Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1486/2022

ATAS/216/2023 du 28.03.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1486/2022 ATAS/216/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 mars 2023

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, à CHÂTELAINE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre-Bernard PETITAT

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 27 juin 2005, les parents de Monsieur A______ (alors mineur; ci-après: l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en mars 2000 à Genève, ont déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci-après: AI) pour assurés de moins de 20 ans, en raison d'un retard de langage.

b. À réception notamment d'un rapport du service médico-pédagogique, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'OAI, l'office ou l'intimé) a, par décision du 11 juillet 2005, accepté de prendre en charge les coûts du traitement logopédique.

B. a. Le 17 juillet 2018, l'assuré, qui avait fréquenté l'école de culture générale (ci-après: ECG) jusqu'en juin 2017 et exercé en novembre et décembre 2017 les activités d'"aide animateur, jardin robinson [d'un grand centre commercial]" – apparemment non rémunérées (car ne figurant pas dans l'extrait de compte individuel (CI) –, a déposé une demande de prestations de l'AI pour adultes, mesures professionnelles et/ou rente, en raison d'une angoisse, de phobie scolaire et sociale ainsi que de maux de tête et de ventre à partir de 2014, pour lesquels il était suivi depuis février 2018 dans le cadre du programme JADE par le docteur C______.

b. Dans un rapport du 23 novembre 2018, la doctoresse D______, médecin interne du département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) dans le cadre du programme JADE (unité psychiatrique du jeune adulte), qui avait remplacé le Dr C______, a diagnostiqué une anxiété généralisée (CIM-10, F41.1) et un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F32.2). Selon cette psychiatre et psychothérapeute FMH, la capacité de travail de l'intéressé était, en raison de ces atteintes à la santé, nulle dans son activité habituelle, à savoir l'ECG, "même avec l'aide de Lullin il n'a pas été en mesure de poursuivre ses études"; une capacité de travail de 50 % pourrait être envisagée dès à présent dans une activité strictement adaptée. Les limitations fonctionnelles consistaient en ce qu'à cause de son anxiété généralisée, le patient avait une appréhension importante dans tous les domaines de la vie, était distrait et avait une capacité d'attention et de concentration réduite ainsi qu'une tendance à avoir des comportements d'évitement en lien avec sa symptomatologie anxio-dépressive, ce à quoi s'ajoutait une fatigabilité. L'assuré indiquait avoir subi une chute de sa motivation pour des activités communes avec des amis et sa petite-amie (ci-après: son amie), y compris une baisse de la libido, environ une année avant la date d'établissement de ce rapport médical. L'évolution de son état de santé était assez médiocre, et l'assuré présentait une irrégularité dans son suivi et ne prenait pas de traitement médicamenteux pour le moment, hormis occasionnellement du Benocten comme somnifère. Il n'y avait pas de toxicodépendances.

c. En lien avec la division réadaptation professionnelle de l'OAI à compter de décembre 2018 et après une visite au secteur jeunes des Etablissement publics pour l'intégration (ci-après: EPI) en mai 2018, l'assuré – au bénéfice de l'aide financière de l'Hospice général depuis janvier 2019 – a effectué deux journées d'essai de stage d'aide chauffeur à la blanchisserie de E______ les 7 et 8 août 2019, mais la continuation de ce stage prévue du 12 au 16 août suivants a été interrompue en raison d'angoisses qui conduisaient l'intéressé à se sentir "inconfortable" (selon courriel de E______ à l'OAI du 14 août 2019).

Par décisions d'octroi de l'orientation professionnelle des 3 octobre et 5 novembre 2019, l'office a pris en charge les frais d'orientation professionnelle de l'intéressé dans le cadre de son stage prévu au secteur jeunes des EPI du 7 octobre 2019 au 5 janvier 2020.

