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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/592/2020

ATAS/977/2022 du 09.11.2022 ( LAA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 21.12.2022, rendu le 06.07.2023, REJETE, 8C_741/2022, 278.826/463
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/592/2020 ATAS/977/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 novembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Madame B______, chemin ______, THÔNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Éric MAUGUÉ

 

 

recourant

 

contre

AXA ASSURANCES SA, sise General Guissan Strasse 40, WINTERTHUR, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Patrick MOSER

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1962, a été employé en qualité d’instructeur de fitness au sein de la société C______ (ci-après : l’employeur) dès le 1er juillet 2018. À ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès d’Axa assurances SA (ci-après : l’assurance ou l’intimée).

b. Le 13 juillet 2018, l’assuré a chuté dans les escaliers du studio dans lequel il travaillait.

c. Il a consulté le jour-même la doctoresse D______, spécialisée en médecine générale, ainsi que le docteur E______, spécialiste FMH en radiologie.

Sur la base d’un rapport d’échographie de l’épaule gauche établi le même jour, le Dr E______ a conclu à une enthésopathie de l’insertion du supra épineux associée à une calcification tendineuse de 7 mm et une bursite sous acromio deltoïdienne expliquant vraisemblablement la symptomatologie.

d. Le 2 août 2018, l’employeur de l’assuré a adressé une déclaration de sinistre à l’assurance, indiquant que l’assuré avait de multiples lésions sur la partie gauche du corps, à la suite d’une chute dans les escaliers.

e. Selon le questionnaire complété par l’assuré le 4 septembre 2018, ce dernier a ressenti, à la suite de sa chute, des douleurs au niveau de l’épaule gauche et du genou gauche. Après l’accident, il avait eu du mal à marcher.

f. Le 19 septembre 2018, l’assuré a bénéficié d’une intervention au genou gauche.

g. En date du 12 février 2019, l’assuré a consulté le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur et spécialisé en chirurgie de l’épaule et du coude, en raison de douleurs persistantes à l’épaule gauche.

h. Un bilan RX et arthro-IRM a été pratiqué le 22 février 2019.

Dans le rapport du même jour adressé au Dr F______, le docteur G______, spécialisé en radiologie, a indiqué que le bilan précisait un foyer de déchirure interstitielle du secteur postérieur de l’insertion du tendon supra-épineux sur 4 x 2 mm, affleurant focalement à la face articulaire, bordé par une petite calcification postérieure ; une autre déchirure concernant plus largement la face articulaire des deux tiers supérieurs du tendon du subscapulaire, mesurée à 17 x 6 mm, focalement transfixiante au bord latéral de l’insertion sur 10 mm de hauteur ; et une arthrose acromio-claviculaire évolutive.

i. Par courrier du 27 février 2019, le Dr F______ a indiqué douter que l’assuré puisse reprendre une activité professionnelle avec les lésions d’allure traumatique retrouvées au niveau de son tendon sous-scapulaire. Partant, l’état de l’assuré nécessitait selon lui une arthroscopie avec ténodèse du long chef du biceps, une réinsertion du tendon sous-scapulaire et une simple évaluation de la coiffe des rotateurs supérieurs. Il ne pensait pas vraisemblablement faire de geste à ce niveau, les lésions n’étant pas d’allure traumatique et ne gênant probablement que peu l’assuré.

j. Le même jour, l’assurance a indiqué à l’Hôpital de la Tour qu’elle garantissait la prise en charge des frais induits par le traitement stationnaire prescrit à la suite de l’accident de l’intéressé sous réserve de renseignements complémentaires demandés.

k. Par courrier du 1er mars 2019, l’assuré a été convoqué par l’assurance à un examen médical par le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, prévu le 7 mai 2019.

L’assurance supposait que l’assuré était d’accord avec les principes et modalités de cette expertise. Dans le cas contraire, il lui incombait d’en faire part à l’assurance. Une copie du questionnaire envoyé à l’expert était jointe au courrier.

l. Dans un rapport du 4 mars 2019 adressé à l’assurance, le Dr F______ a posé le diagnostic provisoire de lésion du tendon sous-scapulaire et de tendinopathie calcifiante avec lésion à la jonction interstitielle du tendon sus et sous-épineux. Il constatait une diminution des amplitudes articulaires.

S’agissant du déroulement de l’accident, il a indiqué que l’assuré avait fait une chute avec choc sur l’épaule gauche le 13 juillet 2018, qui avait accentué des douleurs déjà présentes à l’épaule gauche. S’agissant des séquelles de maladies ou d’accidents, l’assuré mentionnait une déchirure du tendon sus-épineux gauche depuis deux ans.

Une arthroscopie de l’épaule gauche était prévue le lendemain.

m. L’intervention a eu lieu le 5 mars 2019.

