Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2329/2021

ATAS/1075/2022 du 07.12.2022 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2329/2021 ATAS/1075/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 décembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à Genève

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1988, a demandé le 9 juillet 2018 des prestations d’assurance-invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) indiquant être en incapacité de travail à 100% dès le 15 février 2018.

b. Le 6 novembre 2019, la doctoresse B______, spécialiste en psychiatre et psychothérapie FMH, a indiqué à l’intimé que l’assurée souffrait d’un trouble du spectre autistique, d’un déficit d’attention, d’un trouble boulimique, d’un trouble dépressif récurrent et d’un trouble d’anxiété sociale. Actuellement, elle n’était pas stabilisée et aucune activité professionnelle ne pouvait être engagée. Dans la mesure où les troubles psychiques étaient stabilisés, il était raisonnable d’envisager une capacité de travail de l’ordre de 50% dans une activité adaptée. Le facteur de limitation principal était le trouble autistique.

c. Le 31 juillet 2020, l’OAI a confié une expertise psychiatrique au docteur C______.

d. Par décision du 14 juin 2021, l’OAI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er février 2019 au 31 octobre 2020. Son statut était celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle. Il ressortait de l’instruction médicale que son incapacité de travail était de 100% dans son activité habituelle dès le 5 février 2018 (début du délai d’attente d’un an), de 50% dès le 1er juillet 2019, de 100% dès le 1er septembre 2019 et de 0% dès le 1er août 2020. À l’échéance du délai d’attente, le 5 février 2019, son incapacité de gain était jugée entière. Par conséquent, le droit à une rente entière était ouvert dès cette date. Dès le 1er juillet 2019, son état de santé s’était amélioré, puisqu’elle présentait une capacité de travail dans toute activité de 50%. Toutefois, cette amélioration avait été de moins de trois mois, puisque son état de santé s’était péjoré le 1er septembre 2019. Par conséquent, son droit à une rente entière avait perduré. Dès le 1er août 2020, elle avait récupéré une capacité de travail de 100% dans toute activité. Cette amélioration avait duré plus de trois mois et la rente entière était donc versée jusqu’au 31 octobre 2020. À partir du 1er novembre 2020, son invalidité devait être considérée comme nulle et des mesures d’ordre professionnel ne se justifiaient pas.

e. L’assurée a formé recours contre la décision précitée le 7 juillet 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, contestant être capable de travailler dès le 1er août 2020. Elle demeurait en incapacité totale de travailler et avait besoin de l’aide de l’assurance-invalidité pour mener à bien et de façon durable sa réhabilitation professionnelle et sociale.

f. Par réponse du 3 août 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours.

g. Par ordonnance du 14 avril 2022 (ATAS/337/2022), la chambre de céans a ordonné une expertise de la recourante qu’elle a confiée au docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Elle a considéré que les conclusions établies par le Dr C______ n’étaient pas convaincantes, car il retenait que la recourante était totalement capable de travailler comme libraire, ou bibliothécaire, sans tenir compte du fait qu’elle avait précisément tenté de changer d’orientation, car le métier de libraire la mettait trop en contact avec des gens dans un contexte commercial. Le métier de libraire n’était pas totalement assimilable à celui de bibliothécaire, en particulier pas dans le cas de la recourante, au vu de ses atteintes qui lui rendaient difficile de gérer le contact avec autrui et le stress qui peut être associé à une activité commerciale. L’expert n’avait en outre pas parlé de la dernière activité habituelle de la recourante avant son incapacité de travail totale, qui était dans l’horlogerie.

Par ailleurs, il ne semblait pas avoir tenu compte du fait que l’état de la recourante était variable et semblait avoir minimisé l’ampleur de son atteinte. L’évolution favorable constatée par la Dresse B______ le 21 juin 2020 n’avait pas été durable, dès lors que la recourante avait informé la chambre de céans avoir interrompu sa formation pour devenir bibliothécaire en novembre 2021, car elle n’y arrivait plus. Certains jours, elle arrivait à fonctionner, mais d’autres, elle n’arrivait pas à sortir et cela affectait son moral.

