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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4070/2021

ATAS/1152/2022 du 21.12.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4070/2021 ATAS/1152/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 décembre 2022

8ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié ______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniela LINHARES

 

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né ______ 1959, originaire du Portugal et arrivé en Suisse en 1989, a travaillé depuis 1999 en tant que nettoyeur dans le bâtiment. À ce titre, il était assuré contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (ci-après : la SUVA).

2.        Le 9 novembre 2015, il a chuté d’une échelle d’une hauteur de 2 m environ, ce qui a provoqué une luxation de l’articulation Chopart du pied gauche et une fracture du bord intérieur du tibia et du bord postéro-externe du dôme talien du pied droit. Le jour-même de l’accident, l'assuré a fait l’objet d’une intervention chirurgicale consistant en une réduction fermée de la luxation du pied gauche. Son incapacité de travail était totale depuis cet accident.

3.        Les suites de l'accident ont été prises en charge par la SUVA.

4.        En septembre 2013, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l’OAI).

5.        Sur recours contre une décision du 9 mars 2016 de l'OAI, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a reconnu à l’assuré le droit à une rente entière d’invalidité, limitée à la période de mars 2014 à janvier 2015, et à une mesure d’orientation professionnelle (ATAS/784/2016 du 29 septembre 2016). Dès octobre 2014, date à laquelle la rééducation avait pris fin, une capacité de travail de 100% était exigible de la part de l'assuré dans un domaine permettant une activité sédentaire, de sorte que le droit à la rente était supprimé trois mois plus tard.

6.        Les 21 novembre 2016, l'assuré a subi une arthrodèse de la cheville droite.

7.        Le 18 janvier 2018, a eu lieu une révision de cicatrice et une excision de masse de tissu profond au pied droit.

8.        Selon le rapport d'examen du 12 avril 2018 du médecin d'arrondissement de la SUVA, à moins d'une nouvelle intervention, le cas pouvait être considéré comme consolidé et l'exercice d'une activité adaptée (essentiellement en position assise, avec port ponctuel de charges limitées à 10 kg, sans s'agenouiller, ni monter sur une échelle, avec des déplacements limités dans les escaliers) pouvait être exigé à plein temps et à plein rendement.

9.        Le 8 octobre 2018, l'assuré a subi une arthrodèse sous-talienne arthroscopique au pied droit.

10.    Dans un rapport du 20 novembre 2018, le docteur B______, du service de chirurgie orthopédique des Hôpitaux universitaires du canton de Genève (ci-après : HUG), a qualifié l'état de l'assuré de stationnaire après les deux interventions pratiquées en janvier et octobre 2018. Il a conclu à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, c'est-à-dire s'exerçant en position assise.

11.    Le 15 janvier 2019, le service médical régional de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : SMR) a retenu une pleine capacité de travail dans une activité strictement adaptée, dès le 20 novembre 2018. A compter de cette date, l'assuré avait recouvré une aptitude à la réadaptation. Le SMR validait pour le surplus les limitations fonctionnelles énoncées dans le rapport du médecin d'arrondissement de la SUVA. En définitive, l'assuré avait été totalement incapable de travailler du 21 novembre 2016 au 19 novembre 2018, en raison des opérations d'arthrodèses.

12.    Le 30 septembre 2019, l'assuré a subi une cure de pseudarthrose arthroscopique sous-talienne à droite avec une ablation du matériel d'ostéosynthèse (AMO ; vis talo-calcanéenne).

13.    Le 9 juin 2020, la doctoresse C______, du service de chirurgie orthopédique des HUG, a fait état d'une lente amélioration, avec une marche toujours impossible sans cannes. Elle concluait à une totale capacité de travail dans un travail sédentaire sans port de charges.

14.    Dans son rapport du 30 juin 2020, le docteur D______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la SUVA, a considéré qu'un travail sédentaire assis était exigible, sans limitation de temps, ni de rendement, tout en indiquant que le cas n'était pas stabilisé. Il y avait des limitations fonctionnelles pour les activités debout statiques ou dynamiques, la montée et la descente des escaliers, le travail sur échafaudage et en terrain accidenté et le port de charges même légères.

15.    Dans son avis du 12 août 2020, le SMR a conclu à une capacité de travail de 100% dès le 9 juin 2020 dans une activité adaptée. Du 30 septembre 2019 au 8 juin 2020, la capacité de travail était nulle dans toute activité, suite à l’opération pratiquée en septembre 2019.

