Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/858/2022

ATAS/1102/2022 du 12.12.2022 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

oorÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/858/2022 ATAS/1102/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 décembre 2022

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CAROUGE, représenté par ADC Association de défense des chômeur-se-s

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, Genève

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1970, s’est inscrit à l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) le 19 mai 2021 pour un placement dès ce jour-là (début du délai cadre d’indemnisation).

b. Un contrat d’objectifs de recherches d’emploi a été établi par la conseillère personnelle de l’assuré le 25 mai 2021. Ce contrat prévoyait l’obligation pour l’assuré de faire des recherches personnelles d’emploi réparties sur l’ensemble d’un mois qu’il devait transmettre à l’ORP le cinquième jour du mois suivant au plus tard, à défaut de quoi elles ne seraient pas prises en considération.

c. Par décision du 28 mai 2021, une sanction, correspondant à neuf jours de suspension d’indemnité, a été prononcée à son égard pour recherches d’emplois insuffisantes quantitativement durant le délai de congé.

d. Cette décision a été confirmée par décision sur opposition du 5 juillet 2021.

e. Durant le délai cadre, il a participé à plusieurs cours agréés par l’ORP, dont un par courrier du 6 octobre 2021. Il ressort notamment de ce document qu’il était tenu de poursuivre ses recherches d’emploi et de les faire parvenir chaque mois à sa conseillère.

f. Le 29 octobre 2021, il a adressé à sa conseillère un tableau comportant neuf recherches d’emploi relatives au mois d’octobre 2021.

g. Par courriel du 2 décembre 2021, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a informé l’assuré que son dossier avait été transmis à son service juridique en raison du nombre insuffisant de recherches d’emploi au mois d’octobre 2021. Afin de respecter son droit d’être entendu, l’OCE lui a accordé un délai au 9 décembre 2021 pour se déterminer sur ce manquement.

h. Par courriel du même jour, l’assuré a expliqué qu’il ne pensait pas être tenu d’effectuer dix recherches par mois lorsqu’il suivait une formation, étant relevé que ce chiffre ne ressortait pas des courriers de confirmation de cours, qu’il ne parvenait à l’atteindre qu’en travaillant huit heures par jour, cinq jours par semaine et qu’il lui était matériellement impossible de planifier ou de se rendre à des rendez-vous avec son réseau, qui constituaient sa meilleure chance de retrouver un emploi, lorsqu’il suivait un cours. Par ailleurs, il avait systématiquement dépassé l’objectif du nombre de recherches d’emploi fixé durant les six mois précédents, à l’exception du mois d’octobre.

B. a. Le 18 janvier 2022, l’OCE a pris une décision de sanction motivée par le fait que l’assuré n’avait fait que neuf recherches d’emploi au lieu des dix requises en octobre 2021. Une suspension de six jours était prononcée à compter du 1er novembre 2021, la durée ayant été augmentée afin de tenir compte de son précédent manquement.

b. Par pli du 7 février 2022, l’assuré a formé opposition à cette décision, reprenant les motifs évoqués dans son courriel du 2 décembre 2021. En réalité, il avait effectué les dix recherches requises, mais n’avait pas fait parvenir la dixième, pensant qu’il en était dispensé et n’ayant pas été correctement informé de ses obligations, étant précisé que cette recherche avait débouché sur la signature d’un contrat.

Il a joint à son opposition un courriel daté du 27 octobre 2021 de sa part à la B______, se référant à un entretien de recrutement du même jour, son acceptation par courriel du 20 décembre 2021 d’un poste qui lui avait été proposé ensuite, dès le 1er mars 2022, et le contrat en question, faisant état d’en engagement en qualité d’« investment counsellor- MENA ».

c. Par décision sur opposition du 18 février 2022, l’OCE a maintenu sa décision du 18 janvier 2022, dans la mesure où l’assuré avait déjà postulé auprès de la HBSC au mois d’août 2021 pour un poste « d’investment counsellor » et que l’entretien n’avait eu lieu que le 27 octobre 2021, de sorte qu’il ne pouvait pas en être tenu compte pour ce dernier mois.

