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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/81/2021

ATAS/331/2022 du 12.04.2022 ( LAA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 02.06.2022, rendu le 10.03.2023, ADMIS, 8C_321/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/81/2021 ATAS/331/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 avril 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS, Division juridique, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1957, est au bénéfice d’une formation de plâtrier-peintre. Il a travaillé à son compte au sein de l’entreprise B______ Sàrl en qualité d’entrepreneur du bâtiment de 2003 à 2011. Son travail comportait initialement 15 % d’activité administrative, 25 % de visites, de ravitaillement et de débarras de chantiers et 60 % d’activité sur les chantiers.

b. Il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels par SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la caisse).

B. a. Le 29 février 2008, l’assuré est tombé durant son travail dans les escaliers et s’est blessé au genou droit. Ont été posés les diagnostics de lésion dégénérative complexe de la corne postérieure du ménisque externe du genou droit, déchirure horizontale de la corne moyenne et postérieure du ménisque interne du genou droit, kyste arthrosynovial de la face interne du tibia du genou droit et arthrose fémoro-tibiale et fémoro-patellaire. L’assuré ayant continué de souffrir du genou droit plusieurs semaines après cette chute, il a consulté des médecins aux Hôpitaux universitaire de Genève (HUG), lesquels ont réalisé, le 26 mai 2008, une arthroscopie du genou avec méniscectomie partielle interne et ablation de kyste arthrosynovial par voie externe. Les suites opératoires ont été simples (rapport du 30 mai 2008 des docteurs C______, D______ et E______). Les lésions étaient en grande partie dégénératives. La caisse a pris en charge le traitement et versé des indemnités journalières à son assuré.

b. Ce dernier a repris le travail, mais des tâches principalement administratives, au mois de décembre 2008, à un taux évalué à 50 %. Il était alors limité dans ses activités en raison de son manque de connaissance en informatique.

c. La caisse a demandé un avis à l’un de ses médecins d’arrondissement, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, lequel a exposé que la situation du genou de l’assuré combinant une réduction de la mobilité articulaire du genou droit, une amyotrophie et une symptomatologie de dérangement interne était difficilement compatible avec un travail de peintre à 100 % et n’allait pas s’améliorer (rapport d’examen du 29 avril 2009).

d. Le 30 septembre 2009, un autre médecin d’arrondissement de la caisse, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie, a procédé à un examen final de ce cas et a considéré qu’il était stabilisé. Il a retenu une atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 20 %.

e. La caisse a alors clos le premier cas d’accident et a octroyé à l’assuré une IPAI de 20 %, soit CHF 21’360.00, le 12 octobre 2009.

C. a. Le 25 novembre 2011, l’assuré a glissé sur un escabeau et a chuté sur le genou droit. Compte tenu de cette nouvelle chute, l’assuré a dû se soumettre, le 30 novembre suivant, à un examen d’imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) qui a mis en évidence une gonarthrose et une contusion des tissus mous sans fracture. L’assuré a été traité par des antalgiques, des infiltrations et de la physiothérapie.

b. L’un des médecins traitants de l’assuré, le docteur H______, a autorisé son patient à reprendre le travail à 20 % dès le 3 juin 2013. L’évolution était stable.

c. La caisse a demandé un avis médical au docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la caisse, lequel a considéré, le 22 octobre 2013, que l’état du genou était stabilisé dans un contexte de gonarthrose dégénérative déstabilisée par l’évènement du mois de novembre 2011.

d. Du 1er mai au 8 août 2015, l’assuré a suivi des mesures professionnelles de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) sous la forme d’une formation de gestionnaire de stock, son genou ne lui ayant plus permis de reprendre son activité professionnelle. À la suite de ces mesures, il n’a plus suivi de mesures de l’AI.

e. Le 2 octobre 2015, l’assuré s’est vu notifier un projet de refus de rente de l’AI lequel tenait compte d’une capacité de travail pleine dans une activité adaptée dès le 1er janvier 2013. Le taux d’invalidité de 35 % n’ouvrait pas de droit à une rente.

