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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2781/2021

ATAS/1151/2022 du 21.12.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2781/2021 ATAS/1151/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 décembre 2022

8ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié c/o B______, à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Laurence MIZRAHI

 

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1975, originaire d'Ethiopie et naturalisé suisse en 2017, est marié et père de deux enfants nés en 2011 et 2013, dont le premier présente des troubles mentaux. Son épouse a un fils né en 2001, issu d'une première union. L'assuré est entré en Suisse en 2003. Depuis 2006 et jusqu'au 31 décembre 2018, il était engagé à C______, dès 2008 comme commis de cuisine.

2.        À partir du 30 avril 2018, l'assuré a été en arrêt de travail.

3.        Le 5 octobre 2018, l'assuré a fait l'objet d'une expertise par le docteur D______, rhumatologue FMH. Dans son rapport du 8 octobre 2018, l'expert a posé les diagnostics de fibromyalgie, gonarthrose primaire bilatérale et de lombalgies chroniques sur déconditionnement musculaire. L'incapacité de travail était totale dans l'activité habituelle, mais une reprise dans une activité adaptée était envisageable à 50% dès le 1er janvier 2019, puis progressivement à 80% dès le 1er juin 2019. Il y avait des limitations fonctionnelles pour les positions à genoux et accroupie, la marche en terrain irrégulier et la montée de plus de trois étages de suite. Les lombalgies chroniques pourraient être améliorées sous traitement conservateur dans un délai de six à neuf mois. La fibromyalgie provoquait probablement une diminution du taux horaire de 20% de façon permanente. Il n'y avait pas de facteurs étrangers à la maladie qui influençaient la guérison, si ce n'est que l'assuré était mécontent de ses conditions de travail, ce qui aurait pu contribuer à déclencher les symptômes non organiques par un phénomène de somatisation chez un travailleur jusqu'alors volontaire et déterminé à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Un avis psychiatrique serait utile.

4.        En février 2019, l'assuré a requis les prestations de l'assurance-invalidité.

5.        Dans son rapport du 25 février 2019, la doctoresse E______, rhumatologue FMH, a posé les diagnostics de gonalgies et lombalgies chroniques, tout en précisant que les symptômes évoquaient un état dépressif probable. La capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle et le pronostic dépendait probablement de l'atteinte psychiatrique. Il y avait des limitations fonctionnelles pour les stations debout prolongées, les activités lourdes et le port de lourdes charges, en raison des douleurs. Le médecin traitant venait d'introduire un antidépresseur. L'imagerie par résonance magnétique (ci-après: IRM) de la région lombo-sacrée était normale, sans signe inflammatoire. Des radiographies de la colonne lombaire et du bassin étaient aussi normales. Un petit bilan biologique effectué en novembre 2018 ne montrait pas non plus de syndrome inflammatoire et les tests rhumatologiques étaient négatifs. Concernant sa situation professionnelle, l'assuré lui avait fait part de ce qu'il travaillait beaucoup et se sentait exploité. Son activité comportait beaucoup de charges avec des stations debout prolongées et du stress.

6.        Selon le rapport du 8 mars 2019 du docteur F______, généraliste FMH et médecin traitant, l'assuré présentait un syndrome douloureux chronique avec une fatigue chronique consécutive aux insomnies et aux douleurs. La capacité de travail était nulle dans toute activité. Les limitations fonctionnelles consistaient en une force et une capacité d'adaptation limitées, ainsi qu'une baisse de l'humeur. L'assuré n'était pas non plus apte à faire le ménage et se reposait sur son épouse.

7.        En mars et mai 2020, l'assuré a fait l'objet d'une expertise au Centre médical d’expertises (ci-après: CEMEDEX) par les docteurs G______, psychiatre-psychothérapeute FMH, et H______, rhumatologue FMH. Dans leur évaluation consensuelle du 6 août 2020, ils ont posé les diagnostics d'épisode dépressif moyen avec syndrome somatique, somatisation, trouble de la personnalité sensitive et de douleurs du genou gauche secondaires à une chondropathie fémoro-patellaire grade IV et à un moindre degré à droite. À l'examen rhumatologique, il y avait beaucoup d'incohérences concernant la mobilité de l'épaule gauche et les limitations de mouvements aux membres inférieurs. La personnalité était marquée par une rigidité avec une méfiance excessive empêchant un changement de fonctionnement, une limitation du rapport à la hiérarchie et aux autres, ainsi qu'un envahissement du champ de la pensée. L'assuré avait tendance à rejeter la faute sur autrui avec une projection de ses propres difficultés sur l'autre, ainsi que sur des aspects somatiques. Il refusait une psychothérapie, celle-ci pouvant être perçue comme une reconnaissance de sa qualité de victime. Depuis le 30 avril 2018, sa capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle d'un point de vue rhumatologique et psychiatrique. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était de 100% avec une baisse de rendement de 50% dès avril 2018. Il y avait des limitations fonctionnelles pour un travail nécessitant la prise de décisions immédiate, le traitement d'informations multiples, une activité en équipe et comportant des injonctions hiérarchiques. Il était exigible que l'assuré prît un traitement antidépresseur, lequel pourrait améliorer la fatigabilité, les troubles de la concentration et les douleurs. La rentabilité pourrait ainsi être améliorée de 30%. Une psychothérapie ne permettrait pas d'améliorer les traits de personnalité, ceux-ci étant trop enkystés.