Dans le rapport d’intervention, le Dr F______ a indiqué avoir procédé à une ténodèse du long chef du biceps et une réparation de la coiffe des rotateurs, mais pas à une résection du cm externe de la clavicule.

Il a posé les diagnostics de lésion large partielle articulaire non massive B1 au dépend du tendon sous-scapulaire et du sus-épineux gauche, et de tendinopathie et instabilité du long chef du biceps. Il n’y avait pas de signe de conflit sous-acromial.

n. Par courriel du 7 mai 2019, le Dr H______ a indiqué à l’assurance que l’assuré avait fait état, lors de l’examen, d’un événement (faux-mouvement) survenu en mai 2016 et intéressant l’épaule gauche. Il avait également appris que l’assuré avait été opéré le 4 mars 2019 par le Dr F______ et demandait à l’assurance de lui transmettre divers rapports médicaux (rapport de l’IRM de l’épaule gauche effectué en mai 2016, rapport d’arthrographie de l’épaule gauche et images de 2019, protocole opératoire de l’épaule gauche du 4 mars 2019).

o. Dans un rapport du 22 mai 2019, le Dr F______ a indiqué que l’assuré avait développé depuis quelques jours des douleurs à l’épaule. Il avait, depuis la dernière consultation, commencé à effectuer des exercices de type renforcement. Il avait par ailleurs vu un expert-conseil pour son assurance, lequel ne l’avait pas ménagé au niveau de son épaule et avait d’emblée demandé des radiographies et des IRM des deux épaules.

Cliniquement, les amplitudes articulaires étaient encore satisfaisantes. Du point de vue radiologique, il n’y avait pas de signe pour une rupture itérative et le signal noté au niveau du tendon était strictement normal au vu de la phase proliférative post-opératoire.

L’assuré devait arrêter tout travail de type renforcement et effectuer plus d’étirements.

p. Le Dr H______ a rendu son rapport d’expertise le 11 juillet 2019 et conclu que la contusion de l’épaule gauche de l’assuré avait dû cesser de déployer ses effets délétères après un délai maximal de trois mois. Au-delà, le cursus de cette épaule était régi par son état pathologique préexistant. La relation de causalité naturelle entre ledit événement et les lésions de la coiffe des rotateurs de l’épaule était hautement, voire très hautement improbable. Il en était de même pour l’arthropathie acromio-claviculaire.

q. L’assuré est resté en incapacité de travail totale, attestée par ses médecins traitants, jusqu’au 8 août 2019.

r. Par décision du 15 août 2019, l’assurance, se fondant sur le rapport du Dr H______, a mis un terme au versement de ses prestations concernant l’épaule gauche à compter du 12 octobre 2018 et concernant le genou gauche à compter du 18 mars 2019.

s. Le 22 août 2019, l’assuré, sous la plume de son conseil, a formé opposition à l’encontre de la décision précitée.

La désignation unilatérale du Dr H______ par l’assurance était intervenue en violation des principes jurisprudentiels relatifs à la mise en œuvre d’une expertise consensuelle. Sur le fond, l’appréciation du Dr H______ était fermement contestée par le Dr F______, selon lequel les lésions objectivables au genou et à l’épaule gauches étaient en lien de causalité avec l’accident.

t. Par courrier du 11 novembre 2019, l’assuré a conclu à la reprise de l’instruction du dossier et à la nomination d’un expert neutre d’entente entre les parties.

Il joignait en complément à son opposition un courrier du Dr F______ du 6 novembre 2019, lequel indiquait ne pas du tout rejoindre les conclusions du Dr H______, qui était un expert dans le domaine des assurances et non en chirurgie de l’épaule et du coude.

u. Par décision sur opposition du 15 janvier 2020, l’assurance a rejeté l’opposition de l’assuré.

Le Dr H______ avait rendu un rapport complet, étayé et convaincant. Il avait pris en considération l’anamnèse de l’assuré, les examens effectués, avait fait compléter le dossier par des examens similaires effectués avant le traumatisme, et avait comparé les différents rapports pour en tirer des conclusions convaincantes.

Par ailleurs, l’assuré avait été invité à faire valoir ses éventuels griefs contre l’expert, ce qu’il n’avait pas fait.

