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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2591/2020

ATAS/935/2021 du 14.09.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2591/2020 ATAS/935/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 septembre 2021

9ème Chambre

 

En la cause

ÉGLISE A______, sise _____, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. L’Église A______ (ci-après : l’association ou l'Église) est une association de droit privé, avec siège à Genève, ayant pour but de satisfaire aux besoins religieux de la population protestante du canton de Genève, de défendre et de répandre les principes de la Réforme. Elle poursuit l’accomplissement de son œuvre par le concours actif de tous ses membres, par le ministère de ses pasteurs, par l’enseignement religieux, le culte public, les cérémonies religieuses et par tous les moyens appropriés (cf. art. 1 et 3 de la Constitution de l’Église A______, adoptée le 26 avril 2012 ; ci-après : la Constitution). Elle est constituée de paroisses locales et cantonales (art. 13 ch. 1 de la Constitution), de ministères cantonaux par lesquels s'exercent des missions spécifiques intéressant l'ensemble de l'association (ch. 2) et d'une administration centrale (ch. 3). Elle comptabilise trente paroisses en ville et en campagne et près de soixante ministres (pasteurs et diacres).

b. Les recettes de l’association se composent des contributions annuelles de ses membres, de la contribution solidaire des paroisses établie selon une clé de répartition validée par le Conseil du Consistoire, des dons et legs, avec ou sans affectation et des revenus des immeubles, des titres et autres fonds de réserve de l’association (art. 59 de la Constitution).

B.       a. Le 24 mars 2020, l’association a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) un formulaire de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) annonçant une perte de travail de 25 % pour le secteur d’exploitation « pasteurs et diacres », soit 55 personnes, dès le 1er avril 2020. L’association a précisé que les questions relatives au développement de son volume des affaires n’étaient pas pertinentes puisque l’Église ne facturait pas ses prestations, mais vivait de dons.

b. Par décision du 27 mars 2020, l’OCE n’a pas fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT. Pour autant que toutes les autres conditions du droit étaient remplies, l’indemnité pouvait être octroyée pour la période du 1er avril 2020 au 30 juin 2020 pour le secteur d’exploitation « pasteurs et diacres ».

c. Par décision du 9 avril 2020, annulant et remplaçant celle du 27 mars 2020, l’OCE a formé opposition au préavis du 25 mars 2020. Seule une perte de travail, en tant que telle, qui n’était nullement alléguée en l’espèce, permettait de fonder un droit à l’indemnité en cas de RHT. Pendant la pandémie, les représentants des églises devaient prendre contact avec les membres en situation de fragilité, par téléphone. Il leur appartenait d’inventer de nouvelles manières de communiquer à distance, même si les réunions n’avaient plus lieu en présentiel. Les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT n’étaient dès lors pas réunies.

d. Le 19 mai 2020, l’association, par l’intermédiaire de sa représentante, a fait opposition à cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’indemnités en cas de RHT. Dans un secteur essentiellement basé sur la rencontre et le présentiel, l’impact des mesures prises par les autorités avait été considérable et de nombreuses activités des ministres avaient dû cesser ou être considérablement réduites, même si l’Église n’avait pas ménagé ses efforts afin de maintenir le lien communautaire et de permettre à ses ministres de poursuivre leurs fonctions en prenant des mesures adéquates. La perte de travail subie, estimée à 25 %, représentait en moyenne 11 heures de perte de travail hebdomadaire, sachant que l’horaire de travail contractuel était fixé à 44 heures par semaine. Les activités les plus affectées par les mesures adoptées par les autorités concernaient les activités de culte, les préparations à divers actes ecclésiastiques non urgents, les activités de groupes, les visites en EMS, les activités et événements paroissiaux et les commissions diverses des églises.

e. Par courriel du 15 juin 2020 adressé à l’OCE, l’Église a précisé qu’elle ne bénéficiait pas de subventions de l’État, du canton ou des communes. Ses ressources étaient composées essentiellement de dons directs de particuliers (environ 55 %), de la rétrocession de l’impôt ecclésiastique (environ 20 %) ainsi que des revenus issus de placements (2 %) et des revenus immobiliers (6 %). Sur les premiers mois de l’année 2020, l’association avait pu observer une baisse des dons directs, sa principale source de revenus, en raison de la crise sanitaire et économique. De par l’interdiction des cultes et les mesures de confinement, son action s’était avérée moins visible en dépit de tous les efforts qu’elle avait pu déployer afin de maintenir le lien avec la communauté. Les collectes en présentiel avaient cessé. Les dons, habituellement effectués lors des cultes, en particulier lors de la fête chrétienne de Pâques, n’avaient pas pu être recueillis. Les brochures contenant les appels de fonds n’avaient pas pu être distribuées dans les lieux de culte. Les donateurs de l’association, majoritairement des personnes âgées, n’avaient pas pu se rendre à la Poste pour effectuer des dons. Les donateurs moins âgés s’étaient abstenus. La contribution ecclésiastique était purement facultative et la chute des donateurs s’était accélérée durant la crise, l’association ayant enregistré une baisse importante en avril 2020. Une baisse des dons l’exposait à un risque concret de disparition d’emplois, étant précisé qu’ils étaient destinés à couvrir les charges récurrentes qu’étaient les salaires des diacres et des pasteurs.

