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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2438/2020

ATAS/963/2021 du 21.09.2021 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2438/2020 ATAS/963/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 septembre 2021

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à MEYRIN, représentée par ASSUAS Association suisse des assurés

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A.      Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1980, mariée et mère de deux enfants nés respectivement en 2009 et 2014, a travaillé dans la restauration puis, en qualité de nettoyeuse, à un taux de 23 %, jusqu’au 17 décembre 2016, date du début d’une incapacité de travail totale due à des omalgies gauches sur une tendinopathie fissuraire du sus-épineux, associées à un syndrome inflammatoire biologique d’origine indéterminée évoluant depuis 2006 et à un état anxio-dépressif depuis 2007. Elle a perçu des indemnités de son assurance d’indemnités journalières.

B.       a. L’assurée a adressé, le 28 avril 2017, une demande de rente à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

b. La docteure B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre traitante de l’assurée depuis octobre 2017, a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode sévère, sans symptôme psychotique (F33.2) en décembre 2017. Dans un rapport du 17 janvier 2018, la Dre B______ a attesté d’une aggravation des éléments anxieux et dépressifs avec une nette péjoration du pronostic à moyen terme. Elle a maintenu qu’une incapacité de travail totale était justifiée encore durant au moins trois mois.

c. Le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre et médecin-conseil de l’assurance d’indemnités journalières, questionné par cette dernière, a retenu le même diagnostic que celui posé par la Dre B______ - trouble dépressif récurrent, épisode sévère, sans symptôme psychotique (F33.2) -, ainsi qu’une anxiété généralisée (F41.1). L’arrêt de travail se justifiait encore deux à trois mois (cf. rapport du 13 avril 2018).

d. Après un suivi psychiatrique intensif au Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrée (ci-après : CAPPI) du 27 septembre au 4 décembre 2018, les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode sévère, sans symptôme psychotique (F33.2), trouble anxieux sans précision (F41.9) et de personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.31) ont été retenus. Les médecins du CAPPI ont constaté à la fin de la prise en charge que la thymie était neutre avec des moments de tristesse voire d’effondrement décrits, un élan vital préservé, des affects congruents, une capacité d’humour, pas d’idées noires ou suicidaires ; une amélioration du trouble du sommeil avec endormissement encore un peu long, pas de modification de l’appétit et des crises d’angoisse en diminution et pas de symptôme de la lignée psychotique (cf. rapport de la docteure D______ et de la docteure E______ du 14 décembre 2018).

e. Le 7 juin 2019, la Dre B______ a décrit qu’une aggravation de la symptomatologie anxio-dépressive et phobique et de la recrudescence de la suicidalité avaient motivé une prise en charge au CAPPI. La problématique dépressive et anxieuse était devenue chronique et résistante malgré le suivi régulier d’une séance toutes les deux semaines, l’observance médicamenteuse et l’investissement de la patiente, les multiples essais d’adaptation du cadre de soins.

Les limitations fonctionnelles auxquelles la recourante était confrontée consistaient en une insomnie initiale et des réveils fréquents (trois fois par nuit), des attaques de panique (deux à trois par semaine) l’empêchant de sortir seule, une impossibilité à réduire le traitement à cause des angoisses massives et une résistance du tableau dépressif. La capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle ou dans une activité adaptée.

f. Dans un rapport final du 18 juillet 2019, le service médical de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a retenu à titre d’atteintes incapacitantes, l’épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique (F32.2) et un trouble anxieux sans précision (F41.9). La capacité de travail était nulle dans toutes activités dès le 17 décembre 2016.

g. Le 13 août 2019, l’époux de l’assurée a informé l’OAI que son épouse avait travaillé à raison de deux heures par semaine dans un cabinet d’ostéopathie. Sur demande de renseignements de l’OAI, l’employeur a indiqué avoir employé l’assurée du 16 janvier 2016 au 28 février 2019 à raison de deux heures par semaine et l’avoir licenciée pour des motifs de restriction budgétaire.

