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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4163/2021

ATAS/706/2023 du 20.09.2023 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 23.10.2023, rendu le 22.01.2024, REJETE, 9C_651/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4163/2021 ATAS/706/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 septembre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

Représenté par Me Andres PEREZ

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______(ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1962, ressortissant portugais, domicilié en Suisse depuis 1988, marié et père de trois enfants.

B. a. Il a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 10 avril 2018 en raison d’une incapacité de travail à 100% depuis le 17 octobre 2017 en raison d’une dépression due à un licenciement et à la pression subie.

b. Par décision du 9 juillet 2018, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l’intimé) a rejeté la demande de prestations de l’assuré, retenant qu’il était incapable de travailler depuis le 17 octobre 2017 (début du délai d’attente d’un an) et qu’il avait pu retrouver une capacité de travail de 100% dans toute activité professionnelle dès le 1er avril 2018.

C. a. Le 9 juillet 2019, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité, indiquant être en totale incapacité de travail en raison de douleurs intenses au dos et aux genoux en lien avec une chute au travail, un traumatisme suite à une agression et un licenciement abusif, depuis 2016.

b. L’OAI confié une expertise psychiatrique de l’assuré au docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et un examen neuropsychologique à Monsieur C______, psychologue FSP en neuropsychologie et psychothérapie.

c. Dans son rapport du 29 juillet 2021, le Dr B______ a conclu que l’assuré pouvait travailler comme ouvrier ou dans le nettoyage dès le 7 avril 2020.

d. Par décision du 3 novembre 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assuré, considérant que celui-ci n’avait pas d’atteinte à la santé invalidante.

D. a. L’assuré a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 6 décembre 2021, concluant à l’annulation de la décision du 3 novembre 2021, à sa mise au bénéfice d’une rente d’invalidité dont le taux restait à déterminer ou, subsidiairement, au retour du dossier à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, avec suite de frais et dépens.

b. L’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par ordonnance du 2 novembre 2022 (ATAS/951/2022), la chambre de céans a confié une expertise psychiatrique du recourant à la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, considérant que l’expertise du Dr B______ n’était pas assez probante.

d. Dans son rapport du 5 juillet 2023, la Dre D______ a retenu les diagnostics d’épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques, état de stress post-traumatique et trait de personnalité dépendante. Le recourant était selon elle totalement incapable de travailler depuis 2019 dans toute activité.

e. Le recourant a estimé qu’au vu des conclusions de l’experte, il fallait lui reconnaître un droit à une rente entière d’invalidité à compter de juillet 2019.

f. L’intimé a estimé pour sa part que les conclusions de l’experte sur la capacité de travail pouvaient être suivies et qu’elles justifiaient l’octroi d’une rente entière d’invalidité depuis le 1er juillet 2020.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Les parties reconnaissent une pleine valeur probante à l’expertise judiciaire et sont d’accord sur le fait que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité. Seul doit encore être tranché le début du droit à celle-ci.

5.             Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation [cf. art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201)], l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références; ATF 130 V 71 consid. 3.2 et les références; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). 

L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Si les conditions de la révision sont données, les prestations sont, conformément à l’art. 17 al. 1 LPGA, modifiées pour l’avenir dans le sens exigé par le nouveau degré d’invalidité. Chaque loi spéciale peut fixer le point de départ de la modification ou encore exclure une révision en s’écartant de la LPGA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 806/04 du 15 mars 2005 consid. 2.2.).

L'art. 88a al. 2 RAI prévoit les effets dans le temps d'une modification du droit aux prestations, si la capacité de gain de l'assuré ou sa capacité d'accomplir les travaux habituels s'est dégradée. Ce changement est déterminant pour l'accroissement du droit aux prestations de l'assuré dès qu'il a duré trois mois sans interruption notable. Selon la jurisprudence, ce délai s'applique, à l'occasion d'une procédure de révision (art. 17 LPGA), dans le cadre d'une modification du droit à une rente précédemment allouée ou lorsqu'une rente échelonnée dans le temps est accordée à titre rétroactif (cf. ATF 125 V 413 consid. 2d). Cette disposition ne s'applique pas tant qu'un droit à la rente n'est pas ouvert au regard des conditions de l'art. 28 al. 1 let. b LAI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_302/2015 du 18 septembre 2015).

