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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/65/2021

ATAS/464/2022 du 18.05.2022 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/65/2021 ATAS/464/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 mai 2022

8ème Chambre

 

En la cause

A______, sis à Genève

 

 

recourant

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1, sise rue de Saint-Jean 98, Genève

 

 

intimée

 

 

EN FAIT

 

A. a. La Société A______ Sàrl (ci-après la société) a été inscrite au Registre du commerce de Genève le 20 août 2008. Elle a pour but l’exploitation d’une institution de soins ambulatoires prodigués par des médecins. Monsieur B______ est associé gérant dès la création de l’entreprise et gérant président depuis le 19 mars 2012, avec signature individuelle.

b. La société est affiliée auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes FER-CIAM (ci-après la caisse).

 

B. a. La société a fait l’objet d’un contrôle d’employeur en date du 31 août 2016 portant sur les déclarations de salaires pour la période du 1er janvier 2011 au
31 décembre 2015.

b. Par décision du 11 avril 2017, la caisse a notifié à la société une décision de cotisations complémentaires de CHF 16'945.20 portant notamment sur des rémunérations reprises à titre de salaires de deux guides-interprètes, une part privée du véhicule pour Monsieur B______ de 2012 à 2015, un ajustement de loyer privé pour Monsieur B______ de 2012 à 2015, un ajustement de loyer pour Madame B______ de 2011 à 2014.

 

C. a. Le 9 mai 2017, la société, représentée par le cabinet fiduciaire C______, a formé opposition. Elle a allégué que les rémunérations des deux guides interprètes étaient en relation avec leur activité indépendante et que le véhicule est utilisé uniquement à des fins professionnelles. La société a expliqué qu’entre 2011 et 2014 elle a exercé son activité à la rue D______, car elle ne possédait pas encore son centre médical. Elle a utilisé l’appartement de Monsieur B______ qui a été mis en partie à disposition des collaborateurs et pour recevoir les clients et les partenaires. A partir de mai 2014, l’appartement a été utilisé dans une moindre mesure jusqu’à la disposition du centre médical. La société a pris en compte un montant mensuel de CHF 2'000.- à sa charge. L’opposante a requis la rectification des reprises.

b. La caisse a requis des pièces complémentaires, à savoir les attestations d’indépendantes des guides interprètes et les documents du véhicule.

c. Par courrier du 17 août 2017, la société a déclaré ne plus contester les reprises effectuées sur les salaires des guides interprètes, dès lors qu’elles n’avaient pas d’attestation d’indépendantes. Pour le surplus, Madame et Monsieur B______ ne possèdent plus de véhicule privé depuis 2011, car ils habitent le centre-ville et Madame B______ n’a pas de permis.

 

 

d. Le 20 mars 2018, la caisse a requis encore des renseignements complémentaires concernant l’utilisation du véhicule. La société a répondu par courriers des 14 mai 2018 et 13 juillet 2018.

D. a. Par décision du 16 septembre 2020, la caisse a partiellement admis l’opposition de la société pour ce qui concerne la part privée du véhicule. En ce qui concerne l’utilisation du logement privé à des fins professionnelles, la caisse a maintenu la reprise effectuée sur le loyer de l’appartement de Mme B______ du
1er février 2012 au 31 décembre 2013 dont le loyer de CHF 32'400.- a été intégralement pris en charge par la société, ce qui constitue un avantage en nature. En ce qui concerne l’appartement dont Monsieur B______ est propriétaire à la rue D______, dont Madame B______ a utilisé en 2011 une pièce à titre professionnel, la caisse a estimé que seul CHF 5'328.- (soit la valeur locative pour une pièce) pouvait être comptabilisé en charges commerciales. En définitive, le solde à payer par la société s’élevait à CHF 11'492.10 et CHF 1'441.35 d’intérêts moratoires.