h. Une enquête économique dans le ménage a été réalisée, en conclusion de laquelle l’exigibilité était de 30.50 %, l’empêchement sans exigibilité de 38.50 % et l’empêchement pondéré avec exigibilité était de 8 %. L’enquêtrice avait rencontré lors de sa visite l’assurée et l’époux de celle-ci. L’assurée gardait des enfants chez elle et en avait encore un avec elle lors de la visite. L’assurée a déclaré que sans atteinte à la santé, elle aurait continué à travailler à temps partiel pour rester présente avec ses enfants. Le contrat chez l’ostéopathe était à son nom mais c’était son époux qui avait travaillé en réalité. L’époux était employé à plein temps comme cuisinier. S’agissant du poste « alimentation », l’enquêtrice a retenu que l’assurée ne pouvait préparer que de petites choses pour le repas de ses filles et que l’époux ramenait des plats de son travail pour les repas du soir et pour les repas de midi de ses filles, dont la plus âgée avait lors de la visite su réchauffer au micro-ondes pour elle-même et préparer une saucisse pour sa sœur. L’exigibilité de ce poste était de 30 %, la pondération de 30 % et l’empêchement de 40 % (l’empêchement pondéré de 3 %). Quant au poste « entretien du logement », elle faisait le ménage avant l’atteinte à la santé, à l’exception de l’aspirateur et du nettoyage du sol depuis toujours confiés à l’époux en raison du surpoids de l’assurée. L’assurée parvenait à davantage faire des tâches en présence de sa famille. L’enquêtrice a estimé que, sur une semaine, l’assurée parvenait à faire des petites tâches et a tenu compte de l’aide de l’époux et non de celle des enfants trop petits. L’exigibilité de ce poste était de 30 %, la pondération de 35 % et l’empêchement de 40 % (l’empêchement pondéré de 3.50 %). Les achats et courses diverses sont faits par l’époux. L’exigibilité de ce poste était de 30 %, la pondération de 10 % et l’empêchement de 90 % (l’empêchement pondéré de 0 %) et l’assurée essayait de se rendre tous les étés au Portugal où elle se sent apaisée et peut sortir sans angoisses. La lessive et l’entretien des vêtements sont faits par l’assurée un jour par semaine et le repassage lorsque l’assurée se sent stimulée. L’empêchement a tenu compte que l’assurée devait être stimulée pour faire le repassage. L’exigibilité de ce poste était de 10 %, la pondération de 20 % et l’empêchement de 10 % (l’empêchement pondéré de 0 %). Les soins et assistance aux enfants et aux proches étaient plus difficiles pour l’assurée en raison de sa thymie basse et de ses angoisses. L’exigibilité de ce poste était de 0 %, la pondération de 5 % et l’empêchement de 30 % (l’empêchement pondéré de 1.5 %).

C.       a. Par projet de décision du 7 avril 2020, l’OAI a retenu un statut mixte raison de 28 % d’activé professionnelle (en additionnant le taux d’activité de nettoyeuse dans son ancienne activité avant la demande de prestations [23 %] et celui pour le cabinet d’ostéopathie [5 %]) pour laquelle l’incapacité de travail était de 100 % et de 72 % d’activité ménagère dont l’incapacité était de 8 %, en dégageant un degré d’invalidité de 34 % qui n’ouvrait pas le droit à une rente ou à des mesures.

b. Par pli du 23 avril 2020, l’assurée a fait opposition. Elle contestait l’enquête ménagère dans la mesure où l’OAI n’avait pas obtenu des avis médicaux sur les limitations dans l’activité de ménagère et que l’enquête n’indiquait pas comment l’on passait d’un taux d’empêchement sans exigibilité de 38.50 % à un taux avec exigibilité de 8 %. L’état de santé s’était en outre aggravé, ce qui justifiait un complément d’instruction.

c. Par décision du 16 juin 2020, l’OAI a confirmé sa décision de refus.

