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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1829/2022

ATAS/1181/2022 du 22.12.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1829/2022 ATAS/1181/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 décembre 2022

 

En la cause

A______, sise à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’association ou l'Église) est une association de droit privé, avec siège à Genève, ayant pour but de satisfaire aux besoins religieux de la population protestante du canton de Genève, de défendre et de répandre les principes de la Réforme.

b. Le 24 mars 2020, l’association a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) un formulaire de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) annonçant une perte de travail de 25 % pour le secteur d’exploitation « pasteurs et diacres », soit 55 personnes, dès le 1er avril 2020.

c. Par décision du 27 mars 2020, l’OCE n’a pas fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT. Pour autant que toutes les autres conditions du droit étaient remplies, l’indemnité pouvait être octroyée pour la période du 1er avril au 30 juin 2020 pour le secteur d’exploitation « pasteurs et diacres ».

d. Par décision du 9 avril 2020, annulant et remplaçant celle du 27 mars 2020, l’OCE a formé opposition au préavis du 25 mars 2020.

e. Le 19 mai 2020, l’association, par l’intermédiaire de sa représentante, a fait opposition à cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’indemnités en cas de RHT.

f. Par décision sur opposition du 30 juin 2020, l’OCE a confirmé sa décision du 9 avril 2020. L’association ne produisait pas de biens ou n’offrait pas de services qui étaient en contact avec le marché. Elle n’encourait en conséquence aucun risque entrepreneurial et n’avait aucun risque de faillite. C’était partant à juste titre que les indemnités en cas de RHT lui avaient été refusées.

Au terme de la décision, il était indiqué qu’« en cas de recours contre la présente décision, l’assurée [devait] néanmoins continuer à remplir les obligations prévues par la loi sur l’assurance-chômage ».

B. a. Le 27 août 2020, l’association a formé recours à l’encontre de cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice
(ci-après : CJCAS), concluant à son annulation et à l’octroi des indemnités en cas de RHT pour la période du 1er avril au 30 juin 2020.

b. Par arrêt du 14 septembre 2021 (ATAS/935/2021), la CJCAS a admis le recours, annulé la décision sur opposition du 30 juin 2020 et reconnu à la recourante le droit à l’indemnité en cas de RHT du 1er avril au 30 juin, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage,
LACI - RS 837.0).

En l’absence de recours, cet arrêt est entré en force.

C. a. Par courrier du 2 novembre 2021 adressé à la caisse cantonale de chômage
(ci-après : la caisse), l’association a transmis les décomptes d’indemnités en cas de RHT pour les mois d’avril, mai et juin 2020.

Ces décomptes ont été reçus par la caisse le 5 novembre 2021.

b. Par décision du 16 novembre 2021, la caisse a refusé de verser les indemnités en cas de RHT à l’association pour les mois d'avril, mai et juin 2020, au motif que les décomptes concernés lui étaient parvenus postérieurement à l'échéance du délai de péremption de trois mois à compter de l'expiration de chaque période de décompte.

c. Le 24 décembre 2021, l’association a formé opposition à cette décision, faisant valoir qu’elle n’était pas au courant qu’il lui incombait d’exercer son droit à l’indemnité en cas de RHT dans le délai de trois mois à compter de l’expiration de chaque période de décompte. Sur la base du principe de la bonne foi, elle pouvait s’attendre à ce que les administrations la préviennent si des éléments additionnels devaient être fournis à la caisse en attendant que l’opposition de l’OCE soit levée. Or, la décision du 9 avril 2020 ne mentionnait pas l’art. 38 al. 1 LACI.

d. Par décision sur opposition du 6 mai 2022, la caisse a confirmé sa décision du 16 novembre 2021. Les demandes et décomptes des mois d'avril, mai et juin 2020 avaient été reçus le 5 novembre 2021 et la société n'avait produit aucune preuve de la transmission des décomptes dans les délais prescrits. Elle n'invoquait pour le surplus aucun motif de restitution.

D. a. Par acte du 3 juin 2022, l’association a recouru par-devant la CJCAS contre cette décision, concluant à son annulation.

