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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/249/2022

ATAS/1064/2022 du 02.12.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/249/2022 ATAS/1064/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 décembre 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1984, de nationalité turque, est mariée et mère de deux enfants nés le ______ 1999 et le ______ 2017. L’assurée réside sur le territoire du canton de Genève depuis 1999.

b. L’intéressée a travaillé depuis le 9 juin 2008 pour la société B______ (ci-après : l’employeur), sise ______ à Bâle, en qualité de cheffe de rayon.

c. L’assurée n’a plus travaillé depuis le 17 mars 2020. Son contrat de travail a été résilié par son employeur pour la fin de l’année 2020.

B. a. En date du 10 juillet 2020, l’assurée a déposé une demande de mesures professionnelles et/ou de rente d’invalidité auprès de l’office de
l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) en mentionnant qu’elle souffrait, d’une part, de troubles psychiques de type anxieux et dépressif et, d’autre part, de douleurs à un bras.

b. Dans un rapport du 8 septembre 2020, la doctoresse C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitante de l’assurée, a attesté que celle-ci souffrait de divers troubles psychiques, à savoir un épisode dépressif moyen (code F32.1 de la 10ème édition de la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes de 2008 [ci-après : CIM-10]), une agoraphobie (code F40.0 CIM-10) et une anxiété généralisée (code F41.1 CIM-10). Ces troubles étaient principalement en lien avec la peur de l’intéressée de tomber malade du Covid-19. Ils engendraient une incapacité de travail totale car ils l’empêchaient en particulier de se rendre sur son lieu de travail.

c. Le 11 septembre 2020, l’assurée a été opérée d’une lésion traumatique d’un tendon au bras droit aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) sans survenance de complications postopératoires.

d. Dans un rapport du 16 septembre 2020, la doctoresse D______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitante de l’assurée, a attesté que celle-ci souffrait d’un trouble anxieux et avait souffert d’une épicondylite (déchirure du tendon) bilatérale, désormais résolue. Elle avait en outre été malade du Covid-19, contracté le 9 septembre 2020. Du point de vue somatique, la Dresse D______ ne retenait pas de limitation de la capacité de travail même si elle recommandait d’éviter la réalisation d’activités répétitives, susceptibles de causer à nouveau une épicondylite. S’agissant des atteintes psychiques, elle renvoyait à la psychiatre traitante de l’assurée.

e. Un entretien avec l’assurée s’est tenu le 16 octobre 2020 dans les locaux de l’OAI. Selon le rapport d’évaluation rédigé suite à cet entretien, celle-ci avait déclaré ne pas sortir de chez elle sauf si cela était obligatoire ou pour des marches avec son mari près de Satigny où elle ne craignait pas de croiser du monde.

f. Peu après cet entretien, l’OAI a contacté l’employeur. Selon les déclarations de ce dernier, l’assurée avait voyagé en Turquie durant l’été 2020. Il a également déclaré que l’intéressée n’avait pas pris correctement contact avec lui pendant son absence maladie, et qu’il comptait mettre fin à son contrat de travail notamment pour ce motif.

g. Les docteurs E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, ont rendu le 3 mars 2021 un rapport d’expertise bidisciplinaire du 15 janvier 2021 destiné à l’assurance perte de gain collective de l’employeur. Ils ont retenu que l’assurée souffrait d’un trouble phobique spécifique de la contamination (code F40.2 CIM-10), de douleurs musculo-squelettiques sans substrat anatomique au niveau des membres supérieurs et du rachis thoracique, et de cervicarthrose et arthrose lombaire sans conflit médullaire ou radiculaire et sans instabilité. Les experts écartaient en revanche les diagnostics d’épisode dépressif et d’agoraphobie. La capacité de travail de l’intéressée était nulle dans toute activité en raison de son trouble phobique dont le pronostic était incertain. Ce trouble engendrait en effet un repli social lié à la peur de la contamination, des difficultés dans les déplacements, une hypersensibilité au stress, une diminution de la capacité d’adaptation et des difficultés dans la gestion des émotions avec crises d’angoisse régulières. L’incapacité de travail durerait encore trois mois à tout le moins, mais une capacité de travail de 50% dès avril 2021 et de 100% d’ici à la mi-juin 2021 pourrait être atteinte en cas de prise en charge adaptée, à savoir une modification de la médication et le suivi d’une psychothérapie cognitive et comportementale.