D.      a. Par acte du 17 août 2020, l’assurée a porté le litige devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). Sous suite de frais et dépens, elle a conclu à l’annulation de la décision du 16 juin 2020 dans la mesure où celle-ci ne lui accordait pas de rente et à ce que la chambre de céans revoie le calcul du taux d’invalidité, qu’elle dise qu’elle a droit à des prestations d’invalidité et qu’elle dise qu’elle a droit à une rente. Elle a développé les arguments soulevés dans son opposition. À l’appui de son recours, la recourante a produit des pièces, dont un avis de sa médecin psychiatre du 27 juillet 2020 faisant état d’une évolution négative de l’état de santé de sa patiente avec péjoration et nette aggravation depuis le début du traitement et retenant une capacité de travail de 30 % dans la sphère ménagère.

b. Par acte du 16 septembre 2020, l’intimé a persisté dans sa décision en concluant au rejet du recours. La recourante contestait le taux d’invalidité retenu dans la sphère ménagère. Une enquête avait pourtant été diligentée par une personne spécialisée dans ce genre d’examen, qui avait rendu un rapport circonstancié. Son évaluation se fondait sur les explications de la recourante et les comportements de cette dernière. Le rapport remplissait ainsi les réquisits de ce type de mandat. Les diagnostics médicaux avaient été pris en compte et il n’existait pas d’aggravation de l’état de santé non prise en compte par l’enquêtrice au dossier. L’exigibilité de l’aide de l’époux n’était pas excessive.

c. Le mandataire de la recourante a répliqué le 12 octobre 2020, puis le 29 avril 2021, en produisant un avis de la Dre B______ du 27 avril 2021, dans lequel cette dernière retenait une capacité de travail de 10 % dans la sphère ménagère au vu des atteintes psychiques de sa patiente.

d. Invité à se déterminer, l’OAI a persisté dans ses conclusions et remis à la chambre de céans un avis récent du SMR par lequel le taux de 10 %, allégué par la psychiatre traitante, était contesté et ne correspondait pas au résultat de l’enquête économique dans le ménage qui avait pris en compte tant les aspects médicaux que les déclarations de la recourante et l’exigibilité attendue de l’époux de cette dernière.

e. Cette détermination a été transmise à la recourante, laquelle n’a pas spontanément fait d’observations.

f. La cause a ensuite été gardée à juger le 21 juin 2021.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l’entrée en vigueur de la LPGA ; il n’en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable, en vertu des art. 56ss LPGA.

3.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité.

Il n’est pas contesté par les parties que les atteintes à la santé justifient une incapacité de travail totale, quelle que soit l’activité exercée. Est en revanche litigieux, le taux d’invalidité retenu dans les activités de la sphère ménagère.

4.        Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA). Est réputée incapacité de gain, toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation (art. 7 al. 1 LPGA).

5.        En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s’il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

6.        Selon l’art. 28a LAI, l’art. 16 LPGA s’applique à l’évaluation de l’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative. Le Conseil fédéral fixe le revenu déterminant pour l’évaluation de l’invalidité (al. 1). L’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il en entreprenne une est évaluée, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels (al. 2). Lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel ou travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint, l’invalidité pour cette activité est évaluée selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, l’invalidité est fixée selon l’al. 2 pour cette activité-là. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative ou du travail dans l’entreprise du conjoint et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées ; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activités (al. 3).

7.        Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

8.        a. Lorsque la personne assurée se consacre à ses travaux habituels, l’invalidité est fixée selon la méthode spécifique. Le degré d’invalidité résulte de la comparaison des activités qu’elle déployait avant d’être atteinte dans sa santé avec celles qu’elle est encore capable d’exercer après les efforts que l’on peut raisonnablement exiger d’elle. On présume qu’il n’y a généralement pas d’empêchement dû à l’invalidité lorsqu’elle est encore active dans le ménage et exécute, au moins partiellement, les tâches qui en découlent. Cette présomption peut être renversée s’il est établi qu’elle travaille au-delà de ce qui est raisonnablement exigible ou s’il ressort du dossier qu’elle fait exécuter par des tiers la plupart des travaux qu’elle ne peut pas effectuer. Dans ce contexte, l’invalidité d’un conjoint aggrave celle du conjoint qui était déjà invalide dans la mesure où celui-ci ne peut plus compter sur une aide lui permettant de compenser son handicap (Michel VALTERIO, Commentaire, Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 107, p. 460).

