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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1678/2020

ATAS/1083/2021 du 25.10.2021 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 30.11.2021, rendu le 22.03.2022, REJETE, 9C_630/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1678/2020 ATAS/1083/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 octobre 2021

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à MEYRIN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andres PEREZ

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1970, mère de trois enfants nés en 1995, 1996 et 1999, divorcée le 9 janvier 2012, originaire d’Ethiopie est arrivée en Suisse en novembre 2001. L’assurée s’est séparée en 2002. Son ex-époux a quitté la Suisse le 29 novembre 2007 et elle a divorcé en 2012.

2.        Le 9 juin 2016, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité en raison d’embolies veineuses à répétition, de capsulite de l’épaule droite et d’arthrose lombaire. Elle présentait une incapacité de travail totale depuis le 17 novembre 2014.

3.        L’extrait du compte individuel de l’assurée du 20 juin 2016 de la caisse cantonale genevoise de compensation indique que cette dernière a travaillé pour B______ SA de novembre 2003 à avril 2004 pour CHF 3'101.-, pour C______ de mars à avril 2004 pour CHF 681.-, pour D______ SA de juillet 2004 à mai 2009 pour CHF 34'730.-, pour E______ SA d'avril à décembre 2009 pour CHF 3'680.- et pour F______ de septembre 2010 à 2015 pour CHF 11'336.-. D______ SA a attesté d’un engagement de l’assurée comme employée d’entretien 3h/semaine du 22 juillet 2004 au 11 mai 2009.

4.        L’assurée a suivi des cours de français à l’université ouvrière de Genève (UOG) en 2004, puis des cours d’informatique et de bureautique en 2005 ainsi qu’une formation de sérigraphie et de papeterie artisanale en 2006.

5.        L’assurée a été prise en charge par l’Hospice général (HG) depuis le 1er décembre 2009.

6.        Le 21 septembre 2014, la doctoresse G______, FMH en médecine interne, a indiqué que l’assurée présentait une maladie thrombotique, des signes d’une entorse de la cheville gauche, une maladie de l’épaule droite, une HTA, du surpoids et un diabète de type 2 ; elle marchait avec difficulté et ne pouvait rien porter depuis 2013 ; bouger ses bras occasionnait de fortes douleurs ; elle ne pouvait plus faire de ménages. Elle a joint des rapports médicaux du service de gastroentérologie et d’hépatologie des hôpitaux universitaires de Genève (HUG) des 29 janvier et 21 juillet 2014 et du docteur H______, FMH angiologie, des 3 février 2015, 26 novembre 2015, 18 décembre 2015 et 20 janvier 2016.

7.        Le 30 septembre 2016, la doctoresse I______, FMH chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur de l’Hôpital de la Tour, a diagnostiqué une capsulite rétractile et une épaule gelée à droite, incapacitantes depuis le 6 juillet 2016.

8.        Le 2 novembre 2016, la Dresse G______ a confirmé à l’office de l’assurance-invalidité (OAI) que l’assurée ne pouvait pas travailler assise, en raison de thrombophlébite de la jambe gauche et une entorse de la cheville gauche ; elle était incapable de travailler debout, avec ou sans charges.

9.        Le 6 juin 2017, la doctoresse J______, du Service médical régional assurance-invalidité (ci-après : SMR), a estimé que l’assurée ne pouvait plus exercer comme nettoyeuse et que pour investiguer les limitations fonctionnelles de l’épaule et du rachis, une expertise était nécessaire.

10.    Le 14 juillet 2017, la doctoresse K______, FMH médecine physique, rééducation et rhumatologie a rendu un rapport d’expertise.

L’assurée se plaignait de douleurs à l’épaule droite chroniques, quotidiennes, des douleurs au pied gauche, au membre inférieur gauche et à l’épaule gauche, épisodiques. L’experte a posé les diagnostics suivants avec répercussion sur la capacité de travail : capsulite rétractile sévère de l’épaule droite avec tendinopathie du supra-épineux présentant une fissuration partielle, tendinite du long chef du biceps sévère et subluxante.

Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : station debout de 2h consécutives ; station assise 3h-4h consécutives ; éviter la marche sur terrain instable et le travail en hauteur ; port de charge, 1kg de la main droite non répétitif et 8kg à gauche occasionnellement ; impossibilité de mouvement au-delà de 30-40° activement en abduction et élévation de l’épaule droite, peut plier le coude et faire des rotations mais coude au corps. Elle ne pouvait réaliser des tâches bimanuelles.

