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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/507/2023

ATAS/266/2023 du 18.04.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/507/2023 ATAS/266/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 avril 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à LE LIGNON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Butrint AJREDINI

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1994, est mère de deux enfants nés le ______ 2015 et le ______ 2019. Depuis le ______ 2020, elle est divorcée de Monsieur B______.

b. Selon le contrat du 4 mars 2021, elle a été engagée en qualité d’assistante administrative à 70% pour une durée indéterminée à partir du 1er mars 2021 avec un salaire mensuel de CHF 3'400.- par C______ Sàrl. Le contrat prévoit également une assurance pour perte de salaire en cas de maladie.

c. C______ Sàrl a été fondée le 27 août 2020. Son associé-gérant avec signature individuelle était Monsieur D______, frère de l’ex-époux de l’assurée.

d. L’assurée a été en arrêt maladie du 20 avril au 24 juillet 2021, du 1er août au 18 octobre 2021, du 8 au 30 novembre 2021 et du 24 janvier au 6 février 2022, soit pendant plus de six mois. Durant les périodes d’incapacité de travail, l’assureur perte de gain l'a indemnisée par l’intermédiaire de son employeur.

e. Le 12 janvier 2022, elle a été licenciée avec effet au 1er mars 2022 pour des raisons économiques.

B. a. Le 28 février 2022, l’assurée s’est inscrite à l'office régional de placement (ci-après: ORP).

b. Le 18 mars 2022, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a prononcé une suspension de son droit à l’indemnité de chômage de six jours à compter du 1er mars 2022, au motif qu’elle n’avait pas démontré avoir effectué des recherches d’emploi durant son délai de congé.

c. Le 13 juin 2022, l’ex-époux de l’assurée a informé la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) qu’il était parqueteur chez C______ Sàrl.

d. Selon l’extrait du compte individuel AVS de l’assurée, celle-ci a réalisé de mars 2021 à février 2022 un revenu de CHF 11'411.-.

e. En 2021, l’assurée a été taxée par l’administration fiscale cantonale sur un montant de salaire brut de CHF 30'280.-.

f. Par décision du 10 novembre 2022, la caisse a refusé à l’assurée les indemnités de chômage, au motif que celle-ci n’avait pas justifié la perception de salaires pour son activité chez C______ Sàrl.

C. a. Par acte du 12 décembre 2022, l’assurée a formé opposition à cette décision, par l’intermédiaire de son conseil. Elle a allégué que le salaire lui était versé par virement bancaire ou en espèces de manière irrégulière. Ainsi, le salaire de CHF 30'280.-, selon le certificat de salaire de son ex-employeur pour 2021, lui avait été versé par virement bancaire pour la somme de CHF 19'800.- et le reste en espèces. Par ailleurs, l’employeur avait versé la somme de CHF 3'506.12 en trop que l’assurée avait restituée par la suite. À l’appui de ses dires, elle a produit les fiches de salaire afférentes à la période d’emploi.

b. Par décision du 11 janvier 2023, la caisse a rejeté l’opposition de l’assurée, au motif que celle-ci ne pouvait justifier une période de cotisation valable durant les deux ans précédant son inscription, la perception effective des salaires n’étant pas établie. Il y avait en effet de nombreuses dissimilitudes entre les salaires indiqués sur les relevés de Postfinance, les fiches de salaire, l’attestation de la fiduciaire et l’extrait de compte individuel des cotisations AVS/AC.

D. a. Par acte du 13 février 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision, par l’intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et à la condamnation de la caisse au paiement des indemnités journalières dès le 1er mars 2022, sous suite de dépens. Le paiement de son salaire a été établi par les sept versements bancaires reçus sur son compte auprès de Postfinance et par les décomptes de salaire afférents à la période d’emploi. Par ailleurs, l’employeur avait versé les cotisations sociales dues. Le fait que les montants perçus ne correspondaient pas aux montants figurant dans l’extrait du compte individuel AVS ou à l’attestation de la fiduciaire ne permettait pas de conclure à l’inexistence d’une activité salariale.

b. Dans sa réponse du 15 mars 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle avait des doutes quant à la réalité du rapport de travail, dans la mesure où l’assurée avait été indemnisée pendant plusieurs périodes d'incapacité de travail. Les seuls montants perçus par la recourante de C______ Sàrl correspondaient, à peu de choses près, aux prestations versées par l’assurance perte de gain.

c. Lors de son audition en date du 4 avril 2023, la recourante a déclaré ce qui suit:

« Avant d'avoir été engagée par C______ Sàrl, j'ai travaillé dans l'hôtellerie et en tant que vendeuse. J'ai aussi eu d'autres petits postes de travail.

