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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1041/2019

ATAS/1342/2021 du 22.12.2021 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.02.2022, rendu le 19.10.2022, REJETE, 8C_93/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1041/2019 ATAS/1342/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 décembre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à LE LIGNON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Gustavo DA SILVA

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1965, marié, a travaillé comme maçon pour le compte de l’entreprise B______ & Cie SA. À ce titre, il était assuré contre les accidents auprès de la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (Schweizerische Unfallversicherungsanstalt, ci-après : la SUVA ou l'intimée).

2.        Par l’intermédiaire de son employeur, l’assuré a annoncé à la SUVA que, le 9 août 2016, alors qu’il travaillait sur le coffrage d’un escalier, il avait chuté d’un escabeau en faisant un « mouvement de décoffrage » avec un marteau.

3.        La SUVA a pris en charge les suites de l’accident du 9 août 2016, notamment par le versement d’indemnités journalières.

4.        Le 17 août 2016, l’assuré a été opéré une première fois aux hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) pour sa fracture du calcanéum gauche (réduction ouverte et fixation interne par une Wave Plate de Tornier avec vis), par les docteurs C______ et D______, spécialistes FMH en chirurgie orthopédique. Un arrêt de travail de trois mois lui a été prescrit.

5.        Dans un rapport adressé à la SUVA le 28 novembre 2016, le Dr C______ a fait état d’une évolution « lentement favorable » et d’une reprise du travail prévue pour le mois de décembre 2016. Il a précisé que le pronostic demeurait réservé, dans la mesure où l’assuré travaillait dans le domaine du bâtiment.

6.        L’assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : la CRR) du 19 avril au 16 mai 2017. Dans leur rapport du 31 mai 2017, les docteurs E______ et F______, médecins auprès de la CRR, ont retenu les diagnostics suivants : thérapies physiques et fonctionnelles pour limitation fonctionnelle et douleurs du pied gauche ; chute d’escabeau avec fracture comminutive du calcanéum gauche (août 2016) ; probable neuropathie axonale sensitive partielle du nerf sural (avril 2017).

Dans leur appréciation, les médecins de la CRR ont notamment relevé que l’assuré se plaignait de douleurs au niveau du talon gauche, exacerbées après la marche. L’assuré estimait son périmètre de marche à une heure. Une part importante de ses douleurs semblait liée à un contact entre la vis supéro-inférieure et le tendon d’Achille (réaction inflammatoire). L’ablation du matériel d’ostéosynthèse conduirait vraisemblablement à une diminution des douleurs et des limitations fonctionnelles, et un traitement post-opératoire par ergothérapie devait être discuté. La situation n’était pas encore stabilisée du point de vue médical, mais on pouvait s’attendre à ce qu’elle le soit 3 à 4 mois après l’ablation du matériel d’ostéosynthèse. Si le pronostic de réinsertion était défavorable en ce qui concernait la profession antérieure, il était en revanche favorable dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelle, ayant trait à la station debout et aux marches prolongées –notamment sur du terrain irrégulier –, à la position accroupie, à l’utilisation répétée d’escaliers ou d’échelles, ainsi qu’au port de charges moyennes à lourdes. Dès la stabilisation du cas, une intervention de la SUVA était préconisée afin d’accompagner l’employeur et l’assuré – toujours sous contrat – dans la démarche d’un poste adapté. Lors des ateliers professionnels, il avait été constaté chez l’assuré de bonnes compétences au niveau de la logique de travail, du sens de l’observation et de l’organisation. Enfin, lors d’une évaluation des capacités fonctionnelles, l’assuré avait fourni un niveau d’effort moyen (15 à 25 kg) et manifesté une réelle volonté de donner le maximum.

7.        Dans un rapport daté du 28 juin 2017, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, responsable de la consultation du pied et de la cheville des HUG, a préconisé une ablation du matériel d’ostéosynthèse, associée à une arthrodèse calcanéo-cuboïdienne. Il a par ailleurs suggéré une réorientation professionnelle, les possibilités d’un retour dans le domaine antérieur lui paraissant très limitées.

8.        Le 13 novembre 2017, l’assuré a été réopéré par le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique auprès de la clinique La Colline (ablation du matériel d’ostéosynthèse et résection d’une marche d’escalier au niveau de l’articulation sous-talienne postérieure).

9.        Dans un rapport d’examen final daté du 9 avril 2018 et complété le 12 avril 2018, le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a retenu les diagnostics de status après fracture complexe du calcanéum gauche, traitée par ostéosynthèse, d’ablation du matériel d’ostéosynthèse et de status après accident de la voie publique, avec traumatisme sérieux du genou droit (non à charge de la SUVA). Pratiquement 20 mois après l’événement accidentel, l’assuré – qui prenait des antalgiques – déplorait une douleur ayant augmenté les derniers mois, suite à l’ablation chirurgicale du matériel d’ostéosynthèse au mois d’octobre 2017. L’assuré avait également des troubles du sommeil et prenait occasionnellement des médicaments pour dormir. L’assuré boitait en raison de son problème de pied et de cheville gauches, avec une mobilité réduite à environ 30 minutes de marche. S’agissant des constatations cliniques, l’assuré présentait une cicatrice antérieure et une déformation du genou droit, avec une limitation de la flexion et une circonférence augmentée. S’agissant du membre inférieur gauche, qui concernait la SUVA, la cicatrice externe était calme. La mobilité de l’articulation sous-astragalienne postérieure restait diminuée, avec des douleurs signalées lors de la palpation. La flexion-extension était limitée (10° de flexion dorsale et 30° de flexion plantaire). L’assuré se plaignait aussi d’une diminution de la sensibilité des rayons 3 et 5. Dans son appréciation, le médecin d’arrondissement a rappelé que, suite à son traumatisme du pied et de la cheville en 2016, l’assuré avait subi une fracture du calcanéum gauche, traitée par chirurgie selon les règles de l’art. Les bilans radiologiques étaient plutôt rassurants et il en ressortait une bonne reconstitution du calcanéum gauche. Toutefois, la mobilité restait limitée, tout comme l’activité « en force ». S’agissant de l’ancienne profession, le Dr I______ disait adhérer à la proposition formulée par la CRR en 2017. Les limitations énoncées de façon provisoire par la CRR étaient maintenant définitives, de sorte que l’assuré devait éviter les stations debout prolongées, la position accroupie, les marches longues ou sur du terrain irrégulier, ainsi que l’utilisation d’escaliers / d’échelles et le port de charges moyennes à lourdes. Par ailleurs, le cas était actuellement suffisamment stabilisé pour faire un bilan assécurologique. S’agissant de l’exigibilité, le Dr I______ relevait que, moyennant le respect des limitations fonctionnelles, l’assuré pouvait travailler à temps complet, sans diminution de rendement. S’agissant de l’atteinte à l’intégrité, le médecin d’arrondissement l’évaluait à 5%, ce qui correspondait à la fourchette inférieure pour une arthrose moyenne, selon les tables d’indemnisation de la SUVA. Il proposait de fermer le dossier et de transmettre les informations à l’assurance-invalidité afin de déterminer si cette assurance pouvait intervenir.