B. a. Par acte du 17 février 2020, l’assuré a formé recours à l’encontre de la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS), concluant principalement, sous suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause à l’intimée avec pour injonction de reprendre ab initio la procédure en désignation de l’expert dans le respect de l’exigence d’une tentative de désignation consensuelle préalable ; et subsidiairement à l’ouverture des enquêtes, à ce qu’une expertise orthopédique judiciaire soit mise sur pied en impartissant un délai aux parties pour proposer des noms d’experts, puis à ce qu’il soit dit que l’assuré avait droit à des prestations de l’assurance-accidents en relation avec les lésions de son épaule gauche résultant de son accident du 13 juillet 2018, et à ce que l’intimée soit condamner à prester en conséquence.

b. Le mars 2020, le recourant a produit un courrier du Dr F______ du 3 mars 2020, lequel indiquait être d’accord avec l’expert sur le fait que les lésions du sus-épineux étaient préexistantes et pas en lien avec l’accident. En revanche, la déchirure de la coiffe antérieure sous-scapulaire n’était pas préexistante. Selon le rapport d’expertise, une IRM de 2016 mentionnait un tendon scapulaire « non sain » avec remodelage, perte de substance articulaire dans sa partie haute atteignant 50% de son épaisseur distalement. Ces éléments décrivaient tout simplement un vieillissement normal du tendon et cette trouvaille n’était pas anormale. Il s’agissait d’un tendon normal compte tenu de l’âge du recourant. En revanche, la déchirure de la partie haute sous-scapulaire mesurant 17 x 6 mm mentionnée dans le rapport d’IRM du 22 février 2019 n’était clairement pas une trouvaille normale étant donné l’âge du recourant. Il apparaissait donc qu’une déchirure nouvelle du sous-scapulaire était survenue entre 2016 et 2019. Une déchirure isolée de la coiffe des rotateurs antérieure était l’apanage du traumatisme, comme le mentionnaient quatre études qu’il citait. Il convenait enfin de noter qu’entre 50 et 60 ans, la prévalence dans la population de lésions transfixiantes de la coiffe était de 2,1 à 10,7% selon les études, ce qui ne concernait donc pas la majorité de la population. Ce n’était donc pas forcément un problème rencontré chez n’importe quel patient de cet âge-là.

c. L’intimée a conclu au rejet du recours.

d. Par ordonnance du 8 avril 2021 (ATAS/317/2021), la chambre de céans a ordonné une expertise orthopédique qu’elle a confiée au docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.

Le Dr H______ fondait sa conclusion, selon laquelle l’accident du 13 juillet 2018 aurait révélé des lésions dégénératives anciennes, sur l’IRM effectuée en 2016, qui avait mis en évidence une dégénérescence du tendon sus-épineux, ainsi qu’un tendon sous-scapulaire « non sain ». Alors qu’il avait constaté sur l’IRM effectuée en février 2019 une lésion du sous-scapulaire, il avait retenu, sans donner davantage d’explications, qu’il n’y aurait pas, dans le dossier d’indices solides prouvant une décompensation significative de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche à la suite de l’événement du 13 juillet 2018. Il n’avait pas traité de la problématique de la déchirure du tendon sous-scapulaire du recourant, se concentrant principalement sur la pathologie de son tendon sus-épineux.

Le recourant avait établi, par l’avis du Dr F______, des éléments objectivables suffisamment pertinents pour susciter des doutes quant à la valeur probante de l’expertise établie par le Dr H______.

e. L’intimée a requis la récusation du Dr I______.

f. La chambre de céans a rejeté cette demande, considérant que le Dr I______ était domicilié professionnellement à Carouge et le Dr F______ à l’Hôpital de la Tour. Ils étaient fondateurs, avec le docteur J______ du Centre de l'épaule, à la Clinique de la Tour, qui assurait aux patients une prise en charge multidisciplinaire et personnalisée, de la première consultation jusqu'au suivi de rééducation post-opératoire (www.hirslanden.ch/fr/clinique-la-colline/centres-et-instituts/Centre-de-l-epaule. html). À teneur de la jurisprudence, un tel lien ne suffisait pas à fonder un motif de récusation, tant formel que matériel, étant rappelé en particulier que le fait que le médecin consulté était lié à l’assureur par un rapport de travail ne permettait pas de douter a priori de l’objectivité de son appréciation et qu’il existait une présomption d’impartialité de l’expert. En l’occurrence, l’expert désigné ne donnait aucune apparence de prévention et les craintes de l’intimée ne reposaient sur aucun élément objectif.

g. Dans son rapport du 21 janvier 2022, le Dr I______ a indiqué avoir eu une consultation avec le recourant le 17 septembre 2021. Il a repris l’historique de la situation de l’assuré suite à son accident du 13 juillet 2018 et procédé à une anamnèse familiale et professionnelle ainsi qu’à un examen clinique.