D.           a. Le 25 mai 2016, l’état du genou de l’assuré ayant continué à se dégrader, une prothèse complète du genou droit lui a été posée. Il s’agissait selon les médecins de la seule intervention propre à améliorer l’état dégénératif du genou.

b. Le 27 janvier 2017, l’assuré a fait une nouvelle chute, mais sur l’épaule gauche. Il a alors souffert d’une lésion du tendon du sous-scapulaire et a dû subir une réinsertion chirurgicale (suture, arthroscopie des tendons de l’épaule) le 7 mai 2018. Le sinistre a été annoncé à la caisse qui a pris en charge les coûts du traitement et a versé des indemnités journalières à l’assuré.

c. La caisse a sollicité l’avis du Dr I______, s’agissant de l’évolution du genou droit, lequel s’est exprimé le 12 janvier 2018. Il a exposé que l’état de santé de l’assuré s’était dégradé à la suite de l’intervention chirurgicale du genou droit, de sorte qu’il a dû réévaluer l’atteinte à la santé de l’assuré, laquelle était désormais de 30 % s’agissant du genou droit, en prenant compte l’arthrose sévère affectant ce genou.

d. S’agissant de l’épaule, la caisse a sollicité l’avis du docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, lequel a indiqué, dans un rapport d’examen final du 24 avril 2019, que le cas était stabilisé en septembre 2020. La reprise d’une activité professionnelle était exigible, sans perte de rendement, dans une activité adaptée aux limitations, soit dans une activité professionnelle réalisée indifféremment en position assise et debout, avec un port de charge ponctuel limité à 5 kg à gauche, en évitant les mouvements portant en hauteur le membre supérieur gauche, ainsi que les mouvements de rotation répétée de l’épaule. Dans ces conditions, on pouvait s’attendre à une activité professionnelle réalisée la journée entière, sans baisse de rendement. L’IPAI résultant du trouble fonctionnel du membre supérieur, compte tenu de l’attribution antérieure d’une IPAI de 30 % pour les troubles du genou droit, devait être de 7 %.

e. Le 7 août 2019, la caisse a informé l’assuré qu’elle prendrait en charge une nouvelle intervention du genou droit devant se faire le 25 septembre 2019 en tant que suite de l’accident de 2008, ainsi qu’un séjour de réadaptation orthopédique de 22 jours.

f. À la fin dudit séjour, le patient pouvait marcher dans un périmètre de 250 mètres et pouvait monter une dizaine de marches de manière autonome. Le genou droit fléchissait à 85 %, mais il restait à travailler en ambulatoire.

g. L’assuré a été mis en arrêt de travail jusqu’au 17 novembre 2019 (Drs K______ et L______ le 21 octobre 2019).

h. Peu après l’opération, l’état du genou de l’assuré s’est péjoré, ce dernier ne pouvant plus plier le genou et n’ayant aucune flexibilité malgré le changement de prothèse. Les médecins ont alors préconisé une nouvelle intervention.

i. L’assuré s’est dès lors fait réopérer le 9 janvier 2020 aux HUG. En fin de séjour hospitalisé, la flexion/extension du genou droit était de 95/10/0° en passif. Le périmètre de marche était supérieur à 500 mètres à l’intérieur comme à l’extérieur et le patient pouvait monter et descendre 40 marches d’escaliers avec les deux cannes. Il devait poursuivre la physiothérapie en ambulatoire.

j. Cependant au mois de mars 2020, ses médecins ont constaté que l’évolution post-opératoire était à nouveau défavorable. Alors que la mobilité acquise en peropératoire était restée préservée dans la période postopératoire immédiate, le flexum était réapparu soudainement en février 2020, malgré les séances de physiothérapie. Le patient prenait des antalgiques de pallier 2, mais décrivait une amélioration sur le plan des douleurs et de l’extension, par rapport à la situation antérieure.