Du volet rhumatologique de l'expertise, il résulte par ailleurs que les diagnostics suivants n'avaient pas d'impact sur la capacité de travail : douleurs diffuses sans substrat organique, épine calcanéenne et calcification à l'insertion calcanéenne du tendon d'Achille, sans conséquence clinique (absence de douleur), et très légère discopathie lombaire, également sans conséquence clinique. Un syndrome fibromyalgique avait été écarté, les douleurs étant trop diffuses et empêchant ainsi une spécificité des points WPI (Widespread pain index – indice de douleur généralisée). Tous les signes de Waddell étaient positifs. Sur l'échelle visuelle analogique, les douleurs étaient à 10/10, ce qui ne correspondait pas aux constatations objectives ni radiologiques ni cliniques. L'exagération était incontestable.

8.        Le 18 juin 2020, l'assuré a été admis aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en raison de deux crises avec vertiges et céphalées, accompagnées de troubles visuels, de nausée et d'une diaphorèse, qui ont duré douze minutes et étaient spontanément résolutives. Selon le rapport y relatif, il présentait depuis lors également des céphalées holocrâniennes de type serrement, fluctuantes avec une intensité jusqu'à 10/10, répondant au traitement habituel antalgique. Il n'y avait pas de signes neurologiques en faveur d'une étiologie neurologique. Seul un suivi avec le médecin traitant pour les troubles thymiques était recommandé.

9.        Dans son avis du 13 août 2020, le Dr M. I______ du service médical régional de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : SMR) s'est rallié aux conclusions de l'expertise dans le sens d'une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée.

10.    Selon la note d'entretien du 24 novembre 2020 de la division de réadaptation professionnelle de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l’OAI), l'assuré s'était séparé de son épouse et était en instance de divorce. Il était assisté par l'Hospice général. Il n'avait été scolarisé que pendant environ deux ans. Un stage d'orientation professionnelle lui avait été proposé, proposition que l'assuré avait déclinée, estimant que son état de santé ne lui permettrait pas de participer à une telle mesure.

11.    Selon le rapport du 29 mars 2021 de la division de réadaptation professionnelle, ni les conditions objectives ni subjectives étaient réalisées pour l'octroi d'une mesure d'ordre professionnel. L'assuré étant au chômage, sa capacité de gain se confondait avec la capacité de travail, laquelle a été déterminée à 50%.

12.    Le 31 mars 2021, l'OAI a informé l'assuré qu'il avait l'intention de lui octroyer une demi-rente d'invalidité dès août 2019 et de lui refuser les mesures d'ordre professionnel.

13.    Par courrier du 19 avril 2021, l'assuré a contesté ce projet de décision, en alléguant être totalement incapable de travailler.

14.    Dans son attestation du 27 avril 2021, le Dr F______ a déclaré que l'assuré était entièrement invalide et qu'aucune activité n'était possible lors de ses crises avec aphasie, dysarthrie, amnésie, diplopie, paralysie, parésie, trouble de l'équilibre et vertiges.

15.    Dans son avis du 6 mai 2021, le Dr I______ du SMR a considéré que les nouveaux rapports produits n'apportaient pas d'élément probant pour une aggravation de l'état de santé de l'assuré ou de nouvelles atteintes, les experts ayant déjà relevé les crises vertigineuses.

16.    Le 7 mai 2021, la Dresse E______ a attesté que la capacité de travail de l'assuré était nulle en raison des gonalgies, douleurs du talon gauche sur tendinite chronique du tendon d'Achille de type inflammatoire et des lombalgies chroniques. Un accident en décembre 2020 avait nettement augmenté les douleurs. L'assuré n'avait pas non plus les ressources pour effectuer un travail en raison de la mauvaise maitrise du français et l'absence de scolarisation.

17.    Par décision du 24 juin 2021, l'OAI a confirmé son projet de décision.

18.    Par acte du 25 août 2021, l'assuré a recouru contre cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente d'invalidité entière, sous suite de dépens. C'est à tort que les experts du CEMEDEX avaient uniquement pris en considération les atteintes psychiatriques pour une diminution de la capacité de travail dans une activité adaptée. Comme attesté par les Drs E______ et F______, les troubles psychiques et physiques cumulés provoquaient une incapacité de travail totale. Par ailleurs, son état de santé s'était aggravé suite à son accident en décembre 2020, selon la Dresse E______. L'intimé aurait enfin dû procéder à une comparaison de salaires et admettre un abattement de 25% pour tenir compte des limitations fonctionnelles et du manque de ressources suffisantes.

