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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1460/2020

ATAS/617/2021 du 10.06.2021 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1460/2020 ATAS/617/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 juin 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maîtres Sara GIARDINA et Sandra Bernasconi SOLNA

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en ______ 1957, mariée, mère de deux filles, a travaillé sans interruption durable depuis 1975. Elle a été employée en qualité de vendeuse de chaussures à temps partiel pour le même employeur de 1985 à 1998, année depuis laquelle ses médecins ont attesté d’une totale incapacité de travail.

2.        Le 15 février 1999, l'assurée a déposé une première demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI), qui l'a rejetée par décision du 29 juin 2004 - confirmée sur opposition le 14 décembre 2004.

3.        Saisie d'un recours de l'assurée, la Cour de céans l'a rejeté en date du 9 novembre 2006 (ATAS/1046/2006), la fibromyalgie ne pouvant se voir reconnaître un caractère invalidant en application des critères développés par la jurisprudence alors en vigueur.

4.        En date du 24 avril 2017, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI, en invoquant une totale incapacité de travail depuis 1998 en raison de douleurs dorsales, d'une dépression, d'une polyarthrite, d'une épilepsie et d'une hyperthyroïdie.

5.        Après instruction, la doctoresse B______, médecin auprès du service médical régional de l'OAI (SMR), a noté, dans un avis du 21 juin 2018, l'existence de troubles cognitifs sévères, d'une polyarthrite rhumatoïde diagnostiquée en 2016 et d'une polyneuropathie des membres inférieurs depuis 2017, troubles qualifiés de nouvelles atteintes engendrant de nombreuses limitations fonctionnelles.

L'état de santé de l'assurée s'était donc aggravé depuis la dernière décision de l'OAI et aucune capacité de travail n'était plus exigible, au moins depuis le début de la prise en charge psychiatrique, en mai 2015.

6.        Dans une note interne du 25 juin 2018, l'OAI a relevé que l'assurée n'avait plus exercé d'activité professionnelle depuis 1998, qu’elle n'avait pas pour autant émargé à l’aide sociale et qu’elle se contentait du salaire de son époux pour subvenir à ses besoins vitaux. Le statut de ménagère était retenu.

7.        Une enquête ménagère au domicile de l’assurée a eu lieu le 18 septembre 2018.

Dans son rapport, l’enquêtrice a noté que l'assurée avait travaillé comme vendeuse depuis 1976 et qu’elle avait été employée par le même employeur de 1985 à 1998. L’assurée avait affirmé qu’elle aurait continué à travailler à 100% dans la vente si son état de santé le lui avait permis : elle avait plaisir à exercer ce métier qui lui permettait d'avoir une activité hors de chez elle. Elle n'arrivait toutefois pas à préciser à quel taux elle aurait travaillé en 2018, car cela faisait 20 ans qu'elle avait quitté le monde professionnel ; elle n'arrivait de ce fait pas à se projeter dans un éventuel emploi. Elle avait effectué quelques recherches d'emploi en 1998, sans succès. Découragée, elle n'avait plus fait aucune démarche depuis lors. Le fait de souffrir de douleurs dès le matin depuis 1998, avait également un effet négatif sur son moral et expliquait qu’elle ait renoncé à toute recherche d'emploi.

Depuis 1998, elle dépendait financièrement de son mari, ingénieur informatique à 100% rémunéré environ 7'000.- CHF/mois jusqu’à sa retraite en 2017 ; il ne bénéficiait désormais plus que d’une rente de vieillesse de 3'000.- CHF/mois.

Le couple avait deux filles adultes. L'aînée avait quitté le domicile familial et était indépendante financièrement. La cadette, née en 1994, avait arrêté ses études et trouvé depuis peu un emploi comme vendeuse à 50%. Elle habitait avec ses parents et prenait ses repas de midi à l'extérieur.

Le loyer de l'appartement de trois pièces s'élevait à CHF 1'700.- sans les charges et les assurances maladie du couple à CHF 1'250.-.

Le rapport d’enquête concluait à un empêchement total sans aide exigible de 35,70%, à une aide exigible de 30% et à un empêchement pondéré total de 5,7%.