Il n’était pas contesté que le formulaire de demande d’indemnités en cas de RHT mentionnait que la demande devait être présentée dans un délai de trois mois. Cela étant, selon la directive du SECO 2021/14 du 30 juin 2021
(ci-après : directive 2021/14), les caisses d’assurance chômage devaient vérifier dans chaque cas s’il existait une exception sur la base de l’art. 27 (violation du devoir d’information de l’administration) de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1). Si les conditions étaient remplies, les entreprises pouvaient exceptionnellement bénéficier d’un droit qui n’était pas prévu par la loi. Les conditions pouvaient être considérées comme remplies « dans le cas d’entreprises n’ayant jamais eu recours à l’instrument de la RHT auparavant, puisqu’il s’agissait de traiter une demande spécifique, que l’autorité cantonale était effectivement compétente en la matière, que l’entreprise ne pouvait pas savoir que des retards de la part des autorités pouvaient entraîner la perte de droits et que l’entreprise ne pouvait pas présenter de décompte en l’absence d’une autorisation ». La caisse pouvait, par analogie avec le Bulletin LACI RHT 17, fixer un délai raisonnable pour la présentation des documents et décomptes complets, mais ce délai ne pouvait pas dépasser trois mois après l’octroi de l’autorisation afin de garantir le contrôle des faits.

Dans le cas d’espèce, les conditions posées par le SECO étaient manifestement remplies. En opposant strictement le délai de l’art. 38 al. 1 LACI, la caisse s’écartait totalement des directives du SECO et du Bulletin LACI RHT 17.

b. Le 23 juin 2022, la caisse a conclu au rejet du recours.

La directive citée par la recourante n’était pas pertinente puisqu’elle visait uniquement les cas dans lesquels les demandes avaient été traitées tardivement, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Dans sa décision du 27 mars 2020, l’OCE avait du reste attiré l’attention de la recourante sur son obligation d’exercer son droit à l’indemnité dans le délai de trois mois à compter de l’expiration de chaque période de décompte auprès de la caisse. La décision sur opposition du 30 juin 2020 précisait d’ailleurs également que l’assurée devait « néanmoins continuer à remplir les obligations prévues par la loi sur l’assurance-chômage ». La recourante, dûment représentée par un avocat, avait donc bien été informée de l’éventuelle déchéance de ses droits. Enfin, les délais de péremption étaient immuables et devaient être respectés.

c. Par réplique du 13 juillet 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle a relevé que sur le site de la caisse il était mentionné que pour obtenir les indemnités, l’assurée devait transmettre une « copie de son autorisation de RHT ». Le préavis positif était donc bien un prérequis au traitement de la demande d’indemnités. Le Bulletin LACI prévoyait explicitement des assouplissements à la règle stricte de l’art. 38 al. 1 LACI. À aucun moment, les autorités n’avaient donné de conseils d’action concrets à la recourante, alors qu’elles en avaient l’obligation en vertu de l’art. 27 LPGA.

d. Cette écriture a été transmise à l’intimée le 2 août 2022.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 LPGA relatives à la LACI.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimée de verser l’indemnité en cas de RHT à la recourante pour les mois d’avril à juin 2020.

2.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 38 et 39 LACI).

2.2 Selon l'art. 38 al. 1 LACI, dans le délai de trois mois à compter de l’expiration de chaque période de décompte, l’employeur fait valoir auprès de la caisse qu’il a désignée l’ensemble des prétentions à l’indemnité pour les travailleurs de son entreprise. Selon l'al. 3, l'employeur remet à cet effet à la caisse : les documents nécessaires à la poursuite de l’examen du droit à l’indemnité et au calcul de
celle-ci (let. a) ; un décompte des indemnités versées à ses travailleurs (let. b) ; une attestation certifiant qu’il continue à payer les cotisations des assurances sociales (let. c). La caisse peut, au besoin, exiger d'autres documents.

L'art. 61 de l'ordonnance du 31 août 1983 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (OACI – RS 837.02) précise que le délai de trois mois pour exercer le droit à l'indemnité commence à courir le premier jour qui suit la fin de la période de décompte.

Par période de décompte, il faut entendre le mois civil durant lequel l'horaire de travail a été réduit et non une période définie contractuellement et qui prend fin au moment du paiement du salaire (RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 38 LACI).

2.3 Aux termes de l'art. 39 al. 3 LACI, les indemnités que l’employeur ne prétend pas, dans le délai prévu à l’art. 38 al. 1, ne lui sont pas remboursées.

Il résulte de cette disposition que le délai de trois mois pour exercer le droit à l'indemnité constitue un délai de péremption, dont le non-respect a pour conséquence l'extinction du droit (ATF 119 V 370 consid. 4b ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 13/06 du 20 juin 2006 consid. 2.1 ; C 201/06 du 25 juillet 2007 consid. 3.3). Selon la jurisprudence, ce délai commence à courir à l'expiration de la période de décompte en cause, cela indépendamment du point de savoir si l'autorité cantonale a déjà statué sur le droit aux prestations
(ATF 124 V 75).