10.    Dans un bref rapport adressé à la SUVA le 29 mai 2018, le Dr H______ a indiqué que l’assuré souffrait toujours de douleurs en « fer à cheval » sur l’articulation sous-talienne, et qu’une infiltration était restée sans effet.

11.    L’assurance-invalidité a accordé à l’assuré, dès le 1er octobre 2018, une mesure d’orientation professionnelle de trois mois auprès de l'organisation romande pour la formation et l'intégration professionnelle (ci-après : ORIF).

12.    Dans un courriel adressé à l’assurance-invalidité le 10 octobre 2018, un collaborateur de l’ORIF a indiqué que l’assuré s’était présenté le 5 octobre 2018 avec une cloque au talon et que comme celle-ci s’était infectée, il s’était vu prescrire un arrêt de travail dès le 8 octobre 2018. Cet arrêt de travail semblait être sans rapport avec les limitations fonctionnelles.

13.    Par pli du 17 octobre 2018, l’assuré a informé la SUVA qu’il ne pouvait continuer sa mesure auprès de l’assurance-invalidité, dès lors qu’il se trouvait de nouveau en arrêt de travail. Par ailleurs, un médecin qu’il avait consulté au Portugal avait préconisé de bloquer son pied gauche, de façon à atténuer les douleurs.

L’assuré a joint un certificat d’arrêt de travail établi par la doctoresse J______, médecin généraliste (valable pour la période du 8 octobre au 8 novembre 2018), ainsi qu’un bref rapport rédigé en langue portugaise par le docteur K______.

14.    Dans un « rapport d’intégration socioprofessionnelle » daté du 12 novembre 2018, l’ORIF a indiqué qu’il n’avait pas été possible d’effectuer un bilan concernant d’éventuels projets professionnels, dans la mesure où l’assuré n’avait été présent au sein de l’atelier que pendant 4 jours et demi. S’agissant du module « montage mécanique », l’assuré avait rapidement indiqué qu’il ne supportait pas cette activité, par manque de patience et de concentration, de sorte qu’il avait été mis fin au module après une journée. Dans « l’atelier bois » – qui consistait à découper des pièces de bois à l’aide d’une scie –, l’assuré semblait avoir pris du plaisir et avait fait preuve de précision, mais le module n’avait pas pu être terminé suite à son absence. Enfin, invité à discuter d’éventuels projets professionnels, l’assuré avait indiqué ne pas avoir d’idée de métier susceptible de correspondre à ses limitations, mais ressentir le besoin d’alterner les positions et de se déplacer régulièrement.

15.    Par décision du 27 novembre 2018, la SUVA a accordé à l’assuré, dès le 1er octobre 2018, une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 5% et une rente d’invalidité de 21%, considérant qu’en dépit de ses séquelles accidentelles, l’intéressé demeurait capable d’exercer à plein temps une activité adaptée à son état de santé.

16.    Le 14 janvier 2019, l’assuré a formé opposition contre cette décision, contestant en substance la stabilisation de l’état de santé, la capacité de travail et le taux d’invalidité retenus par la SUVA. Il a également fait valoir que les descriptions de poste de travail (ci-après : les DPT) sélectionnées par la SUVA ne respectaient pas ses limitations fonctionnelles, dans la mesure notamment où elles ne lui permettraient pas d’alterner les positions.

À l’appui de son opposition, l’assuré a notamment joint un courrier daté du 22 janvier 2019 et signé par les docteurs L______ et H______, dans lequel on pouvait lire : « [ ] L’évolution est celle d’une arthrose sous-talienne et d’une arthrose calcanéo-cuboïdienne générant un handicap fonctionnel important, au point où le patient n’a pas pu réintégrer une quelconque profession. À ce stade, trois ans après cet accident, nous ne pensons pas qu’une chirurgie puisse améliorer les conditions de ce patient. Celle-ci aurait consisté en une arthrodèse sous-talienne et une arthrodèse calcanéo-cuboïdienne. Dans notre vaste expérience de ce genre de situation, chez les travailleurs de force, finalement nous sommes systématiquement déçus du résultat. Certains patients sont même engagés sur des voies de chirurgies répétées, liées à des complications de la réopération. Il faut quand même reconnaître qu’aujourd’hui, le patient marche avec un pied qui est un peu enflé et qu’il marche sans canne. Ce patient doit à présent être recyclé dans une activité sédentaire dans la mesure du possible ».

17.    Par décision sur opposition du 7 février 2019, la SUVA a rejeté l’opposition. Il ressortait du rapport établi en janvier 2019 par les Drs L______ et H______ qu’aucune nouvelle intervention chirurgicale n’était envisagée en l’état. En outre, le le Dr I______ avait estimé, déjà à la mi-avril 2018, que l’état de santé était stabilisé. L’assuré ne mettait pas en évidence de traitement médical susceptible d’améliorer sensiblement son état de santé et ne produisait aucun élément propre à contredire la stabilisation de son état de santé au 1er octobre 2018 au plus tard, date à laquelle débutait son droit à la rente. Par ailleurs, selon le Dr I______ – dont l’appréciation n’était pas valablement remise en question –, l’assuré était pleinement capable d’exercer une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. S’agissant de l’échec du stage auprès de l’ORIF, l’assuré avait invoqué ne pas supporter plusieurs des activités proposées en raison d’un manque de patience et de concentration, c’est-à-dire de facteurs étrangers à l’invalidité, qui ne l’exonéraient pas de son obligation de diminuer le dommage. Enfin, c’était à tort que le recourant contestait plusieurs DPT en raison du fait qu’il ne pouvait pas y avoir d’alternance des positions ; les activités documentées impliquaient des activités légères et largement sédentaires, n’impliquant ni agenouillement ni mouvements incommodes pour le membre inférieur. Il n’y avait donc pas lieu de revenir sur le revenu d’invalide, qui une fois comparé au revenu sans invalidité, conduisait à un taux d’invalidité de 21,3%.

18.    Par acte du 11 mars 2019, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) d’un recours, concluant principalement à l’annulation de la décision sur opposition du 7 février 2019 et à l’octroi, en tout cas depuis le 1er octobre 2018, d’une rente d’invalidité « calculée sur la base d’une diminution de la capacité résiduelle de travail de 50%, d’une diminution de rendement d’au minimum 20% ainsi que d’une diminution supplémentaire de 20% au moins ». À titre préalable, l’assuré a requis l’audition du médecin d’arrondissement de la SUVA, de ses propres médecins et des intervenants de l’ORIF, ainsi que la mise en œuvre d’une expertise judiciaire.

