérant ce qui suit :

L’intimé a considéré, sur la base du rapport des médecins traitants de la recourante et de l’expertise du Dr L______ du 11 mai 2017, que la recourante présentait, dès le 7 mai 2017, une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, laquelle est contestée par la recourante. Du point de vue psychiatrique, le Dr L______ a retenu chez la recourante un épisode dépressif majeur actuellement de gravité légère, non incapacitant. Or, le Dr I______, psychiatre traitant de la recourante depuis 2014, a fait état d’éléments contredisant clairement les constatations et conclusions du Dr L______. Il a posé le diagnostic de dépression récurrente sévère sans caractéristique psychotique, totalement incapacitant (rapports des 24 janvier 2020 et 24 juin 2021 du Dr I______) ; il a relevé que les douleurs de la recourante avaient amené la dépression, avec des troubles de la concentration et de la mémoire, une bradypsychie, une tristesse importante, une aboulie et asthénie importantes, une forte anxiété et des troubles du sommeil ; enfin la dépression était résistante aux traitements. En présence de constatations et conclusions fortement divergentes, il convenait d’instruire l’aspect psychiatrique par le biais d’une expertise judiciaire.

L’aspect somatique a été réservé.

m. Le 16 juin 2023, la Dre N______ a rendu son rapport d’expertise, lequel concluait à la présence chez l’assurée d’un diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques, apparu en 2013, entrainant une asthénie, une grande fatigabilité, des troubles de l’attention et de la concentration, une thymie triste, une perte d’élan vital et une perte d’estime de soi, de la distractibilité, des interruptions, des difficultés à suivre les instructions, des difficultés dans les interactions sociales et des problèmes d’adaptation ; l’assurée était totalement incapable de travailler depuis début 2014.

n. Le 11 juillet 2023, le SMR a observé que l’expertise ne retenait un caractère incapacitant au trouble dépressif sévère que depuis 2014, sans motivation ; le diagnostic d’épisode dépressif isolé posé par le Dr L______ était correct ; il s’agissait d’un trouble dépressif récurrent de type persistant, d’évolution variable, moyenne (2014), légère (2017) et moyenne à sévère (actuellement) ; il n’y avait pas eu de dosage sanguin des antidépresseurs.

o. Le 19 juillet 2023, l’OAI a maintenu ses conclusions.

p. Le 22 août 2023, la recourante a observé que l’expertise du Dr L______ devait être définitivement écartée (le SMR lui-même contestant le diagnostic posé par cet expert) et que celle de la Dre N______ était probante.

q. A la demande de la chambre de céans, le SMR a précisé le 14 septembre 2023 que l’examen clinique de la Dre N______ relevait une possible aggravation de l’état de santé par rapport à l’expertise du Dr L______ de 2017, motivant une incapacité de travail le plus probablement partielle, le trouble dépressif étant plutôt d’intensité moyenne que sévère.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

1.4 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références). En l’occurrence, vu le dépôt de la demande de prestations le 14 mars 2013, la LAI et ses dispositions d’exécution seront appliquées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

1.5 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

3.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

4.              

4.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entrainer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

4.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

4.4 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.         Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.         Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.         Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

5.              

5.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

5.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

5.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

6.             Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparait nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.             En l’occurrence, l’intimé a considéré, sur la base du rapport des médecins traitants de la recourante et de l’expertise du Dr L______ du 11 mai 2017, que la recourante présentait, dès le 7 mai 2013, une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, laquelle est contestée par la recourante.

8.1 Du point de vue somatique, l’intimé, suivant l’avis du SMR, a retenu que la recourante était à même d’exercer une activité adaptée à un taux de 100%, soit en épargnant le rachis lombaire et les genoux ainsi que sans port de charge et sans force avec la pince pouce-index.

La recourante conteste cette appréciation, en faisant valoir l’avis de ses médecins traitants.

8.1.1 Le Dr M______ a fait état d’une problématique psychique (état dépressif et douleurs du registre somatoforme) qui relève d’une évaluation psychiatrique. S’agissant des affections rhumato-orthopédiques, il a signalé des douleurs aux genoux dues à une gonarthrose bilatérale et une discarthrose. Il ne se prononce pas sur la capacité de travail de la recourante. En particulier, aucun élément selon ses rapports des 21 juin 2022 et 1er novembre 2022 ne permet de remettre en cause une capacité de travail totale exigible de la recourante dans une activité respectant les limitations fonctionnelles, telles que décrites par l’intimé. Par ailleurs, l’éventuel déficit neurologique évoqué par le Dr M______, en tant qu’il n’est, en l’état, qu’une hypothèse médicale, ne saurait être reconnu.