En annexe à son courriel, l’association a produit la Constitution de l’Église A______, adoptée le 26 avril 2012.

f. Par décision sur opposition du 30 juin 2020, l’OCE a confirmé sa décision du 9 avril 2020. L’association ne produisait pas de biens ou n’offrait pas de services qui étaient en contact avec le marché. Elle n’encourait en conséquence aucun risque entrepreneurial et n’avait aucun risque de faillite. C’était partant à juste titre que les indemnités en cas de RHT lui avaient été refusées.

C.       a. Par acte du 27 août 2020, l’association a formé recours à l’encontre de cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), concluant à son annulation et à l’octroi des indemnités en cas de RHT pour la période du 1er avril au 30 juin 2020. Depuis mars 2020, l'association avait subi une perte de travail estimée à 25 %, représentant une moyenne de onze heures de perte de travail par semaine. Les domaines suivants étaient particulièrement affectés : activités de culte (cultes dominicaux, bénédictions de mariage, baptêmes, communions, confirmations) ; préparations aux actes ecclésiastiques ; activités de groupes (telles que catéchèse, groupes bibliques, groupes de partage) ; organisation des activités et événements en préparation (camps, week-ends, retraites, fêtes paroissiales) ; cultes et visites en EMS ; rencontres et visites dans les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et les prisons par les aumôniers. Les revenus de l’association représentaient environ CHF 11'000'000.-. Ces revenus se composaient essentiellement de dons directs de personnes physiques et morales et, dans une moindre mesure, de la contribution ecclésiastique volontaire, des revenus provenant de prestations et de placements immobiliers. Une grande proportion de ces revenus était affectée au traitement des ministres. Ainsi, en raison de la crise sanitaire et des mesures prises par les autorités, l’association avait été contrainte de réduire ses activités, ce qui s’était traduit par une perte de travail inévitable pour ses employés et par une baisse des dons recueillis. Elle n’avait pas pu fournir toutes sortes de prestations et célébrations, ce qui la privait, une fois encore, d’une part non négligeable de ses revenus. Sans le versement d'indemnités en cas de RHT, elle risquait bel et bien de devoir licencier du personnel.

b. Par réponse du 28 septembre 2020, l’OCE a conclu au rejet du recours. Il ressortait des déclarations de l’association et des pièces produites que plus de 60 % de ses recettes provenaient de dons de personnes physiques ou morales, auxquelles il convenait d’ajouter les revenus immobiliers. Partant, la majorité de ses recettes ne provenait pas de revenus générés par son activité. Par ailleurs, compte tenu de la fonction spirituelle de l’Église, son activité n’était clairement pas en lien avec un marché économique. Elle n’encourait ainsi aucun risque entrepreneurial, ni de risque de faillite.

c. Le 15 octobre 2020, l’association a persisté dans ses conclusions. Il était erroné de prétendre que la majorité de ses recettes ne provenait pas de revenus générés par son activité. En raison de la cessation de leurs activités en présentiel, les dons n’avaient pas pu être recueillis, les brochures de publicité n’avaient pas pu être distribuées et les revenus provenant de prestations fournies par les ministres contre rémunération de tiers (telles que mariages, baptêmes, communions, confirmations) n’avaient pas pu être perçus. Cela privait l’association d’une part non négligeable de ses revenus. Les pièces produites par l’association permettaient en outre de constater que les charges salariales n’étaient pas entièrement couvertes par les recettes provenant de la contribution ecclésiastique, ni par les autres éléments de revenus. Sans le soutien de l’assurance-chômage, certains ministres devraient ainsi être licenciés, de sorte que l’association encourait bel et bien un risque propre d’exploitation.

d. Le 13 novembre 2020, l’OCE a persisté dans les termes de sa décision sur opposition.

e. Par pli du 8 juillet 2021, la chambre de céans a invité l'association à lui faire parvenir ses comptes de résultat pour l'année 2020 ainsi que le montant des dons perçus en 2020.

f. Le 13 août 2021, l'association a produit le tableau des dons et contributions ecclésiastiques recueillis entre 2015 et 2020, ainsi que son compte de résultat pour l'exercice 2020. Elle a expliqué que l'exercice 2020 était le premier qui se basait sur l'année civile, étant précisé que les comptes 2018-2019 couvraient la période d'avril 2018 à mars 2019 et les comptes 2019 couvraient les neuf mois restant de 2019.