h. Dans un second rapport du 12 mai 2021, la Dresse C______ a précisé qu’elle retenait désormais un diagnostic de trouble schizo-affectif de type dépressif (code F25.1 CIM-10). L’assurée était toujours totalement incapable de travailler car elle ne pouvait pas sortir de chez elle à cause de son anxiété.

i. Dans un avis du 23 juin 2021, le docteur G______, médecin praticien travaillant pour le Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a relevé que les recommandations des Drs E______ et F______ concernant l’intensification du traitement et de la prise en charge n’avaient jusqu’alors pas été suivies et qu’il existait des discordances entre les différentes opinions médicales présentes au dossier. Il préconisait donc la réalisation d’une expertise psychiatrique indépendante.

j. Le docteur H______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, assistée de Madame I______, psychologue FSP, a rendu un rapport d’expertise daté du 15 octobre 2021. Il a retenu que l’assurée souffrait d’un trouble anxieux et dépressif mixte (code F41.2 CIM-10) et d’un syndrome douloureux somatoforme persistant (code F45.4 CIM-10) ou, alternativement s’agissant de cette seconde maladie, d’un trouble organique non identifié avec facteurs psychologiques et comportementaux associés à des maladies ou des troubles classés ailleurs (code F54 CIM-10). Il relevait également une accentuation de certains traits de la personnalité chez l’assurée (personnalité émotionnellement labile, anxieuse et anankastique) (code Z73.1 CIM-10). Examiné à l’aune de la jurisprudence fédérale sur la perte de gain en lien avec les atteintes psychiques à la santé, aucun des deux troubles psychiatriques retenus n’avait d’influence sur la capacité de travail de l’assurée qui était donc entière dans toute activité. L’intéressée présentait quelques limitations fonctionnelles, à savoir une intolérance au stress et un isolement social partiel, en cohérence avec ses troubles à la santé, mais ces limitations n’étaient pas significatives. Le Dr H______ recommandait enfin de mettre fin à la prise d’antidépresseurs.

k. Dans un avis du 25 octobre 2021, le Dr G______ a recommandé de suivre l’expertise du Dr H______.

C. a. Par projet de décision daté du 26 octobre 2021, l’OAI a informé l’assurée qu’il comptait rejeter sa demande de prestations faute d’atteinte à la santé invalidante.

b. L’assurée s’est déterminée sur ce projet par courrier du 1er décembre 2021 en requérant soit la constatation de son incapacité de travail totale, soit la mise en place d’une nouvelle expertise.

c. Par décision du 14 décembre 2021, l’OAI a rejeté la demande de mesures professionnelles et/ou de rente d’invalidité de l’assurée en maintenant sa position exprimée dans son projet de décision.

D. a. Par acte du 24 janvier 2022, l’assurée a recouru contre la décision susmentionnée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant principalement à l’octroi d’une rente d’invalidité entière et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OAI pour instruction complémentaire, cela sous suite de frais et dépens. Elle a en outre requis la mise en œuvre d’une expertise judiciaire psychiatrique.

b. L’intimé a répondu le 22 février 2022, en concluant au rejet du recours.

c. Par courrier du 8 mars 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions. Ces observations ont été transmises à l’intimé.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Selon l’art. 69 al. 1 let. a LAI, les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du domicile de l’office concerné.

La décision contestée ayant été prise par l’OAI, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.             Interjeté dans les formes prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]) et dans le délai de recours de trente jours, suspendu du 18 décembre 2021 au 2 janvier 2022 inclus (art. 60 et 38 al. 4 let. c LPGA), le recours est recevable.