8.        Par décision du 31 octobre 2018, l'OAI a rejeté la demande de l’assurée, considérée comme personne non active consacrant tout son temps aux travaux habituels.

Selon le SMR, il y avait atteinte à la santé invalidante depuis mai 2015, mais l’invalidité dans la sphère ménagère ayant été évaluée à 5.7%, le droit aux prestations devait être nié.

9.        Saisie d’un recours de l’assurée, la Cour de céans l’a partiellement admis en date du 31 octobre 2019 (ATAS/1006/2019), en ce sens qu’elle a annulé la décision du 31 octobre 2018 en tant qu’elle retenait un statut de ménagère et renvoyé la cause à l’OAI à charge pour ce dernier de se déterminer sur le droit aux prestations et de rendre une nouvelle décision.

La Cour de céans a noté que l’assurée avait constamment travaillé depuis 1975 (hormis en 1979, deux mois en 1980, deux mois en 1983 et deux mois en 1984) et que, de 1985 à 1998, elle avait travaillé sans interruption pour le même employeur en qualité de vendeuse de chaussures à temps partiel.

Après la naissance de ses enfants, en 1988 et 1994, elle avait continué à exercer son activité lucrative, conciliant ainsi vie professionnelle, vie familiale et éducation.

Ce n’était qu'en 1998 qu'elle avait cessé de travailler, en raison des douleurs induites par la fibromyalgie, alors que ses filles étaient âgées de 4 et 10 ans.

En 2017, la situation financière de la famille s’était considérablement dégradée compte tenu du départ à la retraite du père, dont les revenus avaient été divisés par plus de deux. Aucun obstacle ne s’opposait à ce que l’assurée reprenne une activité, puisque ses filles, majeures et en bonne santé, étaient indépendantes, même si la cadette vivait encore chez ses parents. Qui plus est, l’assurée avait déclaré à l'infirmière chargée de l'enquête ménagère qu'elle appréciait son travail de vendeuse, qui lui permettait d'avoir une occupation hors de son domicile. Dès lors, au vu de la situation professionnelle, personnelle, familiale et sociale de l’intéressée, la Cour considérait comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, qu’en bonne santé, l’assurée aurait exercé une activité lucrative en 2018.

Sur le plan médical, son état de santé s’était continuellement aggravé depuis le prononcé de la décision initiale, en 2004, ce qui confortait les allégations selon lesquelles elle n'avait pas été en mesure de travailler depuis 1998. On ne pouvait donc retenir que l’assurée s’était consacrée à l'entretien de son ménage par choix personnel, plutôt qu'en raison de ses problèmes de santé.

S’agissant du taux d’occupation qui aurait été le sien, l’assurée avait certes allégué qu’elle aurait travaillé à 100% si elle l’avait pu. Néanmoins, force était de constater qu’elle avait exercé à temps partiel pendant de nombreuses années pour le même employeur et ce, alors même qu'elle n'avait pas encore d'enfant, qu'elle était en bonne santé et âgée de moins de 30 ans. En outre, dans le cadre de la première procédure, l'assurée n'avait pas remis en cause le statut mixte admis par l’OAI et n'avait pas soutenu qu'elle aurait travaillé à temps plein si sa santé le lui avait permis. Au vu de ces éléments, la Cour de céans reconnaissait à l’assurée un statut mixte ; les parts relatives aux sphères professionnelle et ménagère correspondaient à ce qui prévalait avant le début de l’incapacité de travail, en 1998.

Ce point n’ayant pas été investigué et les parties ne s’étant pas prononcées, il convenait de renvoyer la cause à l’OAI afin qu’il se détermine sur ce point, ainsi que sur le degré d'invalidité découlant de ce statut mixte.

10.    a. Dans une note du 22 janvier 2020, l’OAI a indiqué que, lors de sa première demande, avant d’être atteinte dans sa santé, l’assurée avait occupé un poste de vendeuse chez C______AG (ci-après : l’employeur) à un taux de 41%, les 59% restants étant consacrés à la sphère ménagère. Référence était faite au rapport de l’employeur du 19 mai 1999 figurant au dossier.

b. Dans ledit rapport, l’employeur indiquait avoir employé l’assurée du 1er janvier 1985 au 30 novembre 1998 et avoir résilié son contrat en raison de sa maladie ; depuis le 1er mars 1996, l’assurée avait eu le statut de vendeuse auxiliaire ; l’horaire de travail normal dans l’entreprise était de 8,4 h./jour, cinq jours par semaine (ce qui correspondait à 42 h./sem.) ; l’assurée, quant à elle, avait un horaire variable, qui s’était élevé en moyenne à 17,8 h./sem. durant la dernière année (le dernier jour de travail effectif étant le 2 février 1998).