Il a posé les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail de status après lésion partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche, opérée le 4 mars 2019, status après entorse du genou gauche avec lésion méniscale interne et externe, opérée le 19 septembre 2018 et status après fracture du cinquième métacarpien droit opérée en 2011. Ces trois diagnostics étaient sans répercussion sur la capacité de travail. L’état de santé de l’expertisé était stabilisé depuis le 11 octobre 2019. L’expertisé n’avait actuellement aucune plainte somatique significative à faire valoir. Les atteintes constatées au niveau de l’épaule gauche étaient dans un rapport de causalité certain avec l’accident, avec une probabilité de 100%. Il apparaissait à l’anamnèse que l’expertisé, malgré un épisode douloureux survenu quelques années avant le traumatisme, ne présentait avant l’accident du 13 juillet 2018 aucune symptomatologie douloureuse ou gêne fonctionnelle de son épaule. Il exerçait en effet son travail de coach sportif et ses activités sportives sans plaintes ni limitations. Il s’agissait d’un assuré qui avait présenté des problèmes d’épaules quelques années auparavant, lesquels étaient documentés par une IRM en mai 2016. Cette IRM ainsi que l’arthro-IRM du 22 février 2019 avaient été interprétées par le docteur K______, spécialiste en radiologie de l’épaule, afin d’en avoir une interprétation comparative hautement qualifiée. Dans son rapport du 7 février 2022, ce dernier avait constaté, malgré la difficulté de comparer ces deux examens, une extension des lésions du sous-scapulaire entre 2016 et 2019. Il était clair que ce tendon présentait en 2016 des lésions normales pour l’âge du patient et qu’un traumatisme adéquat, à savoir une chute dans les escaliers d’une hauteur de dix marches, en plus d’avoir occasionné un traumatisme sévère du genou, avait pu provoquer une lésion de la coiffe des rotateurs chez ce patient de 56 ans. De plus, la prise en charge immédiate par une infiltration avait différé l’expression de cette lésion traumatique, ce qui expliquait l’apparition « tardive » des plaintes. Par ailleurs, dès lors que cette affection avait été reconnue et traitée adéquatement par une intervention chirurgicale, une évolution très rapide avait été observée en six mois, étant relevé que dans les affections chroniques, l’évolution post-opératoire prenait généralement de 8 à 12 mois. Sur les bases de l’anamnèse d’un polytraumatisme adéquat, de l’imagerie radiologique, qui ne montrait aucun signe de dégénérescence graisseuse ou d’atrophie musculaire et de la rapidité de l’évolution post-opératoire, on pouvait estimer que le lien de causalité entre le traumatisme et la lésion était certain. De plus, l’examen de l’épaule réalisé pour l’expertise révélait qu’actuellement la récupération était complète et indolore, ce qui démontrait que la prise en charge avait été adéquate et efficace.

La déchirure du tendon sous-scapulaire du recourant n’était pas due ou partiellement due à un état antérieur. Le traumatisme adéquat avait déchiré un tendon naturellement affaibli par l’âge. Le statu quo ante avait été atteint le 11 octobre 2019. L’accident n’avait pas décompensé un état maladif préexistant. L’atteinte préalable de la coiffe des rotateurs n’était pas à considérer comme une maladie, mais plutôt comme une évolution naturelle que l’on trouvait chez les patients à partir de 40 ans. Il s’agissait d’un état physiologique normal pour l’âge du patient et non d’une maladie. Un état dégénératif n’était pas une maladie. Le patient avait été arrêt de travail immédiatement après son accident et avait repris une activité à 100% le 11 octobre 2019. Depuis lors sa capacité était complète. La capacité de travail de l’expertisé dans son activité habituelle, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité avec l’accident, était de 100%.

Le bilan IRM comparatif montrait un assuré qui présentait des lésions liées à son âge et non à une maladie préexistante. Il semblait dès lors logique de considérer que le traumatisme adéquat dont avait été victime l’expertisé était à l’origine de la symptomatologie qu’il avait présentée dans les suites et qu’une fois soignée et opérée, la situation était rapidement revenue à son état antérieur. De plus, une étude récente démontrait qu’il n’y avait pas de différence histologique entre une lésion aiguë de la coiffe et une lésion dégénérative. Dès lors que les lésions dégénératives et traumatiques étaient identiques, c’était la nature de l’événement déclenchant qu’il fallait considérer pour faire la part entre le vieillissement et le traumatisme. Il apparaissait de ce fait évident au Dr I______ que l’accident, même s’il était survenu sur un terrain affaibli par l’âge, était bien le seul responsable de la lésion de la coiffe. Il ne pouvait être en accord avec le diagnostic de contusion simple de l’épaule posé par le Dr H______, car il existait une différence significative des lésions du sous-scapulaire entre l’examen de mai 2016 et celui de février 2019, référence faite au rapport du Dr K______. Dans ses conclusions, le Dr H______ ne reconnaissait qu’une contusion dans le cadre d’un état pathologique préexistant. D’autre part, l’expertisé avait été victime dans le même temps d’un traumatisme important du genou, qui avait bénéficié d’une intervention prise en charge par l’assurance-accidents. Une chute de dix marches dans les escaliers, si elle était capable de créer des lésions ligamentaires et méniscales à un genou, était également capable d’expliquer une atteinte tendineuse atteignant l’épaule. Le terme contusion simple de l’épaule lui semblait dès lors sous-estimer la lésion du patient.