Il s'agit d'un délai de déchéance, qui ne peut être ni prolongé, ni suspendu. Par contre, il peut être restitué, aux conditions de l'art. 41 LPGA (RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 38 LACI). Lorsque l'autorité cantonale tarde à statuer ou s'oppose à l'indemnisation, elle doit rendre l'employeur attentif à son obligation de faire valoir le droit dans le délai précité de trois mois (art. 27 LPGA). Ce délai commence en effet à courir après l'expiration de chaque période de décompte, que l'autorité cantonale ait rendu sa décision ou non (RUBIN, op. cit., n. 5 ad
art. 38 LACI et les références citées).

2.4 Selon l’art. 27 LPGA, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations. Le Conseil fédéral peut prévoir la perception d’émoluments et en fixer le tarif pour les consultations qui nécessitent des recherches coûteuses (al. 2).

Selon la jurisprudence, aucun devoir de renseignement ou de conseil au sens de l’art. 27 LPGA n’incombe à l’institution d’assurance tant qu’elle ne peut pas, en prêtant l’attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations
(ATF 133 V 249 consid. 7.2). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui en a besoin doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur-maladie. Le devoir de conseils s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2009 du 7 septembre 2009 consid. 8.3, non publié in ATF 135 V 339).  

Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l'autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst. (ATF 131 V 472 consid. 5). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement (« ohne weiteres ») de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les références citées). Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information
(ATF 131 V 472 consid. 5).

Si toutes les conditions sont réunies, la personne mal renseignée doit pouvoir être replacée dans la situation financière dans laquelle elle aurait été si elle avait été mise en situation de réagir par rapport à des renseignements corrects et complets. En revanche, lorsque les circonstances tendent à démontrer que même s’il avait été renseigner correctement, un assuré n’aurait pas adopté un comportement raisonnable lui permettant de toucher des indemnités, l’assurée en question ne pourra pas se prévaloir de la violation de l’obligation de renseigner (arrêt du Tribunal fédéral 8C_191/2008 du 9 octobre 2008).

2.5 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté des directives afin d’adapter les bulletins LACI en matière de RHT. Si de telles directives ne sont pas contraignantes pour le juge, celui-ci en tient compte dans sa décision, pour autant qu'elles permettent une interprétation des dispositions légales applicables qui soit adaptée au cas d'espèce et lui rende justice. Le juge ne s'écarte donc pas des directives administratives sans motif pertinent si elles représentent une concrétisation convaincante des exigences légales. À cet égard, les efforts de l'administration pour assurer une application égale de la loi par le biais de directives internes sont pris en compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_214/2020 du 18 février 2021 consid. 3.2 ; ATF 141 V 365 consid. 2.4).

Selon la directive du SECO 2021/14, adaptant les Bulletins LACI, pour les entreprises dont le préavis de RHT n’a été approuvé qu’après le délai de trois mois prévu pour le dépôt de la demande et du décompte, le principe suivant s’applique : une réglementation généralisée n’est pas possible en raison des dispositions légales en vigueur. Les caisses d’assurance chômage compétentes doivent vérifier dans chaque cas d’espèce s’il existe une exception sur la base de l’art. 27 LPGA (violation du devoir d’information ou de conseils par l’administration). Dans les cas où les conditions sont remplies, les entreprises peuvent exceptionnellement bénéficier d’un droit qui n’est pas prévu par la loi. Le Tribunal fédéral a considéré ce qui suit à ce sujet [ATF 131 V 472] : « dérivé du principe de bonne foi, qui protège le citoyen en ce qui concerne le comportement des autorités en fonction de ses attentes, des informations erronées de la part des autorités administratives peuvent, sous certaines conditions, nécessiter un traitement du requérant qui s’écarte du droit matériel. Selon la jurisprudence et la doctrine, c’est le cas :

1. si l’autorité a agi dans une situation spécifique à l’égard de certaines personnes ;

2. si elle était compétente pour fournir les informations en question ou si le requérant pouvait, pour des motifs raisonnables, considérer l’autorité comme compétente ;

3. si la personne ne pouvait pas facilement identifier l’inexactitude de l’information ;

4. si elle a pris des dispositions en se basant sur le fait que les informations étaient exactes et que ces dispositions ne peuvent être annulées sans inconvénient ;

5. si la législation n’a pas changé depuis que l’information a été fournie ».

