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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1456/2021

ATAS/569/2021 du 04.06.2021 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1456/2021 ATAS/569/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 4 juin 2021

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o B______, à THONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Thomas BÜCHLI

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, Postfach 4358, LUZERN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jeanne-Marie MONNEY

 

 

intimée

 


EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1970, marié, originaire du Kosovo, exerçait comme manœuvre auprès de l’entreprise de maçonnerie C______ et était assuré à ce titre selon la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20) auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA). Le 19 décembre 1996, il a reçu une pierre sur la jambe droite ayant entrainé une fracture de celle-ci, traitée chirurgicalement. Une nouvelle intervention a eu lieu en 1998 (complication par un hématome et une vis cassée et la nécessité d’une résection du nerf péronier). Le 25 février 2005, une intervention pour séquestre osseux du tibia droit a été pratiquée.

b. Le 25 mai 2000, l’assuré s’est fracturé le scaphoïde droit et a été mis au bénéfice d’une rente d’invalidité de la SUVA de 15 %.

c. L’assuré a séjourné à la clinique romande de réadaptation (CRR) du 8 au 22 novembre 2005, laquelle a posé les diagnostics de probable syndrome somatoforme douloureux persistant (F 45.4) ; séquestrectomie et curage de la cavité médiale du tibia droit le 22 février 2005 ; fracture tibiopéronière ostéosynthésée en 1996 ; fracture du scaphoïde carpien droit, le 25 mai 2000, traitée conservativement ; rupture spontanée du long extenseur du pouce droit, traitée par un transfert de l’extenseur propre de l’index, le 6 février 2001. Aucune amélioration n’avait été obtenue et aucune évaluation fiable des capacités fonctionnelles n’avait pu être réalisée par manque de coopération de l’assuré.

d. Le 2 mars 2006, le médecin-conseil de la SUVA a considéré, après examen de l’assuré, qu’il n’y avait pas de limitation fonctionnelle de la jambe droite mais des troubles irritatifs et que la marche avec deux cannes n’était pas nécessaire.

e. Une expertise du docteur D______, médecin-adjoint au service de traumatologie du centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), a conclu à une plainte persistante de douleurs dans la jambe droite et aux diagnostics suivants : séquelles douloureuses d’une fracture des deux os de la jambe droite avec contusion cutanée appuyée traitée par ostéosynthèse en urgence par plaque et vis, malgré l’ablation du matériel d’ostéosynthèse une année et demi après et enfouissement du nerf péronier profond dans la loge antéro-externe pour suspicion de conflit cicatriciel post-opératoire ; insuffisance artérielle stade I diagnostiquée en 2002, associée à une occlusion de l’artère tibiale antérieure au foyer de fracture, mise en évidence par l’artériographie faite le 21 janvier 2008 par le service de radiodiagnostic et radiologie interventionnelle du CHUV à Lausanne ; neuropathie du nerf péronier profond droit après sa résection en 98. Status post séquestrectomie du tibia droit en 2005 pour ostéomyélite chronique ; suspicion actuelle d’ostéite chronique à bas bruit pandiaphysaire du tibia droit, associée à une éventuelle hernie musculaire de la loge antéro-externe droite. Il a proposé un alésage de propreté du tibia, lequel n’a par la suite plus été jugé nécessaire, en l’absence de signe d’une infection chronique au niveau du tibia.

f. L’assuré a séjourné à la CRR du 11 au 25 mai 2011, pour un diagnostic de douleurs chronique de la jambe droite d’origine multifonctionnelle ; selon le rapport de la CRR, la capacité de travail de l’assuré était totale dans une activité adaptée ; sur cette base, la SUVA a limité sa prise en charge à un traitement médicamenteux.

g. Le 8 mai 2012, le médecin d’arrondissement de la SUVA a examiné l’assuré ; celui-ci se plaignait de douleurs résiduelle à la jambe droite ; il présentait un syndrome douloureux chronique, sans lien avec l’accident de 1996.

h. Le 8 septembre 2015, le docteur E______, à Annecy, a suggéré, à la suite d’une scintigraphie osseuse, une ostéomyélite chronique et proposé une intervention d’hyperalégage.

