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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1602/2021

ATAS/882/2021 du 30.08.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1602/2021 ATAS/882/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 août 2021

6ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, Genève

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1977, s’est inscrite à l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) le 13 mai 2019. Le 12 novembre 2020, l’ORP a communiqué à l’assurée une assignation à un emploi de secrétaire coordinatrice de décanat auprès du B______, danse et théâtre de Genève (ci-après : l’employeur) ; l’assurée devait, dans un délai au 14 novembre 2020, postuler à l’adresse e-mail : recrutement@B______.ch.

b. L’assurée a fait l’objet d’une suspension de son droit à l’indemnité pour une période de 4 jours pour recherches personnelles d’emploi (RPE) insuffisantes avant chômage et 6 jours pour RPE insuffisantes en juin 2019.

c. Par courriel du 13 novembre 2020, l’assurée a transmis son dossier de candidature à l’adresse e-mail recrutement@C______.ch, que l’employeur n’a pas reçu, avec une copie cachée à sa conseillère en placement, que celle-ci a reçu. A la demande de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE), l’assurée a expliqué qu’elle avait effectivement postulé auprès de l’employeur, avec copie cachée à sa conseillère en placement, qu’elle constatait avoir fait une erreur dans l’adresse e-mail, sans avoir reçu en retour de message d’erreur et demandait si elle pouvait encore postuler.

B.       a. Par décision du 5 mars 2021, l’OCE a suspendu le droit de l’assurée à l’indemnité pour une durée de 22 jours, au motif que l’assurée, en commettant deux erreurs d’orthographe dans l’adresse e-mail de l’employeur, avait fait preuve de négligence.

b. L’assurée a fait opposition à cette décision, en faisant valoir qu’elle avait dû fournir une lettre manuscrite dans le cadre de sa postulation qui lui avait demandé du temps, ce qu’elle avait fait volontiers car elle était motivée par le poste ; l’erreur dans l’adresse e-mail entrainait des conséquences financières qui la mettait dans une situation très difficile, ayant deux enfants à charge. Elle demandait une réduction de la sanction.

c. Par décision du 16 avril 2021, l’OCE a rejeté l’opposition de l’assurée.

d. L’assurée a recouru à l’encontre de cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en faisant valoir qu’elle avait commis une faute d’orthographe dont elle n’avait pas pu ensuite se rendre compte et qu’elle prenait ses obligations de chômeuse très au sérieux. L’OCE a persisté dans les conclusions de sa décision.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de 22 jours du droit à l’indemnité de la recourante.

4.        a. Selon l'art. 17 al. 1 à 3 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu’il a fournis (al. 1). En vue de son placement, l’assuré est tenu de se présenter à sa commune de domicile ou à l’autorité compétente aussitôt que possible, mais au plus tard le premier jour pour lequel il prétend à l’indemnité de chômage; il doit ensuite se conformer aux prescriptions de contrôle édictées par le Conseil fédéral (al. 2). L’assuré est tenu d’accepter tout travail convenable qui lui est proposé. Il a l’obligation, lorsque l’autorité compétente le lui enjoint, de participer: a. aux mesures relatives au marché du travail propres à améliorer son aptitude au placement; b. aux entretiens de conseil, aux réunions d’information et aux consultations spécialisées visées à l’al. 5; c. de fournir les documents permettant de juger s’il est apte au placement ou si le travail proposé est convenable (al. 3).

Selon l'art. 30 al. 1 let. c et d LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable ou n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but. Est assimilé à un refus d’emploi convenable le fait de ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable (ATF 122 V 34 consid. 3b ; arrêt 8C 468/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2 et les références). L’art. 30 al. 1 let. d LACI trouve application non seulement lorsque l’assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsqu’il s’accommode du risque que l’emploi soit occupé par quelqu’un d’autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (ATF 122 V 34 consid. 3b précité ; arrêts 8C 750/2019 du 10 février 2020 consid. 4.1 ; 8C 865/2014 du 17 mars 2015 consid. 3 et les références).

b. Les erreurs de courriers électroniques relèvent également du refus d’emploi, car il s’agit de démarches importantes auxquelles l’assuré doit être particulièrement attentif. Ainsi, le Tribunal fédéral a retenu que, compte tenu du manque de fiabilité du trafic électronique en général, et en particulier des difficultés liées à la preuve de l’arrivée d’un message électronique dans la sphère de contrôle du destinataire, l’expéditeur d’un courriel était tenu de vérifier soigneusement l’adresse auprès de l’employeur sur la réception de sa candidature et de réagir en l’absence de cette dernière en déposant son pli auprès de la Poste ou en réessayant de l’envoyer par voie électronique. Il appartient en effet à l’expéditeur de prendre certaines précautions, sans quoi il devra assumer le risque, conformément aux règles sur la répartition du fardeau de la preuve (cf. ATF 145 V 90 consid. 3.2 et les références), que son envoi ne parvienne pas – ou pas dans un délai prévu – auprès du destinataire (cf. ATF 145 V 90 consid. 6.2.2 ; arrêts 8C_339/2016 du 29 juin 2016 consid. 4.4 ; 2C_699/2012 du 22 octobre 2012 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 756/2020 du 3 août 2021).