E. a. Par acte du 8 janvier 2021, la société (ci-après la recourante) a interjeté recours, relevant préalablement être restée sans nouvelles de la caisse jusqu’au
15 décembre 2020, date à laquelle elle a reçu une sommation. Il semblerait que la décision sur opposition a été notifiée à son ancienne fiduciaire, qui n’a pas jugé utile de la lui communiquer. La société se déclare par ailleurs surprise par la durée mise par la caisse pour rendre la décision sur opposition qui mentionne au demeurant que les intérêts moratoires sont dus sur toute la période. Concernant l’utilisation du logement privé à des fins professionnelles, la société conteste que seule une pièce du logement soit prise en compte par la caisse (ci-après l’intimée). Elle expose que la société a ouvert ses propres locaux en mars 2014 à la rue E______ et qu’auparavant son activité professionnelle était exercée entre la rue D______, appartement dont Monsieur B______ est propriétaire et le F______, appartement dont Madame B______ est locataire. La part des locaux utilisée à la rue D______ étaient le salon/salle de réunion et la mezzanine pour toute l’administration de l’entreprise effectuée par Monsieur B______, ce qui représentait une grande partie de la surface à disposition; Madame B______ exerçait son activité entre le F______ où les interprètes/assistant se rendaient régulièrement et la rue D______.

b. Par réponse du 1er mars 2021, l’intimée conclut au rejet du recours, motif pris que le loyer de l’appartement de Mme B______ a été pris intégralement en charge par la société et qu’il s’agit d’un avantage en nature soumis à cotisations. Concernant la rue D______, l’intimée indique qu’un ou deux salariés en plus de Madame et Monsieur B______ étaient employés de la société pour des activités qui ne se déployaient pas exclusivement dans les deux appartements, vu notamment les trajets professionnels fréquents mis en évidence dans le cadre de l’instruction de l’opposition.

c. Par réplique du 13 avril 2021, la recourante fait valoir préalablement qu’elle ne saurait être responsable du délai extrêmement long mis par l’intimée à rendre sa décision, ce qui ne justifie pas des intérêts dus sur toute la période. Pour le surplus, la recourante maintient que Madame B______ exerçait son activité entre le F______ où les interprètes/assistant se rendaient aussi régulièrement et la rue D______ pour la réception/réunion avec les clients. La société est une entreprise de services s’adressant à des patients étrangers VIP exigeants désireux de venir se faire soigner en Suisse et la représentation et l’image véhiculée sont essentielles pour le bon fonctionnement de l’activité.

d. Dans sa duplique du 10 mai 2021, l’intimée relève qu’une éventuelle adaptation des intérêts moratoires pas encore calculés pourra le cas échéant être examinée une fois un arrêt entré en force sur le fond. Pour le reste, l’intimée maintient ses conclusions

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             A teneur de l’art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s’appliquent, aux art. 1 à 97 LAVS, moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

La décision litigieuse a été régulièrement notifiée à la recourante le
20 décembre 2020.

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur les cotisations réclamées à la recourante à titre de reprise des salaires suite au rapport de contrôle d’employeur du 31 août 2016. Sont litigieuses les reprises effectuées sur l’utilisation de deux logements privés à des fins professionnelles.

5.             Selon l’art. 5 al, 2 LAVS, le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s’ils représentent un élément important de la rémunération du travail.

Font partie de ce salaire déterminant, par définition, toutes les sommes touchées par le salarié, si leur versement est économiquement lié au contrat de travail ; peu importe, à ce propos, que les rapports de service soient maintenus ou aient été résiliés, que les prestations soient versées en vertu d'une obligation ou à titre bénévole. On considère donc comme revenu d'une activité salariée, soumis à cotisations, non seulement les rétributions versées pour un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou prestation ayant une relation quelconque avec les rapports de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas franches de cotisations en vertu de prescriptions légales expressément formulées (ATF 131 V 446 consid. 1.1, 128 V 180 consid. 3c, 126 V 222 consid. 4a, 124 V 101 consid. 2 et la jurisprudence citée). 

6.             L’art. 7 du Règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 31 octobre 1947 (RAVS ; RS 831.101) énumère divers éléments du salaire déterminant pour le calcul des cotisations, notamment les allocations de résidence et de renchérissement (let. b) et les prestations en nature ayant un caractère régulier
(let. f).

Les allocations de résidence et de renchérissement servent à compenser le coût de la vie plus élevé au lieu de travail du salarié. Font également partie du salaire déterminant les suppléments accordés par l’employeur pour le paiement du loyer (cf. ch. 2002 des Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG-DSD).

Les prestations en nature régulières font partie du salaire déterminant ; il s’agit de montants bruts. Le RAVS distingue entre le revenu en nature qui consiste en nourriture et en logement (art. 11 RAVS) et le revenu en nature d’un autre genre (art. 13 RAVS). Des dispositions spéciales sont prévues pour les membres de la famille travaillant avec l’exploitant ou les personnes qui travaillent dans l’entreprise de leur partenaire enregistré (cf. 2067 DSD).