16.    Selon les conclusions de la note du 1er septembre 2020 de la doctoresse E______ des HUG, il n'y avait pas d'hyperfixation au pourtour des vis d'ostéosynthèse ni de foyer d'hyperfixation suspect au pied droit. Au niveau du pied et de la cheville gauches, l'imagerie mettait en évidence des signes d'arthrose à la base de M3-M4 avec une géode de la base de M3 et une discrète fixation du radiotraceur. Le pronostic était défavorable. Le traitement consistait en marche en charge avec cannes, semelles orthopédiques et antalgie par Dafalgan et patch antiinflammatoire. L'assuré refusait une infiltration pour l'arthrose Lisfranc au pied gauche. Des douleurs chroniques allaient persister.

17.    Dans son rapport du 1er octobre 2020, le Dr D______ a considéré que le cas était stabilisé, dès lors qu'aucune mesure interventionnelle au niveau du pied n'était envisagée.

18.    Dans son appréciation médicale du 1er octobre 2020, le médecin d'arrondissement de la SUVA a estimé le taux d'atteinte à l'intégrité résultant d'une arthrose à 20% pour l'arthrodèse de la cheville à droite et à 10% pour l'arthrose moyenne-grave à l'articulation du Chopart à gauche, soit au total à 30%.

19.    Selon le rapport du 6 octobre 2020 des docteurs F______ et E______ du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG, consultation spécialisée du pied, l'évolution était défavorable et l'assuré ne souhaitait pas d'infiltration pour l'arthrose du Lisfranc du pied gauche. Pour le pied droit, il était adressé à la consultation de la douleur. Il était apte pour le travail sédentaire et une réorientation était préconisée.

20.    Le 13 octobre 2020, la SUVA a fait savoir à l'assuré qu'elle lui verserait les indemnités journalières jusqu'au 28 février 2021, tout en l'informant qu'elle procédera à l'examen du droit à une rente, l'activité précédente de nettoyeur n'étant plus exigible.

21.    Par décision du 11 novembre 2020, l’OAI a refusé à l'assuré une orientation professionnelle, à défaut d'une collaboration de celui-ci, ainsi que le droit à une rente, en considérant qu'hormis une incapacité de travail de courte durée, entre le 30 septembre 2019 et le 6 juin 2020, il disposait d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée, de sorte que son degré d’invalidité restait inchangé (9%).

22.    Par décision du 7 juin 2021, la SUVA a refusé à l'assuré le droit à une rente, en l'absence d'une perte de gain, et lui a octroyé une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 30%.

23.    Par actes des 7 juillet et 30 août 2021, l'assuré a formé opposition à cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation, à l'octroi d'une rente de 100% dès le 20 novembre 2016 et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 40%. Son état n'était pas stabilisé et le calcul de sa perte de gain était erroné. La SUVA aurait par ailleurs dû tenir compte d'une diminution de rendement.

24.    Par décision du 29 octobre 2021, la SUVA a rejeté l'opposition. L'état était stabilisé, dès lors que l'intervention évoquée par l'assuré n'était qu'à un stade d'hypothèse et ne résultait au demeurant pas des pièces médicales. Au contraire, une aptitude au travail dans une activité sédentaire lui était reconnue par les médecins. Il n'y avait par ailleurs plus aucune mesure thérapeutique susceptible d'influencer de manière significative sa capacité de travail. Quant au salaire sans invalidité, l'employeur de l'assuré avait fourni des renseignements très variables, raison pour laquelle la SUVA s'était fondée sur le salaire réalisé lors de la survenance de l'accident, indexé à l'année 2021, ce qui aboutissait à un résultat plus favorable à l'assuré. Quant au revenu sans invalidité, il a été calculé de façon conforme au droit. Un abattement de 10% tenait suffisamment compte des limitations fonctionnelles et circonstances personnelles de l'assuré. Enfin, l'assuré ne se fondait sur aucune pièce médicale pour justifier une atteinte à l'intégrité de 40%.

25.    Par acte du 29 novembre 2021, l'assuré a recouru contre cette décision par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité de 100% dès le 20 novembre 2016, subsidiairement à une rente de 100% du 20 novembre 2016 au 28 février 2021 et de 50% dès le 1er mars 2021, et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 40%. À titre préalable, il a notamment requis la mise en œuvre d'une expertise médicale. En premier lieu, il a contesté que son état était stabilisé, dès lors que ses médecins considéraient que des examens complémentaires devaient être effectués et qu'une nouvelle opération n'était pas exclue. Il a par ailleurs contesté présenter une pleine capacité de travail dans une activité adaptée sans perte de rendement. Le calcul de sa perte de gain était également erroné en ce qui concerne le gain d'invalide retenu. Quant à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité, il a relevé qu'il était atteint d'arthrose au niveau des deux pieds et avait subi une arthrodèse à la cheville droite. Il était prévisible qu'une nouvelle greffe osseuse soit nécessaire.