Il a déploré une instruction insuffisante de la SUVA, relevant que l’examen final du médecin d’arrondissement, effectué de nombreux mois avant le prononcé de la décision attaquée, n’était pas « actuel », pas plus qu’il ne respectait les exigences jurisprudentielles en la matière. La SUVA avait retenu de manière définitive des limitations fonctionnelles déterminées de manière provisoire par la CRR. Par ailleurs, la Dresse J______ avait contesté les conclusions du médecin d’arrondissement, et l’on ne pouvait considérer qu’il disposait d’une capacité de travail supérieure à 50% dans une activité adaptée, alors que son rendement était diminué. De surcroît, les DPT sélectionnées ne respectaient pas ses limitations fonctionnelles. La cause n’était pas en l’état d’être jugée et, par souci de célérité, il requérait la mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire.

À l’appui de son recours, l’assuré a notamment joint un bref certificat daté du 28 février 2019 et émanant de la Dresse J______. Cette praticienne y indiquait que l’assuré présentait des douleurs des deux pieds (surtout la nuit, lorsqu’il marchait ou maintenait la position assise au-delà d’une heure). Par ailleurs, il souffrait d’un état dépressif et anxieux qui l’avait récemment incité à consulter un psychiatre. La Dresse J______ en concluait que ces antécédents et le handicap fonctionnel « majeur » de l’assuré ne lui permettaient pas d’envisager un reclassement professionnel.

19.    Dans sa réponse du 6 septembre 2019, l’intimée a conclu au rejet du recours. Dans son rapport d’examen final d’avril 2018, le Dr I______ avait jugé l’état de santé stabilisé et conclu à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Ce rapport, rendu dix mois après le rapport de la CRR et quatre mois et demi après l’ablation du matériel d’ostéosynthèse, ne pouvait être assimilé à un avis sur dossier. Les indemnités journalières avaient été versées jusqu’au 30 septembre 2018, soit jusqu’à la veille de l’orientation professionnelle accordée par l’assurance-invalidité. En octobre 2018, l’assuré avait indiqué à la SUVA ne pas pouvoir continuer la formation octroyée par l’assurance-invalidité, en se prévalant d’un certificat d’arrêt de travail établi par la Dresse J______. Toutefois, lors d’un entretien dans les locaux de l’entreprise B______ & Cie SA, l’assuré n’avait pas donné d’explication convaincante concernant son impossibilité à suivre la mesure d’orientation professionnelle. Le rapport d’intégration socio-professionnel mentionnait un faible taux de présence à l’ORIF (4.5 jours) et il a avait été mis fin à la mesure, à la demande de l’assurance-invalidité. Dans leur rapport de janvier 2019, les Drs H______ et L______ avaient conclu que l’assuré pouvait marcher sans canne et devait être « recyclé » dans une activité sédentaire, puis dans un rapport du 28 février 2019 – postérieur à la décision litigieuse – la Dresse J______ avait allégué un handicap fonctionnel majeur, ne permettant pas d’envisager un reclassement professionnel, mais sans mettre en évidence d’élément susceptible de remettre en cause les conclusions du Dr I______. Enfin, dans la mesure où le recourant se contentait d’alléguer que les DPT ne respectaient pas ses limitations fonctionnelles, l’intimée rétorquait que, lors du séjour à la CRR, il avait été observé de bonnes compétences au niveau de la logique de travail, du sens de l’observation et de l’organisation ; le recourant ne pouvait valablement se prévaloir de son manque de patience et de concentration, respectivement du fait qu’il n’aimait pas assembler des pièces mécaniques. En vertu de son obligation de diminuer le dommage, il ne pouvait pas non plus se limiter à un seul domaine d’activité. En définitive, c’était à bon droit qu’elle était passée, dès le 1er octobre 2018, à l’examen du droit à la rente et avait retenu un taux d’invalidité de 21%. Pour le reste, le grief d’instruction insuffisante était infondé et la mise en œuvre d’une expertise judiciaire se révélait superflue, tout comme l’audition sollicitée des médecins traitants, qui s’étaient déjà exprimés par écrit.

20.    Après avoir obtenu diverses prolongations de délai, le recourant a répliqué le 20 janvier 2020, persistant dans les termes de son recours. Lors du prononcé de la décision du 27 novembre 2018, son état de santé n’était pas stabilisé ; de nouvelles investigations avaient été entreprises dans le but d’améliorer son état de santé et il poursuivait un suivi psychiatrique-psychologique. Il a notamment joint :

-       un courrier rédigé le 11 janvier 2019 par le Dr H______, répondant à un questionnaire que lui avait adressé l’avocat du recourant. À la question de savoir si la situation médicale était stabilisée à fin septembre 2018, respectivement à fin novembre 2018, il a répondu qu’en novembre 2018, l’état de santé était relativement stable, mais qu’un « Spect-Ct » avait été demandé pour discuter d’une éventuelle chirurgie. Le « Spect-Ct » du 7 décembre 2018 avait montré une péjoration de l’arthrose. Lors de la consultation du 7 janvier 2019, il avait été constaté une amélioration de la fonctionnalité, en ce sens que le patient s’était présenté pour la première fois sans moyen auxiliaire, bien que les douleurs semblaient toujours handicapantes. À la question de savoir si une dégradation de l’état de santé – suite à l’accident du 9 août 2016 – avait été constatée, en particulier avant le prononcé de la décision du 27 novembre 2018, le Dr H______ a répondu que les symptômes étaient restés stables depuis la première consultation, et que l’état de santé ne s’était pas dégradé depuis le prononcé de la SUVA. À la question de savoir si d’autres interventions chirurgicales étaient envisagées, le médecin a répondu qu’une arthrodèse sous-talienne et calcanéo-cuboïdienne pourrait éventuellement être envisagée, mais que la question devait prochainement être rediscutée avec le Dr L______. Le précédent consilium avait abouti à un statu quo, en ce sens qu’il était fortement improbable qu’une nouvelle chirurgie améliore la situation. À la question de savoir si l’opération envisagée était propre à se répercuter sur la capacité résiduelle de travail, en particulier sous l’angle des limitations fonctionnelles, le Dr H______ a répondu « a priori pas ». S’agissant du pronostic, il l’a qualifié de « plutôt négatif ». À la question de savoir s’il partageait l’avis de la SUVA et de son médecin-conseil au sujet des limitations fonctionnelles retenues, le Dr H______ a répondu par l’affirmative. Enfin, à la question de savoir si les cinq professions proposées par la SUVA à titre d’exemple étaient compatibles avec les limitations fonctionnelles le Dr H______ a répondu que les professions « employé atelier emballage », « soudure laser » et « assemblage micromètres digitaux » pouvaient être exercées avec un rendement de 90% si l’assuré travaillait en position assise. Il a en revanche renoncé à se prononcer au sujet des professions « opérateur régleur pré-montage » et « angleur main » ;

-       un avis de transfert daté du 27 juin 2019 et émanant des HUG, singulièrement de la Clinique de Montana, retenant le diagnostic principal de trouble dépressif récurrent sévère, sans symptômes psychotiques. Le patient avait été adressé par le docteur M______, son psychiatre, à la Clinique de Montana, où il avait séjourné du 6 au 27 juin 2019. L’assuré présentait des idées suicidaires persistantes avec projet concret. Si le patient s’était engagé à ne pas passer à l’acte jusqu’à son départ à domicile, il ne pouvait plus s’engager et exprimait le sentiment que rien ne le retenait dans la vie. Compte tenu des critères de dangerosité immédiate, le patient devait être transféré aux urgences psychiatriques des HUG pour une prise en charge spécialisée ;