k. Le 30 avril 2020, le Dr H______ a constaté que le patient se plaignait de ne pas pouvoir se mettre à genou, s’accroupir ou encore « marcher droit ». La marche était limitée à environ 15 minutes, en raison de douleurs du compartiment externe du genou. Lorsqu’il marchait ou faisait les courses, l’assuré était obligé de s’arrêter après 15 minutes et de poursuivre son trajet avec les transports en commun. L’état de son genou ne lui permettait pas de faire du vélo. À l’examen clinique, le médecin constatait une boiterie importante à la marche en rotation externe avec un flexum irréductible et très peu de mobilité du genou droit. Lors de la mobilisation, il y avait une limitation de la mobilité de 50/20/0° à froid qui s’améliorait à la mobilisation à 65/15/0°.

l. Le 2 juin 2020, le docteur M______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologique, médecin d’arrondissement de la caisse, auquel cette dernière avait demandé un avis, a procédé à l’examen final du cas du genou à la suite des deux événements assurés. Il a estimé que le cas était stabilisé en septembre 2020. La reprise d’une activité professionnelle était exigible, sans perte de rendement, dans une activité adaptée aux limitations, soit un travail totalement sédentaire en position essentiellement assise avec simplement quelques petits pas de déplacement au sein d’un bureau, sans monter et descendre d’escaliers ou d’échelles, et sans piétinement.

m. Le 30 juillet 2020, le Dr M______ a définitivement arrêté le montant de l’IPAI pour les atteintes au genou et à l’épaule à 46 %.

n. Par courrier du 30 juillet 2020, la caisse a informé l’assuré du fait qu’elle mettait un terme à la prise en charge des frais médicaux et à l’indemnité journalière au 30 septembre 2020. À partir du 1er octobre 2020, la poursuite du traitement ne pouvait plus apporter une amélioration significative des troubles du genou et de l’épaule. Le médecin d’arrondissement M______ déclarait l’assuré apte à reprendre une activité professionnelle à 100 %, sans perte de rendement, dans un travail totalement sédentaire en position essentiellement assise avec simplement quelques pas de déplacement au sein d’un bureau, sans monter et descendre d’escaliers ou d’échelles et sans piétinement.

E. a. Par décision du 9 septembre 2020, la caisse a reconnu à l’assuré le droit à une rente de 34 % dès le 1er octobre 2020 et à une IPAI de 46 %.

b. L’assuré s’est opposé à cette décision le 6 octobre 2020, dans la mesure où il était en incapacité totale de travailler pour une durée indéterminée selon deux médecins qui le suivaient, soit les Drs N______ et H______. Il joignait à son opposition un certificat d’arrêt de travail établi par le Dr H______ pour les mois d’octobre et de novembre 2020 pour cause d’accident et des certificats médicaux établis par ce dernier et par le Dr N______. Le Dr H______ indiquait : « Le médecin soussigné certifie que Monsieur A______ n’est pas apte à la reprise d’une activité professionnelle pour une durée indéterminée. En effet, il présente une incapacité de travail entière dans le cadre des accidents du 29.02.2008 et 25.11.2011 pour le genou droit et du 27.01.2017 pour l’épaule gauche. Il ne peut pas exercer d’activités manuelles lourdes et légères, ainsi que les activités en position debout et accroupie, ni à genoux ou nécessitant des déplacements à pied ». Le Dr N______ indiquait, pour sa part, ce qui suit : « Nous soussignons que M. A______ n’est pas apte à la reprise d’une activité professionnelle pour une durée indéterminée. Il présente une incapacité de travail à 100 % jusqu’à nouvel ordre. Une amélioration de sa capacité de travail est peu probable au vu des séquelles concernant son genou droit. Le patient est en incapacité d’exercer une activité manuelle lourde et légère, ainsi que des activités en position debout et accroupie, ni à genoux ou nécessitant de nombreux déplacements ».