3.             L’objet de la présente procédure est le droit à une rente d’invalidité.

3.1 Selon la recourante, l’expertise du Dr H______ doit être écartée pour plusieurs motifs. D’une part, l’expert a fondé son appréciation sur un court entretien de trente minutes, alors même qu’il a déclaré s’être entretenu pendant six heures avec elle. D’autre part, le Dr H______ a omis des faits essentiels, comme la peur extrême du Covid-19 de l’intéressée qui l’empêche de sortir de chez elle, même pour consulter ses médecins, et engendre une manie extrême de nettoyage et de désinfection de son lieu de vie. Il convient donc d’écarter l’expertise du prénommé et de se fonder sur les rapports des psychiatres C______ et F______, qui retiennent tous deux une incapacité de travail totale de l’intéressée.

3.2 Selon l’intimé, l’expertise du Dr H______ est claire et motivée. Elle détaille en particulier pourquoi les troubles psychiques retenus sont considérés comme n’ayant pas d’effet sur la capacité de travail de la recourante à l’aune des critères de la jurisprudence fédérale. Elle explique en outre pourquoi il convient de s’écarter des rapports des médecins psychiatres s’étant précédemment prononcés sur le cas de l’intéressée. Enfin, la durée de l’entretien entre un expertisé et un psychiatre ne constitue pas à elle seule un critère pertinent pour juger de la force probante d’une expertise. Il en résulte que cette expertise doit prévaloir sur les avis médicaux divergents présents au dossier de la procédure.

4.             À titre préalable, il faut noter que la recourante a requis son audition, ainsi que celle de témoins.

4.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 141 I 60 consid. 3.3 ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 147 IV 534 consid. 2.5.1 ; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2 ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), étant rappelé que l’art. 29 al. 2 Cst. ne fonde pas de droit à être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; ATF 134 I 140 consid. 5.3).

4.2 En l’espèce, la recourante a eu l’occasion de se déterminer à plusieurs reprises au cours de la procédure, ainsi que de produire les pièces qu’elle jugeait utiles. Si elle a offert une preuve « par témoins », elle n’a pas indiqué précisément qui elle souhaitait entendre, ce qui empêche la chambre de céans de juger de la pertinence d’une telle audition. Quoi qu’il en soit, le cœur du litige est constitué par l’existence d’avis médicaux divergents présents au dossier de la procédure.
Celui-ci apparait ainsi suffisamment complet pour statuer sur le fond.

En conséquence, il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction de la recourante par appréciation anticipée des preuves.

5.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 148 V 21 consid. 5.3 ;
ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; ATF 144 V 210 consid. 4.3.1).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

6.             En vertu de l’art. 28 LAI, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a); il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b); au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (let. c) (al. 1). L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins (al. 2).

Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles
(al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

7.             Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA.

7.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un psychiatre et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM ou le DSM-IV (ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 6.3).

Le fait qu’une personne souffre d’un trouble à la santé de nature psychique ne signifie cependant pas qu’elle soit totalement incapable de travailler dans tous les domaines ; son incapacité de gain doit donc être examinée concrètement, comme pour les autres troubles à la santé (ATF 143 V 409 consid. 4.2.1 ; ATF 142 V 106 consid. 4.3). Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (procédure d’évaluation structurée normative) (ATF 141 V 281 consid. 7.1 et 7.2). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 4.3 et 4.4 ; voir également : ATF 145 V 215 consid. 5.3.3).

7.2 Si un expert retient l’existence d’un ou plusieurs troubles médicaux de nature psychiatrique, il doit ainsi procéder à une évaluation de la capacité de travail du recourant en application de la procédure structurée normative. En principe, seul un trouble psychique grave est susceptible d’entrainer une incapacité de gain ; le cas échéant, il reviendra donc à l’expert de motiver de manière détaillée en quoi il existe des éléments qui permettent de conclure à une incapacité de travail de l’assuré en présence d’un trouble psychique de gravité moyenne ou légère (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 ; ATF 143 V 40 consid. 4.5.2). Les indicateurs de la procédure structurée normative sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence.