Je n'ai pas de formation professionnelle.

Chez C______ Sàrl, j'étais chargée des contacts avec la clientèle, des paiements, du courrier et des devis.

Avant que je ne commence à travailler dans cette entreprise, il y avait trois personnes, soit le patron, Monsieur D______, son associée, et une dame qui était comptable je crois. Lorsque l'associée est partie, Monsieur D______ m'a engagée, car je parle le français et l'albanais.

Pendant mon absence pour des raisons de maladie (dépression), je n'ai pas été vraiment remplacée. C'est la comptable qui se chargeait de mon travail.

Mes enfants étaient gardés par une nounou, E______. Je n'ai pas son nom de famille.

Depuis mon licenciement, j'ai fait des recherches d'emploi, mais je n'en ai pas trouvé à ce jour. Pour le moment, je ne continue pas à faire des recherches d'emploi.

En dehors du bureau, il y avait d'autres employés, les parqueteurs. Mon ex-époux en faisait partie ».

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable.

3.             L'objet du litige est le droit de la recourante aux indemnités de chômage. La réponse à cette question dépend de celle de savoir si la recourante a effectivement perçu un salaire durant les rapports de service d'une année chez son dernier employeur.

4.              

4.1 En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante remplit en principe les conditions lui ouvrant le droit aux indemnités de chômage dès le 1er mars 2022, en particulier les conditions relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1 let. e LACI ; sans préjudice de la suspension dudit droit pour une durée de six jours pour cause d'absence de recherches d'emploi pendant le délai de congé, selon la décision du 18 mars 2022 de l'OCE). Il sied néanmoins de rappeler que, selon l’art. 13 al. 1 LACI, la réalisation de cette condition suppose que, dans les limites de son délai-cadre de cotisation, la personne assurée ait exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation, qui soit suffisamment contrôlable et destinée à l’obtention d’un revenu (ATF 133 V 515 consid. 2.4 p. 521).

4.2 Généralement, le contrat de travail, une attestation de l’employeur et les décomptes de salaire suffisent à prouver la période de cotisation ; il n’est pas requis que les salaires et les cotisations sociales aient été régulièrement versés (ATF 113 V 352 consid. 2b p. 353 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, n. 139 s. ; Bulletin LACI IC, ch. B145). Une période durant laquelle la personne assurée a renoncé à son salaire ne compte cependant pas comme période de cotisation (ATF 131 V 444) ; une telle hypothèse peut se produire lorsque des administrateurs ou gérants de sociétés en difficulté, ou des personnes occupant en leur sein une position assimilable à celle d’un employeur, ou leur conjoint, renoncent à un salaire dans l’espoir de sauver l’entreprise. Pour prévenir l’important risque d’abus que recèlent de telles situations à l’égard de l’assurance-chômage, il faut se montrer plus exigeant pour admettre que la personne assurée a effectivement exercé une activité soumise à cotisation durant la période déterminante, au point que, sans constituer en soi une condition du droit à l’IC, le versement effectif du salaire tend à être un indice important, voire décisif de l’exercice de l’activité salariée considérée (ATF 131 V 444 consid. 3 ; Boris RUBIN, op. cit. n. 141 s.). Le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) se montre plus exigeant encore, en requérant en principe que le salaire convenu ait été effectivement versé à la personne assurée (Bulletin LACI IC, ch. B144) ; lorsque le salaire a été perçu en espèces, une déclaration d’impôt accompagnée de certificats de salaires obtenus auprès de l’administration fiscale, des quittances de salaire ou extraits de livre de compte fournis par une fiduciaire corroborés par un extrait de compte individuel AVS peuvent être acceptés à titre de preuve du versement du salaire, sans préjudice d’autres moyens de preuve, mais en excluant des documents dont le contenu ne peut être vérifié que par les explications de la personne assurée (Bulletin LACI IC, ch. B148).