c. Le Dr N______ a par ailleurs indiqué dans une note de consultation du 16 octobre 2020 retenir une évolution défavorable de la prothèse totale de genou à droite. Le patient ne pouvait pas travailler pour des travaux debout, des ports de charges, des travaux manuels légers, des travaux manuels lourds. Il pouvait alors uniquement travailler en position assise.

d. Par décision sur opposition du 21 décembre 2020, après avoir rappelé que le litige ne portait que sur la quotité de la rente d’invalidité, la décision étant entrée en force pour le surplus, la caisse a confirmé sa décision du 9 septembre 2020. L’assuré était en mesure d’exercer à plein temps une activité adaptée à certaines limitations fonctionnelles. Procédant à la comparaison des revenus, elle a évalué le taux d’invalidité de l’assuré à 34 % en déterminant le revenu d’invalide sur la base des données statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), pour un homme en 2018, avec un niveau de compétence 2 (tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules), le recourant ayant une certification professionnelle et ayant codirigé une entreprise avec ce que cela impliquait de négociations de contrats de sous-traitance et de prix avec les fournisseurs et les clients. La caisse a procédé à un abattement de 10 % sur le salaire statistique obtenu (soit CHF 71’946.65 - 10 % = CHF 64’752.00) pour tenir compte de la situation personnelle du recourant et de ses limitations fonctionnelles. Le revenu sans invalidité a été fixé à CHF 98’226.00 sur la base de son précédent revenu (au moyen des pièces comptables remises par l’assuré), de sorte qu’il en résultait un taux d’invalidité de 34 %.

F. a. Par acte du 10 janvier 2021, l’assuré a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) contre la décision sur opposition du 21 décembre 2020, en indiquant qu’il était en incapacité de travail à 100 % selon les certificats des Drs H______ et N______. Informé de la fin de son droit à des indemnités journalières de la caisse, il s’était inscrit à la caisse de chômage, mais n’avait pas eu droit à des prestations faute d’avoir cotisé durant les années précédant son inscription. Il n’avait pas reçu de nouvelles de l’AI. Il ne pouvait plus retrouver un emploi à son âge, soit 63 ans, dans le contexte de la pandémie due au coronavirus.

b. Par acte du 9 février 2021, la caisse a conclu au rejet du recours en retenant que les médecins traitants de l’assuré excluaient uniquement l’exercice d’une activité manuelles lourdes et légères, ainsi que les activités en position debout ou accroupie, à genoux ou nécessitant des déplacements à pied. Les limitations rejoignaient ainsi celles retenues par les médecins d’arrondissement consultés. En tenant compte de ces limitations, l’assuré pouvait trouver une activité adaptée sur un marché équilibré du travail avec ses compétences et son expérience.

c. Par pli du 27 février 2021, l’assuré a persisté dans son recours.

d. À l’issue de l’échange d’écritures, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

1.3 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

2.             Le litige porte sur le montant de la rente due au recourant dès le 1er octobre 2020.

L’intimée a retenu qu’il n’y avait plus lieu d’attendre de sensible amélioration de l’état du recourant au-delà du mois de septembre 2020, ce que le recourant ne conteste pas. L’intimée a déterminé le taux d’invalidité et le droit à la rente dès le 1er octobre 2020 et a retenu un taux de 34 % que le recourant conteste, en estimant, contrairement à l’avis de l’intimée, qu’il ne peut plus retrouver d’emploi en raison de son incapacité de travail, des nombreuses limitations liées à ses atteintes au genou et à l’épaule, et vu son âge, dans le contexte de la pandémie. Le montant de l’IPAI n’est en revanche pas contesté.

2.1 Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. L’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (art. 10 al. 1 LAA). S’il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA; RS 830.1), il a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Selon l’art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique; en cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité. Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident et s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (art. 16 al. 2 LAA).

2.2 Si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite de l’accident, il a droit à une rente d’invalidité (art. 18 al. 1 LAA). En vertu de l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme; le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

2.3 Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé - soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS. Aux fins de déterminer le revenu d’invalide, les salaires fixés sur la base des données statistiques de l’ESS peuvent à certaines conditions faire l’objet d’un abattement de 25 % au plus (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa- cc).

