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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/852/2022

ATAS/375/2022 du 27.04.2022 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.06.2022, rendu le 12.04.2023, ADMIS, 8C_358/2022, 055.060/0033
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/852/2022 ATAS/375/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 avril 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à LE GRAND-SACONNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andres PEREZ

 

 

recourante

 

contre

AXA ASSURANCES SA, Opérations Accident & Maladie, sise chemin de Primerose 11-13, LAUSANNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Didier ELSIG

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1970, travaillait en tant que gestionnaire de fortune pour B______ SA, lorsqu'elle a subi un accident de vélo le 23 mai 2020. Elle a été admise en urgence à l'hôpital, où a été posé le diagnostic de fracture de la colonne vertébrale D8 avec déficit sensitivo-moteur aux membres inférieurs, soit une paraplégie complète. L'assurée a été opérée le même jour pour une spondylodèse D6-D10 avec une laminectomie complète D8 et inférieure de D7. La lésion de la moelle épinière a été considérée comme irréversible.

b. Le cas a été annoncé et pris en charge par Axa assurances SA (ci-après : Axa ou l'intimée).

c. Le 4 juin 2020, Madame C______, experte technique prestations accidents, a informé le compagnon de l'assurée qu'elle était désormais en charge du dossier de celle-ci auprès d’Axa.

d. Le 20 décembre 2021, Mme C______ et Madame D______, responsable technique prestations accidents représentant Axa ont écrit au conseil de l'assurée, se référant à leur entretien téléphonique du 30 août et à leurs écrits des 29 octobre et 23 novembre 2021 restés sans réponse. Le 10 août 2021, il avait été décidé d'un commun accord de fixer un large délai au 31 décembre 2021, pour clore l'ensemble des mesures permettant une parfaite adaptation des moyens auxiliaires et des aménagements au domicile nécessaires à l'assurée.

Force était de constater que le terme du délai imparti arrivait et que malgré les efforts déployés par Mme C______ pour obtenir des bribes d'information, les engagements pris n'avaient pas été respectés. Le conseil de l’assurée n'avait pas répondu aux sollicitations ni avisé Axa du retard pris. Par son silence, il semblait vouloir se soustraire à son devoir de collaboration. Aussi, un délai lui était imparti au 15 janvier 2022 pour faire parvenir à Axa un relevé des mesures effectivement prises par les différents intervenants et leur préciser le résultat desdites mesures et les prochaines étapes. À défaut d'une réaction au 15 janvier 2022, Axa effectuerait l'examen du droit à une allocation pour impotent de l’assurée et limiterait les prestations découlant de l'OPAS, en appliquant la jurisprudence, selon laquelle les assurés devaient tout mettre en œuvre pour réduire les conséquences du dommage. L'examen se ferait en partant du principe que les mesures exigibles étaient acquises.