C. a. Par acte expédié le 17 mars 2022, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances) d’un recours contre cette décision. Il avait fourni les efforts nécessaires en transmettant neuf recherches d’emploi pour le mois d’octobre 2021, alors qu’il était en formation et que sa conseillère ne lui avait pas explicitement indiqué qu’il devait en fournir le même nombre qu’usuellement. En outre, la recherche du mois d’août auprès de la B______ concernait un poste d’ « investment counsellor » pour l’Europe, à 80-100% et basé à Zurich, - pour lequel sa candidature avait été refusée, ce qu’il documentait - alors que celle du mois d’octobre concernait un poste d’ « investment counsellor » pour le Moyen-Orient – MENA, à 100% et basé à Genève. Il s’agissait donc de deux recherches distinctes.

b. Par pli du 11 avril 2022, l’OCE a persisté dans sa décision, relevant que l’assuré n’avait transmis la dixième recherche d’emploi qu’avec son opposition du 8 février 2022, au lieu du 5 du mois suivant. Néanmoins, l’OCE s’en rapportait quant à une exception qui pourrait être accordée, nonobstant le texte clair de la loi, dans la mesure où la recherche manquante et tardivement produite avait abouti à une prise d’emploi le 1er mars 2022.

c. Ce courrier et les pièces du dossier ont été transmis et mis à disposition de l’assuré qui n’a pas fait d’observation, de sorte que la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, l’acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 LPA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la sanction de six jours infligée au recourant pour recherches d’emploi insuffisantes du point de vue quantitatif pour le mois d’octobre 2021.

3.              

3.1 L’art. 30 al. 1 LACI dispose que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu, notamment lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c) ou n'observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l'autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l'interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

3.2 Selon la jurisprudence, la suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 316/07 du 6 avril 2008 consid. 2.1.2).

3.3 Les motifs de suspension précités peuvent donner lieu à une sanction non seulement en cas de faute intentionnelle, mais aussi en cas de négligence légère. D’une manière générale, un comportement simplement évitable justifie une sanction (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ad. art. 30 no 15).

3.4 Conformément à l’art. 30 al. 2 LACI, l'autorité cantonale prononce les suspensions au sens de l'al. 1 let. c et d. À teneur de l’al. 3 de cette disposition, la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours, et dans le cas de l'al. 1 let. g 25 jours. L’al. 3bis prévoit en outre que le Conseil fédéral peut prescrire une durée minimale pour la suspension.

3.5 Selon l’art. 45 al. 3 OACI, la suspension est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne et de 31 à 60 jours en cas de faute grave.

3.6 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons.

3.7 En tant qu'autorité de surveillance, le Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution (Bulletin LACI/IC). Le Bulletin LACI/IC – marché du travail / assurance-chômage du SECO, janvier 2019, prévoit une suspension de l’indemnité de trois à quatre jours en cas de recherche insuffisante d'emploi, durant la période de contrôle, pour la première fois, de cinq à neuf jours pour la deuxième fois et de dix à dix-neuf jours pour la troisième fois, la faute étant considérée légère les deux premières fois et légère à moyenne pour la troisième fois (Bulletin LACI/IC n° D79 1C).

3.8 Dans un arrêt du 5 novembre 2018, le Tribunal fédéral a retenu que compte tenu des éléments retenus par les premiers juges (retard minime, premier manquement, comportement jusqu'alors irréprochable, et qualité et quantité des recherches suffisantes), la sanction minimale prévue par l'art. 45 al. 3 OACI, soit un jour, n'était pas critiquable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_ 604/2018 du 5 novembre 2018 consid. 4.2 ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 8C_64/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.2 ; 8C_2/2012 du 14 juin 2012 consid. 3.2 ; 8C_22/2012 du 26 juin 2012).

3.9 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C 194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le pouvoir d’examen de la chambre de céans n’est pas limité à la violation du droit mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30).