L’incapacité de travail et l’incapacité d’accomplir ses travaux habituels sont deux notions qui, même si elles se recoupent en partie, doivent être différenciées. Aux termes de l’art. 6 LPGA, l’incapacité de travail se définit comme toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir, dans sa profession ou dans son domaine d’activité, le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. Pour une nettoyeuse professionnelle, elle s’évalue donc au regard de son inaptitude à effectuer les tâches de nettoyage proprement dites (passer l’aspirateur, entretenir les sols, nettoyer les vitres, épousseter, etc.). En revanche, l’incapacité d’accomplir les travaux habituels (art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA) s’évalue différemment. Elle se fonde non seulement sur l’inaptitude de l’assurée à effectuer les tâches de nettoyage proprement dites, mais également sur l’empêchement à réaliser tous les autres travaux usuels et nécessaires à la tenue d’un ménage, tels que, notamment, la préparation des repas, les emplettes, l’entretien du linge ou les soins aux enfants (cf. Circulaire de l’OFAS concernant l’invalidité et l’impotence de l’assurance-invalidité [CIIAI], p. 65, n. 3084 ss). La tenue d’un ménage privé permet, par ailleurs, des adaptations de l’activité aux problèmes physiques qui ne sont pas nécessairement compatibles avec les exigences de rendement propres à l’exercice similaire dans un contexte professionnel (arrêt du Tribunal fédéral I 593/03 du 13 avril 2005 consid. 5.3). À ces éléments s’ajoute également le fait qu’au titre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1er LAI), la personne assurée est notamment tenue d’adopter une méthode de travail adéquate, de répartir son travail en conséquence et de demander l’aide de ses proches dans une mesure convenable (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références citées).

Pour satisfaire à l’obligation de réduire le dommage (voir ATF 129 V 463 consid. 4.2 et ATF 123 V 233 consid. 3c ainsi que les références), une personne qui s’occupe du ménage doit faire ce que l’on peut raisonnablement attendre d’elle afin d’améliorer sa capacité de travail et réduire les effets de l’atteinte à la santé ; elle doit en particulier se procurer, dans les limites de ses moyens, l’équipement ou les appareils ménagers appropriés. Si l’atteinte à la santé a pour résultat que certains travaux ne peuvent être accomplis qu’avec peine et nécessitent beaucoup plus de temps, on doit néanmoins attendre de la personne assurée qu’elle répartisse mieux son travail (soit en aménageant des pauses, soit en repoussant les travaux peu urgents) et qu’elle recoure, dans une mesure habituelle, à l’aide des membres de sa famille. La surcharge de travail n’est déterminante pour le calcul de l’invalidité que lorsque la personne assurée ne peut, dans le cadre d’un horaire normal, accomplir tous les travaux du ménage et a par conséquent besoin, dans une mesure importante, de l’aide d’une personne extérieure qu’elle doit rémunérer à ce titre (RCC 1984 p. 143 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 du 14 janvier 2005 consid. 6.2.1).

Dans le cadre de l’évaluation de l’invalidité dans les travaux habituels, l’aide des membres de la famille (en particulier celle des enfants) va au-delà de ce que l’on peut attendre de ceux-ci, si la personne assurée n’était pas atteinte dans sa santé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 déjà cité et I 681/02 du 11 août 2003). Il y a lieu en effet de se demander quelle attitude adopterait une famille raisonnable, dans la même situation et les mêmes circonstances, si elle devait s’attendre à ne recevoir aucune prestation d’assurance. Le cas échéant, il peut en résulter une image déformée de l’état de santé réel de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 257/04 du 17 mars 2005 consid. 5.4.4).

b. Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d’invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d’une enquête économique sur place, alors que l’incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l’accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

Le degré d’invalidité de la personne assurée qui assume des tâches ménagères ne doit pas être déterminé sur une base médico-théorique, mais en tenant compte des conséquences concrètes de l’atteinte à la santé sur chacune des activités en partant d’une enquête menée sur place par une personne qualifiée (art. 69 al. 2 RAI). Celle-ci repose dans une large mesure sur le comportement et les déclarations de la personne assurée qui sont contrôlés jusqu’à un certain point grâce à l’expérience de la personne chargée de l’enquête. Son résultat aboutit à une évaluation qui doit être appréciée par l’administration, en cas de recours par le juge, à la lumière des conclusions du médecin relatives à l’incapacité de travail dans l’accomplissement des tâches ménagères (VALTERIO, op. cit., n. 111, p. 462).