e. Le 14 janvier 2022, le conseil de l'assurée a répondu à Mme C______ qu’elle n'était pas en charge de la réadaptation de sa mandante et qu'elle n'avait ni la compétence légale, ni les connaissances professionnelles lui permettant de le faire. Par conséquent, elle avait octroyé un délai sans aucune justification autre que son appréciation en qualité de gestionnaire de sinistre. Sa mandante faisait de son mieux pour avancer afin de retrouver un semblant de vie normale. Le fait que Mme C______ outrepassait ses compétences avait pour conséquences de lui mettre une pression intolérable, qui avait un impact sur sa santé et ralentissait sa progression. Il appartenait à Axa de procéder aux mesures d'instruction utiles, ce qu'elle pouvait faire en s'adressant directement aux prestataires et aux soignants de l'assurée. Mme C______ avait continué à gérer le dossier de manière zélée et inappropriée, confirmant ainsi son incapacité à s'occuper de ce cas complexe. Lorsque le médecin-conseil d'Axa avait, de manière surprenante, estimé que l'assurée présentait une capacité de travail de 50%, Mme C______ avait abondé en son sens. Pire, lors d'un entretien téléphonique avec l'assurée, elle avait même évoqué l'éventualité de réduire ses indemnités journalières, voire de demander ultérieurement une restitution. Par ailleurs, lors d'une réunion entre tous les intervenants convoqués à sa demande, qui s'était tenue le 10 août 2021, elle avait posé de nombreuses questions d'ordre médical et touchant à l'intimité de l'assurée, mettant ainsi cette dernière dans une situation humiliante. En outre, la plupart des questions posées étaient superflues, puisque les réponses se trouvaient dans les rapports médicaux au dossier. L'ensemble des intervenants estimaient « n'avoir jamais vu ça », s'agissant de la gestion de Mme C______. Celle-ci demandait des rapports de manière incessante. Certains médecins recevaient des demandes de rapports le jour même de leur consultation avec l’assurée. Mme C______ envoyait des courriels fleuves, qui étaient chronophages pour les prestataires et les soignants. Les infirmières en charge de l’assurée s’étaient plaintes de ne pas avoir été payées pendant plusieurs mois. Les comptes rendus de ces entretiens téléphoniques démontraient son comportement chicanier. La psychologue de l’assurée avait confirmé que la gestion de Mme C______ avait un impact délétère sur la santé de celle-ci et que les tracasseries causées par son attitude avaient engendré un épisode dépressif nécessitant un suivi régulier. Par conséquent, un délai de trente jours était octroyé à Mme C______ pour se récuser et transmettre le dossier de sa mandante à un autre gestionnaire.

f. Par courrier du 14 février 2022, Madame E______ et Madame D______, toutes deux responsables techniques prestations accidents de Axa, ont répondu qu’aucun motif ne justifiait la récusation de Mme C______. En effet, celle-ci n’avait aucunement agi avec dépendance ou partialité dans cette affaire, mais fait son travail de manière proactive et conciliante. Dès lors, elle continuerait à gérer ce dossier avec tout son professionnalisme.

B. a. L’assurée a formé recours le 17 mars 2022 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, faisant encore valoir que le courrier du 14 février 2022, reçu le 15 février 2022, devait être considéré comme une décision de refus, nonobstant l’omission du délai et des voies de recours, et que le recours était recevable.

Elle concluait, sur mesures provisionnelles, à ce qu’il soit fait interdiction à Mme C______ de continuer à gérer son dossier et, principalement, à la récusation de celle-ci, au motif qu’elle avait commis des erreurs grossières et répétées, donnant l’apparence d’une prévention.

b. Par réponse du 31 mars 2022, l’intimée a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, ainsi qu’au rejet de la requête en mesures provisionnelles et à la condamnation de la recourante en tous les frais et dépens de la procédure.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Se pose en l’espèce, la question de savoir si le recours est recevable.

2.1  

2.1.1 L’intimée a fait valoir que le recours était prématuré, faute de décision sur opposition. Le courrier du 14 février 2022 ne constituait pas un tel prononcé, mais une simple correspondance dans le cadre d’un échange de points de vue entre les parties. Ce courrier n’était pas désigné comme une décision, n’avait pas été formellement notifié à l’assurée ou à son mandataire et ne comportait pas l’indication des voies de droit. En conséquence, le recours était irrecevable.

2.1.2 La recourante a fait valoir que le courrier du 14 février 2022, reçu le 15 février 2022, devait être considéré comme une décision, nonobstant l’omission du délai et des voies de recours, et qu’elle pouvait être attaquée directement par la voie du recours. Le recours était donc recevable.

2.2  

2.2.1 Selon l’art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure.

Aux termes de l'art. 36 LPGA, les personnes appelées à rendre ou à préparer des décisions sur des droits ou des obligations doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l'affaire ou si, pour d'autres raisons, elles semblent prévenues (al. 1). Si la récusation est contestée, la décision est rendue par l'autorité de surveillance (al. 2 phr. 1).

Il faut entendre par là le supérieur hiérarchique de la personne visée par la requête de récusation, et non l’autorité de surveillance au sens de l’art.76 LPGA (cf. TAF, 9.9.2015, C-3926/2014, c.6.8; Kieser, ATSG-Kommentar, art.36 N27).