L’anamnèse et l’observation clinique physique et radiologiques étaient cohérentes, mais l’intensité des douleurs était surestimée par rapport à ce que reflétait l’historique médicamenteux. Le traitement anticoagulant gênait les décisions thérapeutiques, à savoir faire des infiltrations et prendre la décision d’opérer. Par ailleurs, le traitement était retardé par le retard diagnostic, une prise en charge étirée et par l’incompréhension des enjeux, l’assurée n’ayant pas suivi régulièrement son traitement. Celui-ci était également ralenti par la présente d’une fibromyalgie passée inaperçue jusqu’ici. L’assurée était en incapacité de travail totale depuis mai 2016. L’activité de nettoyeuse n’était plus exigible et elle présentait une capacité de travail de 70% dans les tâches ménagères (pas d’aspirateur et de courses lourdes). La capacité de travail dans une activité adaptée était nulle. Il fallait maîtriser la fibromyalgie avant de pratiquer une éventuelle intervention à l’épaule.

11.    Le 4 septembre 2017, la Dresse J______, du SMR, a constaté que l’état de santé n’était pas stabilisé ; l’assurée allait être prise en charge en rééducation à Beau-Séjour et l’on pouvait s’attendre à une amélioration dans un délai de six mois. Elle avait présenté une incapacité de travail totale dans toute activité de novembre 2014 à août 2015, en raison du pied gauche et, dès mai 2016, en raison de l’épaule droite, état qui n’était pas stabilisé.

12.    Selon une note statut de l’OAI du 7 novembre 2017, il était difficile, au vu du divorce de l’assurée en 2012, d’établir le statut de l’assurée et une enquête ménagère était nécessaire.

13.    Le 29 janvier 2018, le docteur L______, chef de clinique à l’unité d’orthopédie et de traumatologie du sport aux HUG, a rempli un rapport médical AI attestant de tendinopathie subluxante du long chef du biceps brachial des deux côtés, avec une composante de capsulite rétractile, depuis mai 2018. Une intervention était possible seulement si les amplitudes étaient < 90°, ce qui n’était pas le cas. L’activité d’agente d’entretien de surface était impossible. Elle était limitée dans le port de charges et les élévations des membres supérieurs.

14.    Le 19 mars 2018, la doctoresse M______, du SMR, a mentionné que la Dresse G______ soupçonnait un rhumatisme inflammatoire.

15.    Le 5 novembre 2018, le docteur N______, chef de clinique au service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur aux HUG, a rempli un rapport médical AI, attestant des limitations des membres supérieurs et un manque de mobilité, (omalgies bilatérales sur tendinopathie du long chef du biceps - LCB).

16.    Le 10 décembre 2018, le Dr N______ a écrit à la Dresse G______ qu’il proposait une intervention chirurgicale par arthroscopie pour ténotomie LCB et résection centimètre externe de la clavicule, mais l’assurée ne souhaitait pas, pour l’instant, effectuer de chirurgie.

17.    A la demande de l’OAI, la Dresse K______ a rendu un rapport d’expertise le 23 avril 2019.

L’assurée se plaignait de douleurs à l’épaule droite en permanence et à l’épaule gauche par intermittence, ainsi que de difficultés à bouger les bras, de faiblesse du membre supérieur droit, de douleurs aux genoux avec gonflement et sous les pieds à la marche, de manque de sommeil, de fatigue permanente avec trouble de la mémoire et de la concentration.

L’experte a posé les diagnostics suivants avec répercussion sur la capacité de travail : fibromyalgie versus trouble somatoforme douloureux persistant, capsulite rétractile de l’épaule droite d’évolution favorable séquellaire, tendinopathie du long chef du biceps et subluxante avec fissuration intratendineuse du tendon dans sa portion extra-capsulaire, tendinopathie insertionnelle et fissuraire du sus-épineux (probablement au décours, vérifier avec l’US). Et sans répercussion sur la capacité de travail : scapulalgie gauche d’origine incertaine, amplification des symptômes ?, tendinopathie insertionnelle du sus-épineux et sous-épineux gauche, status après bursite rétro-calcanéenne gauche, status après tendinopathie calcifiante du tendon achilléen à gauche, status post thrombose de la veine jumelle interne du segment jambier gauche traitée par Xarelto avec insuffisance veineuse de tout le membre inférieur gauche et œdème, hypertension artérielle traitée, diabète de type II anamnestique, hypoferritinémie, hypovitaminose D et obésité.

Depuis la dernière expertise, la fibromyalgie n’avait pas été prise en charge. Il y avait une discrète progression des cylindres articulaires des épaules. Les plaintes ne correspondaient pas objectivement aux atteintes mises en évidence. Une expertise psychiatrique était requise. L’activité de nettoyeuse n’était plus exigible en raison de l’atteinte de la coiffe des rotateurs des épaules.

Dans une activité adaptée, la capacité de travail était de 50% minimum, après un reconditionnement au travail. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas d’antépulsion ou d’abduction au-delà de 60+, pas de mouvement en rotation interne/externe répétitifs (LCB subluxation) pour les deux épaules. Pas d’effort en flexion-extension, soulèvement de charges et traction en force (biceps). Privilégier un travail sur table en position assise ou debout. Pas de manipulation d’objets trop volumineux ou qui pèseraient au-delà de 200g de manière répétitive.

