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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1261/2022

ATAS/1002/2022 du 11.11.2022 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

 

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1261/2022 ATAS/1002/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 novembre 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o Madame B______, avenue F______, GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), ressortissante suisse et brésilienne, née le 10 juin 1963, a deux filles : Mesdames C______, née le ______ 1995, et D______, née le ______ 1998. Mme C______ a une fille, E______, née le ______ 2017.

b. L’assurée est veuve depuis le 8 janvier 2010.

c. Selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (OCPM), elle réside à l’avenue F______, à Genève, depuis le 1er septembre 2021 chez Madame B______. Du 14 novembre 2020 au 1er septembre 2021, elle résidait chez sa fille, Mme C______, au chemin G______, à Chêne-Bougeries. Du 4 août 2012 au 14 novembre 2020, l’assurée résidait au Brésil.

B. a. Le 30 mars 2021, l’assurée a sollicité des prestations complémentaires à sa rente de veuve auprès du service des prestations complémentaires
(ci-après : SPC). Dans un courrier d’accompagnement, elle a indiqué qu’elle habitait officiellement chez sa fille, au chemin G______ à
Chêne-Bougeries, mais ne participait à aucun frais « pour l’instant ». Elle percevait une rente de veuve de CHF 1'430.-.

À l’appui de sa demande, l’assurée a notamment produit un contrat de bail à loyer pour un appartement de quatre pièces au chemin G, d’où il ressort que les locataires étaient Mme C______ et Monsieur H______ et que le loyer mensuel s’élevait à CHF 2'015.-, ainsi qu’un certificat de domicile pour Confédérés attestant d’une date d’arrivée à Genève le 14 novembre 2020.

b. Par décision du 7 octobre 2021, le SPC a refusé la demande de prestations complémentaires cantonales au motif qu’elle ne résidait pas depuis cinq ans sur le territoire suisse. Quant aux prestations complémentaires fédérales, elles s’élevaient à CHF 0.- selon le plan de calcul annexé à la décision. Dans les dépenses reconnues, le SPC avait tenu compte des besoins vitaux (CHF 19'610.-) et de l’assurance obligatoire des soins (CHF 6'140.40).

c. Le 4 novembre 2021, l’assurée a formé opposition à cette décision. Elle reprochait au SPC de n’avoir retenu aucun montant à titre de loyer alors qu’elle était domiciliée chez sa fille à l’avenue F______, 1205 Genève.

d. Le 24 novembre 2021, l’assurée a transmis des quittances de loyer de CHF 1'650.- pour les mois de septembre, octobre et novembre 2021, ainsi qu’un courrier de Mme B______ du 11 septembre 2021 attestant de ce que Mme C______ résidait à l’avenue F_____, 1205 Genève, depuis le 1er septembre 2021 et que le loyer s’élevait à CH 1'650.-. L’assurée a indiqué que la sous-bailleresse, Mme B______, refusait d’établir un contrat de sous-location.

e. Par décision sur opposition du 24 mars 2022, le SPC a maintenu sa décision. L’assurée n’avait transmis aucun justificatif propre à démontrer ses éventuelles dépenses de loyer. Les documents joints à sa correspondance du 24 novembre 2021 permettaient au mieux d’établir au degré de la vraisemblance prépondérante que Mme C______ s’acquittait du loyer de l’appartement situé au a avenue F______ depuis le 1er septembre 2021. Quant aux pièces produites en lien avec l’appartement, sis au chemin G______, elles concernaient uniquement Mme C______, étant précisé que le récépissé du bulletin de versement relatif au paiement du loyer portait exclusivement son nom.

C. a. Par acte du 22 avril 2022, l’assurée a formé recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision. Depuis son retour en Suisse en 2020 elle résidait avec sa fille C______ et sa petite-fille E______. Elle participait aux frais de loyer en mains propres à hauteur de CHF 600.-.

À l’appui de son écriture, elle a produit trois quittances de loyer de CHF 1'650.- chacune pour les mois de février, mars et avril 2022.

b. Par réponse du 16 mai 2022, le SPC a conclu au rejet du recours.

c.    L’assurée ne s’est pas déterminée dans le délai imparti à cet effet.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les formes et les délais légaux, le recours est recevable
(art. 56 al. 1 et 60 LPGA ; art. 43 LPCC).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations complémentaires.

3.             Selon l’art. 2 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (al. 1). Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la loi et fixer les conditions d’octroi de ces prestations (al. 2).

3.1 S’agissant des prestations complémentaires fédérales, l’art. 4 al. 1 let. abis LPC prévoit que les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles ont droit à une rente de veuve ou de veuf de l’AVS tant qu’elles n’ont pas atteint l’âge de la retraite au sens de l’art. 21 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS)10 ou ont droit à une rente d’orphelin de l’AVS.

Conformément à l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps, même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée.

Pour les prestations complémentaires fédérales, il n’y a de délai de carence
(c’est-à-dire d’attente avant que soit ouvert le droit aux prestations) que pour les étrangers – délai de dix ans (art. 5 LPC) – et pour les réfugiés et les apatrides – délai de cinq ans (art. 5 al. 2 LPC) –, sauf pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (ci-après : UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE), traités à l’égal des ressortissants suisses, pour lesquels le droit aux prestations complémentaires fédérales est immédiat dès l’instant qu’ils ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et que les autres conditions légales sont remplies (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015,
n. 1 ss ad art. 15).