g. Lors de l'audience de comparution personnelle du 30 août 2021, l'association a décrit les différents postes du compte de résultat. Le poste « revenus des dons dédiés » correspondait aux dons des paroissiens affectés à des projets ou à des services particuliers de l'Église (EMS, catéchèse, services de l'enfance, HUG, etc.). Le poste « revenus des collectes dédiées » représentait l'argent liquide collecté durant le culte cantonal. Les « revenus de dons libres de personnes morales et physiques » étaient des dons qui n'étaient pas affectés à un usage particulier et qui servaient principalement à payer les charges de personnel, qui s'élevaient à environ CHF 10'000'000.- par an. Ce poste comprenait également les dons en lien avec les baptêmes, les mariages et autres cérémonies religieuses, étant précisé que ces prestations n'étaient pas facturées. Les « revenus des collectes non dédiées » représentaient les collectes en fin de culte qui n'étaient pas affectées à un usage particulier. Quant aux « revenus des actes ecclésiastiques », ils représentaient les prestations facturées pour la recherche de documents officiels. Le poste « revenus des ventes » comprenait la vente de Bibles, ainsi que les revenus provenant des formations d'adultes en théologie. Le poste « participations paroisses et ministères » correspondait aux contributions des différentes paroisses en fonction du nombre de ministres et, selon les cas, des revenus locatifs des paroisses. Le poste « prestations et charges facturées » correspondait aux salaires fiduciaires des paroisses qui étaient refacturés, ainsi que les revenus locatifs de l'Église. La différence entre le budget prévu en 2020 (CHF 1'475'507.97) et le montant qui figurait au compte de résultat (CHF 1'061'182.33) s'expliquait en partie par le fait que l'Église n'avait pas pu louer ses locaux pour des événements particuliers (auditoire Calvin, Chapelle Saint-Léger, Espace Fusterie), étant précisé que lorsque les salles sont louées aux paroisses, les revenus de location entrent dans le poste « revenus des locaux de mission ». Les « revenus d'animation » provenaient des services « hors cultes » (animations des enfants, séances de respiration, antenne LGBT), étant précisé que ces prestations étaient facturées selon les possibilités de chacun. S'agissant des charges, en particulier les charges directes de mission, l'association a relevé qu'elle avait dû investir beaucoup de fonds pour faire face à la crise sanitaire. La mise en ligne de nombreux services avait engendré une augmentation des coûts.

S'agissant de la perte de travail, l'association a précisé que ses pasteurs avaient travaillé à raison de 50 %. Le travail « ordinaire » avait été interrompu. Il n'y avait plus de cultes, plus de visites de familles, plus de catéchèse et plus d'accompagnement en présentiel.

Enfin, l'association a relevé que la situation genevoise était particulière en comparaison intercantonale car il n'y avait pas d'impôt ecclésiastique permettant de garantir une source de revenus. L'Église avait été très créative pour trouver des solutions afin de maintenir le lien avec la communauté.

À l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

h. Par courrier du 31 août 2021, l'association a sollicité une indemnité de dépens de CHF 4'980.05 pour les frais d'avocat engagés par la procédure d'opposition.

La chambre de céans a transmis cette écriture à l'OCE.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu notamment de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une indemnité en cas de RHT du 1er avril 2020 au 30 juin 2020.

4.        a. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l'accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l'activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L'indemnité s'élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). Elle doit être avancée par l'employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l'issue d'une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), moyennant un délai d'attente de trois jours au maximum (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l'assurance-chômage, OACI - RS 837.02]).

Cette prestation permet aux employeurs de faire des économies sur les frais salariaux (RUBIN, op cit., ibidem).

b. Le but de l'indemnité en cas de RHT consiste, d'une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des RHT et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D'autre part, l'indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l'intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l'horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

5.        Selon l'art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité idoine lorsque : 

- ils sont tenus de cotiser à l'assurance ou qu'ils n'ont pas encore atteint l'âge minimum de l'assujettissement aux cotisations AVS (let. a) ;

- la perte de travail doit être prise en considération (let. b) ;

- le congé n'a pas été donné (let. c) ; 

- la réduction de l'horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l'on peut admettre qu'elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d). 

6.        a. Aux termes de l'art. 32 al. 1 LACI, la perte de travail est prise en considération lorsqu'elle est due à des facteurs d'ordre économique et est inévitable (let. a) et qu'elle est d'au moins 10 % de l'ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l'entreprise (let. b). En revanche, la perte de travail n'est pas prise en considération lorsqu'elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer (art. 33 al. 1 let. a LACI). 

Les deux conditions de l’art. 32 al. 1 let. a LACI (perte de travail due à des facteurs économiques et inévitable) sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a).

La LACI ne définit pas ce que recouvre la notion fondamentale de « facteurs d'ordre économique ». Ces facteurs d'ordre économique comprennent en réalité essentiellement ceux liés à la conjoncture. Ils peuvent toutefois également englober des facteurs structurels (DTA 2004 p. 128 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 279/05 du 2 novembre 2006 consid. 2.2 ; C 24/99 du 11 juin 2001 consid. 4a ; C 203/95 du 8 janvier 1997 ; cf. RUBIN, op. cit., n. 6 ad art. 32 et les références citées). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l'entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l'existence d'un facteur économique (DTA 1985 p. 109 consid. 3a).

b. L'art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèles dues aux conditions météorologiques où à d'autres circonstances non imputables à l'employeur.