11.    Le 31 janvier 2020, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de lui reconnaître le droit, à compter du 1er octobre 2017, à un quart de rente d’invalidité basé sur un degré d’invalidité de 44%.

L’OAI retenait un statut mixte (41% active et 59% ménagère).

Il reconnaissait une incapacité totale à exercer la moindre activité professionnelle depuis mai 2015.

Se référant à l’enquête, l’OAI retenait un empêchement de 5,70% dans la sphère ménagère.

Le degré d’invalidité global s’établissait dès lors, au total, à 44% (41% dans la sphère professionnelle + 3,36% dans la sphère ménagère).

12.    Le 26 mars 2020, l’assurée a contesté le taux retenu par l’OAI s’agissant de la sphère professionnelle.

D’une part, il ressortait du rapport de l’employeur que son taux d’activité lors de sa dernière année était de 42,38%, et non de 41%.

Cela étant, sa dernière année de travail n’était clairement pas représentative, puisqu’elle rencontrait déjà des problèmes de santé, qui avaient eu pour effet de diminuer les heures de travail effectuées en tant que vendeuse auxiliaire.

D’autre part, son employeur avait modifié son contrat le 1er mars 1996, diminuant ainsi ses horaires de travail. Si l’on examinait la période durant laquelle elle était en meilleure santé (1986-1995) et avait travaillé comme vendeuse (non auxiliaire), ses revenus avaient varié entre CHF 25'507.- la moins bonne année et CHF 34'317.- la meilleure année. En moyenne, elle avait réalisé un revenu de CHF 28'487.60, représentant 1'393 heures de travail par an pour un salaire horaire de CHF 20.45, soit 29 h./sem. sur 48 semaines. Partant, le taux d’activité durant les dix années s’élevait en moyenne à 69%. Le taux d’invalidité était donc de 71% et lui ouvrait droit à une rente entière.

13.    Dans une note du 15 avril 2020, l’OAI a retenu un statut mixte (42% active et 58% ménagère).

Selon cette note, l’expertise effectuée en 2003 démontrait clairement que l’assurée n’avait pas exercé à 69% : en 1987, avant même la naissance de ses enfants (en 1988 et 1994), elle avait diminué son taux d’activité à 50%. Dans son arrêt du 9 novembre 2006, la Cour avait d’ailleurs confirmé le statut mixte avec 17,8 h./sem.

Dans le rapport d’enquête ménagère, l’assurée ne s’était pas montrée catégorique quant au taux d’activité pour lequel elle aurait opté si elle était en bonne santé. Elle avait allégué avoir travaillé à 100% jusqu’en 1998, information infirmée par les indications fournies par l’employeur : il ressortait clairement de son rapport du 19 mai 1999 que l’assurée avait travaillé à raison de 17,8 h./sem. alors que l’horaire habituel dans l’entreprise était de 42 h./sem., ce qui correspondait à un taux d’activité de 42%.

Par décision du 24 avril 2020, l’OAI a reconnu à l’assurée le droit à un quart de rente d’invalidité à compter du 1er octobre 2017, basé sur un degré d’invalidité de 45% (42% dans la sphère professionnelle [100% de 42%] + 3,31% dans la sphère ménagère [5,70% de 58%]).

14.    Le 25 mai 2020, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

La recourante reprend pour l’essentiel les arguments développés contre le projet de décision de l’intimé.

Elle soutient que ce dernier ne pouvait se baser sur la seule attestation de l’employeur du 19 mai 1999 et sur les données concernant sa dernière année d’emploi pour déterminer le taux auquel elle aurait travaillé si sa santé le lui avait permis.

Elle rappelle que l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a adressé un courrier à l’intimé le 28 avril 1999, confirmant son inscription au chômage le 25 mars 1996, suite à la diminution de son temps de travail. L’OCE a également précisé qu’elle a effectué un gain intermédiaire auprès du « D______ », de mai 1997 à janvier 1998.