Pour évaluer l’invalidité des assurés travaillant dans le ménage, l’administration procède à une enquête sur les activités ménagères et fixe l’empêchement dans chacune des activités habituelles conformément à la circulaire concernant l’invalidité et l’impotence de l’assurance-invalidité. Aux conditions posées par la jurisprudence (ATF 128 V 93), une telle enquête a valeur probante.

La mise en œuvre d’une enquête ménagère en cas de statut mixte n’est toutefois pas imposée par le droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 99/00 du 26 octobre 2000 consid. 3c in VSI 2001 p. 155). Il n’y a pas lieu de procéder à un acte administratif qu’une appréciation anticipée des preuves désigne clairement comme inutile (arrêt du Tribunal fédéral 9C_103/2010 2 du septembre 2010).

9.        Il n’existe pas de principe selon lequel l’évaluation médicale de la capacité de travail l’emporte d’une manière générale sur les résultats de l’enquête ménagère. Une telle enquête a valeur probante et ce n’est qu’à titre exceptionnel, singulièrement lorsque les déclarations de l’assuré ne concordent pas avec les constatations faites sur le plan médical, qu’il y a lieu de faire procéder par un médecin à une nouvelle estimation des empêchements rencontrés dans les activités habituelles (VSI 2004 p. 136 consid. 5.3 et VSI 2001 p. 158 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 et I 309/04 du 14 janvier 2005). Toutefois, en présence de troubles d’ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l’enquête économique sur le ménage et les constatations d’ordre médical relatives à la capacité d’accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l’enquête à domicile (VSI 2004 p. 137 consid. 5.3 déjà cité).

10.    Selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge des assurances sociales doit, quelle que soit leur provenance, examiner l’ensemble des moyens de preuve de manière objective et décider s’ils permettent de trancher la question des droits litigieux de manière sûre. En particulier, le juge ne saurait statuer, en présence de rapports médicaux contradictoires, sans avoir examiné l’ensemble des moyens de preuve disponibles et sans indiquer les motifs qui le conduisent à retenir un avis médical plutôt qu’un autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 ; 125 V 351 consid. 3a). La valeur probante d’un rapport médical dépend du fait que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description du contexte médical soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées. Ainsi, ni la provenance du moyen de preuve, ni l’appellation du mandat confié au médecin (rapport ou expertise) ne sont déterminantes pour la force probante d’un tel document (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 ; 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a).

11.    En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s’agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu du rapport doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne les diverses limitations et correspondre aux indications relevées sur place. S’il est conforme à ces exigences, le rapport d’enquête a entière valeur probante. Le juge ne saurait remettre en cause l’appréciation de l’auteur de l’enquête que s’il est évident qu’elle repose sur des erreurs manifestes. Cette retenue découle en particulier du fait que la personne chargée du rapport d’enquête bénéficie de connaissances spécialisées et est plus proche des circonstances concrètes du cas d’espèce que le tribunal compétent en cas de recours (ATF 130 V 61 consid. 6.2).

12.    En l’espèce, pour déterminer la capacité de la recourante d’accomplir ses tâches dans son foyer, une enquête a été réalisée.

L’enquêtrice s’est entretenue avec l’assurée et l’époux de cette dernière. Elle a pris en compte les éléments pertinents mis en avant par ces derniers quant à l’entretien du ménage et aux tâches réalisées par la recourante et celles faites par son époux et l’aînée de ses filles. Les tâches faites par l’enfant n’ont à juste titre pas été prises en compte par l’enquêtrice à titre d’exigibilité d’un tiers au vu du jeune âge de l’enfant (10 ans). L’aide de l’époux, qui travaillait alors comme cuisinier à plein temps et avait fait des ménages en sus de son travail pour un cabinet d’ostéopathie, a en revanche été prise en compte par l’enquêtrice et ce à raison dans la mesure où l’on doit attendre de l’époux d’une personne atteinte dans sa santé de s’occuper des tâches ménagères. Il faut préciser que le fait que l’époux de la recourante exerce une activité professionnelle à plein temps ne l’empêche pas de participer aux tâches ménagères. S’il vivait seul, il s’occuperait d’ailleurs de telles tâches.