La réadaptation pourrait commencer en août 2019, après le traitement de la fibromyalgie et du déficit de ferritine et vitamine D. Une intervention chirurgicale sur le LCB n’était actuellement pas justifiée.

18.    À la demande de l’OAI, la Dresse K______ a précisé le 13 juillet 2019 que, du point de vue strictement rhumatologique (la fibromyalgie étant un diagnostic rhumatologique), la capacité était bien de 50% d’un 100% avant le traitement de la fibromyalgie, ce depuis le 17 novembre 2014, pour l’ensemble des diagnostics retenus comme incapacitants.

19.    Le 4 septembre 2019, la Dresse M______, du SMR, a relevé que, selon la Dresse K______, la capacité de travail était de 50% dans une activité adaptée, dès août 2019 ; elle était nulle dans l’activité habituelle dès le 17 novembre 2014 et nulle dans une activité adaptée d’août 2016 à juillet 2019. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas de port de charges de plus de 3kg, pas de mouvements des bras à répétition, pas de mouvements au-dessus de l’horizontale, pas de position debout prolongée, pas de position à genoux et accroupie, pas de montées et descentes d’escaliers, pas de mouvements nécessitant une rotation du rachis et pas de travail de grandes responsabilités.

20.    L’OAI a diligenté une enquête économique sur le ménage, dont le rapport du 31 octobre 2019 conclut à un empêchement pondéré sans exigibilité de 13,5% et nulle avec exigibilité, les deux filles étudiantes de l’assurée vivant encore avec celle-ci. L’assurée avait travaillé comme nettoyeuse pour deux entreprises puis comme femme de ménage chez des privés (1h30 par jour environ). Elle ne se souvenait pas d’avoir travaillé à 50%. Elle n’avait pas cherché à augmenter son taux d’activité car elle voulait s’occuper de ses enfants. Elle imaginait que, sans atteinte à la santé, elle pourrait travailler mais ne savait pas à quel pourcentage.

21.    Une note statut complémentaire définitive de l’OAI, du 26 février 2020, relève que, selon toute vraisemblance, en bonne santé, l’assurée aurait continué à travailler 1h30 par jour, 5 jours sur 7, soit 7h30 par semaine. Si on se basait sur 41h hebdomadaires pour un 100%, on obtenait un taux d’occupation de 18%. Dès lors, le statut retenu était mixte (18% active et 82% ménagère).

22.    Par projet de décision du 26 février 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que le degré d’invalidité de l’assurée était de 18% d’août 2016 à juillet 2019 et de 9% dès août 2019. L’assurée présentait un statut mixte, 18% active et 82% ménagère. Elle était incapable de travailler dans toute activité dès le 17 novembre 2014, puis capable de travailler à 50% de septembre 2015 à juillet 2016 et dès août 2019. Des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées. Selon une note de la division de gestion du 26 février 2020, le revenu sans invalidité était de CHF 4'815.-. Ce revenu correspondait aux revenus enregistrés sur l’extrait du compte individuel de l’assurée pour l’année 2013, soit CHF 4'667.-, indexé en 2018. Selon le calcul du degré d’invalidité du 26 février 2020, le revenu avec invalidité était déterminé selon l’ESS 2016, TA1, femme total, pour 41,7h de travail par semaine, indexé à 2018, pour un taux de 50%, avec une réduction de 10%, soit CHF 24'770.-. Avec une capacité de travail nulle et un empêchement nul dans les travaux habituels, le degré d’invalidité était de 18% tant selon l’ancien que le nouveau calcul. Avec une capacité de travail de 50% et un empêchement nul dans les travaux habituels, le degré d’invalidité était nul selon l’ancien calcul et de 9% selon le nouveau calcul.

23.    Par décision du 11 mai 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée.

24.    Le 12 juin 2020, l’assurée, représentée par un conseil, a recouru contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité. Le SMR avait écarté le diagnostic de fibromyalgie (le 4 septembre 2019) et avait conclu à tort qu’elle disposait de bonnes ressources ; il avait renoncé à l’ordonnance d’une expertise psychiatrique pourtant requise par la Dresse K______. L’experte avait conditionné la reprise d’une activité à 50% à un traitement de la fibromyalgie et à un reconditionnement au travail ; des mesures professionnelles avaient été mises en place après quatre mois de traitement. Or, elle n’avait pas reçu d’indication quant au traitement exigé, ni de proposition de reconditionnement au travail, de sorte que la capacité de travail de 50% n’était pas exigible ; le SMR avait retranscrit faussement les limitations fonctionnelles, le port de charges étant limité à 200g et non pas à 3kg, de sorte que l’abattement sur le revenu d’invalide devait être porté à 15%. Elle contestait son statut d’active à 18%. Elle avait travaillé à plein temps en Ethiopie de 1991 à 1993 ; elle avait ensuite eu trois enfants puis elle avait travaillé comme femme de ménage sur appel. Sans atteinte à la santé, elle aurait travaillé à un taux supérieur compte tenu de sa situation financière précaire ; elle avait d’ailleurs dit à l’enquêtrice que son taux d’activité était réduit en raison du jeune âge de ses enfants. Elle a requis, subsidiairement, une expertise psychiatrique et conclu au renvoi à l’OAI pour instruction complémentaire.