Elle fait valoir que, durant ses dix dernières années d’activité en tant que vendeuse, avant de voir son temps de travail diminuer en raison de son passage à un statut d’auxiliaire, elle a réalisé un revenu moyen de CHF 28'487.60, représentant en moyenne 1'539,87 heures de travail par an pour un salaire horaire de CHF 18.50, correspondant à un horaire de 29,61 h./sem. et que son taux d’activité moyen a dont été de 70%.

La lecture de son compte individuel AVS montre que ses revenus ont baissé lorsque son employeur a changé son statut en 1996 ; ils se sont élevés à CHF 13'900.- en moyenne entre 1996 et 1998. Son activité durant ces trois dernières années n’était dès lors pas représentative de son taux d’activité idéal et l’intimé n’aurait pas dû s’en prévaloir pour déterminer son statut. Il aurait dû, au contraire, se baser sur le gain moyen réalisé sur une longue période. Or, la moyenne sur dix ans conduisait à un taux d’activité moyen de 70%, lui ouvrant droit à une rente entière.

15.    Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 23 juin 2020, a persisté dans ses conclusions.

Selon lui, aucun élément objectif médical ne vient corroborer le fait que la recourante aurait, en 1996, réduit son taux de travail pour des raisons de santé.

La Cour de céans elle-même a constaté que le taux d’occupation avait varié au fil des ans et ce, bien avant qu’une atteinte à la santé ne soit attestée.

Le fait que l’employeur ait établi un nouveau contrat de travail modifiant le statut de la recourante de vendeuse à auxiliaire relève de l’économie et non de la sphère médicale.

Il est par ailleurs contradictoire d’alléguer que la réduction du temps de travail aurait été consécutive aux problèmes de santé, d’une part, puis d’imputer cette même réduction à la volonté de l’employeur et de se prévaloir du fait que la recourante s’est inscrite au chômage pour combler ce manque à gagner, d’autre part.

Aucune incapacité de travail n’étant attestée avant 1998, il convient de retenir que la recourante a travaillé à raison de 17,8 h./sem. en moyenne depuis 1996, ce qui correspond à un taux d’occupation de 42%, temps partiel adopté pour des facteurs étrangers à l’assurance-invalidité.

16.    Dans sa réplique du 15 juillet 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Les éléments du dossier ne permettent pas de connaître avec certitude les raisons qui ont amené son employeur à modifier son statut en 1996. Que ce soit pour des raisons médicales (l’employeur préférant payer sur appel une employée souvent absente pour des raisons de santé) ou pour des raisons économiques (l’employeur ayant moins besoin de ses services en raison de problèmes financiers), cela ne change rien au fait qu’elle a subi ce changement. Le fait qu’elle se soit alors annoncée au chômage démontre sa volonté de travailler davantage.

Quant à l’arrêt du 9 novembre 2006, la question litigieuse se limitait à savoir si la fibromyalgie avait un caractère invalidant ou non. Les questions de son statut et de son taux d’occupation n’ayant en revanche pas été tranchées, il est inutile de s’y référer.

17.    Le 21 août 2020, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

4.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité. Plus précisément, reste seule litigieuse à ce stade la question de la répartition entre les sphères ménagère et professionnelle.

6.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.        a. Selon l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI (dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2008), le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l'assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu'au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA.

b. Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; ATF 130 V 343 consid. 3.4). La détermination du taux d'invalidité ne saurait reposer sur la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de l'assuré car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité de l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique de l'atteinte à la santé (ATF 114 V 281 consid. 1c et 310 consid. 3c; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b).