S’agissant du rapport du Dr F______ du 5 mars 2019, la description des constats lors de l’intervention qu’il avait pratiquée indiquait qu’il n’y avait pas de lésion dégénérative intra-articulaire et confirmait la présence de la lésion du sous-scapulaire, qui avait été reséquée, avivée et réinsérée par une ancre, associée à une ténodèse du long chef du biceps. D’autre part, dans l’espace sous-acromial, aucun signe évocateur d’un conflit n’avait été constaté par le chirurgien, raison pour laquelle celui-ci n’avait pas complété son intervention par une acromioplastie de décompression. Cette description évoquait très clairement une origine traumatique aux lésions décrites, car l’opérateur avait pris soin de décrire l’absence de signes dégénératifs, soit gléno-huméral, soit de l’espace sous-acromial.

Le Dr I______ relevait que la question de savoir qui de l’assurance-accidents ou maladie du patient devait prendre en charge les lésions traumatiques de la coiffe des rotateurs à partir de 40 ans était une question très fréquemment, voire quotidiennement, rencontrée dans son activité de chirurgien de l’épaule. On ne pouvait nier qu’avec l’âge la solidité du tendon était mise à mal, mais il pensait qu’il fallait reconnaître qu’il s’agissait d’une évolution naturelle et non d’une maladie. Ce qui lui apparaissait déterminant dans ces situations toujours délicates, c’était bien évidemment la nature du traumatisme. Si l’on s’en tenait à la définition du traumatisme selon la LAA, l’expertisé avait été victime d’un traumatisme adéquat, susceptible de générer de telles lésions et donc l’assurance-accidents devait prendre ses responsabilités, en s’obligeant à prendre en charge un patient en bonne santé pour son âge, mais avec une fragilité physiologique en relation avec son vieillissement, comme elle l’avait fait pour le traumatisme du genou. On pouvait également s’étonner du délai relativement long entre le traumatisme et la prise en charge diagnostique, puis thérapeutique de la lésion de l’expertisé de l’épaule. Il fallait savoir qu’une infiltration avait été faite dans l’espace sous-acromial très rapidement après le traumatisme. Cette infiltration était susceptible de calmer les douleurs pendant plusieurs mois, ce qui s’était produit chez l’expertisé. Ce type de traitement avait différé la réapparition des plaintes et le bilan IRM de l’épaule qui avait été demandé le Dr F______. De plus, comme l’expertisé avait dû se déplacer avec des cannes pendant plusieurs semaines, il avait surchargé son épaule et lorsque l’effet de stéroïdes avait été dissipé, la symptomatologie avait pu réapparaître. Cela expliquait le délai entre le traumatisme et l’arthro-IRM.

L’expert a fixé le retour au statu quo ante au 11 octobre 2019.

Il a annexé à son rapport celui établi par le Dr K______ le 7 février 2020, suite à une arthro-IRM de l’épaule gauche du 22 février 2019, lequel concluait à la présence d’une désinsertion distale partielle intra-tendineuse du tendon supra-épineux postérieur, déjà présente sur l’IRM de 2016, et à une désinsertion partielle profonde étendue des 2/3 supérieurs du tendon sub-scapulaire se prolongeant par un fin clivage intra-tendineux. La comparaison par rapport à l’IRM de 2016, sans arthrographie, restait limitée, mais semblait cependant indiquer une extension (post-traumatique ?) des lésions du tendon sub-scapulaire entre 2016 et 2019. Il y avait une fine bursite sous-acromiale et de l’arthrose acromio-claviculaire.

h. Le 9 mars 2022, le recourant, estimant que l’expertise du Dr I______ répondait à toutes les exigences permettant de lui accorder une pleine valeur probante, a persisté dans ses conclusions.

i. Le 20 avril 2022, l’intimée a estimé que l’expertise ne pouvait se voir reconnaître de force probante et maintenu ses conclusions.

j. Le 16 mai 2022, le recourant a conclu à une confrontation en audience contradictoire des Drs I______ et H______.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.             Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations de l’assurance-accidents en relation avec les lésions de son épaule gauche résultant de l’accident du 13 juillet 2018 au-delà du 12 octobre 2018.

5.              

5.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

5.2 La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2018 du
16 avril 2019 consid. 3.1).

L'existence d'un facteur extérieur est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d'un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l'environnement extérieur, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d'éviter une chute ; le facteur extérieur - modification entre le corps et l'environnement extérieur - constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117).

5.3 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a); les déboîtements d'articulations (let. b); les déchirures du ménisque (let. c); les déchirures de muscles (let. d); les élongations de muscles (let. e); les déchirures de tendons (let. f); les lésions de ligaments (let. g); les lésions du tympan (let. h).

Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance; compétence de l'assureur-accidents; calcul du gain assuré; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste de l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).

5.4 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit que, associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc»; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

5.5 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b; ATF 125 V 195 consid. 2; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Si un accident n'a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).

Lorsqu’une la lésion d’un organe ne peut être attribuée à une cause extérieure concrète, mais qu’elle est due à la répétition, durant la vie quotidienne, de micros traumatismes qui provoquent l’usure de l’organe et finalement la lésion de celui-ci, cette dernière doit être considérée comme l’effet d’une maladie et non d’un accident. Ainsi, le diagnostic de déchirure du ménisque ne permet pas, à lui seul, d’admettre la soudaineté de l’atteinte, dans le mesure où la charge quotidienne supportée par l’articulation du genou et les micros traumatismes qui en résultent peuvent conduire à la formation d’une déchirure (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 198/00 du 30 août 2001 consid. 2b et U 63/96 du 28 novembre 1996, arrêt du Tribunal fédéral 8C_35/2008 consid. 2.1).

5.6 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et ATF 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et ATF 117 V 359 consid. 5d/bb; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

5.7 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2010 du 20 juin 2011 consid. 2.2).

5.8 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.9 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46), entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

Selon l’art. 3 al. 1 LPGA, est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.

6.             En l’espèce, dès lors que les lésions à l’épaule gauche du recourant ont suivi un accident, ce que les parties ne contestent pas, le droit aux prestations de l’intimée dépend des conditions de l’art. 6 al. 1 LAA et non de l’art. 6 al. 2 LAA. L’intimée a pris en charge le cas initialement, reconnaissant ainsi un lien de causalité entre l’accident et les lésions à l’épaule du recourant. Le litige porte ainsi sur la date à laquelle est intervenue le statu quo ante ou sine et sur le bien-fondé de la décision de l’intimée niant le droit du recourant à ses prestations dès le 12 octobre 2018.

7.             Il convient d’examiner en premier lieu la valeur probante de l’expertise du Dr I______.

7.1  

7.1.1 L’intimée conteste la valeur probante de cette expertise, qui se limitait selon elle à motiver l’existence d’un lien de causalité par le fait que les atteintes de l’épaule gauche préexistantes étaient asymptomatiques avant l’événement du 13 juillet 2018. Or, de jurisprudence constante, le seul fait que des symptômes douloureux s’étaient manifestés après la survenance d’un accident ne suffisait pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident.

Les explications du Dr I______ convainquaient d’autant moins que celui-ci tentait vainement d’atténuer les conséquences de l’évolution naturelle de l’articulation, préférant parler d’un tendon naturellement affaibli par l’âge et d’une dégradation qui ne devait pas être considérée comme une maladie, mais plutôt d’une évolution naturelle que l’on trouvait chez les patients à partir de 40 ans, respectivement d’un affaiblissement des structures tendineuses lié à l’âge ou bien encore d’une fragilité physiologique en relation avec son vieillissement. Ces tergiversations ne masquaient toutefois pas le fait que les lésions d’usure existaient avant la chute et que l’affection de l’épaule gauche était, clairement et sans nul doute possible, une atteinte dégénérative liée à l’âge, soit une maladie dégénérative. Indépendamment des antécédents de l’expertisé, le Dr I______ omettait également de tenir compte dans ses réflexions du fait que l’usure était présente de façon similaire aux deux épaules, donc y compris du côté où aucun traumatisme n’avait été signalé. Force était de constater enfin que la nature même des lésions constatées, généralement plus dégénératives que traumatiques, parlait encore en faveur d’atteintes préexistantes prépondérantes. Les explications du Dr I______ ne suffisaient pas pour établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’existence d’un lien de causalité. Elles ne résistaient pas davantage à l’argumentation détaillée qui ressortait de l’expertise du Dr H______. Si l’opinion du Dr I______ était insuffisamment motivée sur le plan médical, elle était de plus largement complaisante. À ce titre, la reprise tels quels d’éléments subjectifs rapportés par l’expertisé ou bien encore l’affirmation selon laquelle l’assurance-accidents devait prendre ses responsabilités en s’obligeant à prendre en charge un patient en bonne santé pour son âge, comme elle l’avait fait pour le traumatisme du genou, achevaient de discréditer l’expertise.

Eu égard aux prises de position de l’expert et afin de tenir compte d’aspects médicaux uniquement, l’intimée avait soumis le rapport d’expertise du Dr I______ au Dr H______.