Le 11 novembre 2019, les EPI ont résumé la situation à l'intention de l'OAI. L'assuré les avait contactés le 8 octobre 2019 pour les avertir qu'il ne viendrait pas ce jour-là, ayant de fortes angoisses et ne se sentant pas bien. Depuis cette date et malgré leurs appels, les EPI étaient restés sans nouvelles de l'intéressé, puis, le 1er novembre 2019, la conseillère au sein de la division réadaptation professionnelle de l'office les avait informés qu'à la suite d'une rencontre avec lui et sa psychiatre, il avait été décidé que, n'étant actuellement pas suffisamment stable sur le plan émotionnel pour suivre une mesure de réadaptation professionnelle, il ne pouvait pas poursuivre la mesure professionnelle pour des raisons de santé d'ordre psychique.

Par ailleurs, dans un certificat du 5 novembre 2019, la Dresse D______ attestait un arrêt de travail à 100 % à partir du 8 octobre 2019 pour cause de maladie.

À teneur d'une note du 15 novembre 2019, la division réadaptation professionnelle de l'OAI a prévu de garder le mandat de réadaptation ouvert et de faire le point dans six mois, ce qui a été fait le 27 mars 2020 selon une note du même jour.

d. Dans un rapport du 17 septembre 2020, la Dresse D______ a à nouveau diagnostiqué une anxiété généralisée (F41.1), à laquelle s'ajoutait un épisode dépressif modéré ("F32.2"; recte: F32.1), qui entraînaient une incapacité totale de travail dans son activité habituelle depuis août 2018, incapacité qui était totale dans une activité strictement adaptée malgré les essais de l'intéressé. Les limitations fonctionnelles consistaient en ce qu'en lien avec son anxiété généralisée, le patient avait une appréhension importante dans tous les domaines de la vie suscitant beaucoup de stress et réduisant de manière importante ses capacités d'attention et de concentration; ce trouble impliquait en outre des comportements d'évitement, beaucoup d'absentéisme, de même qu'une importante fatigabilité, une grande irritabilité et une faible estime de lui-même; toutes ces conséquences le mettaient en difficulté pour réaliser de simples tâches. Depuis la deuxième année – donc dès février 2019 –, l'assuré avait été beaucoup plus impliqué dans les soins, se présentant régulièrement aux entretiens médicaux, bénéficiant d'une psychothérapie cognitivo-comportementale ainsi que du médicament (antidépresseur) Venlafaxine 150 mg et du Circadin ponctuellement en cas de problèmes de sommeil. Cette prise en charge permettait une légère amélioration de la symptomatologie anxieuse et un meilleur contrôle de l'irritabilité et de la colère, sans avoir toutefois un impact clinique suffisant pour envisager une reprise de travail.

e. À la suite de la demande formulée le 3 février 2021 par le service médical régional de l'AI (ci-après: SMR), l'établissement d'une expertise psychiatrique a été confié par l'office au docteur F______, psychiatre et psychothérapeute FMH.

Dans son rapport d'expertise présenté le 2 juin 2021, signé avec la psychologue FSP G______, étaient posés les diagnostics, sans répercussion sur la capacité de travail, de trouble anxieux et dépressif mixte depuis août 2018 "au présent" (F41.2), de traits de la personnalité anxieuse et dépendante, actuellement non décompensés (Z73.1), trouble qui n'avait pas empêché l'expertisé de gérer son quotidien sans limitations, ainsi que de phobie sociale (F40.1), et il y avait une "absence de limitations fonctionnelles psychiatriques objectivables et selon la jurisprudence de novembre 2017". D'après l'expert, la capacité de travail de l'assuré, qui n'avait jamais travaillé, était de "100 % sans baisse de rendement depuis août 2018 au présent selon la jurisprudence de 2017" dans une activité, c'est-à-dire sans interactions sociales intenses ni hiérarchie complexe. Le traitement actuel était adéquat, mais un antidépresseur à des taux sanguins efficaces pouvait accélérer le processus de guérison.

f. Dans des rapports des 14 juin et 25 novembre 2021, le SMR a suivi les conclusions de l'expert, précisant qu'il n'y avait pas lieu de retenir de limitations fonctionnelles significatives.

g. Dans un "rapport final – MOP" du 16 décembre 2021, la division réadaptation professionnelle de l'OAI a, au vu de l'avis du SMR, constaté l'absence d'ouverture de droit pour d'autres mesures de réadaptation et a clôturé le mandat de réadaptation.