5.             En l'espèce, la recourante fait valoir que son salaire a été versé en partie en espèces.

Selon l'attestation de la LPCA Fiduciaire Sàrl du 3 mai 2022, la recourante « a dû recevoir » de son dernier employeur des salaires mensuels nets d'un total de CHF 27'725.60 en 2021 et de CHF 5'520.24 en 2020, avec « une correction annuelle pour 2021 d'un montant de CHF 836.50 versée en plus de février 2022 ». Il est également indiqué dans cette attestation que la recourante était chargée d'établir les fiches de salaires durant son emploi chez RENOVA SOL Sàrl.

La recourante a en outre produit les décomptes de salaire pour mars 2021 à février 2022 dont les montants correspondent à ceux mentionnés par LPCA Fiduciaire Sàrl. Il est indiqué sur la plupart de ces décomptes que le salaire net est versé sur le numéro de compte de la recourante auprès de Postfinance.

De son extrait de compte chez Postfinance, il résulte qu'elle a reçu de son dernier employeur les montants suivants :

23.3.21 3'200.-

5.7.21 3'500.-

10.8.21 2'500.-

28.9.21 5'000.-

4.11.21 2'500.-

29.11.21 3'100.-

3.2.22 3'032.01

Total 22'832.01

 

Les montants versés sur le compte de la recourante ne correspondent pas aux montants résultant des bulletins de salaire.

Pour 2021, la recourante a par ailleurs déclaré à l'administration fiscale des salaires bruts de CHF 30'280.-, montant que le dernier employeur a également déclaré dans le certificat de salaire 2021, soit un salaire net de CHF 28'713.-.

Selon l'extrait du compte individuel AVS de la recourante, elle n'a toutefois réalisé en 2021 qu'un revenu de CHF 5'552.- et en 2022 de CHF 5'859.-.

Les indemnités journalières perte de gain mentionnées dans les bulletins de salaire s'élèvent aux montants bruts suivants :

Avril 2021 3'046.90

Mai 2'906.18

Juin 3'018.-

Juillet 2'414.40

Août 3'118.60

Septembre 3'018.-

Octobre 1'710.20

Novembre 1'789.-

Janvier 2022 625.94

Février 536.52

Total 22'183.74

 

Comme relevé par l'intimée, ces indemnités de perte de gain correspondent à peu près aux sommes nettes versées par le dernier employeur sur le compte de la recourante.

Cela étant, il sied de constater que la recourante n'a pas réussi à établir avoir été payée pour l'éventuel travail pour lequel elle a été engagée chez C______ Sàrl. Tout au plus, elle a été payée durant une infime partie du contrat, en plus des indemnités de perte de gain.

Il est également à relever que la recourante n'avait plus travaillé depuis mars 2019 et n'a pas non plus repris un travail après la résiliation du contrat. De surcroît, le fait que le contrat de travail a duré exactement 12 mois, soit la durée de cotisations nécessaire pour toucher les indemnités de chômage, laisse songeur. À vrai dire, l'employeur ne semblait pas avoir besoin des services de la recourante, dans la mesure où le travail de celle-ci pouvait également être effectué par la comptable en son absence et où l'employeur a accepté les nombreux congé-maladie de la recourante pendant une année, sans mettre fin au contrat auparavant pour la remplacer.

Enfin, l'attestation sur l'honneur non datée et signée par le chef d'entreprise et la recourante, dans laquelle ce dernier atteste avoir reçu de la part son employée le montant de CHF 3'506.32 en espèces « par rapport aux salaires que l'entreprise a versée en trop pendant que [la recourante] travaillait dans [son] entreprise » ne prouve rien. Au demeurant, on se demande comment la recourante aurait pu rembourser une telle somme, en l'absence de revenus, hormis les allocations familiales et la pension alimentaire de son ex-époux.

La perception effective du salaire durant une année n'étant pas établie, le droit aux indemnités de chômage doit être nié.

6.             Cela étant, le recours sera rejeté.

7.             La procédure est gratuite.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le