La recourante est pour sa part encore active dans le ménage et exécute, au moins partiellement, les tâches qui en découlent, dont des petites choses simples pour les repas, son époux ramenant pour le surplus de la nourriture de son travail et cuisant en grande quantité le soir pour que ses filles aient également à manger les midis. La recourante aide son époux et peut mettre la table et débarrasser. En outre, l’époux a toujours lui-même passé l’aspirateur et nettoyé les sols. Les époux changent ensemble les draps et la recourante fait de petites choses pour l’entretien du ménage en présence de son époux, lequel se charge des gros travaux (nettoyer les vitres et descendre la poubelle). Les achats sont faits par l’époux et la fille aînée du couple et l’entretien du linge par la recourante, laquelle doit être stimulée, répartit le travail sur la journée et fait le repassage en plusieurs fois lorsque son époux cuisine. L’enquêtrice a noté que la recourante se rendait chaque année au Portugal où elle se sentait apaisée et sortait de chez elle.

L’enquêtrice a ainsi pris en considération les limitations liées aux angoisses, à la thymie basse et aux difficultés de la recourante pour se déplacer et a tenu compte de l’aide apportée par l’époux. Elle a dès lors à juste titre considéré que la recourante pouvait faire certaines tâches ne demandant pas trop d’efforts physiques en les répartissant sur la semaine. Cette évaluation n’est pas critiquable.

L’exigibilité retenue par l’enquêtrice s’agissant de la recourante et la prise en compte d’une aide de l’époux de 30.50 % n’excèdent pas, au regard de l’ensemble des circonstances, ce qui peut être raisonnablement exigé d’une assurée partiellement apte à faire des tâches dans son ménage et celles exigées de son époux dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage.

Pour le reste, en l’absence d’erreurs d’estimation évidentes, ou d’indices laissant apparaître des inexactitudes ou des omissions dans les résultats de l’enquête, rédigée par une personne qualifiée, en pleine connaissance de la situation médicale et locale, une pleine valeur probante doit être reconnue au rapport économique sur le ménage.

Enfin, il n’existe pas de véritables divergences entre les résultats de l’enquête économique et les constatations d’ordre médical relatives à la capacité d’accomplir les travaux habituels, l’enquêtrice ayant pris en compte les pièces médicales au dossier et les déclarations de la recourante - ce qui n’est pas contesté - pour établir les tâches que cette dernière était en mesure de faire et celles qui étaient de facto faites par son époux. L’avis de la psychiatre traitante de la recourante selon laquelle cette dernière avait la capacité d’effectuer les tâches à 30 % selon ses observations du 27 juillet 2020 au vu de l’aggravation de son état psychique ne saurait contredire l’enquête fouillée et fondée sur les propres explications de la recourante et de son époux. L’avis émis par ce même médecin le 27 avril 2021 ne porte pas sur d’autres aggravations que celle indiquée dans le précédent avis, notamment au regard de la phobie sociale d’ores et déjà évoquée, de sorte que l’on peine à comprendre pourquoi une capacité de 10 % est alors retenue. En toute hypothèse, cet avis n’ajoute pas d’élément qui aurait été ignoré par l’enquêtrice.

C’est dès lors à juste titre que l’intimé s’est fondé sur cette enquête ménagère pour statuer sur l’invalidité de la recourante dans la sphère ménagère.

Par conséquent, le degré d’invalidité de 5.76 %, dans la sphère ménagère, tel que retenu par l’intimé, doit être confirmé.

Eu égard à ce qui précède, le recours sera rejeté.

La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA). Elle sera en outre condamnée au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

*****

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le