C. a. Par projet de décision du 17 janvier 2022, l'office a envisagé de rejeter la demande AI.

b. Les 15 février et 21 mars 2022, l'intéressé, représenté par une association de défense des droits des assurés, a formé opposition contre ce projet de décision.

c. Par décision du 22 mars 2022, l'OAI a confirmé le rejet de la demande AI, vu l'absence d'atteinte à la santé invalidante durable au sens de l'AI.

D. a. Par acte du 9 mai 2022, l'assuré a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), concluant à son annulation et à la reconnaissance de son droit à des prestations de l'AI en raison de son incapacité de gain totale, y compris à des mesures professionnelles dont notamment une orientation professionnelle.

b. Dans sa réponse du 13 juin 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 12 juillet 2022, le recourant, désormais représenté par un avocat, a persisté dans les conclusions de son recours, "notamment dans l'octroi de mesures professionnelles et nouvelle évaluation médicale".

Dans un rapport du 29 mars 2022, la Dresse D______ apportait des réponses à des questions posées par le mandataire de l'intéressé, certaines questions ne pouvant pas recevoir de réponse vu la cessation du suivi depuis septembre 2020. Était en outre mentionné qu'après cette fin de son suivi au JADE, l'assuré s'était présenté spontanément à trois reprises (décembre 2020 ainsi que mars et août 2021) pour un entretien avec la psychologue de l'unité psychiatrique du jeune adulte, mais, les suivis médicaux au programme JADE étant limités à une durée de deux à trois ans, il n'y avait plus d'indication à poursuivre les soins au sein de ladite structure.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans la forme et le délai - de trente jours et compte tenu des féries judiciaires - prévus par la loi, le recours est recevable (art. 38 al. 4 et 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             L'objet du litige porte sur la question du droit ou non du recourant à des prestations de l'AI, rente et/ou mesures professionnelles.

5.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit est né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, tel qu'en vigueur dès le 1er janvier 2021, la version antérieure indiquant "dans son domaine d’activité" plutôt que "qui entre en considération"). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2, en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Aux termes de l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

Conformément à l'art. 4 LAI, l'invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (al. 1). L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (al. 2).

6.2 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.3 En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes: sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a); il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b); au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (let. c).

En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

6.4 Aux termes de l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l'assuré.

6.5 En vertu de l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d’une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation – ou mesures professionnelles – pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d'accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d'octroi des différentes mesures soient remplies (let. b).

6.6  

6.6.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'AI, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanent d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

6.6.2 Dans l'ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'AI, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie " Degré de gravité fonctionnel " (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe " Atteinte à la santé " (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe " Personnalité " (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2)

C.     Complexe " Contexte social " (consid. 4.3.3)

-          Catégorie " Cohérence " (aspects du comportement; consid. 4.4)

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie " degré de gravité fonctionnel " forment le socle de base pour l'évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

6.6.3 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l'utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l'état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d'un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l'existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

6.7  

6.7.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d'une part et du potentiel de compensation (ressources) d'autre part -, permettent d'estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d'investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

6.7.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.7.3 On ajoutera qu'en cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

6.8 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.9 Au surplus, si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst. ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

7.              