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour ce diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 : arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3).

3. Comorbidités

Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Toute atteinte psychique à la santé différente de celle faisant l’objet de la procédure d’évaluation structurée de la capacité de travail et ayant un impact sur les ressources/capacités de l’assuré doit être prise en compte, y compris lorsqu’elle n’est pas invalidante en tant que telle (ATF 143 V 418 consid. 4.3.1.3 [réformant sur ce point l’ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3]).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social ; il faut cependant toujours veiller ne pas indemniser par ce biais une situation sans lien avec l'impact de l'atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). À l’inverse, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

 

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêts du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3 ; 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés par l’assuré, permet d’évaluer le poids effectif de ses souffrances (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

7.3 Il faut partir du principe qu’un assuré même partiellement incapable de travailler et souffrant de limitations fonctionnelles peut trouver un emploi sur le marché du travail équilibré au sens de l’art. 7 al. 1 LPGA ; ce n’est qu’exceptionnellement qu’il convient de retenir que celui-ci ne connait pratiquement aucune place pour une personne totalement ou partiellement capable de travailler avec des limitations fonctionnelles, ou uniquement à des conditions irréalistes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_366/2021 du 3 janvier 2022 consid. 4.2 ; 8C_369/2021 du 28 octobre 2021 consid. 6.1 ; 8C_143/2019 du 21 août 2019 consid. 5.2). Le concept de "marché" du travail équilibré qui sert de référence pour le calcul du salaire hypothétique d'invalide est une notion abstraite établie par le législateur fédéral selon lequel un type emploi est toujours disponible sur le marché du travail, indépendamment de l'état du marché du travail réel
(ATF 148 V 174 consid. 9.1).

8.             Pour évaluer un droit à une prestation sociale dépendant de l’état médical d’un assuré, il faut pouvoir se fonder sur des opinions médicales probantes
(ATF 134 V 231 consid. 5.1).

8.1 Il n’existe pas de règles systématiques absolues en matière d’appréciation de rapport médicaux, le principe général restant l’appréciation libre de ceux-ci par le juge (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). Ainsi, la force probante d’un rapport d’expertise dépend en premier lieu sur le contenu de celui-ci, à savoir s’il est complet (au regard du /des trouble(s) médical/aux potentiel(s) de l’assuré), s'il se base sur l'anamnèse, les « plaintes » de l'assuré et tous les autres éléments factuels disponibles, s'il est clair dans son appréciation de la situation médicale et si le ou les résultat(s) auquel il parvient est/sont motivé(s) (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2).

8.2 Selon la jurisprudence fédérale, il est possible de distinguer trois types d’expertises médicales : les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité judiciaire sur la base de l’art. 61 let. c LPGA et du droit cantonal (expertise judiciaire), les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité sociale sur la base de l’art. 44 LPGA (expertise administrative) et les rapports médicaux requis par une assurance sociale auprès de médecins qui lui sont subordonnés, ou réalisés par un médecin sur demande de l’assuré (« expertise » de partie).

S’il est évident que la force probante d’une expertise judiciaire est complète (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa), le juge doit également accorder pleine valeur probante aux expertises administratives pour autant que celles-ci ne contiennent pas de contradiction et qu'aucun autre élément fondé ne remette en cause leur pertinence (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et 2.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2). En revanche, une expertise commandée par une partie ou réalisée par un médecin interne à une assurance dispose certes d’une certaine force probante, mais celle-ci est clairement inférieure à celle réalisée par un médecin indépendant
(ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et 3b/ee), en ce sens qu’un tel rapport médical peut avant tout permettre de remettre en doute une expertise administrative ou judiciaire (ATF 125 V 351 consid. 3c). Lorsqu'une décision administrative sociale ne s'appuie que sur l'avis d'un médecin interne à l'assureur social et qu'il existe des doutes, même minimes, sur la pertinence de l'appréciation de ce médecin, il y a lieu de procéder à une instruction complémentaire, soit de ne pas se contenter de se reposer sur cette opinion interne à l’assurance (ATF 145 V 97 consid. 8.5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_526/2021 du 3 octobre 2022 consid. 2.2 ; 8C_23/2022, 8C_51/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.2.2).