L’al. 3 de l'art. 32 LACI permet ainsi d'accorder l'indemnité en cas de RHT pour des motifs autres qu'économiques, dans certaines situations appelées : « cas de rigueur ». Cet alinéa s'écarte en conséquence de la logique du système d'indemnisation en cas de RHT, qui veut que seules les pertes de travail causées par des motifs économiques puissent être prises en considération (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces « cas de rigueur » consistent en des risques d'exploitation suffisamment inhabituels pour qu'ils ne puissent être assumés par les seuls employeurs (RUBIN, op. cit., n. 15 ad art. 31).

L'art. 51 OACI concrétise l'art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d'autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail : interdiction d'importer ou d'exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d'exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d'accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l'approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L'art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n'est pas prise en considération tant qu'elle est couverte par une assurance privée.

Les pertes de travail au sens de l'art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l'employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s'il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit., n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l'expression de l'obligation de diminuer le dommage voulant que l'employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l'indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s'il existe des mesures que l'employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d'État à l'économie, état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d'un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n'est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l'un des motifs de l'art. 33 LACI, l'indemnisation est exclue, même quand il existe un cas de rigueur. Ainsi, lorsqu'en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l'employeur au sens de l'art. 51 al. 1 OACI, l'une des conditions de l'art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d'un risque normal d'exploitation, l'indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

7.        a. La qualité de travailleur selon l'art. 31 LACI dépend uniquement du statut juridique de cotisant à l'AVS, et non pas du statut de l'employeur (communauté et établissement public d'une part, personne physique ou morale au sens du droit civil d'autre part ; ATF 121 V 362 consid. 2). 

b. L'indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large : son allocation a pour but d'éviter le chômage complet des travailleurs - soit leur congé ou leur licenciement -, d'une part, de maintenir simultanément les emplois dans l'intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs, d'autre part. Or, en règle générale, les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l'employeur est une entreprise de droit public, faute pour celui-ci d'assumer un risque propre d'exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Bien plus, il n'existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d'être déplacés dans d'autres secteurs. 

En revanche, compte tenu des formes multiples de l'action étatique, on ne saurait de prime abord exclure, dans un cas concret, que le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c'est de savoir si, par l'allocation de l'indemnité, un licenciement - respectivement une non-réélection - peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références).

c. C'est à brève échéance que le versement de l'indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s'agit de mesures temporaires (art. 31 al. 1 let. d LACI).

Le statut du personnel touché par la RHT est dès lors décisif pour l'allocation de l'indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d'un statut de fonctionnaire ou d'un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme - éventuellement à moyen terme - à la suppression d'emploi. Dans ce cas, les conditions du droit à l'indemnité en cas de RHT ne sont pas remplies (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références). 

d. L'exigence d'un risque économique à court ou moyen terme concerne aussi l'entreprise. En effet, à la différence de l'ancien régime, où les travailleurs touchés par une RHT percevaient des indemnités parce qu'étant au chômage partiel, l'entreprise, depuis l'entrée en vigueur de la LACI, est au centre des conditions à remplir pour que la perte de travail résultant de la RHT soit prise en considération. Cela ressort notamment de l'art. 32 al. 1 let. a LACI, selon lequel la perte de travail n'est prise en considération que si elle est due à des facteurs d'ordre économique et qu'elle est inévitable. À l'évidence, cette condition ne saurait être remplie si l'entreprise ne court aucun risque propre d'exploitation, à savoir un risque économique où l'existence même de l'entreprise est en jeu, par exemple, le risque de faillite ou le risque de fermeture de l'exploitation. Or, si l'entreprise privée risque l'exécution forcée, il n'en va pas de même du service public, dont l'existence n'est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 consid. 3b et les références). 

8.        S’agissant plus spécifiquement de la procédure, l’art. 36 al. 1 LACI prévoit que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la réduction de l’horaire de travail. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de trois mois. Selon l’al. 2 de cette disposition, l’employeur doit indiquer dans le préavis : le nombre des travailleurs occupés dans l’entreprise et celui des travailleurs touchés par la réduction de l’horaire de travail (let. a) ; l’ampleur de la réduction de l’horaire de travail ainsi que sa durée probable (let. b) ; la caisse auprès de laquelle il entend faire valoir le droit à l’indemnité (let. c). Dans le préavis, l’employeur doit justifier la réduction de l’horaire de travail envisagée et rendre plausible, à l’aide des documents prescrits par le Conseil fédéral, que les conditions dont dépend le droit à l’indemnité, en vertu des art. 31 al. 1 et 32 al. 1 let. a, sont réunies. L’autorité cantonale peut exiger d’autres documents nécessaires à l’examen du cas (al. 3). Lorsque l’autorité cantonale estime qu’une ou plusieurs conditions dont dépend le droit à l’indemnité ne sont pas remplies, elle s’oppose par décision au versement de l’indemnité. Dans chaque cas, elle en informe l’employeur et la caisse qu’il a désignée (al. 4).