7.1 En l'espèce, à teneur du rapport d'expertise du 2 juin 2021, à la suite de deux entretiens de 3 heures chacun (les 19 avril et 17 mais 2021), les plaintes spontanées de l'expertisé consistent en ce qui suit: difficulté à trouver un emploi sans formation, dans un contexte d'angoisses fluctuantes sans attaques de panique et d'une tristesse fluctuante sans changement significatif depuis août 2018, malgré un suivi psychiatrique mensuel et un essai de prise de Venlafaxine durant quelques mois; angoisses par rapport à son futur professionnel en raison d'une démotivation par rapport à une prise professionnelle pour le moment et d'une baisse de l'estime de soi, mais motivation actuelle pour les activités positives du quotidien et avec son amie en plus des jeux vidéo; isolement social partiel, mais pas total; hypersensibilité; intolérance à l'effort; fatigue. S'agissant des plaintes exprimées sur questions posées par l'expert F______ ("sur demande"), le recourant se plaint d'une fatigue psychique et physique et d'un appétit diminué, avec toutefois un poids stable actuellement, de troubles de la concentration fluctuants ainsi que du sommeil dans le sens d'insomnies d'endormissement fréquentes et de réveils nocturnes rares, de même que d'idées noires passives sans désir de passage à l'acte avec des angoisses lorsqu'il est confronté à des situations sociales complexes. Par ailleurs, il se plaint d'une anxiété sociale présente depuis la préadolescence, motivant un isolement partiel, mais pas total; il dit ne pas souffrir de troubles cognitifs, mais avoir des blocages lors des moments de stress significatif, notamment des stages, dans un contexte d'hyper-anxiété et phobie sociale, qui ne l'empêche toutefois pas de sortir de chez lui, se promener, partir en vacances à l'étranger et avoir quelques relations sociales avec des amis. À cet égard, d'après l'anamnèse sociale, l'intéressé vit avec sa mère, son frère cadet et sa demi-sœur plus jeune, avec lesquels il entretient de bonnes relations; il voit régulièrement trois amis, quotidiennement son amie et occasionnellement sa famille; il est soutenu par son amie et sa mère, mais il gère son quotidien sans difficultés "en-dehors d'un administratif complexe". En outre, l'expertisé se plaint d'une intolérance à la frustration, d'une diminution de la confiance en soi, mais il maintient une vision positive face à l'avenir personnel, en étant conscient de ses capacités intellectuelles, mais avec une démotivation totale pour une réadaptation professionnelle actuellement, en expliquant avoir besoin de temps pour son quotidien, pour les jeux vidéo et pour être avec son amie et continuer le suivi psychologique, qui lui fait du bien. Il estime que dans quelques années, il sera intéressé par une réadaptation professionnelle, mais pas pour le moment. Toujours d'après l'expert, l'assuré se plaint de vertiges et d'une sensation de chaleur ponctuellement, et mentionne des accès de colères ponctuelles, lorsqu'il peut taper contre les murs.

Par ailleurs, selon l'expert, l'assuré dit ne pas prendre des médicaments hormis le Circadin (mélatonine) en réserve, et il explique qu'après avoir pris par le passé la Venlafaxine 150 mg durant quelques mois, il n'a pas pris ce dernier médicament lors d'une crise d'énervement et a décidé ensuite de ne plus le prendre, "car ceci n'avait pas d'impact sur son quotidien", précisant en outre que "les symptômes n'ont pas non plus d'impact sur son quotidien".

L'expert ne retient pas d'incohérence chez un assuré authentique qui décrit sa journée type (qui commence entre 8h00 et 11h00) sans exagération consciente des plaintes; la seule incohérence est une demande de rente à 100 % malgré l'absence de limitations fonctionnelles significatives et objectivables d'un point de vue psychiatrique en dehors de "l'administratif complexe" et des activités nécessitant des interactions sociales intenses ou une hiérarchie complexe. De plus, toujours selon l'expert, l'expertisé exprime clairement des bénéfices assécurologiques, ce qui démontre son authenticité: difficulté de retrouver un emploi sans une formation, besoin de temps pour jouer aux jeux vidéo, voir au quotidien son amie et souvent trois amis proches, faire une promenade quotidienne, mais sans limitations dans le quotidien selon l'anamnèse, étant en outre précisé, notamment, qu'il participe aux courses et à la préparation des repas, fait le ménage de sa chambre, sort la poubelle et "surfe" sur internet (actualités, réseaux sociaux).