2.4 La version 2012 de l’ESS a introduit quatre niveaux de compétences définis en fonction du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (MARGIT MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 35 ad art. 16 LPGA). Le niveau 1 est désormais le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (voir les pages 11 et 12 de l’ESS 2012 consultable sur le site internet de l’OFS). L’accent est donc mis sur le type de tâches que l’assuré est susceptible d’assumer en fonction de ses qualifications, mais pas sur les qualifications en elles-mêmes (voir arrêt 9C_901/2017 du 28 mai 2018 consid. 3.3).

2.5 Les données statistiques provenant de l’ESS 2018 sont les plus récentes disponibles et comprennent toujours les mêmes niveaux.

2.6 S’agissant du critère de l’âge, le Tribunal fédéral n’a pas encore tranché le point de savoir si, dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire, il constitue un critère d’abattement ou si l’influence de l’âge sur la capacité de gain doit être prise en compte uniquement dans le cadre de la réglementation particulière de l’art. 28 al. 4 OLAA (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_659/2021 du 17 février 2022 consid. 4.3.2, 8C_597/2020 du 16 juin 2021 consid. 5.2.5 et la référence citée; 8C_122/2019 du 10 septembre 2019 consid. 4.3.2).

3.             En l’espèce, à la suite des accidents dont le recourant a été victime, les médecins s’étant prononcés sur son cas ont unanimement considéré que le recourant ne pouvait plus reprendre son ancienne activité de plâtrier-peintre. Il ressort en outre du dossier que la pose de la deuxième prothèse du genou droit en janvier 2020 n’a pas permis d’améliorer l’état de ce genou. Les médecins qui ont vu le recourant après cette intervention ont pu constater que l’évolution était défavorable. Les avis des Drs M______, J______ et I______ selon lesquels l’on ne peut plus attendre d’amélioration de l’état de santé du recourant ne sont pas contestés.

C’est ainsi à raison que l’intimée a décidé de mettre fin aux indemnités journalières en septembre 2020 conformément à l’avis final émis par le Dr M______ et d’allouer une rente d’invalidité dès le 1er octobre 2020, ainsi qu’une IPAI.

Demeure cependant litigieux le taux d’invalidité retenu par l’intimée pour fixer le montant de la rente, le recourant considérant qu’il n’est plus apte à exercer une activité et qu’il ne peut pas concrètement retrouver un emploi au vu des limitations retenues par ses médecins et de son âge, dans le contexte de la pandémie. Ni la détermination du revenu avant invalidité ni le fait que l’intimée s’est fondée sur l’ESS, pour un homme, avec des activités de niveau 2, pour établir le revenu avec invalidité, ne sont remis en cause. Ces éléments ne souffrent pas de critique. Compte tenu des griefs soulevés par le recourant, l’examen de la chambre de céans portera dès lors sur le taux d’invalidité et l’abattement retenu par l’intimée qui sont, à tout le moins implicitement, visés par le recourant.

La chambre de céans constate à titre préalable que les médecins d’arrondissement de l’intimée sont tous d’avis que le recourant est en mesure d’exercer une activité à plein temps sans diminution de rendement si l’activité respecte certaines limitations fonctionnelles. Ainsi, s’agissant de l’épaule, le recourant peut réaliser une activité professionnelle en position assise ou debout, avec un port de charge ponctuel limité à 5 kg à gauche en évitant les mouvements portant en hauteur le membre supérieur gauche et les mouvements de rotation répétée de l’épaule. Quant à l’atteinte au genou, elle suppose que le recourant trouve une activité totalement sédentaire en position essentiellement assise avec simplement quelques petits pas de déplacements au sein du bureau, sans monter ni descendre d’escaliers ou d’échelles et sans piétinement. En additionnant les limitations évoquées, seules demeurent possibles les activités sédentaires, dans lesquelles le recourant doit rester assis et ne pas faire d’activité manuelle lourde ou légère.