9.        a. Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

Ainsi, le 28 février 2020, le gouvernement suisse a adopté, en se fondant sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101), l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnance COVID-19 - RS 818.101.24), dont le but est de prévoir des mesures devant permettre de diminuer le risque de transmission du COVID-19 (art. 1), laquelle a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19).

Par cette nouvelle ordonnance - modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption -, le Conseil fédéral a notamment, en date du 17 mars 2020, interdit les manifestations publiques ou privées, y compris les manifestations sportives et les activités associatives (art. 6 al. 1), fermé les établissements publics, tels que les magasins et les restaurants (art. 6 al. 2), les inhumations dans le cercle familial restreint étant autorisées (art. 6 al. 3 let. l).

Dès le 21 mars 2020, les rassemblements de plus de cinq personnes ont été interdits dans les lieux publics (art. 7c al. 1). Dans le cas d'un rassemblement de cinq personnes au plus, celles-ci devaient désormais se tenir à au moins deux mètres les unes des autres (art. 7c al. 2).

Cette situation a duré plusieurs semaines.

À compter du 27 avril 2020, le Conseil fédéral a progressivement assoupli les mesures restrictives qu'il avait imposées en mars 2020. À compter de cette date, certains établissements, tels que par exemple les salons de coiffure, les magasins de bricolage ou encore les jardineries, ont pu rouvrir leurs portes (art. 6).

Dès le 28 mai 2020, les offices religieux, les autres manifestations religieuses et les inhumations ont pu reprendre (art. 6 al. 3 let. k), pour autant qu’il existe un plan de protection au sens de l’art. 6a de l’ordonnance 2 COVID-19.

Les rassemblements de moins de trente personnes ont été autorisés dans l'espace public dès le 30 mai 2020 (art. 7c al. 1) puis, dès le 6 juin 2020, les manifestations de moins de 300 personnes ont été autorisées, pour autant qu'il y existe un plan de protection (art. 6).

b. Parallèlement aux restrictions imposées par l'ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral a, en matière d’assurance-chômage, mis en place un certain nombre de dispositions visant à faciliter l’indemnisation en cas de RHT pendant la situation de crise sanitaire (voir l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020, ordonnance COVID-19 assurance-chômage, RO 2020 877). Cette ordonnance a été modifiée à plusieurs reprises (modifications du 25 mars 2020, RO 2020 1075 ; modifications du 8 avril 2020, RO 2020 1201 ; modifications du 20 mai 2020, RO 2020 1777 ; modifications du 12 août 2020, RO 2020 3569 et modifications du 7 octobre 2020, RO 2020 3971). Elle prévoit notamment qu’en dérogation aux art. 32 al. 2 et 37 let. b LACI, aucun délai d’attente n’est déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3). Les modifications sont entrées en vigueur de manière rétroactive au 1er mars 2020 (voir art. 9 ordonnance COVID-19 assurance-chômage). Cette disposition a effet jusqu’au 31 mars 2021 (art. 9 al. 6).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (voir art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

10.    Le Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) a également adopté plusieurs directives concernant les règles spéciales s’appliquant à la pandémie.

a. Le 10 mars 2020, il a adopté la directive 2020/01. Il y a précisé que, du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n'est pas un risque normal d'exploitation à la charge de l'employeur, au sens de l'art. 33 al. 1 let. a LACI, même si dans certaines circonstances elle est susceptible de toucher tout employeur (Jean-Philippe DUNAND / Rémy WYLER, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, in Newsletter DroitduTravail.ch du 9 avril 2020 de l'Université de Neuchâtel, p. 14 ; Directive 2020/01 du SECO du 10 mars 2020 sur les règles spéciales en cas de limitation de l’activité des organes d’exécution pour cause de pandémie, p. 3).

b. Le 9 avril 2020, le SECO a adopté la directive 2020/06, applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020. Il y a précisé que pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme la date de réception, si l'entreprise avait dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu'elle avait déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (directive 2020/06, p. 8). Il y a également apporté des précisions au sujet des demandes émanant d’entreprises de droit public (directive 2020/06, pp. 5-6).

c. Par la suite, le SECO a adopté la directive 2020/08 en date du 1er juin 2020, remplaçant la directive 2020/06 du 9 avril 2020, et applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020 et jusqu’au 31 août 2020. Il y a précisé, s’agissant des demandes émanant des fournisseurs de prestations publiques (employeurs publics, administrations, etc.), que le but de l’indemnité en cas de RHT est de préserver les emplois. L’objectif est d’éviter des licenciements à court terme, consécutifs à un recul temporaire de la demande de biens et de services, et la perte de travail qui en résulte (ATF 121 V 362 consid. 3a). De manière générale, ce risque (immédiat) de disparition d’emplois concerne uniquement les entreprises qui financent la fourniture de prestations exclusivement avec les revenus ainsi perçus ou avec des fonds privés (directive 2020/08 du 1er juin 2020, p. 6).