3.10 Il est précisé que pour toute suspension, le comportement général de la personne assurée doit être pris en considération. Lorsque la suspension infligée s'écarte de la présente échelle, l'autorité qui la prononce doit assortir sa décision d'un exposé des motifs justifiant sa sévérité ou sa clémence particulière (030-Bulletin LACI/D72).

3.11 En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

3.12 La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense toutefois pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (art. 61 let. c LPGA ; ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; 128 III 411 consid. 3.2). En matière d'indemnités de chômage, l'assuré supporte les conséquences de l'absence de preuve en ce qui concerne la remise des pièces nécessaires pour faire valoir le droit à l'indemnité, notamment la liste de recherches d'emploi (arrêts du Tribunal fédéral 8C_591/2012 du 29 juillet 2013 consid. 4 ; 8C_427/2010 du 25 août 2010 consid. 5.1).

4.              

4.1 Dans la décision entreprise, le recourant a été sanctionné pour n’avoir fait parvenir à sa conseillère en placement dans le délai au 5 novembre 2022 que neuf recherches d’emploi au lieu des dix requises pour le mois d’octobre 2022, la durée étant augmentée s’agissant d’une seconde sanction.

4.2 Le recourant ne conteste pas qu’à teneur de son contrat d’objectifs, il devait faire au minimum dix recherches personnelles d’emploi par mois, réparties sur le mois et les transmettre à l’ORP au plus tard le cinquième jour du mois suivant le mois contrôlé.

Il ne ressort d’aucun document que ses obligations seraient allégées en cas de formation pendant le délai-cadre, en particulier pas de la décision de cours pour le mois d’octobre 2021. En outre, le recourant avait suivi d’autres cours les mois précédents et n’avait pas remis en question le nombre de postulations attendues de sa part. S’il avait eu un doute, il lui appartenait de s’en enquérir auprès de sa conseillère.

En n’adressant que neuf recherches d’emploi pour le mois d’octobre 2021 à l’ORP, le recourant n’a donc pas répondu à son obligation de transmettre la preuve de ses recherches au plus tard le cinquième jour du mois suivant le mois contrôlé, soit en l’espèce le 5 novembre 2021.

Cela étant, le recourant établit avoir effectué une dixième recherche d’emploi en octobre 2021, pour laquelle il a eu un entretien le 27 octobre 2021. Cette recherche diffère selon toute vraisemblance et au regard des pièces produites de celle pour le mois d’aout 2021, qui concernait un autre poste, dans une autre ville, pour lequel il n’avait pas été retenu. Il n’explique pas pourquoi il n’en a pas fait état dans sa prise de position du 9 décembre 2021, alors qu’aucune décision de sanction n’avait encore été prise, pour ne l’exposer que le 8 février 2022 dans son opposition.

Cette erreur même légère a, à juste titre, conduit l’intimé à prononcer une sanction, dans la mesure où même une négligence légère conduit à cette conséquence. Cette erreur était évitable puisqu’il avait déjà été averti de l’importance de fournir des recherches suffisantes, durant son délai de congé, pour lequel il avait été sanctionné.

4.3 Quant à la sanction prononcée, on relèvera que le recourant a transmis sa recherche d’emploi manquante très tardivement, à l’appui de son opposition. Néanmoins, ladite recherche a abouti à une prise d’emploi le 1er mars 2022, ce dont il doit être tenu compte.

Dans ces circonstances, il se justifie de réduire la sanction minimale prévue dans le barème.

En conséquence la suspension sera réduite de six à trois jours, correspondant à la sanction minimale pour une faute de gravité légère.

4.1 Partant, le recours sera admis partiellement et la décision litigieuse réformée dans le sens précité. Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée au recourant à charge de l'intimé.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule partiellement la décision sur opposition de l'intimé du 18 février 2022 dans le sens que la suspension du droit à l'indemnité du recourant est réduite de six à trois jours.

4.        Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'000.-.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le