19.    Dans son rapport du 8 septembre 2021, le Dr F______ a posé les diagnostics de gonarthrose bilatérale, d'état anxio-dépressif avec attaques de panique, de syndrome douloureux chronique et lombalgies chroniques. La capacité de travail était nulle dans toute activité dès le début du suivi par ce médecin en 2018. Suite à son divorce et à la perte de son emploi, l'état de santé du recourant s'était encore péjoré sur le plan psychique. Au demeurant, il souffrait d'un syndrome douloureux chronique qui pouvait uniquement être objectivé par un examen clinique et non par des analyses de laboratoire et examens radiologiques. Le pronostic était défavorable.

20.    Dans son rapport du 14 septembre 2021, la Dresse E______ a posé les diagnostics de gonalgies sur gonarthrose, de tendinite chronique du tendon d'Achille et de lombalgies chroniques, entraînant des limitations fonctionnelles pour la position débout ou assise prolongée, les travaux lourds, la marche prolongée et la montée et descente d'escaliers. La capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle et de 30% dans une activité adaptée, en raison de ses limitations fonctionnelles et du manque de ressources. Les limitations psychiatriques et rhumatologiques s'additionnaient. Le pronostic était défavorable.

21.    Dans sa réponse du 27 septembre 2021, l'intimé a conclu au rejet du recours, en se fondant sur l'expertise du CEMEDEX à laquelle il a attribué une pleine valeur probante. Quant à la Dresse E______, elle tenait également compte de facteurs non médicaux, étrangers à l'assurance-invalidité dans l'appréciation de la capacité de travail. Au demeurant, l'expertise du CEMEDEX avait mis en évidence des incohérences et exagérations. Un abattement du salaire d'invalide ne devait pas être retenu, l'incapacité de travail se confondant en l'occurrence avec l'incapacité de gain, dès lors que le recourant avait occupé différents postes non qualifiés et était au chômage.

22.    Dans sa réplique du 26 novembre 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions, sur la base des derniers rapports de ses médecins traitants.

23.    Le 5 mai 2022, le recourant a informé la chambre de céans qu'il avait consulté la Dresse E______ après la survenance de son accident en décembre 2020 et que celle-ci avait alors constaté une aggravation de son état. Lors de cet accident, une planche de bois qui ressortait d'un container poubelle l'avait déséquilibré et provoqué sa chute sur les genoux. Suite à cet accident, ses douleurs aux genoux, au dos et à la tête s'étaient péjorées, si bien qu'il avait dû continuer les séances de physiothérapie.

24.    À la demande de la chambre de céans, le Dr F______ l'a informée le 26 septembre 2022 qu'il ne partageait pas les conclusions de l'expertise sur la capacité de travail du recourant, dans la mesure où celui-ci était en permanence envahi par les douleurs et des ruminations anxieuses, l'empêchant totalement de travailler. Après l'expertise du CEMEDEX, ce médecin avait constaté une multiplication des plaintes douloureuses et une demande de consultations médicales accrue. Le recourant semblait avoir perdu le contrôle de la situation en général. En plus des attaques de panique, il présentait également des sensations vertigineuses et des céphalées. Dès 2019, il avait été traité par un antidépresseur, ce qui n'avait pas permis de contrôler les attaques de panique. C'est la raison pour laquelle, l'accent a été mis sur le contrôle de l'anxiété, en augmentant les doses de Lyrica et de Xanax.

25.    Entendu le 23 novembre 2022, le recourant a déclaré à la chambre de céans ce qui suit:

« Je vis à l'hôtel actuellement. Je mange avec mes enfants tous les quinze jours dans des restaurants bon marché. Avec mon fils ainé, la situation est difficile, car il présente des troubles autistiques.

Je ne fais pas grand-chose pendant la journée, si ce n'est que dormir et manger à l'hôtel. Je vois très rarement des amis et je n'ai pas non plus de contact avec la communauté éthiopienne à Genève à cause de mes problèmes de santé avec des douleurs, des vertiges, je ne vais pas non plus à l'église. Les médicaments ne calment malheureusement pas la douleur. Je prends des médicaments contre les douleurs, les insomnies et les vertiges, ainsi que contre le vitiligo. En raison des médicaments que je prends contre cette dernière maladie, je souffre souvent de nausées le matin. Toutefois le vitiligo s'est amélioré grâce à ces médicaments.