L'expert pose les diagnostics, sans répercussion sur la capacité de travail, de trouble anxieux et dépressif mixte depuis août 2018 "au présent" (F41.2), de traits de la personnalité anxieuse et dépendante, actuellement non décompensés (Z73.1), trouble qui n'avait pas empêché l'expertisé de gérer son quotidien sans limitations, ainsi que de phobie sociale (F40.1). Il y a selon l'expert une "absence de limitations fonctionnelles psychiatriques objectivables et selon la jurisprudence de novembre 2017", tout au plus des "limitations fonctionnelles psychiatriques" peu significatives en lien avec le trouble anxieux et dépressif mixte dans le sens d'une tristesse subjective fluctuante mais sans répercussions sur le quotidien, d'une fatigue subjective sans ralentissement moteur objectivable, sans aboulie (ni anhédonie), d'une faible résistance au stress, de troubles de la concentration subjectifs (la concentration étant objectivement conservée), d'une tendance à s'angoisser rapidement (moments d'angoisse fluctuante), sans isolement social significatif (seulement partiel) et avec une phobie sociale n'empêchant pas des sorties ni de se faire des amis. La capacité de travail de l'assuré, qui n'a jamais travaillé, est de "100 % sans baisse de rendement depuis août 2018 au présent selon la jurisprudence de 2017" dans une activité sans interactions sociales complexes ou intenses ni hiérarchie complexe, alors que ses capacités intellectuelles sont nettement au-dessus de la moyenne. "Ceci veut dire que l'assuré aurait pu se former sans l'aide de l'AI dans une activité de type CFC sans difficultés en cas de motivation optimale, ce qui n'a pas été le cas. [L'expertisé] n'aurait pas pu se former sans l'aide de l'AI dans une activité à la hauteur de son potentiel intellectuel, d'où le fait que [l'expert soutient] une réadaptation professionnelle uniquement si l'assuré est motivé". Par ailleurs, le traitement actuel est adéquat, mais un antidépresseur à des taux sanguins efficaces peut accélérer le processus de guérison. Enfin, toujours selon l'expert, la situation n'est pas stabilisée et devrait être réévaluée après une réinsertion professionnelle, car, en cas d'absence d'insertion professionnelle, le pronostic est réservé.

7.2 Ce rapport d'expertise repose sur une anamnèse complète, tient compte des plaintes de l'expertisé sur la base d'entretiens, avec une description des interférences médicales claire et des conclusions bien motivées, et remplit ainsi, à tout le moins formellement, toutes les conditions pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

Les faits, énoncés sous forme de griefs implicites dans l'opposition au projet de décision et/ou dans la réplique, que l'expert F______ ne se soit pas entretenu avec la Dresse D______ et qu'il se serait vu attribuer par l'OAI (compétent pour le seul canton de Genève) 47 mandats d'expertise psychiatrique au total durant le premier semestre, ne sont en soi pas de nature à remettre en doute la valeur probante du rapport d'expertise, et le recourant ne tire aucune conclusion précise et concrète de ces deux griefs.

Pour le reste, le recourant ne conteste pas clairement la retranscription de l'anamnèse et de ses plaintes effectuée par l'expert, ni les constatations de ce dernier à la suite de leurs entretiens.

7.3 Certes, les diagnostics posés par l'expert ne correspondent pas à ceux posés auparavant par la psychiatre traitante, à savoir une anxiété généralisée (F41.1) et un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F32.2) en novembre 2018 réduit devenu modéré – ou moyen – (F32.1) en septembre 2020. L'expert expose toutefois pour quels motifs il n'est pas convaincu par les troubles diagnostiqués et l'incapacité de travail retenue par la Dresse D______. À cet égard, on peut relever que les plaintes de l'intéressé et ses limitations fonctionnelles psychiatriques telles que décrites par l'expert sont pour la plupart les mêmes que celles relevées par la psychiatre traitante dans son rapport du 17 septembre 2021, avec toutefois la différence que celle-ci les considère comme importantes, au contraire de l'expert. Au demeurant, certaines des constatations exposées par la Dresse D______ dans le "status psychiatrique détaillé" de ce rapport ne font pas état d'une gravité particulièrement importante: notamment, "attention, concentration et mémoire légèrement diminuées", "thymie triste modérément, affects congruents à l'humeur", appétit "légèrement réduit", "anhédonie et baisse d'intérêt pour ce qui lui plaît, appréhension pour l'avenir avec des pensées pessimistes".