25.    Le 10 juillet 2020, l’OAI a conclu au rejet du recours.

L’assurée avait manifesté des autolimitations lors de l’expertise rhumatologique, par ailleurs le SMR avait conclu avec raison que l’assurée bénéficiait de bonnes ressources et qu’il existait une cohérence entre la capacité de travail relevée par l’experte et les limitations fonctionnelles ; l’experte ne devait pas se prononcer sur des mesures de réadaptation ; s’agissant du statut, alors que l’assurée n’avait pas encore subi d’incapacité de travail médicalement attestée, elle avait déjà pris la décision, selon ses propres déclarations, de travailler à hauteur de 1h30 par jour pour 5 jours par semaine. Il n’était pas démontré, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante aurait exercé une activité lucrative à un taux supérieur pendant plusieurs années. Ainsi le statut tel que retenu par l’OAI n’était pas critiquable.

26.    Le 14 août 2020, l’assurée a répliqué, en relevant que l’experte ne se prononçait pas sur les mesures de réadaptation mais sur l’exigibilité de la capacité de travail et que, s’agissant du statut, l’OAI retenait que le taux d’activité était limité en raison de ses enfants à charge.

27.    Le 5 octobre 2020, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a déclaré : « J’ai travaillé comme secrétaire à plein temps en Ethiopie depuis l’âge de 20 ans jusqu’à mon arrivée à Genève en 2001. J’ai toujours travaillé en Suisse à temps partiel dans le domaine du nettoyage. J’ai quitté mon mari quand mes enfants avaient 2, 5 et 6 ans. Je n’ai pas pu travailler à plein temps à cause de mes enfants qui étaient à ma charge.

Je suis tombée sur mon épaule en 2002 ou 2003 et j’ai dû mettre mon bras en écharpe, à cette époque mes enfants étaient encore trop petits et je n’ai pas pu travailler à 100 %. J’ai eu des problèmes avec mon ex-mari qui voulait prendre mes enfants. Il était diplomate et m’a causé beaucoup de problèmes. Je devais protéger mes enfants, notamment en étant présente à chaque sortie d’école. Je n’ai pas pu travailler plus car je devais prendre des médicaments pour la tension, la dépression et je n’arrive plus à bien bouger mon bras. J’ai aussi des problèmes de respiration mais je ne sais pas exactement depuis quand.

J’aimerais bien travailler à 100 % mais j’ai des thromboses dues aux médicaments. En bonne santé j’aimerais travailler à 100 %. J’aurais pu le faire dès que le dernier enfant était au Cycle. J’ai aussi travaillé à la O______ deux heures par jour dans le nettoyage. Je ne me rappelle pas quand c’était. Cette période n’était pas facile car je devais tout le temps surveiller mes enfants pour que le père ne vienne pas les enlever. J’ai travaillé au maximum deux heures par jour dans le domaine du nettoyage.

On m’a détecté un souffle au cœur ce qui me provoque des problèmes de respiration et des difficultés à porter des charges. Je me suis séparée de mon ex-mari en 2002, soit peu après mon arrivée en Suisse en 2001.

Je n’arrive plus à travailler car j’ai des problèmes dans le bras gauche qui irradient aussi à la nuque et l’épaule droite et aussi dans tout le dos. J’ai aussi la jambe gauche qui gonfle et j’ai des difficultés à me mettre en route. Je suis sous Sintrom. J’ai aussi des problèmes urinaires et je suis sous médicaments pour cela. Je suis suivie par la Dresse G______. Je suis également suivie par une médecin psychiatre qui me prescrit un traitement médicamenteux. Je vis avec deux de mes enfants. Je me réveille trois fois par nuit, je me lève à 8h pour prendre mes médicaments et je me rendors. Je marche un peu en forêt. Je fais des commissions avec un de mes enfants. Parfois je mange chez des amis à midi. Une de mes filles fait le ménage et l’autre fait à manger. J’aide un peu en cuisine par exemple en préparant la salade. Je fais des choses faciles pour moi. ».