Le SECO a rappelé que contrairement aux entreprises privées, les fournisseurs de prestations publiques ne supportent pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite parce qu'ils doivent mener à bien les tâches qui leur ont été confiées par la loi indépendamment de la situation économique. Les éventuels problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou même les pertes résultant de l'activité de l'entreprise sont couverts par des moyens publics, qu'il s'agisse de subventions ou d'autres moyens financiers. Il n'existe pas dans ces cas de risque de disparition d'emplois. 

En vertu du mandat des fournisseurs de prestations publiques, considérant l'objectif visé par l'indemnité en cas de RHT, les prestataires n'ont globalement aucun droit à la RHT pour leurs travailleurs. Le versement de la RHT en cas de suspension temporaire de cette fourniture de prestations revient à répercuter les coûts du salaire sur le fonds de l'assurance-chômage sans que le risque de licenciements à court terme pour ces entreprises, contre lequel se bat le législateur, ne soit avéré. Ces réflexions s’appliquent aussi bien aux entreprises de droit public elles-mêmes (en ce qui concerne les employés de la Confédération, des cantons et des communes) qu’aux secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique sur la base d’un accord.

La RHT ne peut être accordée aux travailleurs employés par des fournisseurs de prestations publiques que si les travailleurs concernés sont exposés à un risque concret et immédiat de licenciement. Cela peut également concerner un secteur d'un prestataire seulement. Par exemple, une entreprise de transports peut comprendre à la fois un secteur d'exploitation pour lequel elle a droit à la RHT en cas de chute du chiffre d'affaires (par exemple, bus touristiques), et un secteur d'exploitation pour lequel aucun droit à la RHT n'existe (exploitation subventionnée d'un bus local).

On considère qu'un risque immédiat et concret de disparition d'emplois est présent si, en cas de recul de la demande ou de réduction ordonnée de l'offre chez le mandataire, il n'existe pas de garantie que les coûts d'exploitation seront entièrement couverts, et si les entreprises concernées ont la possibilité de procéder à des licenciements immédiats dans l'objectif de faire baisser les coûts d'exploitation. Ces deux conditions doivent être cumulées.

L’autorité cantonale est tenue de vérifier uniquement si un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe et si l’employeur est en mesure de justifier ce risque en présentant des documents appropriés. Il incombe donc aux entreprises qui fournissent des prestations publiques (service public) de justifier de manière plausible à l’autorité cantonale qu’en cas de perte de travail, un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe, à l’aide de documents adaptés (règlements du personnel, contrats de travail, mandats de prestations, concessions, CCT, etc.). Il n’est pas nécessaire de procéder à d’autres examens. L’introduction de la RHT doit être refusée uniquement si les documents remis par l’employeur ne justifient pas un risque de disparition d’emplois à satisfaction de droit (directive 2020/08 précitée, p. 7).

d. Dans la directive 2020/15 du 30 octobre 2020, également applicable avec effet rétroactif au 1er mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020, le SECO a apporté des précisions relatives au préavis des organisations n’exerçant pas d’activité économique : en règle générale, les personnes et donc les organisations (quelle que soit leur forme juridique) auprès desquelles elles sont employées n'ont pas droit à l'indemnité en cas de RHT s'il n'y a pas des pertes d’heures dues à des raisons économiques et si l'indemnité en cas de RHT ne sert pas à maintenir les places du travail (chiffre 2.6 a, p. 14).

Une organisation, par exemple une association ou une coopérative dont le but est le bien-être de ses membres et qui est financée par les cotisations des membres, ne subit aucune perte économique et les emplois ne sont pas menacés. Il n'y a donc pas de droit à l'indemnité en cas de RHT, même si le travail des employés doit être temporairement suspendu en raison de mesures officielles (p. 14).

Toutefois, une association qui fournit des services et se finance grâce aux droits qu'elle reçoit en retour (par exemple, le produit des ventes, les droits d'entrée) peut subir des pertes économiques en raison de mesures officielles et des emplois peuvent être menacés. Par conséquent, le droit à l'indemnité en cas de RHT peut être rempli si les autres conditions sont remplies (perte de travail inévitable, qui ne peut être évitée par des mesures économiquement raisonnables, au moins 10 %, temporaire, type de contrat de travail).

Dans le cas des organisations qui représentent un mélange de ces deux cas extrêmes, par exemple celles qui cofinancent la dotation en personnel par le biais de contrats ou de mandats de moindre importance, une pondération des intérêts doit être effectuée au cas par cas (pp. 14-15).

Deux exemples sont cités par le SECO :

1)      une association musicale locale qui se produit occasionnellement lors de fêtes de village, mais dont les revenus sont toutefois constitués pour l’essentiel de cotisations des membres, de dons, etc., ne subit aucune perte de travail due à l'annulation d'une fête de village et le poste de directeur général employé à un faible taux d’occupation n'est pas menacé. Dans ce cas, la demande de l'indemnité en cas de RHT doit être rejetée.

2)      un orchestre de musique, également organisé sous forme d'association, qui paie les salaires des musiciens et autres employés à partir des revenus de ses représentations, subit une perte d'heures de travail en raison de l'annulation de représentations et de l'interdiction des répétitions. Les emplois sont donc menacés. Dans ce cas, la demande de l'indemnité en cas de RHT doit être acceptée si les autres conditions sont remplies.