Depuis 2 ans, je suis séparé de ma femme. Depuis 2018, les douleurs se sont aggravées de plus en plus. Elles me réveillent également la nuit malgré le somnifère. Il y a aussi des crises où les douleurs sont encore plus fortes et, pendant trente minutes, la tête qui tourne et tout devient noir. Je souffre à ce moment de forts maux de tête et j'ai du mal à respirer.

Je ne sais pas ce que sont des antidépresseurs.

Quant aux médicaments je prends du Lyrica, du Céréplex, du Xanax, du Tramadol et un somnifère. A cela s'ajoute un médicament contre le vitiligo.

Mon problème c'est la tête, mais également mes douleurs qui ne s'arrêtent jamais. Elles sont également présentes en position assise. »

26.    Le Dr F______ a été entendu en tant que témoin à la même date et a fait la déclaration suivante:

« J'ai prescrit au recourant du Tramadol en réserve, du Lyrica 150 ml 3x par jour, du Céréplex, du Zaldiar et des statines. Je ne pense pas que les statines provoquent chez le recourant des douleurs musculaires. Je l'ai examiné et je n'ai pas trouvé de contre-indication contre ce médicament.

En 2019, je lui avais également prescrit du Seropram (20 mg par jour). Le recourant a pris ce médicament pendant 3 à 4 mois, puis l'a arrêté, car il ne lui convenait pas. Il avait estimé que ce médicament n'avait pas diminué sa tristesse. Je n'ai pas essayé par la suite un autre antidépresseur. A cet égard, je relève que le psychiatre à qui j'avais adressé le recourant en 2020, le docteur J______, n'avait pas non plus jugé nécessaire de lui prescrire un antidépresseur.

En raison des attaques de panique, je lui avais par contre prescrit le Lyrica, un médicament contre les angoisses généralisées. Il n'a pas changé d'humeur, mais a diminué les attaques de panique. Les hospitalisations pour ce motif ont diminué et, en 2022, il n'y a eu aucune admission aux HUG pour ce problème.

Je relève par ailleurs que le recourant présentait des idées suicidaires, mais qu'il n'en souffre plus aujourd'hui.

Depuis 2018, son état de santé s'est aggravé sur le plan somatique et sa mobilité a diminué. En outre, les douleurs se sont généralisées. Sur le plan psychique, il y a des hauts et des bas. Toutefois, dans l'ensemble, son état est stable, même si le recourant est ralenti, et les crises de panique ont diminué.

Sur question de l'AI, quant au manque de suivi sur le plan psychiatrique, je me sens un peu limité pour traiter l'atteinte éventuellement psychosomatique. J'ai pourtant demandé l'avis de collègues qui n'ont pas non plus jugé nécessaire de prescrire d'autres médicaments. Mais je n'exclue pas qu'un antidépresseur pourrait l'aider si l'origine des douleurs est psychique.

Il n'est pas non plus exclu que la situation personnelle du recourant a une influence sur le développement des douleurs.

Sur question de Me MIZRAHI, je précise que j'ai retenu un état anxio-dépressif avec attaques de panique, en raison de l'anxiété importante. Les attaques sont momentanées dans des situations difficiles à vivre. Toutefois, l'anxiété est toujours présente. Je n'ai jamais vu le recourant au moment des crises d'attaques de panique. Il ressort toutefois des rapports des HUG qu'il se présente alors dans un moment de confusion, de dysarthrie (difficulté de parler).

Même si le recourant ne souffre actuellement plus d'attaques de panique, il n'est pas exclu qu'il en présentera d'autres dans le futur. En 2020, il a eu des attaques de panique tous les 3-4 mois. En 2021 et 2022, il n'y a plus eu d'attaques de ce genre.

Tout au début en 2018, lorsque j'ai vu le recourant pour la première fois, il m'a parlé d'idées suicidaires. Son supérieur venait alors de le gifler. Par la suite, je me suis cependant rendu compte que, indépendamment de cet évènement, son état général n'était pas normal. La perte de son travail a éventuellement joué un rôle dans l'évolution de ses atteintes à la santé.

Je confirme que selon mon appréciation le recourant ne peut pas travailler du tout, dans la mesure où ses angoisses sont toujours présentes. Toutefois, ça n'exclut pas qu'éventuellement il pourrait travailler dans des moments où il se sent mieux. Je n'ai cependant pas l'impression que son état de santé lui laisse un répit.

Sur question de l'AI, je précise qu'il y a peut-être théoriquement des moments dans la journée où le recourant est moins angoissé et il pourrait alors effectuer une activité adaptée. Mais on ne sait pas quand ces moments se produisent.

A mon avis, il n'y a pas de moments où le recourant est moins angoissé. Dès qu'il subit la moindre pression, il s'angoisse.

Pour rechercher l'origine des douleurs, un test de tuberculose a été effectué et il était positif. Cependant, il n'y avait pas d'autres éléments qui permettaient de confirmer ce diagnostic, raison pour laquelle aucun traitement n'a été prescrit pour cette maladie.