L’avocate de la recourante a déclaré : « Nous contestons les conclusions de l’enquête ménagère. Le calcul est contesté. Nous ne contestons pas l’exigibilité retenue par l’enquête dès lors que la recourante vit avec ses deux filles. Nous demandons une expertise psychiatrique et cardiologique, cette dernière afin d’examiner ce problème de souffle. ».

28.    Un délai a été fixé à la recourante pour qu’elle se prononce sur son statut et fournisse toute pièce médicale quant à son affection cardiologique.

29.    Le 16 octobre 2020, la recourante a indiqué qu’avant son arrivée à Genève en 2001, elle avait travaillé en Ethiopie en tant qu’employée du bureau à plein temps, avec le soutien de son ex-époux et de ses proches ; arrivée en Suisse elle avait dû consacrer une partie de son temps à la garde de ses trois filles, elle n’avait pas pu trouver un emploi à plein temps, compatible avec sa situation (elle devait surveiller ses enfants, craignant un enlèvement de la part de leur père) et ses capacités ; il était prévu que dès l’entrée au cycle de son dernier enfant, elle augmente son taux d’activité à un plein temps mais ses problèmes de santé l’en avait empêché ; sans atteinte à la santé, elle exercerait une activité à plein temps.

30.    Le 30 octobre 2020, la recourante a communiqué les rapports médicaux suivants :

-          Un rapport du 14 octobre 2020 de Monsieur P______, infirmier indépendant, attestant d’un suivi depuis le 30 juin 2020, avec des limitations importantes de l’assurée dans la capacité à résoudre les problèmes et une difficulté à avoir la bonne distance avec autrui et à comprendre certaines consignes. Les troubles de comportement liés à son anxiété et aboulie exigeaient une prise en charge constante et durable car l’évolution s’annonçait lente. L’assurée semblait motivée pour un accompagnement psychologique mais se montrait inconstante dans la « persécution » des objectifs ; l’assurée avait besoin d’être rassurée et stimulée.

-          Un rapport du 14 octobre 2020 du docteur Q______, FMH cardiologie, selon lequel il avait reçu l’assurée en raison d’un souffle cardiaque avec intolérance à l’effort, en lien probable avec la surcharge pondérale et l’état anxio-dépressif sévère, le contrôle cardiovasculaire étant rassurant.

-          Un rapport du 13 octobre 2020 de la Dresse G______, selon lequel l’assurée méritait largement d’avoir l’AI à 100 %, en raison de toutes ses pathologies (problème rhumatologique à l’épaule, à la colonne lombaire, obésité, HTA, diabète gastrite, thrombophlébites, dépression), mentionnées par l’experte ERNI.

31.    Le 16 novembre 2020, la Dresse J______, du SMR, a rendu un avis médical selon lequel, au vu des nouvelles pièces médicales, l’assurée n’avait pas de problème cardiaque, avec une tension artérielle contrôlée ; tous les diagnostics cités par la Dresse G______ avaient été pris en compte, hormis celui de trouble dépressif, mais aucune précision n’était donnée par le médecin traitant (date d’apparition, intensité, diagnostic CIM-10, traitement) ; au moment de l’expertise de la Dresse K______, il n’y avait pas de prise en charge psychiatrique, l’assurée effectuait de nombreuses activités personnelles et sociales et présentait peu de limitations dans le ménage. Ainsi, en l’absence de suivi médical psychiatrique spécialisé et de rapport d’un médecin psychiatre, le SMR ne pouvait évaluer s’il y avait bien une atteinte psychiatrique, et les répercussions de cette atteinte, qui en tout état de cause était postérieure à la décision. Ainsi, la dernière appréciation du cas demeurait valable.

32.    Le 23 novembre 2020, l’OAI a observé qu’en ce qui concernait la détermination du statut de la recourante, les considérations factuelles avancées par le conseil de la recourante dans son écriture du 16 octobre 2020 ne permettaient pas, au degré de la vraisemblance prépondérante applicable en assurances sociales, de modifier son appréciation. Par ailleurs, il se ralliait à l’avis du SMR du 16 novembre 2020. La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique supposait d’abord la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant lege artis sur les critères d’un système de classification reconnu. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. Enfin, le fait survenu postérieurement à la décision litigieuse sortait de l’objet du litige.

33.    A la demande de la chambre de céans, B______ SA a fourni le contrat de travail de l'assurée prévoyant 10h de travail en moyenne par semaine, depuis le 20 novembre 2003, D______ SA a transmis les journaux et fiches de salaire de l'assurée de 2006 et 2007 à 2009 ainsi que le décompte d'heures de juillet 2004 à mai 2009.

34.    Le 6 septembre 2021, l'OAI a observé que l'assurée avait travaillé pour B______ SA 5,4h par semaine en 2003 et 7,14h par semaine en 2004, ainsi qu'en moyenne 7,05h par semaine pour D______ SA de 2006 à 2009, de sorte que le taux de 18% correspondant à 7,5h de travail par semaine, devait être confirmé.