Selon l’art. 28 al. 1 let. b LAI, l’assuré a droit à une rente s’il a présenté une incapacité de travail durant une année sans interruption notable.

Selon l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA.

La rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance (art. 29 al. 3 LAI).

6.             En l’espèce, dès lors que le recourant n’avait pas droit à une rente d’invalidité au moment de l’aggravation de son état de santé, le début de son droit à une rente répond aux conditions de l’art. 28 al. 1 let. b LAI, soit après un délai d’attente d’un an depuis le début de l’incapacité de travail durable.

L’experte a retenu que le recourant était totalement incapable de travailler depuis 2019, précisant que le tableau clinique tel qu’il était décrit en 2018 était beaucoup moins sévère que celui présenté par les différents médecins psychiatres ayant soigné le recourant dès 2019. L’experte a indiqué dans la rubrique de son rapport liée aux diagnostics que suite à la première décision de l’intimé niant le droit à une rente au recourant, l’état de santé de ce dernier ne s’était pas amélioré et qu’il s’était à nouveau retrouvé en incapacité totale de travail dès avril 2019. Les différents rapports médicaux suivants décrivaient la persistance d’une symptomatologie compatible avec un état dépressif d’intensité moyenne à sévère associé à l’installation de troubles cognitifs préoccupants et faisant suspecter un processus dégénératif et une perte progressive de l’autonomie malgré la mise en place d’un traitement spécialisé auquel l’assuré était compliant. L’experte a indiqué être d’accord avec les rapports de la docteure E______, médecin interne en psychiatrie et psychothérapie, tant en ce qui concernait les diagnostics que la capacité de travail.

Il faut constater que l’experte manque de précision sur le début de l’incapacité durable de travail et que les rapports médicaux cités dans son rapport n’établissent pas clairement une incapacité de travail du recourant au 1er janvier 2019.

Dans son avis du 24 août 2023, le SMR a retenu une incapacité totale de travail dès juillet 2019, sans motivation sur ce point.

Dans un rapport du 23 septembre 2019, la Dre E______ a retenu que le recourant présentait une nouvelle péjoration et que sa capacité de travail était nulle dans toute activité depuis le début du mois de juillet 2019,

Dans un rapport du 7 avril 2020, elle a indiqué que le recourant était totalement incapable de travailler dès le début du suivi avec elle, le 27 mai 2019.

Il y a lieu de retenir en l’espèce une incapacité totale de travailler du recourant dès le 27 mai 2019, selon ce dernier rapport, qui a été validé par l’experte.

Il en résulte que le droit du recourant à une rente entière n’a pu prendre naissance que le 1er mai 2020, soit le premier jour du mois au cours duquel il a pris naissance (art. 29 al. 3 LAI), un an après l’aggravation de l’état de santé du recourant (art. 28 al. 1 let. b LAI), étant précisé que la demande de prestation a été formée en temps utile le 19 juin 2019, selon l’art. 29 al. 1 LAI.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision du 3 novembre 2021 sera annulée et il sera dit que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 2020.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire peuvent être mis à la charge de l’OAI (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), si ce dernier a procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire sert à pallier des manquements commis dans la phase d'instruction administrative (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

En l’occurrence, une expertise judiciaire a dû être ordonnée en raison du fait que celle du Dr B______ n’était pas probante, de sorte qu’il se justifie d’en mettre les frais à la charge de l’intimé.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de mettre un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision rendue par l’intimé le 3 novembre 2021.

4.        Dit que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 2020.

5.        Met les frais de l’expertise judiciaire, à hauteur de CHF 7'105.69 (facture du 5 juillet 2023 de la Dre D______ de CHF 4'962.59 et facture du 20 juillet 2023 de Madame F______, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP de CHF 2'143.10) à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.      *Alloue au recourant une indemnité de CHF 3'000.- à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimé. Rectification d’une erreur matérielle le 4 octobre 2023 BRC/RNA

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

Isabelle CASTILLO

 

 

La présidente

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le