Les diagnostics et la capacité de travail que l’expert a retenus différaient de ceux de la Dresse B______. Les conclusions de cette dernière qui reposaient sur un suivi sur le long terme remettaient sérieusement en cause les conclusions du Dr C______.

h. Dans son rapport du 17 octobre 2022, le Dr D______ a posé les diagnostics de trouble du spectre de l’autisme sans trouble du développement intellectuel et avec une légère ou aucune altération du langage fonctionnel, soit le degré de gravité le plus faible de l’autisme (CIM-11). La capacité de travail était actuellement nulle dans l’activité habituelle et de 50% dans une activité adaptée. Le début de l’incapacité de travail durable à 100% pouvait être daté à février 2018 et l’exigibilité à 50% à juillet 2021. L’assurée avait besoin d’être guidée dans ses démarches pour trouver une activité adaptée. Les limitations étaient essentiellement les compétences relationnelles et sociales qui étaient sérieusement perturbées. L’expert était globalement d’accord sur les symptômes décrits par le Dr C______ mais pas sur le diagnostic principal retenu par celui-ci de personnalité état limite (abandonnique), avec traits schizoïdes, lequel ne permettait pas de rendre compte de l’ensemble du tableau clinique et amenait à surévaluer la capacité de travail. Une activité de 50% dans une activité plutôt solitaire paraissait réaliste. Compte tenu de l’expérience de l’assurée et de son goût pour les livres, un travail de type archivage ou classement pouvait être imaginé.

L’expert a fondé ses conclusions sur un bilan neuropsychologique établi le 17 octobre 2022.

i. Sur la base d’un avis du SMR du 10 novembre 2022, l’OAI a retenu que l’expertise du Dr D______ était convaincante et qu’une capacité de travail de 50% était exigible de la recourante dans une activité adaptée depuis juillet 2021. Au vu des limitations fonctionnelles retenues, du taux de capacité de travail résiduel et de l’âge de la recourante, l’intimé concluait au renvoi du dossier pour évaluation de l’invalidité, notamment l’opportunité de mesures de réadaptation, et calcul du degré d’invalidité.

j. La recourante n’a pas fait d’observation sur l’expertise.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’intimé.

4.             En vertu de l’art. 53 al. 3 LPGA, l’assureur peut reconsidérer une décision contre laquelle un recours est formé jusqu’à l’envoi de son préavis.

5.             En l’occurrence, l’intimé a reconsidéré sa décision au vu des conclusions de l’expertise avec lesquelles il s’est déclaré d’accord et a proposé le renvoi du dossier pour évaluation de l’invalidité, examen de l’opportunité de mesures de réadaptation et calcul du degré d’invalidité.

Sa requête doit être considérée comme une proposition au juge.

En l’occurrence, elle apparaît justifiée et la recourante ne s’y est pas opposée. L’expertise judiciaire répond aux réquisits permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante.

En conséquence, il sera dit que l’expertise du Dr D______ est probante, la décision querellée sera annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour évaluation de l’invalidité, examen de l’opportunité de mesures de réadaptation et calcul du degré d’invalidité.

5.1 Les frais de l’expertise judiciaire et du bilan neuropsychologique du 17 octobre 2022 seront mis à la charge de l’intimé, dès lors que ces mesures d’instruction complémentaire ont été rendues nécessaires par les conclusions non probantes de l’expertise du Dr C______ (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à la recourante, qui n'est pas assistée d'un conseil et qui n’a pas fait valoir de frais engendrés par la procédure (art. 61 let. g LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision rendue par l’intimé le 14 juin 2021.

4.        Dit que l’expertise judiciaire du 19 octobre 2022 est probante.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

6.        Met les frais de l’expertise judiciaire de CHF 6'900.- selon la facture du 31 octobre 2022 des Hôpitaux universitaires de Genève à la charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le