11.    Dans un arrêt de principe du 27 mai 2021 portant sur la question de l’octroi d’indemnités en cas de RHT à une église, la chambre de céans a retenu que même si la recourante fournissait des services d’ordre spirituel et social et non économique, elle encourait un risque immédiat et concret de disparition d’emplois. Il ressortait en effet de ses comptes qu’elle ne recevait aucune subvention et les contrats de travail de ses employés étaient soumis au droit privé. L’église était, en outre, en contact avec le marché, offrant des services (location de bureaux, ventes paroissiales, ventes d’habits de seconde main, services religieux) grâce auxquels elle se finançait et couvrait ses charges d’exploitation. Les dons, par essence volontaires et non effectués en contrepartie d’une prestation de la paroisse, ne représentaient qu’une petite partie de ses recettes. Quant aux offrandes, versées à l’occasion des cultes, la question pouvait demeurer ouverte de savoir si elles devaient être qualifiées de rémunération effectuée en contrepartie d’une prestation de la paroisse, car la recourante tirait la majeure partie de ses revenus des services qu’elle fournissait aux paroissiens ou à des tiers, à savoir la location de locaux, les services religieux, les ventes paroissiales et les ventes d’habits de seconde main. Elle pouvait ainsi subir des pertes économiques et était dès lors éligible à percevoir les indemnités en cas de RHT (ATAS/531/2021 du 27 mai 2021 consid. 16).

12.    En l'espèce, le litige porte principalement sur la question de savoir si la recourante est éligible à recevoir l'indemnité en cas de RHT, au vu de son mode de financement et de ses activités.

À titre liminaire, il convient de relever que la demande de RHT a été formée par la recourante pour ses 55 pasteurs et diacres du secteur d'exploitation « pasteurs et diacres ». En audience, l'intimé a émis des doutes quant à la possibilité d'assimiler les pasteurs et diacres à un secteur d'exploitation. La question peut toutefois demeurer indécise. Il ressort en effet de la demande de préavis du 24 mars 2020 que les pasteurs et diacres représentent plus de 65 % des employés de la recourante (soit 55 sur 84 employés). Il s'ensuit qu'avec une perte de travail d'au moins 25 % des pasteurs et diacres, la perte de travail totale de la recourante atteint au moins 10 % de l'ensemble des heures normalement effectuées. Quoi qu'il en soit, l'examen de cette condition est réservé à la caisse en application de l'art. 39 al. 1 LACI.

Il convient donc de déterminer si la recourante a subi une perte de travail au sens des art. 32ss LACI. En l'occurrence, durant la période litigieuse courant du 1er avril 2020 au 30 juin 2020, la recourante s'est retrouvée contrainte de cesser toutes ses activités ou de les réduire drastiquement en raison de l’interdiction de manifestations publiques ou privées à compter du 17 mars 2020, puis de l’interdiction de rassemblements de plus de cinq personnes dès le 20 mars 2020. L'intéressée n’a en conséquence pas pu exercer ses activités habituelles pendant toute cette période, étant rappelé que ce n’est qu’au mois de juin 2020, que les mesures ont été en partie levées. En audience, elle a précisé que, durant cette période, ses pasteurs et diacres avaient travaillé à raison de 50 %. Leur travail « ordinaire » avait été interrompu : il n'y avait plus de cultes dominicaux, de préparations de mariage, de baptêmes, de communions, de confirmations, plus de préparations aux actes ecclésiastiques, plus d'activités de groupes (telles que catéchèse, groupes bibliques, groupes de partage), plus de visites de familles et en EMS et plus d'accompagnement en présentiel. Il convient donc d'admettre que les pasteurs et diacres de la recourante ont subi une perte de travail consécutive aux mesures prises par les autorités (cf. art. 32 al. 3 LACI).

Reste à déterminer si cette perte de travail peut être prise en considération au sens de l'art. 32 al. 1 et 3 LACI. L'intimé le conteste, au motif que la recourante ne saurait être considérée comme une entreprise en contact avec le marché.

En l'occurrence, il ressort des pièces versées à la procédure que les pertes de travail subies par la recourante ont entraîné un manque à gagner pour l'association. Les comptes de résultat de la recourante révèlent en effet, pour l'exercice 2020, une baisse de revenus de près de CHF 1'200'000.- par rapport à l'exercice 2018-2019 (étant précisé que l'exercice 2019 – lequel couvre neuf mois – ne peut servir d'indice probant), correspondant à près de 11 % de ses recettes ordinaires. Il est vrai que la baisse de revenus est due en grande partie à la diminution des revenus des dons et fonds libres et affectés (près de CHF 725'000.- de dons en moins par rapport à 2019, cf. « dons et contributions ecclésiastiques recueillis entre 2015 et 2020 », produits par la recourante à l'appui de son écriture du 13 août 2021). Or, il ressort des déclarations en audience que, parmi ces dons, figurent les revenus perçus en lien avec les événements religieux tels que les baptêmes, les mariages, les communions, les confirmations et autres cérémonies religieuses. Or, s'il est vrai que ces prestations sont financées par un système de dons, dépendant ainsi de la générosité de chaque donateur, il n'en demeure pas moins que de telles rémunérations ont été versées en contrepartie des prestations des paroisses, lesquelles n'ont pas pu être effectuées durant la période litigieuse en raison des mesures étatiques. À cela s'ajoute que les dons comprennent également les collectes versées à l'occasion de cultes, qui, en raison de la fermeture des paroisses, ont également subi une nette diminution par rapport à l'exercice 2018-2019 (soit plus de CHF 20'000.-).