8.        a. Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

b.a. Chez les assurés qui n'exerçaient que partiellement une activité lucrative, l'invalidité est, pour cette part, évaluée selon la méthode générale de comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Pour déterminer le revenu sans invalidité, il y a lieu en principe de se fonder sur les inscriptions figurant sur le compte individuel AVS. Ces inscriptions ne doivent cependant pas être comprises dans le sens d’une donnée invariable ou d’une preuve définitive ne permettant pas d’aboutir sur la base d’autres éléments à une autre présomption que celle qui a été effectivement retenus. En d’autres termes, il conviendra de se fonder sur les revenus inscrits au compte individuel à moins que l’on puisse établir qu’ils ne correspondent pas à la réalité, qu’ils sont inexacts ou qu’ils ont subi de fortes variations durant plusieurs années (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, 2018, n. 22 ad art. 28a). Si le revenu réalisé jusqu'au début de l'invalidité présente de fortes fluctuations à relativement court terme, il convient de prendre en compte le revenu moyen réalisé sur une plus longue période (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2011 du 29 mars 2012 consid. 3 et les références citées).

b.b. Si les assurés n’exerçant que partiellement une activité lucrative se consacraient en outre à leurs travaux habituels au sens des art. 28a al. 2 LAI et 8 al. 3 LPGA, l'invalidité est fixée, pour cette activité, selon la méthode spécifique d'évaluation de l'invalidité. Dans une situation de ce genre, il faut dans un premier temps déterminer les parts respectives de l'activité lucrative et de l'accomplissement des travaux habituels, puis dans un second temps calculer le degré d'invalidité d'après le handicap dont la personne est affectée dans les deux domaines d'activité en question ; c'est la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 27bis RAI ; voir par ailleurs ATF 131 V 51 consid. 5.1.2).

9.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.    En l’espèce, il a été établi par l’ATAS/1006/2019 précité qu’il convient de reconnaître un statut mixte à la recourante. La seule question litigieuse a trait à la répartition des taux entre la part ménagère et la part professionnelle. Conformément à l’arrêt précité du 31 octobre 2019, il convient pour ce faire de déterminer le taux d'activité professionnelle de la recourante avant 1998.

L’intimé a retenu un statut mixte, à raison de 42% pour la part active et de 58% pour la part ménagère, en se fondant sur le pourcentage ressortant selon lui du questionnaire de l’employeur du 19 mai 1999, relatif au dernier emploi occupé par la recourante avant son atteinte à la santé.

Il ressort de ce document que la recourante a travaillé auprès de C______ du 1er janvier 1985 au 30 novembre 1998 et que le contrat de travail a été résilié par l’employeur pour cause de maladie. Son dernier jour de travail effectif a été le 2 février 1998. Le recourante a d’abord travaillé comme vendeuse, puis vendeuse auxiliaire à compter du 1er mars 1996. Son ancien employeur n’a donné des précisions relatives à son temps de travail que pour sa dernière année d’activité : son horaire était variable et s’était élevé en moyenne à 17,8 h./sem., étant précisé que l’horaire de travail habituel dans l’entreprise était de 42 h./sem. (8,4 h./jour, cinq jours par semaine). Le salaire horaire s’élevait à CHF 18.50 + 1.95 pour les vacances. L’ancien employeur de l’assurée n’a pas donné d’indications sur le taux auquel l’intéressée avait travaillé avant qu’il ne lui confère un statut d’auxiliaire.

Selon le compte individuel AVS de l’assurée établi par l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS), les revenus annuels ont fluctué, entre 1985 et 1995, entre CHF 25'507.- (1991) et CHF 34'317.- (1989), ce qui représentait une moyenne de 28'257.- CHF/an. En 1996, les revenus de la recourante ont drastiquement baissé, atteignant CHF 16'367.- en 1996, CHF 18'196.- en 1997 et CHF 7'197.- en 1998.

Au dossier figure un autre extrait de compte individuel, établi par la caisse de compensation du canton de Berne, qui distingue entre les revenus provenant de l’activité auprès de C______et ceux de l’assurance-chômage. Ainsi, en 1996, la recourante a reçu un salaire de CHF 9'643.- de son employeur et CHF 4'930.- d’indemnités de chômage. En 1997, elle n’a reçu qu’un salaire de CHF 1'696.- de son employeur et CHF 16'500.- d’indemnités de chômage. En 1998, son salaire s’est élevé à CHF 5'929.- et ses indemnités de chômage à CHF 1'268.-.

Les raisons pour lesquelles l’employeur a aussi drastiquement diminué le taux d’activité de la recourante ne ressortent pas clairement du dossier.