7.4 Quant à la divergence d'appréciation de la Dresse D______ par rapport aux conclusions de l'expert au sujet de la capacité de travail de l'intéressé, exprimée dans son rapport du 29 mars 2022, elle n'est pas motivée et n'est, contrairement à ce qui était annoncé dans l'acte de recours, pas de nature à remettre en cause lesdites conclusions.

7.5  

7.5.1 Dans le cadre de la catégorie "degré de gravité fonctionnelle" (I.) des indicateurs développés par la jurisprudence du Tribunal fédéral, il sied de relever que, selon la CIM-10, la catégorie du trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2) – diagnostiqué par l'expert F______ – doit être utilisée quand le sujet présente à la fois des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs, sans prédominance nette des uns ou des autres et sans que l’intensité des uns ou des autres soit suffisante pour justifier un diagnostic séparé (téléchargeable d'internet à l'adresse "https://www.bfs.admin.ch/asset/fr/20665872"). En outre, le diagnostic de traits de la personnalité anxieuse et dépendante, actuellement non décompensés, est placé par l'expert dans la catégorie des "difficultés liées à l’orientation de son mode de vie" (Z73.1).

Or le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu'en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins - dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée, avec des indicateurs - conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et 6.3 et les références).

Dans le cas présent, on ne voit pas quelle explication éventuellement concluante de la part du recourant ou de la psychiatre traitante pourrait justifier une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave. Du reste, selon le second rapport de la Dresse D______, l'épisode dépressif est désormais modéré (ou moyen).

Au surplus, selon la jurisprudence, des traits de personnalité – comme en l'occurrence – signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l'existence d'un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références), ce qui doit manifestement valoir aussi pour le diagnostic de phobie sociale (F40.1).

7.5.2 Pour ce qui est des autres indicateurs développés par la jurisprudence du Tribunal fédéral, force est de constater qu'aucun n'est en faveur d'une incapacité de travail de l'intéressé au plan psychique.

Notamment, le rapport d'expertise fait ressortir une capacité en grande partie intacte de l'assuré de s'investir dans des activités du quotidien et des loisirs, de même que ses relations familiales, amicales et affectives.

Selon la jurisprudence sous axe "contexte social" (C.), si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3). Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches [ ]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

Il sied de relever ici "une absence de limitation de façon uniforme dans tous les domaines d'activité de la vie quotidienne malgré une absence de traitement antidépresseur" (rapport du SMR du 25 novembre 2021 suivant le rapport d'expertise), de même que l'existence d'un réseau familial et social favorable au recourant, qui apparaît disposer de ressources suffisantes pour surmonter les effets de ses troubles psychiques légers sur sa capacité de travail. L'existence de ressources suffisantes ressort au demeurant aussi des activités quotidiennes qu'effectue l'intéressé, telles que décrites dans le cadre de la journée type par l'expert, dont la description ne diffère pas substantiellement de celle effectuée par la psychiatre traitante dans son rapport du 17 septembre 2020.