-       trois rapports émanant du département de médecine de premier recours des HUG, datés des 14 octobre, 21 octobre et 22 novembre 2019, dont il ressort que l’assuré a consulté pour une douleur à la cheville gauche, survenue le 10 octobre 2019 suite à une torsion en inversion alors qu’il marchait. Le status ostéo-articulaire montrait un hématome de la cheville gauche, un gradient thermique et un érythème, mais également une limitation du mouvement lors de l’inversion / éversion. Une imagerie effectuée en novembre 2019 avait mis en évidence des signes de tendinopathie calcifiante du tendon d’Achille, sans argument pour une rupture ou fissuration tendineuse. Des séances de physiothérapie avaient été prescrites.

21.    L’intimée a dupliqué le 11 février 2020. Le traitement médical n’était alloué qu’aussi longtemps qu’il était susceptible d’améliorer sensiblement l’état de santé et la capacité de travail. En l’occurrence, le Dr H______ avait jugé fortement improbable qu’une nouvelle chirurgie améliore l’état de santé, tout en précisant qu’une opération serait a priori impropre à modifier la capacité de travail et qu’en novembre 2018, l’état de santé était relativement stable. En outre, aucun avis médical ne retenait que l’on pouvait attendre de la poursuite du traitement une amélioration notable de l’état de santé, de sorte qu’il fallait admettre qu’à la date de la décision du 27 novembre 2018, confirmée sur opposition le 7 février 2019, l’état de santé était stabilisé. Pour le reste, les pièces médicales produites par l’assuré étaient postérieures à la décision litigieuse et ne remettaient pas en cause la stabilisation de l’état de santé.

22.    Le 23 mars 2020, le recourant a maintenu qu’à la date de la décision du 27 novembre 2018, son état n’était pas stabilisé. À l’appui de ses dires, il a produit :

-       une attestation établie le 28 janvier 2020 par la doctoresse N______, spécialiste en médecine physique et réadaptation auprès de l’Hôpital de la Tour. Elle avait revu l’assuré en décembre 2019 et lui avait proposé de continuer la physiothérapie en piscine, dans le but de soulager ses douleurs liées à la charge sur son pied gauche. Elle lui avait également proposé d’effectuer une infiltration « test » de cortisone et une anesthésie locale de l’articulation sous-talienne gauche ;

-       un rapport adressé le 9 mars 2020 au médecin-conseil de la SUVA, à teneur duquel la Dresse N______ estimait que l’assuré serait un bon candidat pour une arthrodèse sous-talienne calcanéo-cuboïdienne, raison pour laquelle elle l’avait adressé au docteur O______, chirurgien du pied ;

-       un courrier des HUG du 9 mars 2020, convoquant l’assuré en vue d’une intervention chirurgicale en juin 2020.

23.    Par écriture du 30 mars 2020, l’intimée a fait valoir que l’arthrodèse sous-talienne prévue en juin 2020 constituait un fait nouveau par rapport à la situation prévalant au 7 février 2019, date de la décision sur opposition. Elle invitait le recourant à annoncer l’opération de juin 2020 à titre de rechute, afin qu’elle examine son droit à d’éventuelles prestations.

24.    Suite à la nouvelle opération qu’il a subie aux HUG le 26 juin 2020 (arthrodèse sous-talienne), le recourant a fait valoir, le 14 septembre 2020, que son état de santé n’était pas stabilisé au moment de la décision attaquée, ce qui excluait toute rechute. Il a produit diverses pièces supplémentaires, notamment :

-       une lettre de sortie des HUG du 7 juillet 2020, faisant état de suites post-opératoires favorables, suite à l’arthrodèse sous-talienne du pied « droit » (NDR : il s’agit de toute évidence du pied gauche), et prescrivant à l’assuré un arrêt de travail du 26 juin au 7 août 2020 ;

-       un bon de prescription de 9 séances de physiothérapie, daté du 4 août 2020.

25.    Le 13 octobre 2020, l’intimée a maintenu ses conclusions tendant au rejet du recours, tout en produisant une nouvelle appréciation médicale rédigée le 30 septembre 2020 par le Dr I______ : l’intervention réalisée le 26 juin 2020 était en relation causale avec l’événement du 9 août 2016. Il s’agissait de l’évolution naturelle d’une fracture du calcanéum, sous la forme désormais d’une arthrose, pour laquelle une arthrodèse avait été proposée. Dans l’évaluation qu’il avait effectuée en mars 2018, il avait considéré que l’activité professionnelle ne devait pas être modifiée, et actuellement, il convenait toujours d’éviter les positions accroupies, les marches en terrain irrégulier, les stations debout et les marches prolongées, ainsi que l’utilisation d’escaliers / échelles et le port de charges moyennes à lourdes. Suite à l’arthrodèse réalisée, il n’y avait pas lieu de modifier « la limitation proposée sur le plan professionnel » par rapport à l’examen du 26 mars 2018. Cela pourrait éventuellement être réévalué 6 mois après la chirurgie, dans l’hypothèse d’une complication post-opératoire. Pour le reste, il n’y avait pas lieu de modifier la prise en charge des frais médicaux accordée le 21 septembre 2018.

26.    Par écritures des 29 janvier, 9 et 25 février 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions et requis l’audition du Dr G______. La dernière appréciation rédigée par le Dr I______ n’avait aucune valeur probante, dès lors qu’elle ne reposait sur aucun examen clinique et que le médecin d’arrondissement s’était contredit en n’évoquant aucune modification de la situation, tout en indiquant qu’une réévaluation 6 mois après la chirurgie pourrait s’avérer nécessaire. Par ailleurs, suite à la troisième opération qu’il avait subie au niveau du pied gauche, en juin 2020, une quatrième opération devait avoir lieu en 2021.

Le recourant a notamment joint un bref rapport établi le 15 février 2021 par la doctoresse P______, du service de chirurgie orthopédique et traumatologie des HUG, faisant état de signes échographiques en faveur d’une compression du nerf cutané dorso-latéral (imagerie du 14 octobre 2020), ainsi que d’une consolidation de la sous-talienne, sans aggravation de l’arthrose calcanéo-cuboïdienne ni signe de complication lié au matériel, hormis une légère mobilité autour de la pointe distale d’une vis.