35.    Le 6 septembre 2021, l'assurée a observé qu'elle avait travaillé 10h par semaine depuis le 26 novembre 2003 pour B______ SA ainsi que pour D______ SA; elle n'avait, dès 2003, pas pu travailler à 100% car elle venait de se séparer de son époux et s'occupait seule de ses trois enfants, âgés de 8, 7 et 4 ans.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité, singulièrement sur sa capacité de travail et son statut.

5.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.        a. En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA; ATF 130 V 343 consid. 3.4). La détermination du taux d'invalidité ne saurait reposer sur la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de l'assuré car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité de l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique de l'atteinte à la santé (ATF 114 V 281 consid. 1c et 310 consid. 3c; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b).

b. La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 30 consid. 1 et ATF 104 V 136 consid. 2a et 2b). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

Le revenu sans invalidité se détermine en règle générale d'après le dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des salaires jusqu'au moment du prononcé de la décision (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé. Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l'enquête sur la structure des salaires (ci-après : ESS) publiée par l'Office fédéral de la statistique (ci-après : OFS) sur la base de statistiques salariales (ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et bb). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).

7.        Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

8.        a. Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

b. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

c. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

d. On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

9.        En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI (dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2008), le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA.

Selon l’art. 88a al. 1 RAI, si la capacité de gain ou la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré s’améliore ou que son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’atténue, ce changement n’est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

10.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

11.    a. En l'occurrence, l'intimé a retenu un statut mixte de la recourante, 18% active et 82% ménagère, ainsi qu'une capacité de travail de celle-ci nulle du 17 novembre 2014 au 31 août 2015, de 50% dans une activité adaptée de septembre 2015 à juillet 2016, nulle d'août 2016 à juillet 2019 et de 50% dès août 2019, ainsi qu'une capacité ménagère totale.

L'intimé a considéré que, sans atteinte à la santé, la recourante exercerait une activité à un taux de 18%, lequel correspondait à l'activité exercée antérieurement, soit 7,5h par semaine (rapporté à un horaire hebdomadaire de 41h par semaine). Il s'est basé pour cela sur l'enquête ménagère du 31 octobre 2019, dont le rapport mentionne que la recourante ne se souvient pas d'avoir travaillé à 50%, mais qu’elle avait travaillé à raison d’environ 1,5h par jour, qu'elle avait exercé comme nettoyeuse, qu'elle n'avait jamais cherché à augmenter son taux d'activité car elle devait s'occuper de ses enfants et que, sans atteinte à la santé, elle pourrait sans doute travailler mais qu'elle ne savait pas à quel pourcentage.

Il convient d’examiner le statut de la recourante, étant relevé que celle-ci allègue que, sans atteinte à la santé, elle aurait exercé une activité à 100%.

b. S'agissant du parcours de la recourante, il est établi que, titulaire d'un diplôme en comptabilité, elle a travaillé en Ethiopie à plein temps comme employée de bureau de 1991 à 1993; elle s'est ensuite occupée de ses 3 filles, nées en 1995, 1996 et 1999; entrée en Suisse en novembre 2001, elle a suivi des cours de français et de technique de nettoyage auprès de R______ en 2002, des cours de français à l'UOG en 2004, puis des cours d'informatique et de bureautique en 2005 ainsi qu’une formation de sérigraphie et de papeterie artisanale en 2006; elle a travaillé comme nettoyeuse en 2003, d'abord pour B______ SA, puis D______ SA, E______ SA et pour des ménages privés.

Selon les informations fournies par les employeurs, la recourante a travaillé pour B______ SA à raison d'environ 10h par semaine dès 2003 (selon le contrat de travail du 26 novembre 2003), ce qui est corroboré par le revenu chiffré dans l'extrait du compte individuel de la recourante, réalisé entre le 20 novembre 2003 et avril 2004 (soit CHF 850.- du 20 novembre au 31 décembre 2003 + CHF 2'251.- du 1er janvier au 30 avril 2004) correspondant à environ 10h de travail par semaine, étant à cet égard relevé que la date exacte de fin de contrat, en avril 2004, n'est pas connue. La recourante a ensuite travaillé pour D______ SA selon un taux de travail en moyenne hebdomadaire de 10h en 2006, 9h en 2007, puis 2,5h en 2008 et 2009 (selon les décomptes de l'employeur). Elle a ensuite travaillé environ 7,5h par semaine pour des ménages privés.

L'intimé s'est ainsi fondé sur le taux d'activité effectivement exercé par la recourante jusqu'en 2014 pour conclure qu'il correspondait à celui qu'elle aurait continué d'exercer sans atteinte à la santé. Ce taux de 18% peut être confirmé en tant qu'il correspond au taux effectivement exercé par la recourante, à tout le moins durant les dernières années avant la survenance de son incapacité de travail.