26.    Dans sa réponse du 9 décembre 2021, l'intimée a conclu au rejet du recours, en renvoyant à sa décision sur opposition en ce qui concerne les motifs. Pour le surplus, l'argumentation du recourant ne reposait sur aucune pièce médicale.

27.    Dans sa réplique du 15 décembre 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions.

28.    Sur recours contre la décision du 11 novembre 2011 de l'OAI, la chambre de céans a octroyé au recourant une rente entière du 1er novembre 2016 au 18 février 2019 et du 1er décembre 2019 au 30 septembre 2020, par arrêt du 24 février 2022 (ATAS/174/2022). Ce faisant, elle a considéré que la période d'incapacité de travail qui avait suivi l'intervention du 30 septembre 2019 et qui avait duré jusqu'au 8 juin 2020, ne pouvait être considérée de courte durée, de sorte qu'elle donnait droit à une rente trois mois après sa survenance. La rente devait être supprimée trois mois après le recouvrement de la capacité de travail dans une activité adaptée, le taux d'invalidité n'étant que de 9%.

29.    Faisant suite à une demande de renseignements de la chambre de céans, le docteur G______ du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG, a informé la chambre de céans que le recourant avait été vu pour la dernière fois le 1er septembre 2020 par l'ancienne équipe du pied et de la cheville et que ni lui ni aucun médecin de l'équipe actuelle ne l'avait évalué cliniquement. Cela étant, il semblait judicieux à ce médecin de demander une expertise.

30.    Lors de l'audience de comparution personnelle des parties en date du 7 décembre 2022, le recourant a modifié ses conclusions dans le sens de l'octroi d'une rente d'invalidité dès le 29 février (recte 1er mars) 2021 et a persisté dans ses conclusions antérieures pour le surplus. Le recourant a déclaré avoir voulu s'inscrire au chômage en février 2021, mais que son inscription n'avait pas été acceptée au motif qu'il n'avait pas les années de cotisation suffisantes. Il vivait du salaire de son épouse. Son avocate a en outre précisé qu'aux dernières nouvelles, l'OAI renonçait à mettre en œuvre des mesures d'orientation professionnelle, dès lors que le recourant était proche de l'âge de la retraite.

31.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.        Le recours porte sur le droit à une rente d'invalidité à partir du 1er mars 2021 et sur la quotité de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.

5.         À teneur de l’art. 18 al. 1 LAA, si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite. L’art. 19 al. 1 LAA précise que le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme.

Auparavant, en vertu de l'art 16 LAA, l'assuré totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1). Ce droit naît le troisième jour qui suit celui de l’accident et s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2).  Il cesse également s'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de santé de l'assuré et qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité n'entre en considération, mais qu'aucune rente n'est allouée parce que l'assuré présente un taux d'invalidité inférieur au seuil de 10% prévu par l'art. 18 al. 1 LAA (cf. ATF 134 V 109 consid. 4.1 ; ATF 133 V 57 consid. 6.6.2). 

6.        a. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.        Le recourant conteste que son état de santé soit stabilisé, mais n'en tire pas les conséquences juridiques, en réclamant le paiement d'indemnités journalières, au lieu d'une rente, étant rappelé que le droit à une rente n'entre en ligne de compte que dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré, en d'autres termes dès que l'état de santé est stabilisé. En réclamant une rente, il admet implicitement que l'état est stabilisé.

Quoi qu'il en soit, le recourant n'a pas établi qu'une nouvelle intervention chirurgicale est planifiée, de sorte que celle-ci reste au stade d'hypothèse. Le médecin d'arrondissement considère dans son rapport du 1er octobre 2020 que le cas est stabilisé, dès lors qu'aucune mesure interventionnelle au niveau du pied n'est envisagée. Cela résulte également du rapport du 6 octobre 2020 de la consultation du pied des HUG, lequel ne mentionne aucun nouveau traitement si ce n'est qu'une consultation de la douleur. Le recourant ne produit aucune pièce médicale établissant le contraire. Les traitements étant ainsi terminés, c'est à raison que l'intimée a constaté la stabilisation de l'état de santé.