Sur question de l'AI, je précise que le vitiligo n'entraine pas des limitations fonctionnelles. »

27.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

5.             L'objet du litige porte sur la question de savoir si le recourant peut prétendre à une rente supérieure à une demi-rente.

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

7.              

7.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

7.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique ou d'affections psychosomatiques doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

7.3 Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.  Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.  Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.  Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

8.              

8.1 En l'espèce, selon la première expertise effectuée le 5 octobre 2018 par le Dr D______, le recourant souffre d'une fibromyalgie, d'une gonarthrose primaire bilatérale et de lombalgies chroniques sur déconditionnement musculaire. L'incapacité de travail est totale dans l'activité habituelle, mais une reprise dans une activité adaptée est envisageable à 50% dès le 1er janvier 2019, puis progressivement à 80% au 1er juin 2019. Il y a des limitations fonctionnelles pour les positions à genoux et accroupie, la marche en terrain irrégulier et la montée de plus de trois étages de suite. Les lombalgies chroniques pourraient être améliorées sous traitement conservateur dans un délai de six à neuf mois. La fibromyalgie provoque probablement une diminution du taux horaire de 20% de façon permanente.

La Dresse E______ diagnostique également des gonalgies et lombalgies chroniques, dans son rapport du 25 février 2019, tout en précisant que les symptômes évoquent un état dépressif probable. La capacité de travail est nulle dans l'activité habituelle et le pronostic dépend probablement de l'atteinte psychiatrique. Il y a des limitations fonctionnelles pour les stations debout prolongées, les activités lourdes et le port de lourdes charges, en raison des douleurs. L'IRM de la région lombo-sacrée et les radiographies de la colonne lombaire et du bassin sont normales, le bilan biologique ne montre pas de syndrome inflammatoire et les tests rhumatologiques sont négatifs. Dans son rapport du 7 mai 2021, cette médecin a certifié une incapacité de travail en raison des atteintes somatiques et du manque de ressources du recourant à cause d'une mauvaise maitrise du français et de l'absence de scolarisation.

Le Dr F______ fait état, dans son rapport du 8 mars 2019, d'un syndrome douloureux chronique avec une fatigue chronique consécutive aux insomnies et aux douleurs, provoquant une incapacité et travail totale dans toute activité. Les limitations fonctionnelles consistent en une limitation de la force et de la capacité d'adaptation, accompagnée d'une baisse de l'humeur. Le recourant n'est pas non plus apte à faire le ménage et se repose sur son épouse. Lors de sa déposition en date du 23 novembre 2020, le médecin traitant confirme que, selon son appréciation, le recourant est totalement incapable de travailler à cause d'importantes angoisses qui sont toujours présentes, en particulier lorsqu'il subit la moindre pression.

De l'appréciation consensuelle de l'expertise du CEMEDEX du 6 août 2020, il ressort que le recourant présente un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique, une somatisation, un trouble de la personnalité sensitive et une douleur au genou gauche secondaire à une chondropathie fémoro-patellaire grade IV et à un moindre degré à droite. Les diagnostics suivants n'ont pas d'impact sur la capacité de travail au niveau somatique : douleur diffuse sans substrat organique, épine calcanéenne et calcification à l'insertion calcanéenne du tendon d'Achille, sans conséquence clinique (absence de douleur), très légère discopathie lombaire, également sans conséquence clinique, et vitiligo. Un syndrome fibromyalgique est écarté, les douleurs étant trop diffuses. Il y a des limitations fonctionnelles au niveau somatique pour les positions accroupie ou à genoux, le travail en hauteur (échelle, escabeau, tabouret, échafaudage) et la montée et la descente d'escaliers. L'épisode dépressif moyen est caractérisé par une humeur triste, une fatigabilité, un envahissement du champ de la pensée, une perte d'élan vital, anhédonie, aboulie et apragmatisme. La somatisation se manifeste par des douleurs multiples avec caractère histrionique. La personnalité est marquée par une rigidité avec une méfiance excessive empêchant un changement de fonctionnement, une limitation du rapport à la hiérarchie et aux autres, ainsi qu'un envahissement du champ de la pensée, suite à un vécu d'humiliation et d'agression constant. Le recourant a tendance à rejeter la faute sur autrui avec une projection de ses propres difficultés sur l'autre, ainsi que sur des aspects somatiques.