Toutefois, l'intimé n'a, à tort, pas analysé le statut de la recourante en fonction de ce que celle-ci aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Or, à cet égard, la recourante a expliqué à l'enquêtrice qu'elle n'avait, jusqu'à la survenance de sa maladie, pas cherché à augmenter son taux d'activité car elle devait s'occuper de ses enfants; en outre, lors de l'audience de comparution personnelle, la recourante a précisé que dès sa séparation, en 2002, elle avait dû protéger ses enfants, notamment en étant présente à chaque sortie d'école, en raison d’une relation conflictuelle avec son ex-époux, et qu'en bonne santé, elle aurait travaillé à 100%, ce qu'elle aurait pu faire dès que son enfant le plus jeune aurait débuté le cycle d'orientation (soit environ en 2012); or, elle a ensuite indiqué que durant l’année 2012, elle présentait déjà des problèmes de santé qui l'avaient empêchée d'augmenter son taux d'activité; en particulier, elle avait déjà commencé à souffrir de l'épaule. A cet égard, les expertises de la Dresse K______ révèlent que la recourante a effectivement présenté, à tout le moins depuis 2013, des douleurs à l'épaule droite, aux pieds ainsi que des lombalgies communes (expertises du 23 avril 2019, page 2, et du 14 juillet 2017, page 16) et la Dresse G______ a fait état de l'impossibilité pour la recourante de porter toute charge depuis 2013 (rapport du 21 septembre 2016).

Il apparaît ainsi que les déclarations de la recourante selon lesquelles elle aurait, sans atteinte à la santé, exercé une activité lucrative à plein temps environ dès l’année 2012, mais que des problèmes de santé l'en avaient empêchée, sont corroborées par les pièces du dossier, dont les expertises de la Dresse K______ et l'avis de la Dresse G______. Elles sont également cohérentes avec la situation familiale et économique de la recourante, laquelle avait à sa charge ses trois filles et était, depuis l'année 2009, soutenue par l'Hospice général. Par ailleurs, la recourante, en suivant des cours de français, de technique de nettoyage, de bureautique, d’informatique, de sérigraphie et de papeterie artisanale, a montré qu’elle entendait se réinsérer dans le monde du travail.

Pour ces motifs, au degré de la vraisemblance prépondérante, le statut d'active à 100% doit être reconnu à la recourante depuis l’année 2012.

12.    a. S'agissant de la capacité de travail de la recourante, l'intimé a suivi l’évaluation de la Dresse K______ selon les expertises des 14 juillet 2017 et 23 avril 2019, complétée le 13 juillet 2019.

Fondées sur l'ensemble du dossier, un examen de la recourante, des examens sanguins et des radiographies complémentaires, comprenant une anamnèse complète, les plaintes de la recourante, la description d'une journée habituelle, des diagnostics et limitations fonctionnelles clairs et une évaluation étayée de la capacité de travail de la recourante, les expertises de la Dresse K______ répondent aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu'il leur soit reconnu une pleine valeur probante.

Selon les conclusions de ces expertises, la recourante présente une capacité de travail nulle dans toute activité du 17 novembre 2014 au 31 août 2015 - date à laquelle les douleurs au pied gauche se sont améliorées - puis de 50% dans une activité adaptée de septembre 2015 à avril 2016 – les douleurs à l'épaule ayant augmenté dès mai 2016 et justifié une IRM qui avait montré des lésions - puis nulle dans toute activité de mai 2016 à juillet 2019 et, enfin, dès août 2019, de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, pour l'ensemble des diagnostics posés.

L'intimé a retenu une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée de septembre 2015 à juillet 2016 et dès août 2019. La date de juillet 2016 n'est toutefois pas explicitée et est contraire à celle retenue par le SMR dans ses avis des 4 septembre 2017 et 7 mars 2019, lesquels admettent une incapacité de travail totale survenue dès mai 2016, et non pas dès juillet 2016, de sorte qu’il convient de confirmer cette première date.

b. La recourante conteste toute capacité de travail ; elle estime que le diagnostic de fibromyalgie posé par l'experte K______ est incapacitant et qu'il empêche son retour au travail. A cet égard, sollicitée par l'intimé afin qu'elle précise la capacité médico théorique maximale de la recourante, l'experte K______ a clairement indiqué, le 13 septembre 2019, que, pour l'ensemble des diagnostics, dont la fibromyalgie, la capacité de travail était de 50%, de sorte que, contrairement à l'avis de la recourante, il n'y a pas lieu de considérer que la fibromyalgie pourrait perturber, voire empêcher le processus de retour à l'emploi au taux de 50% ; au contraire, il apparaît que l'intimé, même s’il a renoncé à un examen détaillé des indicateurs concernant le diagnostic de fibromyalgie, a retenu une capacité de travail réduite à 50% pour l'ensemble des diagnostics, incluant la fibromyalgie. Enfin, le reconditionnement au travail évoqué par l'experte n'a pas été jugé comme condition à l'exigibilité d'une capacité de travail de 50% mais comme permettant, s'il était mis en œuvre, d'augmenter "probablement" le taux de travail au-dessus de 50% (expertise K______ du 23 avril 2019 p. 29).