Ce dernier parvenait à la conclusion que le Dr I______ avait manifestement fait des erreurs d’appréciation. L’âge n’était qu’un élément parmi d’autres pour apprécier l’origine d’une maladie dégénérative et c’était bien d’une maladie dont on parlait en l’espèce. La lésion considérée était quasi similaire aux deux épaules. Aucun stigmate d’une déchirure tendineuse n’avait été objectivé à l’échographie réalisée après le sinistre. La notion de progression de la pathologie était purement et simplement évacuée. La comparaison d’examens IRM était parfaitement appropriée. Une absence de plainte était un élément purement objectif, qui ne pouvait suppléer des éléments médicaux objectifs. En résumé, pour le Dr H______, la relation de causalité naturelle entre l’événement du 13 juillet 2018 et les troubles de l’épaule gauche de l’expertisé était hautement improbable. Force était par conséquent d’admettre que le Dr I______ n’amenait pas d’arguments susceptibles de remettre en cause l’avis exprimé à deux reprises par l’expert H______. Il n’existait pas en particulier le moindre élément qui permettrait de contredire l’avis exprimé par le Dr H______ dans son rapport d’expertise du 11 juillet 2019, selon lequel l’événement du 13 juillet 2018 n’avait provoqué qu’une contusion de relative faible envergure de l’épaule gauche, qui avait révélé des troubles structurels préexistants, en particulier de la coiffe des rotateurs. On ne s’étonnait pas du fait que le Dr I______ se déclarait en accord avec le rapport du Dr F______. Ces derniers étant associés dans l’exploitation d’un centre médical, la question de la récusation de l’expert et de la valeur probante de son rapport se posait encore une fois. Les motifs de récusation déjà avancés par l’intimée s’avéraient manifestement bien fondés, ce d’autant plus qu’il n’était pas nécessaire de prouver que la prévention était effective pour récuser un expert. Il suffisait que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fasse redouter une activité partiale de l’expert. Tel était le cas en l’espèce, dès lors que la position d’associé était de nature à créer objectivement l’apparence d’une prévention. Entaché d’un vice formel, le rapport d’expertise du 16 février 2022 ne pouvait se voir reconnaître une valeur probante. En conséquence, l’intimée maintenait intégralement les conclusions prises le 29 mai 2020.

7.1.2 Le 16 mai 2022, le recourant a fait valoir ses plus vives réserves quant à l’impartialité du Dr H______ pour les motifs déjà exposés dans son mémoire de recours du 17 février 2020 ainsi que dans sa réplique du 30 juin 2020. L’arthro-IRM pratiquée le 22 février 2019 avait laissé apparaître une large déchirure de la face articulaire du tendon sous-scapulaire, qui avait justifié l’intervention chirurgicale du 5 mars 2019. De jurisprudence constante, les ruptures de la coiffe des rotateurs étaient des déchirures des tendons et étaient comprises dans le liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident et il appartenait à ne pas douter à l’intimée de prester.

En tout état de cause, un état dégénératif préexistant ne permettait pas à l’intimée de se soustraire à ses obligations, car les prestations pour soins et les remboursements des frais n’étaient pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’était que partiellement imputable à l’accident.

La détermination du Dr H______ se limitait, à l’instar de son expertise initiale, à des considérations d’ordre général qui relevaient plus d’une approche dogmatique au service des intérêts de sa mandante que de la rigueur scientifique. Singulièrement et s’agissant de ses conclusions critiques visant l’expertise du Dr I______, il fallait observer que si les deux épaules de l’expertisé présentaient une usure similaire, comme le prétendait le Dr H______, le recourant ne souffrait aucunement de son épaule droite.

7.2  

7.2.1 En l’espèce, le rapport du Dr I______ répond aux réquisits pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. Il a motivé ses conclusions et précisé pourquoi il retenait un lien de causalité naturelle avec l’accident. Il a indiqué à cet égard qu’une chute d’une hauteur de dix marches, en plus d’avoir occasionné un traumatisme sévère du genou, avait pu provoquer une lésion de la coiffe des rotateurs chez le recourant, qui était âgé de 56 ans. De plus, la prise en charge immédiate par une infiltration avait différé l’expression de cette lésion traumatique, ce qui expliquait l’apparition tardive des plaintes. Par ailleurs, dès lors que cette affection avait été reconnue et traitée adéquatement par une intervention chirurgicale, une évolution très rapide avait été observée en six mois, étant relevé que dans les affections chroniques, l’évolution post-opératoire prenait généralement de 8 à 12 mois. Sur la base de l’anamnèse d’un polytraumatisme adéquat, de l’imagerie radiologique qui ne montrait aucun signe de dégénérescence graisseuse ou d’atrophie musculaire, et de la rapidité de l’évolution post-opératoire, on pouvait estimer, selon l’expert, que le lien de causalité entre le traumatisme et la lésion était certain. La déchirure du tendon sous-scapulaire du recourant n’était pas due ou était partiellement due à un état antérieur. Le traumatisme adéquat avait déchiré un tendon naturellement affaibli par l’âge. L’expert a également fondé ses conclusions sur la comparaison de l’état de l’épaule gauche du recourant faite par le Dr K______ entre l’IRM du 27 mai 2016 et l’arthro-IRM du 22 février 2019.