9.        Cela étant, il sied d'examiner si le recourant peut prétendre à une rente d'invalidité dès le 1er mars 2021.

Le recourant conteste en premier lieu disposer d'une capacité de travail à 100% dans une activité adaptée, en alléguant qu'il subit une diminution de rendement. C'est la raison pour laquelle il requiert la mise en œuvre d'une expertise médicale.

Les médecins sont unanimes à conclure à une capacité de travail entière dans une activité sédentaire respectant les limitations fonctionnelles énoncées par le médecin d'arrondissement de la SUVA (cf. rapports des Drs C______ du 9 juin 2020 et D______ du 30 juin 2020, ainsi que du SMR du 15 janvier 2019). Aucun des médecins consultés ne fait état d'une diminution de rendement. Par ailleurs, le recourant ne précise pas pourquoi il ne pourrait pas être totalement performant dans une activité sédentaire, alors qu'il n'y a aucune limitation pour une activité assise ni pour ses membres supérieurs.

Dans ces conditions, le recourant n'a pas rendu vraisemblable une possible diminution de rendement, permettant de douter des appréciations médicales, de sorte qu'il a lieu de s’en tenir à la capacité de travail entière retenue par les médecins consultés. En l'absence d'indices mettant en doute les rapports précités, il ne sera pas donné suite à sa demande d'expertise judiciaire et de l'audition de son médecin traitant.

10.    Partant, il convient de calculer la perte de gain dans l'exercice d'une activité adaptée.

a. Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 ; ATF 130 V 343 consid. 3.4). Dans ce contexte, on évaluera le revenu que l'assuré pourrait encore réaliser dans une activité adaptée avant tout en fonction de la situation concrète dans laquelle il se trouve. Lorsqu'il a repris l'exercice d'une activité lucrative après la survenance de l'atteinte à la santé, il faut d'abord examiner si cette activité est stable, met pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle et lui procure un gain correspondant au travail effectivement fourni, sans contenir d'élément de salaire social. Si ces conditions sont réunies, on prendra en compte le revenu effectivement réalisé pour fixer le revenu d'invalide (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 5 ; ATF 126 V 75 consid. 3b/aa). 

b. Il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS (Enquête suisse des salaires) TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique – médiane – s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il y a lieu de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3). A cet égard, l’ESS 2018 a été publiée le 21 avril 2020.

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références).

11.    En l'espèce, le recourant ne met pas en cause le revenu sans invalidité retenu par l'intimée de CHF 59'197.20. Il s'avère toutefois que l'intimée a diminué ce revenu à tort de 0,3% pour tenir compte des données les plus récentes de l'évolution des salaires en 2021. En effet, il paraît invraisemblable que le salaire du recourant aurait diminué dans son ancien emploi. Partant, un salaire de valide de CHF 59'375.35 doit être retenu, sur la base d'une indexation de 2013 à 2020.

Quant au revenu d'invalide, il a été déterminé conformément à la jurisprudence en la matière précitée sur la base du tableau ESS TA1_tirage_skill_level pour le secteur privé. Certes, il est possible de se référer dans certains cas aux salaires mensuels de secteurs ou branches particuliers. Cela est admis notamment lorsque l'assuré a travaillé avant l'atteinte à la santé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une acticité dans un autre domaine n'entre pas en ligne de compte. On peut aussi se référer à la table TA7 (secteur privé et secteur public), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d'invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2009 du 20 novembre 2009 consid. 4.1).

In casu, le recourant ne peut pas continuer à travailler dans le secteur du nettoyage. Par contre, d'autres domaines d'activité lui sont ouverts, pour autant qu'il puisse travailler en position assise. C'est ainsi à raison que l'intimée s'est référée aux salaires de toutes les branches confondues. Par ailleurs, la référence aux salaires dans le secteur privé et public n'est pas adaptée, dans la mesure où le secteur public n'offre que peu de travaux manuels par rapport au secteur privé.

L'intimée a toutefois retenu un gain d'invalide trop élevé dans la décision querellée. En effet, alors même qu'elle a ajusté vers le bas le salaire de valide, à tort, en raison des données plus récentes faisant apparaître une indexation négative de 0,3% pour 2021, il n'en a pas tenu compte pour le revenu d'invalide. En tenant compte de cette évolution négative, le gain d'invalide s'établit à CHF 68'716.80, après ajustement du salaire statistique ressortant des ESS 2018, de CHF 65'004.-, à la moyenne de 41,7 heures de la durée hebdomadaire du travail et à l'évolution des salaires jusqu'en 2021 (+ 0,9% pour 2019, +0,8% pour 2020 et – 0,3% pour 2021).