Quant à la Dre J______, son rapport du 19 août 2022, en tant qu’il retient des limitations fonctionnelles liées à la station assise et debout prolongée, la position accroupie et penchée en avant ainsi que le port de charge, ne permet pas non plus de mettre en cause l’exigibilité d’une capacité de travail totale de la recourante dans une activité adaptée. La Dre J______ admet d’ailleurs qu’une telle activité est exigible à un taux de 25 à 50%. Elle n’explique pas pour quel motif un taux plus élevé, en tant que l’activité est adaptée, ne serait pas exigible.

Enfin, il en est de même du Dr G______, lequel relève, dans son rapport du 9 mai 2022, que la recourante est limitée à cause de ses douleurs et de son incapacité à rester assise ou debout de façon prolongée et à porter des charges de plus de 2 kg.

8.1.2 Au demeurant, il convient d’admettre que, du point de vue somatique, la recourante est capable d’exercer une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

8.2 Du point de vue psychiatrique, l’intimé s’est fondé sur les conclusions du rapport du Dr L______, lequel a retenu chez la recourante un épisode dépressif majeur actuellement de gravité légère, non incapacitant. La chambre de céans a estimé qu’une expertise judiciaire était nécessaire, en relevant que les constatations et conclusions de l’expert L______ et du médecin traitant étaient fortement divergentes.

8.2.1 Fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant deux entretiens avec la recourante et un entretien téléphonique avec l’époux de celle-ci, une anamnèse complète, la description d’une journée-type, les plaintes de la recourante, le status clinique, posant des diagnostics et limitations fonctionnelles clairs, exposant les éléments pertinents pour l’analyse des indicateurs jurisprudentiels et une motivation convaincante de l’incapacité de travail découlant des diagnostics posés, le rapport d’expertise de la Dre N______ répond aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

8.2.2 La recourante se rallie aux conclusions du rapport d’expertise judiciaire. Quant à l’intimé, il conteste sa valeur probante, en se ralliant à un avis du SMR du 11 juillet 2023. Or, les critiques émises par le SMR, lequel a complété son avis le 14 septembre 2023, ne sont pas à même de mettre en doute les conclusions du rapport d’expertise judiciaire.

8.2.2.1.    Le SMR retient (avis du 14 septembre 2023) une possible aggravation de l’état de santé de la recourante au jour de l’examen clinique pratiqué par l’experte judiciaire en juillet 2023 [recte : avril 2023] ; il estime que la recourante présente, depuis lors, un épisode dépressif d’intensité moyenne, motivant une incapacité de travail probablement partielle. En revanche, il estime que l’évaluation du Dr L______ doit être suivie jusqu’à juillet 2023. En particulier, le SMR conteste le diagnostic de trouble dépressif récurrent posé par l’experte judiciaire, au motif que celui-ci implique que la recourante aurait dû, entre les épisodes dépressifs caractérisés, ne plus présenter de symptômes dépressifs, ce qui n’était pas le cas. Or, on peine à comprendre la critique du SMR, dès lors qu’il relève ensuite que le tableau démontre plutôt la présence d’une dépression persistante, laquelle se classait aussi sous trouble dépressif récurrent, soit le diagnostic retenu par l’experte judiciaire. En outre, le SMR conclut à la présence d’un trouble dépressif récurrent depuis 2014 (qu’il qualifie de moyen en 2014, de léger en 2017 et de moyen à sévère en 2023), diagnostic qui rejoint, sous réserve de l’appréciation de la gravité, celui posé par l’experte judiciaire.

Ce grief doit donc être écarté.

8.2.2.2.    Le SMR conteste le caractère sévère du trouble dépressif récurrent, en se ralliant à l’appréciation du Dr L______. Or, le rapport d’expertise du Dr L______ n’est pas probant, au vu du rapport d’expertise judiciaire, lequel rejoint, au surplus, les appréciations du psychiatre traitant, le Dr I______, qui a suivi la recourante depuis 2013.