Quant aux atteintes cardiologiques et psychiatriques évoquées par la recourante, d'une part, le Dr Q______ a constaté un contrôle cardiovasculaire dans la norme (rapport du 14 octobre 2020), d'autre part, la dépression attestée par la Dresse G______ (avis du 13 octobre 2020) et les troubles anxio-dépressifs soulignés par M. P______ (avis du 14 octobre 2020) n'ont été évoqués que postérieurement à la décision litigieuse du 11 mai 2020, l'experte K______ n'ayant à cet égard que proposé, en 2019, la consultation d'un psychiatre dans le cadre d'un traitement de la fibromyalgie (expertise K______ du 23 avril 2019 p. 30). Les éventuelles affections psychiques sont ainsi survenues après l’état de fait déterminant sous l’angle temporel (ATF 144 V 210).

Ainsi, l'avis du SMR du 16 novembre 2020 peut-il être suivi, dans la mesure où il constate qu'il n'y a pas d'atteinte cardiologique et que si une atteinte psychiatrique devait être constatée, elle le serait postérieurement à la date de la décision litigieuse, de sorte qu'elle sort de l'objet du présent litige.

13.    a. Au vu de ce qui précède, il convient de retenir un statut d'active de la recourante dès l’année 2012 et une capacité de travail nulle de celle-ci de novembre 2014 à août 2015, de 50% dans une activité adaptée de septembre 2015 à avril 2016, nulle de mai 2016 à juillet 2019 et de 50% dans une activité adaptée dès août 2019.

La condition d’une incapacité de travail d’au-moins 40% durant une année a été réalisée le 1er novembre 2015 (art 28 al. 1 let. b LAI).

Compte tenu du dépôt de la demande de prestations le 9 juin 2016, le droit à la rente ne peut prendre naissance que six mois plus tard, soit dès le 1er décembre 2016 (art. 29 LAI). A cette date, la capacité de travail de la recourante était nulle depuis mai 2016, de sorte que le degré d'invalidité est de 100%, lequel ouvre le droit à une rente entière d'invalidité.

Le droit à une rente entière d'invalidité est ainsi né le 1er décembre 2016.

b. Compte tenu d’une capacité de travail de la recourante de 50% dès août 2019, le degré d’invalidité doit être recalculé dès cette date somme suit :

Le revenu d'invalide peut être évalué, comme l’a fait l’intimé, sur la base des salaires statistiques (ESS). Selon l’ESS 2018, niveau 1, TA1, total femme, il est de CHF 4'371.- par mois ; pour 41,7h de travail par semaine il est de CHF 4'556,80 ; indexé à l'année 2019, il est de CHF 4'597,80 (+ 0,9%) ; pour une activité à 50%, avec une déduction, comme l'a admis l'intimé, de 10%, il est de CHF 2'069.- soit CHF 24'828.- par année.

Le revenu sans invalidité peut être calculé, vu l’ancienne activité de la recourante, qu’elle aurait exercée à un taux de 100%, sur la base de la convention collective de travail du secteur du nettoyage pour la Suisse romande (2018-2021), qui prévoit une rémunération horaire minimale en 2019 de 19,85h, 43h de travail par semaine, des vacances au taux de 8,33% ainsi qu’un treizième salaire. Le revenu sans invalidité de la recourante en 2019 aurait ainsi été de CHF 3'699.- par mois ou CHF 48'082.- par an ([CHF 19,85 + (8,33% x 19,85h)] x 43h x 4 x 13).

Comparé au revenu avec invalidité de CHF 24'828.-, la perte de gain s'élève à 48,4%, soit 48%.

Ce degré d'invalidité donne droit à un quart de rente d'invalidité.

Au demeurant, la recourante a droit à une rente entière d'invalidité du 1er décembre 2016 au 31 octobre 2019 et à un quart de rente d'invalidité dès le 1er novembre 2019.

14.    Partant, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse annulée. Il sera dit que la recourante a droit à une rente entière d'invalidité du 1er décembre 2016 au 31 octobre 2019 et à un quart de rente d'invalidité dès le 1er novembre 2019.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]). Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 11 mai 2020.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d'invalidité du 1er décembre 2016 au 31 octobre 2019 et à un quart de rente d'invalidité dès le 1er novembre 2019.

5.        Alloue une indemnité de CHF 3'000.- à la recourante, à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le