Le recourant se plaint au moment de cette expertise de douleurs lombaires, du bas ventre, de douleurs de la face latérale du visage à droite, des épines iliaques antérieures, de gonalgies, de gonflement des articulations, d'une douleur aux épaules, aux mains et au pied gauche. Il décrit également des vertiges, une anxiété constante, des ruminations anxieuses autour de son fils handicapé et d'un sentiment d'injustice, sans jamais mettre en avant spontanément une quelconque tristesse ou un mal-être psychologique. Il n'a pas d'idées suicidaires. Dès 2018, les douleurs provoquent une inaction dans la journée avec une aboulie, un apragmatisme et une perte totale d'intérêt pour la vie extérieure. Le recourant rapporte avoir bénéficié de consultations d'un psychiatre dans le cabinet du médecin traitant, mais n'a pas pris d’antidépresseurs. Il a par ailleurs préféré stopper lui-même le suivi psychothérapeutique. Les aspects sociaux sont presque exclusivement centrés sur la famille. Il n'a quasiment aucun ami. La situation avec son fils handicapé est à l'origine des pensées envahissantes. Il n'y a pas d'incohérences concernant la description des activités d'une journée-type, celles-ci étant inexistantes. Le recourant reste allongé toute la journée, sans rien faire, et ne sort que très peu. Il y a une cohérence entre l'apparition progressive d'un épisode dépressif et les difficultés rencontrées tout au long de la vie. Le cumul des angoisses qui a favorisé la dépression s'exprime par le corps. Il refuse une psychothérapie et ne prend pas d'antidépresseurs. Quant à ses ressources, il possède une bonne adaptation aux règles et routine et est capable de planifier et structurer les tâches. Sa flexibilité est entravée par une anxiété, mais qui pourrait s'améliorer.

Selon cette expertise, depuis le 30 avril 2018, la capacité de travail du recourant dans l'activité habituelle est nulle d'un point de vue rhumatologique et psychiatrique. Dans une activité adaptée, la capacité de travail est de 100% avec une baisse de rendement de 50% dès avril 2018, pour des raisons psychiques. Il y a des limitations fonctionnelles pour un travail nécessitant la prise de décisions immédiates, le traitement d'informations multiples, une activité en équipe et comportant des injonctions hiérarchiques. Il est exigible que l'assuré prît un traitement antidépresseur, lequel pourrait améliorer la fatigabilité, les troubles de la concentration et les douleurs. La rentabilité pourrait ainsi être améliorée de 30%. Une psychothérapie ne permettrait pas d'améliorer les traits de personnalité, ceux-ci étant trop enkystés.

Le SMR se rallie le 13 août 2020 aux conclusions de l'expertise, mais ajoute une limitation fonctionnelle supplémentaire pour le port de charges supérieures à 10 kg.

8.2 L'expertise du CEMEDEX remplit tous les critères pour lui reconnaître une pleine valeur probante. Ses conclusions sont par ailleurs convaincantes.

Il est à cet égard à relever que les diagnostics au niveau physique correspondent à ceux des médecins traitants, ceux-ci ne constatant pas non plus des atteintes somatiques objectivables, à part la gonarthrose. Au niveau psychique toutefois, il y a une divergence en ce que le Dr F______ met en avant, lors de son audition, une importante anxiété comme cause de l'incapacité de travail, alors même que les experts ne retiennent aucun diagnostic dans ce registre et font état seulement d'un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. Certes, le recourant se plaint aux experts d'une anxiété. Toutefois, l'experte psychiatre ne constate pas de manifestations neurovégétatives, d'agitation psychomotrice ou d'irritabilité. Elle admet cependant que la part anxieuse est très présente avec un envahissement de la pensée omniprésent dans la présentation clinique, tout en écartant le diagnostic d'anxiété généralisée en l'absence d'oppression thoracique constante et de gêne épigastrique (expertise p. 11).

L'appréciation des médecins traitants est essentiellement divergente en ce qui concerne la capacité de travail dans une activité adaptée. Toutefois, selon une analyse d'ensemble sur la base des indicateurs du Tribunal fédéral, il s'avère, d'une part, qu'il y a des incohérences dans le comportement du recourant à l'examen rhumatologique (mais non à l'examen psychiatrique) et que celui-ci n'a pas fait tout ce qui est possible pour se soigner au niveau psychiatrique. Il ne s'est notamment pas soumis à un traitement antidépresseur, alors qu'un tel traitement est exigible et pourrait notablement améliorer son état de santé selon l'expert psychiatre. Il a par ailleurs refusé une mesure d'orientation professionnelle. Partant, le trouble dépressif et l'atteinte psychosomatique ne semblent être d'une gravité telle qu'ils empêchent le recourant de travailler à 50%. En raison du potentiel thérapeutique significatif, selon les experts, le caractère durable de l'atteinte à la santé est en outre douteux.

Quant aux ressources du recourant, il sied de relever que les connaissances linguistiques et la formation ne font pas partie des critères pour apprécier si l'assuré peut surmonter la douleur psychosomatique ou un trouble dépressif et ainsi reprendre une activité professionnelle.