En outre, l’expertise du Dr L______ présente des incohérences. D’abord entre la description d’une journée-type qui laisse apparaitre un niveau d’activité très pauvre et le diagnostic psychiatrique, qualifié de léger, qui est posé. Ensuite, le Dr L______ souligne, dans l’examen clinique du 1er décembre 2016, la présence de pensées suicidaires pour nier ensuite, dans l’analyse du trouble dépressif la présence d’idées suicidaires (expertise du Dr L______ pp. 13 et 18). Il nie enfin toute anhédonie et aboulie et décrit un investissement dans les relations avec son époux, ses enfants et petits-enfants, à nouveau sans cohérence avec la description d’une journée-type, laquelle fait état d’une absence de plaisir et de projet, le Dr L______ relevant même que la recourante préfère manger seule dans sa chambre et trainer dans le salon. Enfin, le SMR retient une amélioration de l’état de santé de la recourante entre 2014, moment où il estime que le trouble dépressif est moyen, et décembre 2016, moment où il estime qu’il est léger, sur la base de l’examen du Dr L______, sans expliquer cette évolution, qui n’est, en particulier, pas relevée par l’expert L______, puisque celui-ci souligne au contraire que depuis 2014, la symptomatologie anxio-dépressive n’est probablement pas incapacitante (expertise du Dr L______ p. 25).

L’experte judiciaire a expliqué de façon étayée et convaincante que, depuis juillet 2013, la recourante était suivie par le Dr I______ en raison d’un trouble dépressif récurrent, avec un traitement médicamenteux, adapté à plusieurs reprises ; elle avait une réelle demande de soins et était investie dans ses différents traitements. Les plaintes avaient été objectivées par l’anamnèse et l’hétéroanamnèse auprès du mari, faites par le Dr I______ et par les médecins somaticiens ainsi que par les EPI. Les niveaux d’activité sociale et la vie quotidienne ne semblaient pas avoir évolué depuis 2013 selon l’anamnèse et l’hétéroanamnèse et les rapports du Dr I______ ; la symptomatologie correspondait à un tableau de dépression résistante aux traitements ; il y avait une continuité des difficultés dans le temps. L’expertise judiciaire retient ainsi une continuité de la symptomatologie depuis l’année 2013, avec plusieurs traitements testés et suivis depuis cette date, un niveau d’activité sociale et quotidienne pauvre depuis lors et une dépression étendue dans le temps, puisque résistante aux traitements. Ces constatations et analyses contredisent l’avis du SMR, selon lequel la recourante aurait présenté une symptomatologie dépressive moyenne en 2014, puis légère en décembre 2016, soit au moment de l’examen clinique du Dr L______, et ensuite une aggravation de son état de santé en 2023, au moment de l’examen clinique de l’experte judiciaire.

En outre, l’appréciation du Dr L______ est d’autant moins convaincante que sa description d’une journée-type de la recourante correspond à celle qui est faite par l’experte judiciaire, dans le sens d’un niveau d’activité très pauvre, la recourante étant dans une large mesure assistée par son mari. Cette similitude est d’ailleurs relevée par le SMR dans son avis du 11 juillet 2023 et permet de conforter la présence, déjà plusieurs années auparavant, des diagnostics et limitations fonctionnelles constatés par l’experte judiciaire en avril 2023.

Au surplus, l’experte judiciaire a critiqué de façon convaincante les conclusions de l’expertise du Dr L______, en relevant qu’il ne prenait pas en compte la récurrence des épisodes dépressifs depuis 2013.

S’agissant de la sévérité du trouble dépressif récurrent, l’experte judiciaire a souligné que la recourante présentait trois symptômes typiques d’une atteinte sévère : humeur dépressive, diminution de l’intérêt et du plaisir et augmentation de la fatigabilité. Cela associé à cinq autres symptômes dépressifs (diminution de la concentration et de l’attention, diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi, idées suicidaires, perturbation du sommeil et diminution de l’appétit). La recourante était incapable de poursuivre ses activités sociales, professionnelles et ménagères. Les épisodes actuels et passés avaient duré plus de deux semaines et avaient présenté cette même symptomatologie.