8.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre selon la procédure d’évaluation structurée normative est en principe soumise à un contrôle libre des organes chargés de l'application du droit ; celles-ci doivent vérifier si l'expert a respecté les exigences posées par ladite procédure d'évaluation normative structurée, soit notamment si l'expert a explicité comment son diagnostic médical psychiatrique impacte les capacités fonctionnelles de l'assuré à l'aune de ressources personnelles et socio-familiales dont celui-ci dispose, et s’il a réalisé un contrôle de la plausibilité et de la cohérence (ATF 148 V 49 consid. 6.2.1 ; ATF 145 V 361, consid. 4.3). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise a évalué la capacité de travail dans le respect de la procédure normative structurée et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves, les conclusions de ce rapport quant à la capacité de travail, respectivement de gain, doivent être suivies ; une appréciation juridique parallèle fondée sur la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (ATF 148 V 49 consid. 6.2.1 ; ATF 145 V 361 consid. 4.3).

8.4 Une expertise psychiatrique implique en principe un examen personnel de l'assuré par l’expert ; une expertise sur dossier n’est admissible qu'à titre exceptionnel, soit lorsque l'intéressé a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs expertises, lesquelles doivent de surcroît être récentes, et qu'aucune modification essentielle (identité du tableau clinique) n'est intervenue depuis, ou lorsque la personne à examiner n'est que difficilement atteignable ou refuse de se soumettre à l'examen (ATF 127 I 54 consid. 2f ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1307/2018 du 17 septembre 2019 consid. 1.3.1 ; 6B_584/2012 du 10 mai 2013 consid. 2.4 ; 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 ; 8C_476/2011 du 5 décembre 2011 consid. 7.1). En revanche, la durée de l’entretien personnel qui est nécessaire pour réaliser une appréciation médicale relève en premier lieu de l’appréciation de l’expert psychiatre (arrêt du Tribunal fédéral 6B_760/2015 du 8 octobre 2015 consid. 1.3). À cet égard, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a retenu que la durée de l'entretien entre l'expert et l'assuré n'est pas un critère ayant une influence déterminante sur la qualité et la valeur probante d'un rapport d'expertise ; celles-ci ne sauraient en effet être proportionnelles au temps consacré, dès lors que le travail de l'expert ne s'arrête pas au stade de l'entretien, mais qu'il consiste également et avant tout en l'analyse des propos recueillis et du comportement observé (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 719/06 du 4 juillet 2007 consid. 2.2 ; I 695/04 du 24 janvier 2006 consid. 4.1).

9.             En l’occurrence, l’intimé a nié le droit de la recourante à des prestations sur la base de l’expertise indépendante confiée au psychiatre H______ qui a abouti à la conclusion que sa capacité de travail était totale, y compris dans son ancienne activité de cheffe de rayon. Il convient donc d’examiner la question de la force probante de cette expertise, et en particulier la pertinence des griefs formels et matériels portés par l’intéressée à son encontre.

9.1 En l’espèce, Le Dr H______ a retenu que la recourante souffrait d’un trouble anxieux et dépressif mixte (code F41.2 CIM-10) et d’un syndrome douloureux somatoforme persistant (code F45.4 CIM-10) ou, alternativement, d’un trouble organique non identifié avec facteurs psychologiques et comportementaux associés à des maladies ou des troubles classés ailleurs
(code F54 CIM-10). Selon l’expert, aucun de ces troubles n’avait cependant d’effet sur sa capacité de travail.