27.    Sur demande, l’assurance-invalidité a transmis à la CJCAS son dossier le 2 juin 2021, duquel ressortaient notamment :

-       un rapport final daté du 28 janvier 2020, dans lequel la doctoresse Q______, du service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : le SMR), a retenu les diagnostics avec effet sur la capacité de travail de séquelles d’une fracture complexe du calcanéum gauche, avec arthrose sous talienne post-traumatique, et d’épisode de dépression d’intensité sévère, dans le cadre d’un trouble dépressif récurrent. Le SMR se ralliait aux conclusions du médecin d’arrondissement retenant, sous l’angle orthopédique, une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Au plan psychique, l’assuré était suivi par un psychiatre depuis le mois de novembre 2018 en raison d’un épisode de dépression sévère sans symptômes psychotiques, dans le cadre d’un épisode dépressif récurrent. La rechute dépressive s’était produite, selon le Dr M______, dans un contexte de douleurs chroniques et d’un isolement social progressif. L’assuré avait par ailleurs été hospitalisé en juin 2019, en raison d’une aggravation de son état psychique, avec idéations suicidaires. La symptomatologie dépressive sévère persistait, malgré un traitement lege artis et l’adhésion de l’assuré audit traitement. Dans un rapport de juillet 2019, le Dr M______ avait indiqué que l’assuré était isolé socialement et ne présentait pas de ressources personnelles ou sociales mobilisables, tout en proposant de réévaluer la situation dans un an. En conclusion, le SMR retenait une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle, depuis le mois d’août 2016. Dans une activité adaptée, la sévérité de l’atteinte psychiatrique ne permettait pas davantage de retenir une quelconque capacité de travail.

-       une décision du 13 mai 2020, à teneur de laquelle l’assuré s’est vu accorder une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2017.

28.    Le 14 juillet 2021, le recourant a transmis à la CJCAS de nouvelles pièces, ayant trait à une nouvelle intervention chirurgicale réalisée aux HUG le 13 mai 2021 (révision de cicatrice du pied gauche et décompression d’un névrome).

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu du report du terme du délai au premier jour ouvrable suivant, le recours est recevable (art. 38 al. 3, 56 et 60 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - [LPA-GE - E 5 10]).

4.        L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui - dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées).

En l’espèce, au vu de la décision attaquée et du recours, le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était fondée à mettre fin au versement des indemnités journalières avec effet au 1er octobre 2018 et à passer, dès cette date, à l’examen du droit à une rente d’invalidité. Est également litigieuse l’évaluation du degré d’invalidité. En revanche, le recourant ne conteste pas le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité qui lui a été accordée.

5.        a. Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel ou non professionnel. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

b. La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références; ATF 119 V 335 consid. 1).

c. L'exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans l'événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 129 V 177 consid. 3.1; ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

d. En présence d'affections psychiques, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat des troubles psychiques consécutifs à un accident. Elle a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité, les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification des accidents, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 115 V 139 consid. 6, 407 s. consid. 5).

Dans le cas d'un accident insignifiant ou de peu de gravité, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et les troubles psychiques doit, en règle ordinaire, être d'emblée niée. En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques ;

- la durée anormalement longue du traitement médical ;

- les douleurs physiques persistantes ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident ;

- les difficultés apparues en cours de guérison et les complications importantes ;

- le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsque l'on se trouve en présence d'un accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, il faut un cumul de quatre critères sur les sept, ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêts du Tribunal fédéral 8C_810/2019 du 7 septembre 2020 consid. 4.2.3 et 8C_114/2021 du 14 juillet 2021 consid. 2.3).

6.        Les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 - OLAA ; RS 832.202). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a, ATF 118 V 293 consid. 2c et les références).

Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références; RAMA 2006 n° U 570 p. 74 consid. 1.5.2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 80/05 du 18 novembre 2005 consid.1.1).

7.        Tant qu’une décision d’octroi de la rente d’invalidité n’est pas entrée en force, le droit éventuel à un traitement médical doit être examiné à la lumière des conditions de l’art. 10 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 252/01 du 17 juin 2002 consid. 2). Selon l’art. 10 al. 1 LAA, l’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident, à savoir notamment au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, ainsi qu’aux médicaments et analyses ordonnés par celui-ci (let. a et b). Le traitement médical n’est alloué qu’aussi longtemps que sa continuation est susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de l’assuré (art. 19 al. 1, seconde phrase, LAA a contrario), une amélioration insignifiante n’étant pas suffisante. Il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé quand la mesure thérapeutique (par exemple une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04, consid. 3.1). Si une amélioration n’est plus possible, le traitement prend fin et l’assuré peut prétendre à une rente d’invalidité (pour autant qu’il présente une incapacité de gain de 10 % au moins).

Une fois que le traitement médical a cessé et que l’assuré n’a pas droit à une rente, il appartient à l’assurance-maladie de prendre en charge le traitement. Demeure réservée l’annonce d’une rechute ou de séquelles tardives nécessitant un traitement médical (art. 11 OLAA [RS 832.202]). Dans ce cas, l’assureur-accidents accordera les prestations indépendamment des conditions fixées à l’art. 21 LAA (arrêt 8C_179/2014 du 16 mars 2015 consid. 4.1).

La limite temporelle de la prise en charge, par l’assureur-accidents, du traitement médical ressort de l’art. 19 LAA relatif aux rentes d’invalidité, qui, pour autant que les conditions soient remplies, prennent le relais des prestations temporaires. À teneur de cette disposition, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 LAA).

Savoir ce que signifie une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré (« namhaften Besserung des Gesundheitszustandes des Versicherten » ; « un sensibile miglioramento della salute dell’assicurato ») au sens de l’art. 19 al. 1 LAA n’est pas précisé par le texte légal. Le concept de l’assurance-accidents sociale étant orienté vers les personnes actives, l’amélioration sensible de l’état de santé est liée à la mesure de l’amélioration de la capacité de travail. Ainsi, le législateur a voulu que l’amélioration de l’état de santé soit d’une certaine importance pour être « sensible ». Les améliorations insignifiantes ne suffisent pas (ATF 134 V 109 consid. 4.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 3.1). La preuve que la mesure envisagée est de nature à améliorer l’état de santé doit être établie avec une vraisemblance suffisante ; celle-ci est donnée dès que l’on peut admettre que le traitement envisagé ne représente pas seulement une possibilité lointaine d’amélioration. En revanche, il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé quand la mesure thérapeutique (par exemple une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état stationnaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_179/2014 du 16 mars 2015 consid. 4).

8.        Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). L'art. 8 LPGA précise qu’est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA).

Le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 LAA).

9.        a. Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

b. Pour déterminer le revenu sans invalidité avant un accident, il faut rechercher quelles sont les possibilités de gain d'un assuré censé utiliser pleinement sa capacité de travail. Peu importe de savoir si l'assuré mettait à profit, entièrement ou partiellement seulement, sa capacité de travail; ces éléments sont pris en compte au travers du montant du gain assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_708/200 du 21 août 2008 consid. 5.5). Lorsqu'on peut partir de l'idée que l'assuré aurait continué son activité professionnelle sans la survenance de l'atteinte à la santé, on prendra en compte le revenu qu'il obtenait dans le poste occupé jusqu'alors (RAMA 2006 n° U 568 p. 66, consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_708/2007 du 21 août 2008 consid. 5.5).

c. S'agissant de la fixation du revenu d'invalide, ce n'est pas le fait que l'assuré mette réellement à profit sa capacité résiduelle de travail qui est déterminant, mais bien plutôt le revenu qu'il pourrait en tirer dans une activité raisonnablement exigible. Le caractère raisonnablement exigible d'une activité doit être évalué de manière objective, c'est-à-dire qu'on ne peut simplement tenir compte de l'appréciation négative par l'assuré de l'activité en cause. En application de ce principe, la jurisprudence admet très largement le caractère exigible d'une activité (Ulrich MEYER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum IVG, 2ème éd. 2010, p. 294ss). Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé.