À part désigner l’autorité compétente, l’art. 36 al. 2 LPGA ne donne aucune information sur les règles applicables à la procédure de récusation. Selon Anne-Sylvie DUPONT, les règles de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) ne sont pas applicables dans ce contexte, dès lors qu’elles prévoient un «recours» contre la décision incidente. L’art.36 al. 2 LPGA indiquait bien que la décision devait être rendue par l’autorité indiquée. Cette autorité pouvait donc être saisie sans forme particulière, soit par l’assureur, soit par l’assuré directement. Ce dernier pouvait aussi requérir de l’assureur social qu’il transmette le dossier à l’autorité compétente pour qu’elle tranche la question de la récusation. L’autorité de surveillance, respectivement le collège qui devait se prononcer sur la demande de récusation à l’égard de l’un de ses membres, devait rendre rapidement une décision formelle, et ne pouvait en aucun cas attendre qu’une décision au fond ne soit rendue. Sa décision pouvait ensuite, cas échéant, directement être attaquée devant le tribunal cantonal des assurances, puis devant le Tribunal fédéral (CR LPGA-Dupont, art.36 N 25-26).

2.2.2 Aux termes de l’art. 49 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord (al. 1). Les décisions indiquent les voies de droit. Elles doivent être motivées si elles ne font pas entièrement droit aux demandes des parties. La notification irrégulière d’une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l’intéressé (al. 3).

2.3  

2.3.1 En application de la doctrine précitée, le recours est recevable, dès lors qu’il est dirigé contre une décision prise par les supérieures de Mme C______, qui tranchait clairement la demande de récusation de la recourante. Le fait le courrier ne mentionnait pas le terme décision ni la voie de recours n’est pas déterminant, étant rappelé que l’intimée devait rendre rapidement une décision. Ces lacunes n’ont en effet pas empêché la recourante, qui était assistée d’un conseil, de recourir dans le délai légal auprès de l’autorité compétente.

Le recours ayant en outre été interjeté en temps utile, il est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Il convient ensuite d’examiner le bien-fondé du refus de l’intimée de récuser Mme C______.

3.1  

3.1.1 Dans son recours, la recourante demandait formellement la récusation de Mme C______, laquelle avait commis, selon elle, des erreurs grossières et répétées, donnant l’apparence d’une prévention.

3.1.2 Par réponse du 31 mars 2022, l’intimée a fait valoir qu’elle n’avait pas violé le droit fédéral en considérant qu’il n’existait aucun motif de récusation à l’encontre de sa gestionnaire.

3.2 Aux termes de l'art. 36 LPGA, les personnes appelées à rendre ou à préparer des décisions sur des droits ou des obligations doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel dans l'affaire ou si, pour d'autres raisons, elles semblent prévenues (al. 1). Si la récusation est contestée, la décision est rendue par l'autorité de surveillance (al. 2 phr. 1).

En matière de récusation, il convient de distinguer entre les motifs formels et les motifs matériels. Les motifs de récusation qui sont énoncés dans la loi (cf. art. 10 PA et 36 al. 1 LPGA) sont de nature formelle parce qu'ils sont propres à éveiller la méfiance à l'égard de l'impartialité de la personne en cause. Les motifs de nature matérielle, qui peuvent également être dirigés contre celle-ci, ne mettent en revanche pas en cause son impartialité. De tels motifs doivent en principe être examinés avec la décision sur le fond dans le cadre de l'appréciation des preuves. Il en va ainsi, par exemple, d'une prétendue incompétence la personne en cause à raison de la matière laquelle ne saurait constituer comme telle un motif de défiance quant à l'impartialité de ce dernier. Bien au contraire, ce grief devra être examiné dans le cadre de l'appréciation des preuves (ATF 132 V 93 consid. 6.5 p. 108 s.).

3.3 En l’espèce, les motifs de récusation invoqués par la recourante touchent à la compétence de Mme C______, à ses connaissances professionnelles ainsi qu’à son comportement. Ils sont ainsi de nature matérielle et relèvent du fond. Il en résulte que la demande de récusation doit être rejetée.

4.             Le fond du litige étant tranché, la demande de mesures provisionnelles a perdu son objet.

5.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le