Les cas en question ne concernent pas des « informations erronées de la part des autorités administratives » mais plutôt le traitement tardif des demandes. Les conditions 1 à 4 peuvent être considérées comme remplies dans le cas des entreprises qui n’avaient jamais eu recours à l’instrument de la RHT auparavant, puisqu’il s’agissait de traiter une demande spécifique, que l’autorité cantonale était effectivement compétente en la matière, que l’entreprise ne pouvait pas savoir que des retards de la part des autorités pouvaient entraîner la perte de droits et que l’entreprise ne pouvait pas présenter de décompte en l’absence d’une autorisation. La caisse peut, par analogie avec le Bulletin LACI RHT 17, fixer un délai raisonnable pour la présentation des documents de décompte complets, mais ce délai ne peut pas dépasser trois mois après l’octroi de l’autorisation afin de garantir le contrôle des faits (ch. 13a).

2.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; ATF 128 III 411 consid. 3.2).

3.             En l’espèce, par arrêt du 14 septembre 2021, la chambre de céans a reconnu à la recourante le droit à l’indemnité en cas de RHT pour la période du 1er avril au 30 juin 2020. Par courrier daté 2 novembre 2021, reçu par l’intimée le 5 novembre suivant, la recourante a transmis les formulaires de décomptes d’indemnités complétés pour les mois d’avril à juin 2020. La recourante n’a en conséquence pas exercé le droit à l’indemnité dans le délai de péremption de trois mois de
l’art. 38 al. 1 LACI qui a commencé à courir le premier jour qui a suivi la fin de la période de décompte, soit respectivement le 1er mai 2020, le 1er juin 2020 et le 1er juillet 2020 pour arriver à échéance respectivement le 31 juillet 2020, le 31 août 2020 et le 30 septembre 2020, ce qui n’est pas contesté.

3.1 Se prévalant de l’art. 27 LPGA et de la directive 2021/14, la recourante fait valoir que l’intimée a violé son obligation de renseigner. Elle en déduit qu’elle doit être protégée dans sa bonne foi, ce qui lui permet d’exiger que le droit à l’indemnité lui soit reconnu, comme si elle l’avait exercé en temps utile. Il convient dès lors d’examiner si elle peut prétendre à un tel avantage.

En l’occurrence, dans sa décision du 27 mars 2020, l’OCE n’avait pas fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT pour la période du 1er avril au 30 juin 2020. Par décision du 9 avril 2020, annulant et remplaçant celle du 27 mars 2020, l’autorité est toutefois revenue sur sa position et s’est opposée au paiement de l’indemnité. Cette décision ne contient toutefois aucune indication quant au délai de trois mois pour exercer son droit auprès de la caisse. Or, conformément aux principes précités, lorsque l'autorité cantonale s'oppose à l'indemnisation, elle doit rendre l'employeur attentif à son obligation de faire valoir le droit dans le délai de trois mois. Cette obligation, qui découle de
l’art. 27 LPGA, a une portée particulière dans le contexte spécifique de la pandémie de Covid-19 en lien avec l’exercice du droit à l’indemnité auprès des caisses de chômage. Il découle en effet de la directive 2021/14 que le SECO a, dans ces situations, assoupli la règle stricte du délai légal de trois mois prévu institué par l’art. 38 al. 1 LACI (cf. directive 2021/14). L’intimée ne saurait être suivie lorsqu’elle prétend que la directive précitée ne s’appliquerait pas à la présente situation puisqu’elle ne concernerait uniquement les cas de « traitement tardif des demandes ». Contrairement à ce qu’elle prétend, la directive 2021/14 prévoit explicitement, à son ch. 13a, que l’assouplissement à la règle du délai légal de trois mois s’applique aux « entreprises dont le préavis de réduction de l’horaire de travail n’a été approuvé qu’après le délai de trois mois prévu pour le dépôt de la demande et du décompte ». Or, c’est précisément le cas en l’espèce puisque le droit de la recourante aux indemnités en cas de RHT n’a été reconnu que le 14 septembre 2021, soit une année après le délai de trois mois prévu pour le dépôt de la demande d’indemnités auprès de la caisse. Rien ne justifie donc de s’écarter de cette directive, dont l’objectif est d’assurer une application égale de la loi à tous les assurés.

Ainsi, lorsque, par décision du 9 avril 2020, l’OCE s’est opposé au droit à l’indemnité de la recourante, celui-ci aurait dû la rendre attentive au délai légal de trois mois pour exercer son droit aux indemnités auprès de la caisse, sous peine de contrevenir à son obligation de renseigner.