En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques salariales (ATF 126 V 75, consid. 3b), singulièrement à la lumière de celles figurant dans l'Enquête suisse sur la structure des salaires, publiée par l'Office fédéral de la statistique (ATF 124 V 321, consid. 3b/aa), ou de données salariales résultant des DPT. La détermination du revenu d'invalide sur la base des DPT suppose, en sus de la production d'au moins cinq DPT, la communication du nombre total des postes de travail pouvant entrer en considération d'après le type de handicap, ainsi que du salaire le plus haut, du salaire le plus bas, et du salaire moyen du groupe auquel il est fait référence. Si l’assureur n’est pas en mesure de satisfaire à ces exigences de procédure, on ne peut pas se référer aux DPT (ATF 129 V 472 consid. 4.2). Les éventuelles objections de l'assuré sur le choix et sur la représentativité des DPT dans le cas concret doivent être soulevées, en principe, durant la procédure d'opposition. Lorsque le revenu d'invalide est déterminé sur la base des DPT, une réduction du salaire, eu égard au système même des DPT, n'est ni justifié ni admissible (ATF 129 V 472 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.471/04 du 16 juin 2005 consid. 3.3). En l’absence de descriptifs de postes de travail recueillis conformément aux exigences jurisprudentielles, il convient, pour déterminer le revenu d'invalide, de se fonder sur les salaires qui ressortent des enquêtes statistiques officielles (ESS ; ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et bb). Est alors déterminante la valeur centrale de la statistique des salaires bruts standardisés (ATF 124 V 323 consid. 3b/bb ; VSI 1999 p. 182).

10.    Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

11.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références).

12.    a. En premier lieu, il convient d’examiner si l’intimée était fondée à mettre fin au versement des indemnités journalières avec effet au 1er octobre 2018 et à passer, dès cette date, à l’examen du droit à une rente d’invalidité, pour le motif que l’état de santé était alors stabilisé.

b. En l’occurrence, à la suite de la fracture du calcanéum (talon) gauche qu’a subi le recourant en août 2016, puis de ses deux opérations en août 2016 et novembre 2017, le médecin d’arrondissement de la SUVA, le Dr I______, a jugé l’état de santé stabilisé dans son rapport d’examen final du 9 avril 2018. Ce médecin a notamment relevé que les bilans radiologiques – rassurants – témoignaient d’une bonne reconstitution du calcanéum gauche, même si la mobilité demeurait limitée, et que les limitations fonctionnelles énumérées par les médecins de la CRR étaient désormais définitives (l’assuré devait éviter les stations debout prolongées, la position accroupie, les marches longues ou sur du terrain irrégulier, ainsi que l’utilisation d’escaliers / d’échelles et le port de charges moyennes à lourdes). De leur côté, les médecins de la CRR ont indiqué, dans leur rapport du 31 mai 2017, que l’on pouvait s’attendre à une stabilisation sous l’angle médical 3 à 4 mois après l’ablation du matériel d’ostéosynthèse (c’est-à-dire en février-mars 2018). S’agissant du Dr H______, qui a réalisé l’opération précitée en novembre 2017, il a exposé dans ses rapports des 11 et 22 janvier 2019 qu’au moment où la SUVA avait rendu sa décision initiale, en novembre 2018, l’état de santé était relativement stable. Lors d’une consultation en janvier 2019, il avait été constaté une amélioration d’un point de vue fonctionnel, en ce sens que le patient s’était présenté pour la première fois sans moyen auxiliaire, bien qu’il semblait toujours handicapé par les douleurs. À la question de savoir si une dégradation de l’état de santé – suite à l’accident du 9 août 2016 – avait été constatée, en particulier avant le prononcé de la décision du 27 novembre 2018, le Dr H______ a répondu que les symptômes, étaient restés stables depuis la première consultation et que l’état de santé ne s’était pas dégradé depuis le prononcé de la SUVA. Interrogé par le conseil du recourant au sujet de futures interventions chirurgicales, le Dr H______ a encore indiqué qu’une arthrodèse sous-talienne et calcanéo-cuboïdienne pourrait éventuellement être envisagée et que la question devait être rediscutée, mais qu’il était fortement improbable qu’une nouvelle chirurgie améliore la situation. Une telle intervention paraissait impropre à se répercuter sur la capacité résiduelle de travail et dans ce genre de situation, chez des travailleurs de force, les résultats étaient systématiquement décevants.

c. Des rapports médicaux versés au dossier, il ne ressort pas que, postérieurement au 1er octobre 2018, on pouvait attendre de la poursuite du traitement une sensible amélioration de l’état de santé et de la capacité de travail de l’assuré. Le fait qu’une nouvelle intervention chirurgicale (arthrodèse sous-talienne) ait été pratiquée en juin 2020 ne permet pas de conclure à un état de santé non stabilisé, dès lors qu’il n’est pas établi que cette intervention était propre à améliorer notablement l’état de santé et la capacité de travail (le Dr H______ ayant clairement écarté une telle perspective d’amélioration). Il en va de même de la révision de cicatrice du pied gauche effectuée en mai 2021. Au demeurant, dans la mesure où ces deux dernières interventions ont été effectuées postérieurement au prononcé de la décision sur opposition, il y a lieu de rappeler que le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Enfin, le fait que l’assuré se soit vu prescrire de la physiothérapie et une infiltration postérieurement à la décision attaquée ne remet pas non plus en question la stabilisation de l’état de santé, dès lors que, selon la jurisprudence, la prescription d’antalgiques et de séances de physiothérapie est compatible avec un état stabilisé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 316/03 du 26 mars 2004 consid. 3.3).

d. En conclusion, dès lors que l’état de santé du recourant a été jugé stabilisé depuis le 1er octobre 2018 et qu’il n’est pas établi au degré de vraisemblance requis que la poursuite du traitement était propre à améliorer sensiblement son état de santé et sa capacité de travail, c’est à juste titre que l’intimée a mis fin au versement de l’indemnité journalière et qu’elle est passée, dès cette date, à l’examen du droit à une rente d’invalidité. Le recourant ne saurait valablement contester la stabilisation de son état de santé, alors qu’il sollicite parallèlement l’octroi d’une rente, ce qui suppose précisément la fin du traitement médical (art. 19 al. 1 LAA).