Les médecins traitants du recourant ont également mentionné de nombreuses limitations à respecter pour que leur patient puisse exercer une activité. Contrairement à la lecture qu’en fait le recourant, les certificats d’arrêt de travail des Drs H______ et N______ confirment certes qu’il est en arrêt de travail complet à la suite des divers accidents, mais précisent également que le patient ne peut pas exercer d’activité manuelle lourde ou légère, en position debout ou accroupie, à genoux ou nécessitant de nombreux déplacements à pied. Toutes les activités professionnelles ne sont dès lors pas exclues, les limitations étant toutefois importantes.

L’on doit dès lors constater que le recourant dispose encore d’une capacité de travail. Celle-ci est cependant lourdement limitée et très peu d’activités peuvent être envisagées. En effet, compte tenu des atteintes au genou, le recourant ne peut exercer qu’une activité assise. Sont en outre proscrites les activités manuelles lourdes et légères, et seules des activités de type administratif semblent envisageables, lesquelles ne doivent au demeurant pas nécessiter de déplacement de plus de quelques pas dans un bureau. Le recourant est enfin incapable de monter ou de descendre des escaliers, ce qui limite tant l’accès à des locaux que le travail quotidien dans un bureau, des tâches administratives requérant d’ordinaire de pouvoir se déplacer ou faire quelques activités manuelles debout ou assis. Il faut dès lors imaginer une activité de bureau dans un établissement adapté à une personne ne pouvant que très peu se mouvoir et étant empêchée de faire des activités de type administratif exigeant certaines tâches manuelles même légères.

L’intimée s’est référée, à raison, à l’ESS 2018 et au salaire versé en 2018 à un homme dans le secteur privé, avec un niveau de compétence 2, niveau qui correspond à des tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données et les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules.

Au vu des limitations mises en évidence par les médecins, l’on doit exclure de cette liste, la vente, puisque que le recourant ne peut pas piétiner ou se déplacer et que les activités sédentaires sont seules envisageables, les soins qui comprennent des activés lourdes ou légères et des activités debout, les services de sécurité et la conduite de véhicules qui sont prohibés par les limitations du genou. Seules restent envisageables le traitement des données et les tâches administratives, voire l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, sauf si elle représente une activité manuelle même légère ou une autre position que la position assise.

Compte tenu des limitations importantes retenues, les possibilités concrètes pour le recourant de retrouver un emploi, dans le secteur retenu par l’intimée, soit un domaine qui n’était pas le sien avant ses accidents, apparaissent également restreintes. Car s’il est vrai que le recourant s’occupait dans le cadre de la gestion de son entreprise des aspects administratifs comme d’autres indépendants le font, force est cependant de prendre en compte qu’il exerçait principalement une activité manuelle de plâtrier-peintre, seule activité pour laquelle il dispose d’une formation professionnelle. Le recourant a en outre exposé, sans que cela soit contesté, qu’avant son accident, il était assisté d’une secrétaire et d’une fiduciaire pour les tâches administratives et, lorsqu’il a été empêché de reprendre son activité manuelle de peintre, il a eu des difficultés à gérer le travail de bureau en raison de lacunes en informatique. Enfin, quand son entreprise s’approchait de la faillite et qu’il ne pouvait plus employer de secrétaire, il avait encore pu compter sur l’aide de son ex-compagne dans ce domaine. Son expérience en matière de travail administratif apparait ainsi peu étendue.

Si l’on doit retenir à l’instar des avis des médecins d’arrondissement de l’intimée, faute d’avis médicaux contraires (les médecins traitants du recourant ayant listé les limitations à respecter pour envisager une activité adaptée), que le recourant pourrait avoir une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, il faut également admettre qu’il n’existe qu’un très maigre éventail d’emplois adaptés au cas du recourant.