Les comptes de la recourante montrent par ailleurs que ses baisses de revenus ne concernent pas uniquement les dons mais également les produits qu'elle tire de ses diverses activités. Il en va notamment ainsi, à teneur des explications apportées en audience, des revenus des locations qui ont diminué de près de CHF 270'000.- (cf. poste « prestations et charges facturées » qui, conformément aux explications apportées en audience, comprend les salaires fiduciaires des paroisses ainsi que les revenus locatifs de l'Église et dont le budget projeté pour 2020 était supérieur de CHF 400'000.- aux revenus effectivement réalisés) en raison du fait que la recourante n'avait pas pu louer ses locaux pour des événements particuliers (audition Calvin, Chapelle Saint-Léger, Espace Fusterie). S'ajoute à cela une baisse de près de CHF 90'000.- sur les revenus des locaux de mission (location des salles aux paroisses). Il ressort également des comptes que la recourante a subi des pertes de revenus sur la vente de Bibles et les formations données aux adultes, lesquelles n’ont pas pu avoir lieu durant la période litigieuse (près de CHF 30'000.-).

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'en raison des mesures prises par les autorités, la recourante a été empêchée d'exercer une activité économique. Les conditions pour la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI doivent dès lors être considérées comme réalisées. S'agissant de l'art. 33 al. 1 let. a LACI, il n'est pas contesté que la pandémie du coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle qui dépasse le cadre du risque normal d'exploitation à la charge de l'employeur.

Enfin, au vu des fermetures ordonnées par les autorités et de l’interdiction de rassemblements, de services religieux, de mariages et d’enterrements en grand nombre, on ne saurait reprocher à la recourante de n’avoir pas pris de mesures appropriées et économiquement supportables pour éviter ces pertes de travail. Elle a du reste expliqué en audience avoir mis en ligne de nombreuses activités et avoir été très créative pour maintenir le lien avec la communauté.

Il suit des considérations qui précèdent que les conditions posées par la loi pour accorder des indemnités en cas de RHT sont réunies. Le droit à l’indemnité en cas de RHT doit partant lui être reconnu, sous réserve de l'examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l'art. 39 LACI.

13.    Dans son écriture du 31 août 2021, la recourante conclut à la condamnation de l'intimé au paiement de CHF 4'980.05 à titre de dépens pour la procédure d'opposition.

a. Alors que le juge des assurances sociales statue sur l’octroi des dépens pour la procédure juridictionnelle administrative au regard de l’art. 61 let. g LPGA, l’administration traite la question des dépens pour la procédure d’opposition sur la base de l’art. 52 al. 3 LPGA, à teneur duquel « [l]a procédure d'opposition est gratuite. En règle générale, il ne peut être alloué de dépens ». Le Tribunal fédéral admet toutefois une exception lorsque l'opposant qui obtient gain de cause aurait pu prétendre à l'assistance judiciaire en cas de perte du procès (ATF 130 V 570 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a, en revanche, laissé ouverte la question de savoir si un droit aux dépens pouvait être reconnu dans d'autres cas d'exception, notamment en cas de dépenses ou de difficultés particulières (ATF 130 V 570 consid. 2.3).

b. En l'occurrence, au stade de l’opposition, la recourante n'avait pris aucune conclusion par rapport à l'allocation de dépens. Elle n’avait pas non plus demandé à pouvoir bénéficier de l’assistance judiciaire ni allégué que sa situation financière était précaire. Ainsi l'intimé ne s'est pas prononcé sur ces questions (non soulevées) dans le cadre de la décision dont est recours. Cette question n'étant pas litigieuse au stade du recours, elle ne fait pas partie du litige. En effet, dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie, sous la forme d’une décision. Dans la mesure où aucune décision n’a été rendue, la contestation n’a pas d’objet et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; ATF 125 V 414 consid. 1a ; ATF 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).

Par conséquent, la conclusion tendant à l’allocation d'une indemnité équitable pour les frais d'avocat occasionnés par la procédure d'opposition est irrecevable, faute de faire partie du litige.

14.    Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT dans la mesure précitée, sous réserve de l'examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l'art. 39 LACI.

Bien qu'obtenant gain de cause, la recourante, qui n'est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        L'admet dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Annule la décision sur opposition du 30 juin 2020.

3.        Dit que la recourante a droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail du 1er avril au 30 juin 2020, sous réserve de l'examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l'art. 39 LACI.

4.        Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le