13.    À ce stade, il convient de se prononcer sur la capacité de travail du recourant.

a. À titre liminaire, il convient de préciser que la reconnaissance par l’assurance- invalidité d’un degré d’invalidité de 100 % (cf. décision du 28 janvier 2020) n’a pas d’incidence sur la présente cause. En effet, la responsabilité de l'assureur-accidents se limite aux seules atteintes qui se trouvent en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'accident assuré (ATF 119 V 337 consid. 1 et les références). Comme cela ressort du rapport du SMR de janvier 2020, l’assurance-invalidité a octroyé une rente à l’assuré en raison de troubles psychiques (épisode dépressif d’intensité sévère, dans le cadre d’un trouble dépressif récurrent), lesquels empêchent l’exercice de toute profession, même potentiellement adaptée aux limitations fonctionnelles. Or, on peut d’emblée nier tout lien de causalité adéquate entre ces troubles psychiques et la chute que l’assuré a subie depuis un escabeau. En effet, cette chute constitue tout au plus un accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 227/99 du 18 avril 2000 consid. 3b). On ne voit pas de circonstances de nature à la faire apparaître comme particulièrement impressionnante ou dramatique, la lésion qu'elle a provoquée n'étant pas d'une gravité particulière (fracture du calcanéum du côté gauche). Aucune erreur n'a entaché les traitements médicaux. S’agissant du critère de de la durée anormalement longue du traitement médical, on rappellera que l'aspect temporel n'est pas seul décisif ; sont également à prendre en considération la nature et l'intensité du traitement, et si l'on peut en attendre une amélioration de l'état de santé de l'assuré (arrêt 8C_209/2020 du 18 janvier 2021 consid. 5.2.1 et les références). La jurisprudence a notamment nié que ce critère fût rempli dans le cas d'un assuré ayant subi quatre interventions chirurgicales, au motif notamment que les hospitalisations avaient été de courte durée et que l'essentiel du traitement médical avait consisté en des mesures conservatrices (arrêt du Tribunal fédéral 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.3). En l’occurrence, suite à son accident, le recourant a subi une première intervention en deux temps chirurgicaux en août 2016 et novembre 2017 (réduction de la fracture du calcanéum gauche, puis ablation du matériel d’ostéosynthèse). Il a ensuite été opéré une nouvelle fois en juin 2020 (arthrodèse sous-talienne). Ces opérations se sont bien déroulées et ont occasionné des hospitalisations de courte durée (onze jours en août 2016, trois jours en novembre 2017 et un jour en juin 2020). Pour le reste, le traitement a essentiellement consisté en des mesures conservatrices (physiothérapie, prise d'antalgiques et infiltrations), de sorte que le critère de la durée anormalement longue du traitement médical n'est pas réalisé. Quant au critère de la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques, dont on rappellera qu’il n’est pas rempli lorsque l’assuré est apte, après un certain laps de temps, à exercer une activité adaptée aux séquelles accidentelles (arrêt du Tribunal 8C_277/2019 du 22 janvier 2020 consid. 5.3), il ne peut pas davantage être retenu, dès lors que, suite à son examen final du 9 avril 2018, le Dr I______ a conclu à une pleine capacité de travail dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles. En définitive, seul pourrait être envisagé le critère des douleurs physiques persistantes, ce qui se révèle (nettement) insuffisant pour admettre un lien de causalité adéquate entre l'événement dommageable et les troubles psychiques (cf. supra consid. 5d). Faute de relation de causalité adéquate avec l’accident, l’intimée ne répond pas des troubles psychiques limitant la capacité de travail, contrairement à l’assurance-invalidité. Dans le cadre de la présente procédure, la capacité de travail doit donc être examinée au regard des seules atteintes somatiques.

b. Au plan somatique, la décision sur opposition du 7 février 2019 repose notamment sur les rapports établis par la CRR, ainsi que ceux des Drs I______ et H______. L'intimée y retient que, depuis le 1er octobre 2018, l'assuré pourrait exercer un emploi à plein temps à un poste adapté à son état de santé.

De son côté, le recourant déplore une instruction insuffisante de la SUVA, arguant en substance que l’examen final du médecin d’arrondissement n’est pas « actuel », qu’il ne respecte pas les réquisits jurisprudentiels en la matière et que sa capacité de travail ne saurait excéder 50% dans une activité adaptée. De surcroît, les DPT sélectionnées ne respecteraient pas ses limitations fonctionnelles.

c. La chambre de céans constate que le rapport final du Dr I______ du 9 avril 2018, complété le 12 avril 2018 et faisant suite à un précédent rapport établi par les médecins de la CRR en mai 2017, a été établi en pleine connaissance du dossier, relate les plaintes de l'assuré et repose sur un examen clinique complet. Ses conclusions, attestant d'une pleine capacité de travail, sans diminution de rendement, dans toute activité permettant à l’assuré d’éviter les stations debout prolongées, la position accroupie, les marches longues ou sur du terrain irrégulier, ainsi que l’utilisation d’échelles et le port de charges moyennes à lourdes, sont motivées et exemptes de contradictions, de sorte qu'il satisfait aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

d. Les conclusions du Dr I______ coïncident dans une large mesure avec le point de vue exprimé par le chirurgien de l'assuré, le Dr H______, lequel a notamment indiqué, dans son rapport du 11 janvier 2019, qu’il se ralliait aux limitations fonctionnelles retenues par le Dr I______. Le Dr H______ a par ailleurs confirmé l’exigibilité des professions « d’employé atelier emballage », « soudure laser » et « assemblage micromètres digitaux » proposées par la SUVA, lesquelles pourraient selon lui être exercées en position assise, avec un rendement de 90%. On notera en passant que la très modeste diminution de rendement (10%) évoquée par le Dr H______ ne saurait être retenue par la juridiction de céans, dans la mesure où ce médecin ne l’a pas justifiée médicalement ; cette diminution de rendement s’avère donc peu compréhensible, notamment en relation avec des professions exercées en position assise, telles qu’évoquées par ce médecin. Dans un courrier du 22 janvier 2019, contresigné par le Dr L______, le Dr H______ a encore préconisé un reclassement dans une activité sédentaire, tout en relevant que le patient marchait sans canne (quoiqu’avec un pied un peu enflé). De son côté, la Dresse Q______, du SMR, a indiqué dans son rapport du 28 janvier 2020 qu’au plan orthopédique, elle se ralliait aux conclusions du Dr I______. Les conclusions du Dr I______ rejoignent également le point de vue exprimé par le Dr G______, lequel a préconisé, dans son rapport du 28 juin 2017 déjà, une reconversion professionnelle dans une autre profession que celle de maçon. On ne décèle pas non plus de divergence majeure entre le point de vue du Dr I______ et celui des médecins de la CRR, lesquels ont, dans leur rapport du 31 mai 2017, jugé favorable le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelle. En définitive, seule la Dresse J______ a, dans un très bref certificat annexé au recours, jugé inenvisageable tout reclassement professionnel. L’avis isolé de la Dresse J______ ne saurait toutefois prévaloir sur les conclusions du Dr I______, dans la mesure où cette praticienne justifie notamment l’incapacité à se réorienter professionnellement par les troubles psychiques de l’assuré, dont l’intimée n’a pas à répondre, comme on l’a vu (cf. supra consid. 13a). Pour le reste, les autres rapports versés au dossier ne revêtent pas une portée déterminante, dans la mesure où ils ne se prononcent pas spécifiquement sur l’exigibilité d’une activité sédentaire adaptée, telle que préconisée par le Dr I______. Aussi convient-il d’admettre qu’aucun rapport figurant dans le dossier ne permet de mettre en doute la pleine capacité de travail retenue par l’intimée dans une activité adaptée.