Il est cependant manifeste que cette situation a été imposée à l’assurée qui, pour pallier cette perte de gain, s’est annoncée au chômage le 25 mars 1996 – soit moins d’un mois après son changement de statut –, comme cela ressort d’une note adressée le 28 avril 1999 par l’OCE à l’intimé. Le motif indiqué par l’intéressée pour expliquer son inscription au chômage était la diminution de son temps de travail. Son gain assuré a été fixé à CHF 2'357.- et elle a effectué un gain intermédiaire auprès d’un tiers employeur de mai 1997 au 31 janvier 1998. Le 1er avril 1998, la recourante a arrêté le contrôle de son chômage.

Il ressort ainsi du dossier que, conformément à ce qu’elle affirme, la recourante avait bien la volonté de travailler davantage que ce que lui a offert son dernier employeur entre 1996 et 1998.

Au vu de ce qui précède, l’intimé ne pouvait se fonder sur la situation prévalant lors de la dernière année d’activité professionnelle de la recourante – alors qu’elle avait subi une diminution de son taux d’activité imposée par son employeur – pour déterminer le taux auquel elle aurait travaillé si elle n’était pas atteinte dans sa santé. De même, il ne pouvait se fonder sur la seule attestation de l’employeur du 19 mai 1999, sans autre examen. En effet, non seulement l’employeur a décrit dans cette attestation la situation prévalant lors de la dernière année d’activité – non représentative, comme on l’a vu -, mais de surcroît, les indications qu’il a données ne correspondent pas à ce qui est mentionné dans l’extrait de compte individuel établi par la caisse de compensation du canton de Berne : cet extrait mentionne des revenus provenant de l’activité lucrative manifestement inférieurs à 17,8 h./sem. en moyenne (CHF 9'643.- en 2016, CHF 1'696.- en 2017 et CHF 5'929.- en 2018).

C’est donc sur la base de la situation telle qu’elle se présentait avant 1996 qu’il convient de déterminer le taux auquel la recourante aurait travaillé sans atteinte à sa santé. À défaut d’attestation de l’employeur permettant d’établir son taux d’activité avant 1996, la Cour de céans se fondera sur les revenus réalisés par la recourante avant son changement de statut en 1996 tels que ressortant de l’extrait de son compte individuel.

Ses revenus ayant varié entre 1985 et 1995, il convient de se fonder sur le gain moyen réalisé au cours de toutes ces années, comme l’on procèderait pour estimer le salaire sans invalidité en cas de fluctuations de revenus. Durant cette période, les revenus de la recourante se sont élevés en moyenne à 28'257.- CHF/an. Son salaire horaire étant de CHF 20.45 (CHF 18.50 + 1.95), elle a effectué en moyenne 1'382 heures de travail par année.

Ce total d’heures annuel doit être divisé par le nombre de semaines de travail (soit quarante-sept, compte tenu de quatre semaines de vacances et de cinq jours fériés au minimum) pour déterminer le nombre d’heures travaillées par semaine. On obtient ainsi une moyenne de 29,40 h./sem. (1382 : 47).

Étant donné le nombre moyen d’heures de travail par semaine dans l’entreprise (42), la recourante travaillait en moyenne à 70% (29,4 x 100 / 42).

Au vu de ce qui précède, l’intimé ne saurait être suivi lorsqu’il soutient que la recourante n’aurait travaillé qu’à 42% sans atteinte à sa santé. Conformément aux calculs effectués ci-dessus, il convient de considérer que la recourante aurait travaillé à 70% si elle avait été valide.

La recourante étant en incapacité totale de travailler, le degré d’invalidité dans la sphère professionnelle s’élève à 70%. Compte tenu de l’empêchement à 5,9% dans la sphère ménagère, le degré d’invalidité dans les travaux habituels s’élève à 1.77% (30 x 5.9 / 100).

Il en découle ainsi un degré d’invalidité total de 71,77%, ouvrant le droit à une rente entière d’invalidité à compter du 1er octobre 2017.

Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la décision du 24 avril 2020 annulée, la recourante ayant droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er octobre 2017.

11.    La recourante, représentée par un conseil et obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 600.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 24 avril 2020.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité à compter du 1er octobre 2017.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour le calcul des prestations dues.

6.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

7.        Met un émolument de CHF 600.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le