Le SMR estime, dans son avis du 11 juillet 2023, que le trouble dépressif récurrent serait, depuis 2023, moyen à sévère, sans expliquer pourquoi il s’écarte de l’analyse de l’experte judiciaire. En outre, dans son avis subséquent du 14 septembre 2023, le SMR estime que le trouble dépressif est plutôt d’intensité moyenne que sévère, sans expliquer pourquoi il s’écarte de sa première appréciation. Par ailleurs, il souligne, pour écarter le caractère sévère du trouble, l’absence de tentative de suicide, d’hospitalisation en milieu psychiatrique et une prise en charge psychiatrique espacée tous les deux mois. À cet égard, l’experte judiciaire a relevé, parmi les huit symptômes décrits et nécessaires pour admettre le critère de trouble sévère, la présence notamment d’idées suicidaires, les pensées suicidaires étant d’ailleurs déjà signalées par le Dr L______ (expertise L______ p. 13). Or, les critères de la CIM-10 pour l’épisode dépressif sévère comprennent les pensées récurrentes de mort ou d’idées suicidaires récurrentes, sans que la présence de tentative de suicide - comme le retient le SMR - ne soit exigée (classification internationale des troubles mentaux et troubles du comportement, critère diagnostique pour la recherche CDM-10 - CIM‑10, OMG Genève 2020, pp. 77-78). L’avis du SMR sur ce point n’est ainsi pas pertinent.

En outre, s’agissant de l’absence d’hospitalisation en unité psychiatrique et la nécessité d’un suivi psychiatrique plus fréquent que bimensuel, ils ne font pas partie des critères pertinents permettant d’admettre ou d’exclure le caractère sévère d’un épisode dépressif.

Enfin, l’experte judiciaire s’est ralliée à l’appréciation du Dr I______, émise depuis son suivi en 2013, de sorte qu’elle a pu attester - au vu de son examen clinique d’avril 2023, de la symptomatologie installée récurrente et des constatations cliniques du psychiatre traitant - que la capacité de travail de la recourante, qui était nulle au jour de son examen clinique, l’était aussi depuis début 2014.

Il convient à cet égard de relever que le Dr I______ a attesté de façon constante d’un épisode dépressif majeur d’intensité sévère, puis d’une dépression récurrente sévère sans caractéristique psychotique, incapacitante depuis 2014 (avis des 28 avril 2014, 24 janvier 2020, 31 août 2021 et 11 mai 2022) et que le 4 juillet 2018, il a aussi précisé que les conclusions de l’expertise du Dr L______ ne représentaient pas l’état clinique qu’il avait lui-même constaté lors des consultations psychiatriques mensuelles de la recourante.

Le grief du SMR doit ainsi être écarté.

8.2.2.3.    Le SMR reproche encore à l’experte judiciaire d’avoir retenu un diagnostic psychiatrique depuis 2013 mais une incapacité de travail totale seulement depuis 2014.

À cet égard, l’experte a relevé que l’épisode dépressif était survenu en juillet 2013 ; on constate qu’elle a suivi l’appréciation du psychiatre traitant, lequel a lui-même estimé que la capacité de travail était totalement nulle depuis janvier 2014, soit six mois plus tard, et non pas auparavant. On ne saurait reprocher à l’experte judiciaire, laquelle doit évaluer rétrospectivement la capacité de travail de la recourante, de se rallier à l’appréciation du psychiatre traitant sur ce point, lequel a émis, en temps réel, des arrêts de travail et considéré que l’installation d’un trouble dépressif avait entrainé une incapacité de travail six mois après l’apparition des premiers symptômes.

Ce grief doit être écarté.

8.3 Au demeurant, il convient de suivre les conclusions de l’experte judiciaire, probantes, et de retenir une incapacité de travail totale de la recourante depuis janvier 2014.

La recourante présente ainsi depuis janvier 2015 un degré d’invalidité total dans la sphère professionnelle, lequel, ramené à un statut d’active à un taux de 50%, est finalement de 50%. S’agissant des empêchements dans la sphère ménagère, l’enquête économique sur le ménage du 10 octobre 2018 ne peut être confirmée dès lors qu’elle se fonde, du point de vue psychique, sur un épisode dépressif léger non incapacitant. Or, au vu de l’expertise judiciaire, il convient de tenir compte d’un diagnostic psychiatrique totalement incapacitant depuis janvier 2014.

Il convient en conséquence de renvoyer la cause à l’intimé afin qu’il ordonne une nouvelle enquête économique sur le ménage, tenant compte des diagnostics précités, et réévalue les empêchements de la recourante.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimé afin qu’il diligente une enquête économique sur le ménage, tenant compte du diagnostic totalement incapacitant depuis janvier 2014 tel qu’établi par l’expertise judiciaire. L’intimé procédera ensuite au calcul du degré d’invalidité de la recourante, dans une nouvelle décision.

Pour le surplus, la recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]). Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 500.- (art. 69 al. 1bis LAI).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision litigieuse.

4.        Renvoie la cause à l’intimé, dans le sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 4'000.- à charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 500.- à charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le