Les prestations suivantes de l’employeur sont notamment considérées comme revenu en nature d’un autre genre au sens de l’art 13 RAVS, lorsqu’elles sont accordées régulièrement, tel que l’octroi gratuit d’une habitation pour le salarié seul ou pour toute sa famille, respectivement pour son partenaire enregistré. Il en va ainsi dès que le salarié dispose de plus d’une pièce d’habitation (cf. ch. 2078 DSD). La valeur d’un tel revenu en nature d’un autre genre doit être estimée dans chaque cas par la caisse de compensation.

 

7.             En l’espèce, l’intimée a considéré que le paiement par la société de l’intégralité du loyer de l’appartement de Madame B______ du 1er février 2012 au 31 décembre 2013 était excessif. Il résulte du rapport de contrôle qu’elle a admis un montant annuel de CHF 7'200.- correspondant à une pièce, le solde étant un revenu en

 

nature soumis à cotisations. Concernant l’appartement de la rue D______ dont Monsieur B______ est propriétaire, l’intimée a estimé qu’une seule pièce pouvait être comptabilisée en charge commerciale, soit un montant annuel de CHF 5'328.- pour les années 2011, 2014 et 2015.

La recourante conteste les reprises faites par l’intimée, rappelant que la société n’avait pas de locaux propres jusqu’à 2014 et que son activité professionnelle s’exerçait entre l’appartement loué par Madame B______ au F______ où se rendaient régulièrement les interprètes/assistant pour les réunions/débriefing et l’appartement propriété de Monsieur B______ à la rue D______ dont le salon et la mezzanine étaient utilisés pour la réception/réunion des clients, respectivement le back office.

8.             A teneur du bail, l’appartement loué par Madame B______ était un 4 pièces et demi, meublé, d’une surface d’environ 80m2, à usage d’habitation exclusivement, pour un loyer annuel de CHF 32'400.-, soit CHF 2'700.- par mois. Le bail a été conclu pour une durée allant du 1er février 2012 au 31 décembre 2013.

Quant à l’appartement propriété de Monsieur B______, il s’agit d’un 5 pièces dont la valeur locative annuelle s’élève à CHF 26'641.-.

La chambre de céans constate que durant la période considérée quatre personnes travaillaient dans la société, soit Madame et Monsieur B______ et deux guides-interprètes. Concernant l’appartement loué, il y a lieu d’admettre qu’il était utilisé par Madame B______ essentiellement pour les tâches administratives ; en effet, même si les guides-interprètes s’y rendaient également régulièrement, leur fonction essentielle consistait à assister la clientèle lors de leur séjour dans les établissements médicaux en Suisse. Par conséquent, la chambre de céans considère qu’une pièce à disposition de Madame B______ est adéquate. Il s’ensuit que la prise en compte par l’intimée d’un montant annuel de CHF 7'200.- pour les années 2012 et 2013 est correcte.

S’agissant de l’appartement de la rue D______, la chambre de céans relève que le salon et la mezzanine étaient utilisés en parallèle par la société pour la réception des clients et des partenaires. La société a expliqué que les clients de la société sont des patients étrangers VIP exigeants souhaitant venir se faire soigner en Suisse et que la représentation et l’image véhiculée par elle revêtent une grande importance. La chambre de céans considère qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause les déclarations de la recourante selon lesquelles une partie du logement privé était également mis à disposition de la société en sus de l’appartement loué par Madame B______ à F______.

 

Cela étant, au vu de la mise à disposition du salon et de la mezzanine, la chambre de céans est d’avis qu’il se justifie d’admettre que deux pièces peuvent être comptabilisées en charge commerciale, soit un montant annuel de CHF 10'656.- (CHF 26'641.-/5 x 2), pour toutes les années de 2011 à 2015.

Il appartiendra à l’intimée d’effectuer un nouveau calcul des cotisations conforme à ce qui précède et de rendre une nouvelle décision.

9.             Par conséquent, le recours sera partiellement admis. La décision est annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour nouvelle décision de cotisation et d’intérêts moratoires, dans le sens des considérants.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision et renvoie la cause à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le