e. Pour terminer, on relèvera que le Tribunal fédéral a confirmé l’exigibilité à 100% d’une activité adaptée, dans diverses causes impliquant des atteintes et des limitations fonctionnelles similaires à celles du recourant (arrêts du Tribunal fédéral 8C_117/2009 du 30 octobre 2009 consid. 3 ; 8C_451/2012 du 28 mai 2013 consid. 4 et 8C_484/2019 du 3 août 2020 consid. 6).

f. Au vu de ce qui précède, la chambre de céans se rallie aux conclusions du Dr I______, lesquelles rejoignent l'avis des médecins de l’assuré (outre la Dresse J______), de même que celui des médecins de la CRR et du SMR (sous l’angle somatique). Il en résulte, au degré de la vraisemblance prépondérante, une capacité de travail entière, sous l'angle somatique, dans un poste adapté à l'état de santé de l'assuré dès le 1er octobre 2018, date qui correspond à quelques jours près au terme de la mesure d’orientation professionnelle diligentée par l’assurance-invalidité.

14.    Il reste à vérifier le calcul du degré d'invalidité, que l'intimée a fixé à 21%, sur la base d'une comparaison des gains.

a. D’emblée, on précisera que le recourant ne conteste pas le revenu sans invalidité fixé dans la décision sur opposition attaquée (CHF 78'086.-). Seul est litigieux le revenu d’invalide, chiffré à CHF 61’453.- sur la base des DPT. À cet égard, le recourant fait valoir que les DPT retenues par la SUVA seraient incompatibles avec ses limitations fonctionnelles.

b. En l’espèce, l’intimée a retenu les cinq postes suivants dans les cantons de Genève et Vaud :

-                      n° 15831822 (employé de commerce – employé d’atelier d’emballage) ;

-                      n° 11576 (collaborateur de production – soudure laser) ;

-                      n° 4564295 (employé de montage – opérateur-régleur pré-montage) ;

-                      n°10704228 (ouvrier en horlogerie – angleur main) ;

-                      n°8452 (fabricant d’instruments de mesure – assemb. micromètres digitaux).

Quoi qu’en dise le recourant, les cinq DPT retenues respectent les limitations fonctionnelles prescrites par le Dr I______, car elles n’exigent ni station debout prolongée, ni position accroupie, ni port de charges moyennes à lourdes, ni montées d’escaliers ou d’échelles. Les activités sélectionnées ne nécessitent pas non plus de longues marches ou des déplacements sur des terrains irréguliers. À vrai dire, toutes les DPT sélectionnées correspondent à des professions dans l’industrie légère qui s’exercent majoritairement (voire exclusivement) en position assise. Dans ce contexte, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il affirme, notamment dans son opposition, que les DPT sélectionnées ne respecteraient pas ses limitations fonctionnelles parce qu’elles ne lui permettraient pas d’alterner les positions : d’une part, il y a lieu de relever que, si l’on se réfère aux limitations fonctionnelles énoncées par le Dr I______ (respectivement par la CRR et le Dr H______), il n’existe aucune obligation pour l’assuré d’alterner les positions debout et assise (le Dr I______ n’a jamais évoqué l’impossibilité de maintenir la position assise, contrairement à la station debout prolongée). D’autre part, même si l’alternance des positions debout et assise était préconisée, on ne voit pas que les professions sélectionnées par la SUVA empêcheraient le recourant de se lever de temps en temps, s’il devait en ressentir le besoin. Pour le reste, les DPT retenues ne requièrent qu'une éducation scolaire élémentaire, de sorte qu’il convient d’admettre qu’elles sont à sa portée.

c. Par ailleurs, l’intimée a produit la liste des 64 postes pouvant entrer en considération au vu du handicap du recourant, en précisant le salaire minimal (CHF 45’860.-), maximal (CHF 78’460.-) et moyen (CHF 58’361.-) desdits postes. Le revenu annuel moyen des cinq DPT retenues, qui s’élève à CHF 61’453.-, est supérieur de 5.3% au salaire moyen des 64 postes précités, de sorte qu’il est suffisamment représentatif (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_72/2008 du 26 juin 2008, dans lequel le salaire moyen des cinq DPT, supérieur de 4% à la moyenne des salaires moyens, a été considéré comme étant représentatif).

Partant, force est d’admettre que l’intimée a évalué le revenu d’invalide de manière conforme à la jurisprudence, de sorte qu’il n’y a pas lieu de s’écarter du montant de CHF 61’453.- auquel elle est parvenue sur la base des DPT.

d. La comparaison des gains met en exergue un degré d’invalidité de 21.3% ([CHF 78'086.- – CHF 61’453.-] / CHF 78'086.-). Le recourant n’ayant droit qu’à une rente d’invalidité de quotité équivalente, ses conclusions tendant au versement d’une rente supérieure sont rejetées.

15.    Le recourant a requis la mise en œuvre d’une expertise judiciaire, ainsi que l’audition de ses médecins, notamment celle du Dr G______.

Ces mesures d'instructions s’avèrent toutefois superflues, de sorte que la chambre de céans n’y donnera pas suite, par appréciation anticipée des preuves (ATF 130 II 425 consid. 2.1). En effet, il convient de rappeler que, dans la procédure d’octroi de prestations d’assurances sociales, il n’existe un droit formel à la mise en œuvre d’une expertise médicale qu’en cas de doutes quant à la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance (ATF 135 V 465 consid. 4), ce qui n’est pas le cas ici, dès lors que les avis exprimés par les médecins traitants rejoignent très largement celui du Dr I______. Par ailleurs, l’audition des médecins du recourant ne se justifie pas, dans la mesure où ceux-ci ont déjà eu l’occasion de s’exprimer à maintes reprises par écrit, comme en témoignent les nombreux rapports versés à la procédure. En ce qui concerne plus particulièrement l’audition du Dr G______– requise par le recourant en relation avec la nouvelle opération qu’il a subie en juin 2020 – elle serait de toute évidence impropre à modifier l’issue de la cause, dans la mesure où la nouvelle opération que ce médecin a pratiquée est (largement) postérieure au prononcé de la décision sur opposition du 7 février 2019, dont la légalité doit être examinée à l’aune de l'état de fait existant au moment où elle a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b), comme on l’a vu.

16.    Au vu de ce qui précède, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté.

17.    La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

******

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le