3.2 Un délai de carence est en revanche prévu pour les prestations complémentaires cantonales. Pour les ressortissants suisses et les ressortissants d’un État membre de l’UE ou de l’AELE, il est de cinq ans durant les sept années précédant le dépôt de la demande de prestations (art. 2 al. 2 LPCC), et de dix ans pour les autres étrangers (art. 5 al. 3 LPCC). Alors que pour ces derniers, l’exigence de domicile et de résidence effective doit avoir été réalisée sur le territoire du canton de Genève durant l’entier de ces dix ans (art. 5 al. 3 LPCC), elle peut, pour les ressortissants de Suisse ou d’un État membre de l’UE ou de l’AELE, l’avoir été, pour toute sa durée (cinq ans durant les sept années précédant le dépôt de la demande), sur le territoire tant d’un autre canton suisse que sur celui d’un État membre de l’UE ou de l’AELE, et donc non obligatoirement sur le territoire genevois.

3.3 En l’occurrence, il n’est pas contesté qu’après avoir quitté la Suisse pour le Brésil le 4 août 2012, la recourante est revenue s’installer à Genève avec sa fille le 14 novembre 2020. Il ressort par ailleurs du dossier que la recourante a sollicité des prestations complémentaires le 30 mars 2021. Il suit de là qu’elle ne remplit pas le délai de carence de cinq ans (durant les sept années précédant le dépôt de la demande de prestations) prévu par les prestations complémentaires cantonales pour les ressortissants suisses. C’est partant à juste titre que l’intimé a refusé le droit aux prestations complémentaires cantonales. Reste à examiner si elle peut prétendre à des prestations complémentaires fédérales.

4.              

4.1 Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L'art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

4.2 Selon l'art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment : deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l’exercice d’une activité lucrative, pour autant qu’elles excèdent annuellement CHF 1000.- pour les personnes seules (let. a) ; un quinzième de la fortune nette dans la mesure où elle dépasse CHF 60'000.- pour les couples et CHF 15'000.- pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfants de l'AVS ou de l'AI (let. c) ; les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d).

Quant aux dépenses, elles comprennent notamment, selon l'art. 10 al. 1 LPC, les montants destinés à la couverture des besoins vitaux [en 2021 :
CHF 19'610.- pour les personnes seules] (let. a) et le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs pour un montant maximal de CHF 14'520.-, de CHF 15'900.- ou de CHF 16'440.- en fonction de la région (let. b ch. 1). Si plusieurs personnes vivent dans le même ménage, un supplément de CHF 3'000.- s’ajoute pour la deuxième personne dans chacune des trois régions (let. b ch. 2).

4.3 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). En particulier, dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2; VSI 1994 p. 227 consid. 4b). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie
(cf. ATF 117 V 261 consid. 3b; ATF 108 V 229 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).

4.4 Dans la décision entreprise, l’intimé a tenu compte, à titre de dépenses reconnues, de besoins vitaux à hauteur de CHF 19'610.- et d’un montant de CHF 6'140.40 à titre d’assurance obligatoire des soins. Le revenu déterminant est quant à lui composé d’une rente AVS de CHF 17'172.-, d’un revenu hypothétique de CHF 10'458.40, et de produits de biens immobiliers à hauteur de CHF 379.70.

Devant la chambre de céans, la recourante conteste uniquement l’absence de prise en compte, dans les dépenses reconnues, de sa participation au loyer de l’appartement qu’elle occupe avec sa fille et sa petite-fille. Elle admet qu’elle ne dispose pas de contrat de bail depuis 2020, mais indique qu’elle participe aux frais de loyer de sa fille à hauteur de CHF 600.- par mois.

Ces éléments ne sont toutefois nullement corroborés au dossier. Il n’est en effet pas possible de retenir, sur la base de seules quittances de loyer produites par la recourante, que celle-ci participe au paiement du loyer. Ainsi que l’a relevé l’intimé, ces quittances permettent tout au plus de démontrer que Mme C______ s’est acquittée des loyers pour les mois de septembre à novembre 2021 et de mars à avril 2022. Sur l’ensemble des quittances, il est en effet indiqué que celles-ci ont été reçues par Mme B______ (cf. signature en bas des quittances) de la part de « C______ ». Certes, les quittances de février à avril 2022 indiquent, sous la rubrique « pour acquit », le nom de « A______ ». Il n’est toutefois pas possible de comprendre les raisons de cette mention, étant précisé que la signature apposée à côté correspond a priori à celle de Mme B______ et que les quittances mentionnent expressément qu’elles ont été reçues de la part de « C______ ». À cela s’ajoute que les quittances portent sur un montant de CHF 1'650.-, ce qui correspond à l’intégralité du loyer, alors que la recourante affirme ne participer qu’à hauteur de CHF 600.- par mois. On relèvera également que la recourante avait expressément indiqué, dans sa lettre d’accompagnement à sa demande de prestations, qu’elle ne « participait à aucun frais chez [s]a fille pour l’instant ». Il convient donc de retenir, sur la base de l’ensemble de ces éléments, qu’il n’a pas été démontré, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante participe au loyer de sa fille.

Pour le reste, la recourante ne remet pas en cause les éléments retenus par l’intimé dans le calcul des prestations complémentaire. Sa décision, non critiquable, sera partant confirmée

5.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contraio).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le