S’agissant en premier lieu des diagnostics retenus, l’expert a écarté de manière convaincante un trouble psychotique dès lors qu’il n’a décelé aucun symptôme d’un tel trouble passé ou présent, et en particulier aucune perte de contact avec la réalité. L’expert a ensuite clairement expliqué pourquoi les critères diagnostics d’un trouble dépressif ou d’une dysthymie n’étaient pas remplis. La tristesse éprouvée par la recourante n’était en particulier pas présente durant la plupart de la journée et elle avait conservé plusieurs activités qui lui apportent du plaisir en famille ou individuellement. De plus, il n’a pas été constaté de ralentissement psychomoteur ou intellectuel ni de troubles systématiques du sommeil. L’expert a toutefois noté la présence d’une estime de soi abaissée et fluctuante. S’agissant des troubles anxieux, l’expert a mentionné que l’assurée présentait des angoisses depuis mars 2020, mais qu’elle n’était pas en permanence occupée par des problèmes sans importance, ni sujette à des attaques de panique. Il a donc écarté une anxiété généralisée pour retenir un trouble mixte dépressif et anxieux (code F41.2 CIM-10), trouble à mettre en parallèle avec la personnalité anxieuse, émotionnellement labile et anankastique de la recourante, sans que soit établie l’existence d’un trouble psychiatrique de la personnalité. Au vu des plaintes douloureuses de l’intéressée qui, dans la mesure des connaissances médicales de l’expert, n’étaient pas fondées sur un substrat organique, celui-ci a également conclu à l’existence probable d’un trouble somatoforme persistant
(code F45.4 CIM-10). L’expert a écarté l’existence d’un trouble phobique spécifique au Covid-19 dès lors que la peur de cette maladie se rapportait essentiellement à son activité professionnelle, ce qui n’était pas sans fondement vu le risque réel d’y attraper cette maladie, mais que l’assurée sortait quotidiennement marcher une heure, se rendait régulièrement en France voisine voir une cousine et avait voyagé à l’étranger, bravant à cette occasion les recommandations de l’Office fédéral de la santé. Ces développements apparaissent clairs ainsi que cohérents avec les constats de l’anamnèse, ses observations et examens et le contenu de ses entretiens avec la recourante. La critique de la recourante à l’égard de la véracité des informations retenues par l’expert, n’est pas développée et ne peut donc être retenue. Celui-ci a ensuite retenu de manière convaincante que le trouble anxieux et dépressif est une maladie de faible gravité qui n’entraine en l’espèce pas de limitations fonctionnelles significatives (une faible résistance au stress et une tendance à s’angoisser rapidement, outre une fatigue et un trouble de la concentration subjectifs). En effet, une telle atteinte à la santé ne peut, selon la CIM-10, être retenue que lorsqu’il n’existe pas de trouble dépressif ou anxieux avec une intensité suffisante pour justifier un diagnostic séparé. De même, le Dr H______ a clairement retenu que le trouble somatoforme persistant dont souffrait la recourante fondait avant tout des limitations fonctionnelles subjectives (tristesse fluctuante sans répercussion sur le quotidien, difficultés de concentration et fatigues subjectives), qui étaient peu significatives.