7.6 Le problème principal qui entrave le recourant dans la recherche et la reprise d'un travail apparaît être son manque de motivation, comme le note, sans être contredit, l'expert, d'après lequel "l'assuré présente une motivation nulle pour une reprise professionnelle, une bonne motivation pour un suivi psychothérapeutique et nulle pour les antidépresseurs proposés". Ceci n'est pas infirmé par le contenu du "rapport final – MOP" du 16 décembre 2021 dans lequel la division réadaptation professionnelle de l'OAI mentionne que, le 27 mars 2020, l'assuré l'informe qu'il s'est davantage concentré sur lui-même et son traitement mais qu'il a toujours envie de recommencer des mesures lorsqu'il ira mieux, le plus tôt possible, et explique qu'il gère mieux qu'auparavant les crises d'angoisse. Or cette absence de motivation n'apparaît pas causée par une atteinte à la santé, mais relève d'un problème de volonté de la part de l'assuré de mettre en œuvre ses ressources personnelles en vue de trouver un emploi (à 100 %), quand bien même des souffrances et difficultés personnelles réelles de l'intéressé ne sont pas à minimiser. Ledit manque de motivation ne saurait relever de l'AI.

7.7 Au regard de ce qui précède, aucun élément ne permet de mettre en doute les conclusions de l'expert selon lesquelles le recourant dispose depuis août 2018 d'une pleine capacité de travail, sans diminution de rendement, dans une activité sans interactions sociales intenses ni hiérarchie complexe.

Cette conclusion enlève toute pertinence à l'argument de l'assuré selon lequel ses stages ont été interrompus en raison d'atteintes à la santé invalidantes. En effet, l'expert n'a, de manière pas convaincante, pas suivi l'appréciation de la Dresse D______ relative à la capacité de travail de l'intéressé, ce qui vaut aussi pour le certificat d'arrêt de travail émis le 5 novembre 2019 par celle-ci. Certes, comme cela ressort des courriels et rapports de E______, des EPI et de la division réadaptation professionnelle de l'OAI, l'intéressé apparaît avoir des blocages, avec en particulier de l'angoisse, lors de moments susceptibles de lui causer un stress, notamment des stages, dans un contexte d'anxiété et phobie sociale, et avoir une faible résistance au stress, mais cet obstacle n'est pas d'une intensité telle qu'il constituerait une réduction de la capacité de travail ou même une baisse de rendement, l'intéressé apparaissant apte à surmonter cette difficulté, comme retenu par l'expert.

Vu la pleine valeur probante du rapport d'expertise, il n'y a aucun motif d'ordonner une éventuelle expertise psychiatrique judiciaire.

Les "limitations fonctionnelles psychiatriques" peu significatives énoncées par l'expert ne sont pas d'une intensité telle qu'elles pourraient le cas échéant conduire à une diminution de la capacité de gain de l'intéressé ou même à une réduction du nombre possible des emplois qu'il pourrait trouver en accomplissant les efforts qui peuvent être attendus de lui.

En l'absence de toute incapacité de gain ou invalidité, il n'existe un droit ni à une rente (cf. art. 28 et 28b LAI a contrario), ni à de quelconques mesures professionnelles (cf. art. 8 al. 1 LAI a contrario). Certes, selon l'expert, l'assuré aurait pu se former sans l'aide de l'AI dans une activité de type CFC sans difficultés en cas de motivation optimale, ce qui n'a pas été le cas, mais il n'aurait pas pu se former sans cette aide dans une activité à la hauteur de son potentiel intellectuel, l'expert soutenant ainsi une réadaptation professionnelle uniquement si le recourant est motivé; ces assertions de l'expert relativement à une éventuelle réadaptation professionnelle ne remettent aucunement en cause ce qu'il retient en matière de capacité de travail, et la chambre de céans est seule compétente pour tirer des conclusions de l'absence de toute incapacité de gain. Il n'est pas utile ou nécessaire d'entendre en audience le recourant "confirmer son accord et sa motivation à poursuivre une telle mesure", comme il le propose dans sa réplique. Même s'il le souhaitait, l'assuré ne peut pas bénéficier de mesures visant à l'aider à retrouver un emploi dans le cadre de l'AI, mais il lui appartient de s'adresser à cette fin à d'autres institutions ou organismes.

8.             Vu ce qui précède, la décision querellée est conforme au droit, et le recours sera dès lors rejeté.

9.             Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d'assurance-invalidité (art. 69 al. 1bis LAI), il convient de renoncer à la perception d'un émolument, le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le