Contrairement à ce que soutient l’intimée, le fait qu’au terme de la décision initiale du 27 mars 2020 figuraient des « remarques importantes concernant l’indemnité en cas de RHT », dont le délai pour exercer son droit à l’indemnité, ne permet pas de retenir que l’autorité ait satisfait à son obligation de renseigner. Cette décision comportait, contrairement à celle du 9 avril 2020, un préavis favorable à l’octroi de RHT. Or, conformément à la doctrine précitée, c’est précisément lorsque l’autorité tarde à statuer ou s’oppose au paiement de l’indemnité que l’obligation d’informer revêt toute son importance, puisque, dans ces cas, l’assuré ne s’attend pas à ce que le délai de trois mois commence à courir.

N’est pas non plus suffisante, faute d’être suffisamment explicite, la mention figurant au terme de la décision sur opposition du 30 juin 2020, selon laquelle « en cas de recours contre la décision, l’assurée d[evait] néanmoins continuer à remplir les obligations prévues par la loi sur l’assurance-chômage ». Cette note générale ne contient en effet ni l’obligation de transmettre les décomptes à la caisse ni la durée du délai légal. Enfin, la possibilité, toute générale, de se référer aux informations figurant sur des sites internet tels que ceux édités par le SECO ne permet pas de remédier à cette absence d’information. La chambre de céans relève d’ailleurs que, comme le fait valoir la recourante, la formulation de la réponse donnée à la question 3 du document intitulé « FAQ : RHT – procédure de décompte ordinaire » (disponible sur le site : www.arbeit.swiss et produit par la recourante dans la présente procédure) se révèle trompeuse puisque la « copie de l’autorisation RHT » apparait comme un document nécessaire pour exercer le droit à l’indemnité auprès de la caisse. De telles informations ne paraissent ainsi, à elles seules, pas suffisamment claires pour permettre aux assurés de formuler leur demande de prestations correctement.

Il suit des considérants qui précèdent qu’en l’absence de renseignements clairs, précis et complets quant au délai légal de trois mois à compter de l’expiration de chaque période de décompte pour exercer son droit auprès de la caisse, l’autorité a violé son obligation de renseigner et de conseiller ancrée à l’art. 27 LPGA.

3.2 Reste à examiner si les conditions permettant d’obliger l’administration, en cas de renseignement erroné, à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur sont réalisées, étant rappelé que ces conditions ont été précisées dans la directive 2021/14 pour la situation spécifique des indemnités en cas de RHT dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

En l’occurrence, il n’est pas contesté que la recourante n’avait jamais eu recours à l’instrument de la RHT avant son préavis du 25 mars 2020. Faute d’avoir été suffisamment renseignée à ce sujet, l’intéressée ne pouvait pas savoir que l’opposition de l’OCE – autorité effectivement compétente en la matière – pouvait entraîner la perte de ses droits auprès de la caisse. Il ne fait, au demeurant, guère de doute que si la recourante avait été suffisamment renseignée, elle aurait fait valoir son droit aux indemnités auprès de la caisse dans le délai fixé par
l’art. 38 al. 1 LACI. Enfin, les conditions cadres en vigueur n’ont pas changé en ce qui concerne les délais de dépôt des demandes d’indemnité en cas de RHT.

Les conditions doivent donc être considérées comme réunies. Il suit de là que la recourante doit être replacée dans la situation financière dans laquelle elle aurait été si elle avait été mise en situation de réagir par rapport à des renseignements corrects et complets. Conformément à la directive 2021/14, l’entreprise doit, en pareille hypothèse, agir dans le délai de trois mois à compter de l’octroi de l’autorisation. Or, en transmettant les formulaires litigieux le 2 novembre 2021, alors que l’octroi de l’indemnité a été reconnu par arrêt du 14 septembre 2021, la recourante a agi dans le délai prévu par ladite directive. Il s’en suit que l’intimée ne saurait lui opposer le délai de péremption de l’art. 38 al. 1 LACI et que, sous réserve de l’examen par l’intimée des conditions conformément à l’art. 39 LACI, la recourante a droit au versement par l’intimée des indemnités en cas de RHT pour les mois d’avril à juin 2020.

4.             Le recours doit partant être admis et la décision querellée annulée. La cause est renvoyée à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Bien qu’obtenant gain de cause, la recourante, qui n’est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante des affaires, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let fbis a contrario LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 6 mai 2022 et renvoie la cause à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le