Le Dr H______ a ensuite procédé à une analyse de l’impact du trouble mixte dépressif et anxieux retenu sur la capacité de gain de la recourante en suivant le cadre de la procédure d’évaluation structurée. Cette analyse est claire. L’expert part du constat que le trouble psychiatrique de l’intéressée n’engendre que des limitations fonctionnelles peu significatives, en cohérence avec la faible gravité du diagnostic, puis relève que ce trouble n’a pas empêché la recourante de travailler de manière satisfaisante de 2008 à 2020, ni de mener une vie familiale stable et d’entretenir des relations sociales, même si celles-ci ont été réduites depuis la survenance de la pandémie de Covid-19. Les plaintes de l’intéressée étaient en outre cohérentes avec sa personnalité anxieuse, labile et anankastique. Celle-ci constituait d’ailleurs une limitation à prendre en compte dans le cadre de l’évaluation de ses ressources personnelles, mais elle n’était en soi pas incapacitante. La cohérence était moins évidente s’agissant du comportement de la recourante dans les actes de la vie courante et les restrictions fonctionnelles dont elle faisait subjectivement état ; les limitations fonctionnelles alléguées n’étaient pas uniformes dans tous les domaines d’activité. L’expert a toutefois estimé que l’intéressée était authentique mais que sa demande de prestations de
l’assurance-invalidité devait être comprise à l’aune à sa peur de retourner travailler, et d’attraper de ce fait le Covid-19, et de sa crainte de ne pas retrouver un emploi adapté à ses douleurs après une longue pause professionnelle. Au vu de cette motivation, la conclusion du Dr H______ selon laquelle les troubles psychiatriques de la recourante ne sont pas incapacitants apparait claire et convaincante.

9.2  

9.2.1 La recourante se prévaut en premier lieu de la brièveté de l’entretien personnel du Dr H______, qui devrait selon elle mener à nier toute force probante à son expertise.

Force est cependant de rappeler que la durée de l’entretien entre un expert et un assuré n’est pas un critère reconnu par la jurisprudence pour avoir une influence déterminante sur la qualité et la valeur probante d’un rapport d’expertise. S’ajoute à cela que, dans le cas d’espèce, le rapport d’expertise du 15 octobre 2021 du Dr H______ mentionne deux entretiens d’une durée de trois heures chacun. Si la recourante, assistée d’un avocat, désirait démontrer que cette information était inexacte, il lui incombait de proposer des offres de preuve suffisamment détaillées en ce sens. Une simple critique appellatoire quant aux modalités d’une expertise indépendante ne suffit pas.

9.2.2 La recourante fait ensuite valoir que l’analyse du Dr H______ est contredite par les rapports de sa psychiatre traitante des 8 septembre 2020 et 12 mai 2021 et par le rapport des Drs E______ et F______ du 15 janvier 2021.

S’agissant de l’analyse de la Dresse C______, elle n’apparait pas cohérente avec les faits relevés tant par le Dr H______ que par les Drs E______ et F______, ainsi qu’avec certains faits admis par la recourante. La Dresse C______ n’a en particulier pas expliqué comment elle pouvait retenir un diagnostic d’agoraphobie tout en sachant que l’intéressée avait voyagé en Turquie à l’été 2020 (cf. pièce 20, p. 96 intimé). Ce voyage, indépendamment de ses motifs (visite à un parent gravement malade), n’a d’ailleurs initialement pas été mentionné par la recourante dans ses communications avec l’intimé, mais a été découvert par hasard par celui-ci lors d’une conversation avec son ancien employeur, ce qui est de nature à affecter la crédibilité des déclarations de l’intéressée s’agissant de l’intensité de sa phobie envers l’extérieur en lien avec le Covid-19. La Dresse C______ a en outre retenu un trouble schizo-affectif, lequel implique la présence de symptômes dominants de la schizophrénie (cf. définition du trouble schizoaffectif de la 11ème édition de la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes de 2022 [ci-après : CIM-11]), alors même qu’elle n’a fait mention de la présence d’aucun symptôme typique d’un trouble psychotique (par exemple des idées délirantes, des hallucinations, une désorganisation de la forme de la pensée, ou encore une expérience d’influence, de passivité et de contrôle). S’agissant par ailleurs de l’impossibilité de la recourante de sortir de chez elle retenue par la Dresse C______, elle entre en contradiction avec les déclarations de celle-ci au Dr H______ et avec son voyage en Turquie à l’été 2020. Une explication à cet égard aurait donc à tout le moins été nécessaire. Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’analyse de la Dresse C______ apparait donc moins convaincante que celle du Dr H______, outre le fait qu’elle est antérieure à cette dernière et qu’elle provient de la psychiatre traitante de l’intéressée.