Enfin, en ce que le recourant fait valoir que les troubles psychiques et physiques cumulés provoquent une incapacité de travail totale, il sied de relever qu'une évaluation de l'ensemble des atteintes du recourant a fait précisément l'objet d'une expertise bidisciplinaire avec une pleine valeur probante. De surcroît le recourant n'a, en principe, pas de limitations fonctionnelles au niveau physique dans une activité adaptée.

9.             Se pose toutefois la question de savoir si l'état de santé du recourant s'est aggravé depuis l'expertise du CEMEDEX.

9.1 À cet égard, le recourant allègue avoir subi un accident en décembre 2020, soit postérieurement à cette dernière expertise. Il a informé la Cour de céans d'être tombé sur les genoux depuis la position debout au sol, ce qui avait aggravé non seulement les douleurs à ce niveau, mais également les douleurs au dos et à la tête, de sorte qu'il avait dû continuer la physiothérapie. L'aggravation est constatée par la Dresse E______, dans son rapport du 14 septembre 2021, dans lequel elle pose les diagnostics de gonalgies sur gonarthrose, de tendinite chronique du tendon d'Achille et de lombalgies chroniques, entraînant des limitations fonctionnelles pour la position débout ou assise prolongée, les travaux lourds, la marche prolongée et la montée et descente d'escaliers. La capacité de travail est nulle dans l'activité habituelle et de 30% dans une activité adaptée, en raison de ses limitations fonctionnelles et du manque de ressources, selon cette médecin, étant précisé que les limitations psychiatriques et rhumatologiques s'additionnent.

En premier lieu il sied de constater que la Dresse E______ mentionne les mêmes limitations fonctionnelles que précédemment. Celles-ci correspondent en outre aux limitations retenues dans l'expertise du CEMEDEX. Ainsi, l'éventuelle aggravation n'a pas péjoré la capacité de travail dans une activité adaptée.

Par ailleurs, cette dernière expertise mentionne le diagnostic d'épine calcanéenne et de calcification à l'insertion calcanéenne du tendon d'Achille, mais sans conséquence clinique en l'absence de douleur. Il est également mentionné dans cette expertise que le recourant se plaint d'une douleur au pied. Cela étant, il n'y a pas vraiment d'élément médical nouveau depuis cette expertise par rapport aux constatations de la rhumatologue traitante.

Partant, une aggravation sur le plan somatique depuis l'expertise du CEMEDEX ne peut être retenue.

9.2 Sur le plan psychique, le recourant a développé, après l'expertise du CEMEDEX, des attaques de panique dont les deux premières sont documentées le 18 juin 2020. Selon le rapport y relatif, il présente alors des vertiges, céphalées, troubles visuels, nausées et une diaphorèse. Ces crises ont duré douze minutes et étaient spontanément résolutives. Depuis lors, le recourant présente également des céphalées holocrâniennes de type serrement fluctuantes avec une intensité jusqu'à 10/10 répondant au traitement habituel antalgique. Il n'y a pas de signes neurologiques en faveur d'une étiologie neurologique. Ces crises sont aussi attestées par le Dr F______ dans son rapport du 27 avril 2021, dans lequel ce médecin précise qu'elles sont accompagnées d'aphasie, dysarthrie, amnésie, diplopie, paralysie, trouble de l'équilibre et vertiges. Toutefois, lors de son audition, le médecin traitant admet n'avoir jamais assisté à une de ces crises et déclare qu'elles se produisaient tous les 3-4 mois en 2020, mais que le recourant n'en a plus présenté depuis 2021.

Le moment d'apparition des crises coïncide avec la séparation du recourant de son épouse en 2020. Au vu des déclarations du Dr F______ lors de son audition, il appert que ces crises étaient passagères puisqu'elles ne se sont plus produites dès 2021. Lors de son audition, le recourant n'a pas non plus fait état d'une anxiété permanente comme cause de son incapacité de travail, mettant essentiellement en avant les douleurs. Par ailleurs, les crises ne duraient que douze minutes et n'apparaissaient que tous les trois à quatre mois.

Cela étant, l'aggravation au niveau psychique doit être considérée comme passagère et sans incidence sur la capacité de travail en dehors des crises de courte durée, relativement espacées et spontanément résolutives.

Avec les experts, il sied en outre de constater que le recourant possède encore des ressources, dans la mesure où il est capable de prendre soin de lui, en prenant en particulier régulièrement la médication prescrite, à l'exception d'un traitement antidépresseur qu'il a interrompu, en respectant les rendez-vous avec ses médecins et les experts. Il maintient également le contact avec ses enfants. Certes, il allègue n'avoir aucune activité, mais cette affirmation n'est pas vérifiable.

10.         Le recourant reproche enfin à l'intimé de ne pas avoir procédé à une comparaison des gains dans une activité adaptée avec un abattement de 25% pour tenir compte des limitations fonctionnelles et du manque de ressources suffisantes.

Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

Toutefois, lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l'assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières. Tel est notamment le cas lorsqu’avant l'atteinte à la santé, l'assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pas en ligne de compte. En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s'écarter de la table TA1 (secteur privé) pour se référer à la table TA7 (secteur privé et secteur public [Confédération] ensemble), respectivement T17 (à partir de 2012) si cela permet de fixer plus précisément le revenu d'invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (ATF 133 V 545 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_124/2021 du 2 août 2021 consid. 4.4.1 et 8C_111/2021 du 30 avril 2021 consid. 4.2.1 et les références).

Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a estimé qu’il n’existe pas de motifs sérieux et objectifs justifiant une modification de sa jurisprudence relative à l’application des ESS dans le cadre de la détermination du degré d’invalidité des assurés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_256/2021 du 9 mars 2022, destiné à la publication).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Cependant, lorsqu'il apparaît que l'assuré touchait un salaire nettement inférieur aux salaires habituels de la branche pour des raisons étrangères à l'invalidité et que les circonstances ne permettent pas de supposer qu'il s'est contenté d'un salaire plus modeste que celui qu'il aurait pu prétendre, il y a lieu d'en tenir compte dans la comparaison des revenus en opérant un parallélisme des revenus à comparer (ATF 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Le revenu effectivement réalisé doit être considéré comme nettement inférieur aux salaires habituels de la branche lorsqu'il est inférieur d'au moins 5% au salaire statistique usuel dans la branche (ATF 135 V 297 consid. 6.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_677/2021 du 31 janvier 2022 consid. 4.2.2). En pratique, le parallélisme des revenus à comparer peut être effectué soit au regard du revenu sans invalidité en augmentant de manière appropriée le revenu effectivement réalisé ou en se référant aux données statistiques, soit au regard du revenu d'invalide en réduisant de manière appropriée la valeur statistique (ATF 134 V 322 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2010 du 31 janvier 2011 consid. 3.4).

Toutefois, lorsque le salaire effectivement réalisé correspond au minimum prévu par une convention collective de travail (CCT), il ne peut pas être qualifié d'inférieur à la moyenne. Dans un tel cas, il n'y a pas lieu d’appliquer la règle du parallélisme des revenus (arrêt du Tribunal fédéral 8C_677/2021 du 31 janvier 2022 consid. 4.2.2 et les références).

11.         En l'espèce, le recourant réalisait un revenu de CHF 50'728.- en 2017, soit l'année qui a précédé son incapacité de travail de longue durée, selon son compte individuel AVS. Adapté à l'évolution des salaires en 2019 (1,5%), date de naissance du droit à la rente, ce salaire s'élève à CHF 57'579.-.

Quant au revenu d'invalide, il doit être déterminé sur la base des salaires statistiques ressortant de l'ESS 2018 qui était publiée, le 21 avril 2020, à la date de la décision querellée. Selon la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé », le salaire annuel médian d'un homme avec le niveau de formation 1, correspondant aux tâches simples et répétitives, s'élève à CHF 65'004.-. Adapté à l'évolution des salaires entre 2018 et 2019 (0,9%), il se détermine à CHF 65'589.-. En tenant compte que la durée du travail était en moyenne de 41,7 heures par semaine en 2019, alors même que les statistiques se fondent sur une moyenne de 40 heures, le salaire déterminant est de CHF 68'377.-, ce qui donne, pour un travail à 50%, un revenu de CHF 34'188.-. Vu le relativement jeune âge du recourant, il se justifie de retenir un abattement de 15% pour tenir compte de ses limitations fonctionnelles. Partant, le salaire d'invalide déterminant est de CHF  29'060.-.

En comparant le salaire de valide de CHF 57'579.- au salaire d'invalide de CHF 29'060.-, la perte de gain est de 49,53 %, arrondi à 50%. Un tel degré d'invalidité donne seulement droit à une demi-rente d'invalidité. Quoi qu'il en soit, un abattement du salaire statistique de 25% n'augmenterait la perte de gain qu'à 55% et ne changerait ainsi rien au résultat.

Il est vrai que le salaire sans invalidité est nettement inférieur à la médiane des salaires statistiques pour les hommes, toutes branches confondues. Il n'y a cependant pas lieu d'effectuer un parallélisme des revenus avec et sans invalidité, dans la mesure où le salaire perçu par le recourant est conforme au salaire minimal des collaborateurs sans apprentissage dès le 1er janvier 2019, selon la convention nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés (CHF 3'470.-/ mois avec 13ème salaire, soit CHF 45'110.- par an).

12.         Cela étant, il appert que la décision de l'intimé est fondée, de sorte que le recours sera rejeté.

13.         Le recourant étant à l'aide sociale, il sera renoncé à mettre à sa charge un émolument de justice.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument de justice.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le