En ce que le recourant estime qu'il doit être tenu compte, pour le salaire statistique retenu à titre de gain d'invalide, d'un abattement de 20%, cette question peut rester ouverte. En effet même en diminuant le revenu d'invalide de CHF 68'716.80 de 20%, ce qui donne un gain de CHF 54'973.44, la perte de gain ne serait que de 7,4% par rapport au gain de valide de CHF 59'375.35 et reste donc inférieur au taux de 10% donnant droit à une rente. Il est à noter à cet égard que l'OAI a également établi le taux d'invalidité à moins de 10% (9%).

Partant, le recourant ne peut prétendre à une rente.

12.    Reste à déterminer le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.

a. Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1).

L’annexe 3 à l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 113 V 218 consid. 2a; RAMA 1988 p. 236) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb).

La Division médicale de la SUVA a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; ATF 124 V 209 consid. 4.cc ; ATF 116 V 156 consid. 3).

Lors de la fixation de l'indemnité, il sera équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l’atteinte à l’intégrité (art. 36 al. 4 1ère phrase OLAA). De jurisprudence constante, cette règle ne vise toutefois que les aggravations dont la survenance est vraisemblable et l'importance quantifiable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_494/2014 du 11 décembre 2014 consid. 6.2; RAMA 1998 n° U 320 p. 602 consid. 3b).

b. En l'espèce, le Dr D______ évalue dans son appréciation médicale du 1er octobre 2020 le taux de l'atteinte à l'intégrité résultant d'une arthrose à 20% pour l'arthrodèse de la cheville à droite et à 10% pour l'arthrose moyenne-grave de l'articulation du Chopart à gauche, soit au total à 30%.

Le recourant réclame une indemnité à ce titre de 40%, en faisant valoir qu'il est atteint d'arthroses au niveau des deux pieds et qu'il a subi une arthrodèse à la cheville droite. Il est prévisible qu'une nouvelle greffe osseuse soit nécessaire.

Il ressort de l'appréciation précitée du Dr D______ que celui-ci a tenu compte et des arthroses aux deux pieds et de l'arthrodèse. Cela est conforme à la table 5.2 relative aux taux d'atteinte à l'intégrité résultant d'arthroses.

Cette table prévoit pour une arthrose de toute la cheville un taux d'indemnité de 10 à 30% en cas d'arthrose moyenne, de 30 à 40% en cas d'arthrose grave et de 20% en cas de résection ou d'arthrodèse. Selon les explications figurant dans cette table, il n'y a pas de cumul des taux en règle générale et, pour les arthroses ayant fait l'objet d'une résection et d'une arthrodèse, le taux relatif à la résection ou à l'arthrodèse demeure applicable. Partant, c'est à raison que le Dr D______ évalue le taux de l'atteinte pour l'arthrose à la cheville droite à 20% et n'a pas cumulé ce taux avec ceux prévus pour les arthroses avant cette intervention.

Pour l'arthrose de l'articulation de Chopart, ladite table prévoit un taux de 5 à 10% pour les arthroses moyennes et de 10 à 20% pour les arthroses graves. En l'occurrence, le Dr D______ considère que l'arthrose de la cheville gauche est de moyenne à grave. Partant, en ce qu'il évalue le taux à 10%, son appréciation n'est pas critiquable.

Il n'y a pas de pièce médicale rendant vraisemblable une nouvelle intervention aux pieds.

En l'absence d'un avis médical contraire à celui du Dr D______ et d'autres indices permettant de douter de son appréciation, la chambre de céans ne juge pas nécessaire de demander une expertise sur ce point.

Cela étant, il convient d'admettre que l'appréciation de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité par l'intimée est conforme au droit au degré de la vraisemblance prépondérante.

13.    Le recourant conclut enfin au retrait de la pièce 177 du dossier de la SUVA, dans la mesure où celle-ci ne le concerne pas.

La page 2 de cette pièce concerne un certificat médical établi pour une autre personne que le recourant et donc un autre dossier. Partant il sera donné suite à la requête du recourant sur ce point.

14.    Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté sur le fond.

15.    La procédure est gratuite.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préalablement :

1.        Ordonne le retrait de la page 2 de la pièce 177 du dossier de l'intimée.

Principalement :

A la forme :

2.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

3.        Le rejette.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le