Quant à l’appréciation du Dr F______, elle a rejeté les diagnostics de troubles dépressifs, d’anxiété généralisée et d’agoraphobie pour des motifs analogues à ceux du Dr H______, et notamment le fait que la recourante pouvait sortir seule et se rendre à pied à ses rendez-vous médicaux. Cette explication apparait convaincante. Contrairement au Dr H______, le Dr F______ était cependant d’avis que l’intéressée souffrait d’une phobie spécifique de la contamination au Covid-19 (code F40.2 CIM-10), laquelle engendrait un repli social et des difficultés de déplacement. Cette analyse est motivée, bien que sommairement, et est cohérente avec les constatations réalisées par le Dr F______. Reste à examiner si le raisonnement relatif à la capacité de travail de l’intéressée du Dr F______ est de nature à remettre en doute celui de l’expert H______.

Dans son rapport d’expertise, le Dr H______ a retenu que la capacité de travail de la recourante était complète dans toute activité depuis le mois de mars 2020. Les Drs E______ et F______ ont en revanche conclu à une incapacité totale de travail de l’intéressée dans toute activité en raison des limitations fonctionnelles liées à son trouble phobique. Cette incapacité de travail totale n’a toutefois pas fait l’objet d’une analyse selon la grille d’évaluation structurée. Or, si on peut comprendre le raisonnement qui consiste à lier l’incapacité de travail de l’intéressée dans son ancienne activité de cheffe de rayon d’un supermarché avec le trouble de phobie du Covid-19 retenu par ces médecins, la conclusion selon laquelle celle-ci serait de ce fait incapable de travailler dans toute activité, qui n’est pas motivée de manière détaillée, est difficilement compréhensible. Dans un récent arrêt, le Tribunal fédéral a en effet retenu que le marché équilibré du travail englobait notamment dans le secteur commercial divers postes non liés à un lieu de travail précis, et qui permettent ainsi de travailler principalement à domicile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_573/2021 du 17 octobre 2022 consid. 5.3). La conclusion du rapport des Drs E______ et F______ selon laquelle la recourante était en incapacité de travail totale y compris dans une activité adaptée au 15 janvier 2021 n’apparait ainsi ni suffisamment motivée, ni entièrement convaincante.

9.2.3 Au vu de ce qui précède, il faut donner la préférence à l’analyse cohérente de la capacité de travail de l’expert H______ sur les opinions médicales contraires. La chambre de céans considère donc pour établi que la capacité de travail de la recourante était entière dans son ancienne activité, ou dans une activité adaptée, dès le mois de mars 2020.

On notera encore que s’agissant du trouble orthopédique de la recourante, il n’est pas contesté que celui-ci entraine potentiellement une incapacité à porter des charges très lourdes, mais que cela n’a pas d’impact sur sa capacité de travail, comme retenu par la Dresse D______ le 16 septembre 2020 et le Dr E______ le 15 janvier 2021. Cette limitation fonctionnelle issue d’une comorbidité a par ailleurs été prise en compte par le Dr H______ dans le cadre de son évaluation structurée normative.

10.         En conclusion, c’est à juste titre qu’en l’absence de toute incapacité de travail attestée par l’expert indépendant, l’intimé a considéré que les conditions de l’art. 28 LAI n’étaient pas remplies et nié le droit de la recourante à une rente.

Le recours doit donc être rejeté et la décision de l’intimé du 14 décembre 2021 confirmée.

11.         La procédure de recours en matière de contestation portant sur l’octroi ou le refus de prestations de l’assurance-invalidité étant soumise à des frais de justice, un émolument de CHF 200.- est mis à charge de la recourante (art. 69 al. 1bis LAI).

Dès lors qu’elle succombe, celle-ci n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de Madame A______.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le