5.        a. Selon l'art. 45 al. 3 et 4 OACI, la suspension dure: a. de 1 à 15 jours en cas de faute légère; b. de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne; c. de 31 à 60 jours en cas de faute grave (al. 3). Il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré: a. abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d’obtenir un nouvel emploi; ou qu’il b. refuse un emploi réputé convenable (al. 4). Dans ce dernier cas, la faute est grave seulement si l’assuré ne peut pas faire valoir un motif valable, soit qui fait apparaitre la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s’agir, dans le cas concret, d’un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1 ; 130 V 125 consid. 3.5). Ainsi, dans un arrêt C 230/01 du 13 février 2003 (DTA 2003 n°26 p. 248, consid. 3.3), l’ancien Tribunal fédéral des assurances a qualifié de faute de gravité moyenne – justifiant une suspension d’une durée de 19 jours – le refus d’un assuré d’accepter une modification du contrat de travail au sujet de la période durant laquelle il pouvait prendre ses vacances. Si les circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours. Toutefois, les motifs de s’écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n°117 ad. Art. 30 LACI et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 756/2020 précité).

b. Selon l'échelle des suspensions à l'intention de l'autorité cantonale et des ORP, le refus d'un emploi convenable ou en gain intermédiaire à durée indéterminée assigné à l'assuré ou qu'il a trouvé lui-même est sanctionné, pour un premier refus par une suspension du droit à l'indemnité de 31 à 45 jours (030-Bulletin LACI D72.2B.1)

Il est précisé que pour toute suspension, le comportement général de la personne assurée doit être pris en considération. Lorsque la suspension infligée s'écarte de la présente échelle, l'autorité qui la prononce doit assortir sa décision d'un exposé des motifs justifiant sa sévérité ou sa clémence particulière (030-Bulletin LACI/D72).

Le barème du SECO ne dispense pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations (arrêts 8C 406/2020 du 28 avril 2021 consid. 4.3 ; 8C 601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1 et les références, non publié in ATF 139 V 164). Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêts 8C 2/2012 du 14 juin 2012 consid. 3.2 ; 8C 64/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.2). Le barème du SECO prévoit une suspension d’une durée de 34 à 41 jours en cas de premier refus d’un emploi convenable d’une durée déterminée de six mois (Bulletin LACI IC, ch. D79/2.A/9 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 756/2020 précité).

6.        Dans un arrêt du 3 août 2021 (8C 756/2020), le Tribunal fédéral a confirmé une suspension de 34 jours du droit à l’indemnité d’un assuré qui, alors qu’il postulait suite à une assignation de l’OCE, avait commis une erreur dans la saisie de l’adresse électronique de l’employeur et n’avait entrepris aucune démarche ultérieure alors même qu’il avait reçu immédiatement un message d’erreur l’informant de l’échec de son envoi.

7.        En l’occurrence, la recourante a, suite à l’assignation du 12 novembre 2020, postulé dans le délai imparti, en joignant les documents demandés, notamment une lettre de motivation manuscrite et transmis cette postulation, dans le même temps, à sa conseillère en personnel. Elle a cependant commis deux fautes d’orthographe dans l’adresse e-mail de l’employeur, de sorte que la postulation n’est pas parvenue à celui-ci. En ne vérifiant pas soigneusement l’adresse saisie, la recourante a ainsi commis une faute, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée. S’agissant de sa gravité, il convient de tenir compte du fait qu’aucun message d’erreur d’envoi n’est parvenu en retour à la recourante, ce qui n’est pas contesté par l’intimé, de sorte que, celle-ci, contrairement à l’assuré dans l’arrêt du Tribunal fédéral précité (8C 756/2020), n’a pas été avertie de l’échec de son envoi et n’a pas pu rectifier immédiatement son erreur. En outre, la recourante a été assignée à un grand nombre d’emplois depuis son inscription auprès de l’intimé, soit 26 assignations, auxquelles elle a à chaque fois donné suite, démontrant qu’elle entendait se soumettre avec sérieux à ses obligations de chômeuse. C’est ainsi à juste titre que l’intimé a considéré que la recourante avait commis non pas une faute grave mais une faute de sévérité moyenne, et a retenu une sanction de 16 jours de suspension correspondant à la sanction minimale pour une faute moyenne, en la majorant de 6 jours en raison des antécédents au dossier.

8.        Partant, le recours ne peut qu’être rejeté et la suspension du droit à l’indemnité de la recourante de 22 jours confirmée.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le