Sa conclusion selon laquelle l’accident, même s’il était survenu sur un terrain affaibli par l’âge, était le seul responsable de la lésion de la coiffe paraît toutefois excessive. Il apparaît en effet vraisemblable que le fait que le recourant présentait des lésions liées à son âge ait pu contribuer à l’atteinte de son épaule. Quoi qu’il en soit, même si cela était le cas, il n’apparait pas contestable que l’accident a eu un rôle causal dans l’atteinte, au vu de son déroulement, qui était d’une certaine intensité, puisque le recourant a chuté dans les escaliers avec un choc sur l’épaule gauche. Cette conclusion est corroborée par le fait que l’autre épaule du recourant, qui avait des lésions préexistantes similaires, n’a pas subi les mêmes lésions.

Les conclusions du Dr I______ ne se limitent ainsi pas à des considérations post hoc, ergo propter hoc. Le Dr H______ a d’ailleurs lui-même admis que l’accident avait révélé des troubles structurels préexistants, ce qui suffit à retenir un lien de causalité en application de l’art. 36 LAA Il n’apparaît ainsi pas contestable que l’accident a, à tout le moins, causé partiellement la cause de l’atteinte à la santé, de sorte que l’intimée devait prendre en charge le cas tant que l'état maladif antérieur n’était pas revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou jusqu’au moment il était parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine).

Selon l’art. 3 al. 1 LPGA, est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.

La question de savoir si la lésion préexistante à l’épaule du recourant doit être qualifiée de maladie n’est pas déterminante en l’occurrence et peut rester ouverte, dès lors que l’art. 36 LAA prévoit que les prestations de l’assurance-accidents ne sont pas réduites lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident, sans préciser à quelle autre cause elle pourrait être partielle due, de sorte que la conséquence du vieillissement pourrait constituer une telle cause, sans que ce soit forcément imputable à une maladie.

La critique que l’on peut ainsi faire sur les conclusions du Dr I______ relève du domaine juridique, plus particulièrement sur la notion de maladie, et non du domaine médical. Elle ne remet dès lors pas en cause la valeur probante générale de son rapport, qui répond aux réquisits pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

Les conclusions de l’expertise judiciaire sont en outre corroborées par les constats du Dr F______ lors de l’intervention à laquelle celui-ci a procédé, tels qu’ils ressortent du rapport établi par celui-ci le 5 mars 2019. En effet, il avait constaté qu’il n’y avait pas de lésion dégénérative intra-articulaire et qu’il y avait une lésion du sous-scapulaire. L’expert judiciaire a considéré que cette description évoquait très clairement une origine traumatique aux lésions décrites, car l’opérateur avait pris soin de décrire l’absence de signes dégénératifs, soit gléno-huméral, soit de l’espace sous-acromial.

Le fait que le Dr F______ ait des liens professionnels avec l’expert judiciaire, en lien avec le Centre de l'épaule, à la Clinique de la Tour, ne remet pas sérieusement en doute l’indépendance du Dr I______, étant relevé qu’ils exercent principalement leur activité dans des cabinets médicaux distincts.

La chambre de céans a jugé nécessaire de faire procéder à une expertise judiciaire, ne reconnaissant pas une force probante à celle du Dr H______. Son rapport ainsi que son rapport complémentaire du 23 mars 2022 ne suffisent par conséquent pas à remettre en cause les conclusions de l’expertise judiciaire.

En conclusion, il convient de reconnaître une pleine force probante à cette dernière.

Il apparaît dès lors inutile de procéder à une confrontation entre les Drs I______ et H______.

7.2.2 Sur la base des conclusions de l’expertise judiciaire, il faut retenir que le recourant a droit aux prestations de l’intimée en relation avec les lésions de son épaule gauche résultant de l’accident du 13 juillet 2018 jusqu’au 11 octobre 2019, date à laquelle le statu quo ante a été atteint, selon l’expert.

8.             Le recours est ainsi admis et la décision sur opposition du 15 janvier 2020 sera annulée.

Le recourant obtenant gain de cause et étant assisté d’un conseil, il a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 3'000.- et mis à la charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L’admet.

3.      Annule la décision sur opposition du 15 janvier 2020.

4.      Dit que le recourant a droit aux prestations de l’intimée en relation avec les lésions de son épaule gauche résultant de l’accident du 13 juillet 2018 jusqu’au 11 octobre 2019.

5.      Condamne l’intimée à verser une indemnité de CHF 3’000.- au recourant, à titre de dépens.

6.      Dit que la procédure est gratuite.

7.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le