L’on constatera en conséquence que l’éventail des activités de niveau 2 est restreint dans le cas particulier. Un abattement entre dès lors en considération, puisque même sur un marché du travail équilibré, l’éventail des activités accessibles au recourant est très limité en raison de ses limitations médicales.

Quant aux autres éléments de la situation personnelle du recourant, l’on constatera que s’il est vrai que ce dernier a tenté de s’adapter après son premier accident en faisant davantage de travail administratif dans son entreprise, il n’a cependant plus pu retravailler depuis 2011. L’état de son genou s’est irrémédiablement péjoré et les interventions chirurgicales subies n’ont fait qu’aggraver ses limitations de mouvement. Ces éléments ont éloigné le recourant du monde du travail depuis plus de dix ans. La formation en informatique suivie par ce dernier grâce à l’OAI n’est par ailleurs pas à elle seule susceptible de compenser les désavantages compétitifs liés aux limitations du recourant et à son âge avancé (63 ans lors de la décision contestée), et ce d’autant moins dans les quelques emplois administratifs qui seraient théoriquement adaptés à son état de santé.

Quant au contexte de la pandémie duquel le recourant tire argument pour plaider l’impossibilité de retrouver un emploi adapté, le Tribunal fédéral a rappelé dans un récent arrêt 8C_240/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2 que la possibilité de retrouver un emploi doit être examinée au vu d’un marché du travail équilibré, qui est une notion théorique et abstraite excluant de tenir compte des fluctuations conjoncturelles. Admettre le contraire aboutirait à ce résultat qu’un assuré serait tantôt admis à bénéficier de la rente et tantôt ne le serait pas suivant que les offres d’emploi seraient peu nombreuses ou au contraire abondantes, si bien que les décisions des autorités administratives seraient dépourvues de tout fondement objectif. Cet élément ne peut dès lors pas être retenu.

Cela étant, les limitations particulières retenues dans le cas d’espèce et les éléments de la situation personnelle du recourant auraient des effets pénalisants au niveau salarial aux yeux d’un potentiel employeur. Ce dernier devrait accepter d’engager un homme approchant la retraite, n’ayant plus pu travailler depuis de nombreuses années et n’ayant que peu de formation et d’expérience dans le domaine administratif, étant plâtrier et peintre de formation, ainsi que de nombreuses limitations d’ordre médical. Même la volonté que le recourant a montrée après son premier accident pour poursuivre son travail en faisant davantage de tâches administratives ne saurait compenser les effets pénalisants de son état de santé actuel et son absence d’expérience professionnelle dans un bureau autre que son bureau d’entrepreneur aux yeux d’un potentiel employeur.

Il se justifie dès lors de retenir l’abattement maximal de 25 %, l’abattement de 10 % retenu par l’intimée ne prenant pas adéquatement en compte la situation du recourant.

Au vu de l’abattement de 25 % qui s’impose dans ce cas, le recourant connait une perte de capacité de gain de CHF 44’266.00 (soit le revenu d’invalide (CHF 71’946.76) – 25 % = CHF 53’960.00 au regard du revenu sans invalidité CHF 98’226.00). Il a en conséquence droit à une rente d’invalidité calculée sur un degré d’invalidité de 45 %.

La décision attaquée sera annulée au sens des considérants. Il sera dit que le recourant a droit à une rente d’invalidité de 45 % dès le 1er octobre 2020.

L’IPAI allouée n’ayant pas été contestée, la décision sur opposition en tant qu’elle réaffirme le droit à une IPAI de 46 % sera confirmée.

4.             Le recours est admis.

5.             Le recourant qui a agi seul ne peut pas prétendre à une indemnité.

6.             La procédure est gratuite.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 21 décembre 2020 en tant qu’elle fixe le taux d’invalidité à 34 %.

4.        Dit que le recourant est invalide à 45 % et a droit à une rente d’invalidité conforme à ce taux dès le 1er octobre 2020.

5.        Confirme la décision pour le surplus, en ce sens que le recourant a droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité corporelle de CHF 59’292.00 (46 %).

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le