B.       a. Le 13 décembre 2017, l’assuré – alors employé comme platrier-peintre par F______ et assuré selon la LAA par la SUVA – a été victime d’un accident (chute sur du carrelage). Il s’est fait mal à la jambe droite. Le 15 janvier 2018, le docteur G______, FMH pneumologie, atteste d’une probable ostéomyélite chronique et l’assuré bénéficie d’une cure d’ostéomyélite au niveau du tibia droit le 18 novembre 2018 aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG – docteurs H______, médecin chef de clinique au département de chirurgie des HUG).

b. Le rapport d’examen du médecin-conseil de la SUVA du 15 janvier 2020 relève que l’assuré se plaint de douleurs persistantes depuis plus de 10 ans, et d’un résultat nul de la dernière intervention. Il a posé le diagnostic de séquelles d’ostéomyélite stabilisée après intervention en 2005, reprise en 2018, sans diagnostic formel à ce jour, en lien probable avec l’accident de 1996. Une ostéomyélite était douteuse même avant l’intervention. Le 25 mars 2020, il a indiqué que l’incapacité de travail n’était pas justifiée et que la situation médicale était stabilisée ; c’était à tort qu’une reprise pour ostéomyélite avait été effectuée.

c. Le 26 mars 2020, le docteur I______, chef de clinique au département de chirurgie des HUG, a indiqué au médecin-conseil de la SUVA que les prélèvements effectués lors de la cure d’ostéomyélite avaient montré des staphylocoques épidermis, traité par antibiothérapie ; les douleurs de l’assuré étaient difficilement expliquées mais une ostéomyélite chronique ne pouvait être formellement exclue ; une reprise chirurgicale devait être discutée.

d. Le 6 avril 2020, le médecin conseil de la SUVA a estimé qu’une nouvelle intervention était à éviter et que l’avis du Dr J______ était attendu, lequel a indiqué le 14 avril 2020 que des examens complémentaires pouvaient permettre de confirmer ou d’exclure une infection en lien avec le problème orthopédique.

e. Le 13 mai 2020, le docteur K______, médecin-conseil de la SUVA, FMH psychiatrie et psychothérapie, a estimé que l’assuré présentait un comportement d’invalidation et qu’il s’agissait d’un syndrome douloureux somatoforme chronique ou encore d’une majoration de symptôme physique pour des raisons psychologiques, non incapacitant.

f. Le 18 septembre 2020, le Dr J______ a indiqué que, sur la base des examens complémentaires effectués, il était impossible de confirmer avec certitude absolue l’absence d’une infection chronique, de sorte qu’une scintigraphie aux leucocytes marquées était nécessaire ; celle-ci a été effectuée le 30 novembre 2020, montrant l’absence d’argument en faveur d’une osthéomyélite du tibia droit.

g. Le 8 décembre 2020, le Dr I______ a estimé qu’il n’y avait pas d’indication à une prise en charge chirurgicale.

h. Le 16 décembre 2020, le Dr L______, médecin-conseil de la SUVA, a conclu qu’il n’existait pas d’infection active et que rien n’expliquait une incapacité de travail ; le cas était stabilisé depuis 2012 ; dans le contexte du syndrome douloureux chronique, la relation de causalité avec l’évènement initial n’était plus donnée ; il n’y avait pas de droit à une IPAI.

i. Le 22 avril 2021, la doctoresse M______, FMH médecine interne, a attesté d’un suivi de l’assuré depuis janvier 2019, lequel présentait des douleurs constantes, sous forme de brulure, une faiblesse et lâchage du membre inférieur droit, de l’angoisse, de l’asthénie et des troubles du sommeil ; il était en investigation à la consultation de la douleur.

C.       a. Par décision du 29 juin 2012, confirmée sur opposition le 23 juillet 2013, la SUVA a mis un terme à la prise en charge du traitement médical.

b. Le 18 juillet, 2019, la SUVA a alloué à l’assuré une indemnité journalière de CHF 70.95 dès le 16 décembre 2017 au plus tôt et le 19 juillet 2019 elle l’a informé que les troubles actuels de sa jambe droite n’étaient plus en relation de causalité avec l’accident du 31 décembre 2017, mais avec celui du 19 décembre 1996.

c. Par décision du 21 décembre 2020, la SUVA a mis fin à ses prestations, frais médicaux et indemnités journalières, au 3 janvier 2021, faute de lien de causalité entre le syndrome douloureux chronique et l’accident du 19 décembre 1996. L’assuré, représenté par un avocat, a fait opposition à la décision précitée le 1er février 2021, en faisant valoir qu’une analyse psychiatrique et physiologique complète était encore nécessaire.

d. Par décision incidente du 22 février 2021, la SUVA a refusé de restituer l’effet suspensif à l’opposition ; le recours dirigé contre cette décision a été déclaré sans objet par arrêt du 12 avril 2021 (ATAS/324/2021).

e. Par décision du 18 mars 2021, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré, au motif que les troubles de l’assuré n’étaient plus en lien avec l’accident de 1996 ou de 2017, étant relevé que le lien de causalité entre les troubles psychiques de l’assuré et l’accident avait été nié dans la décision du 23 juillet 2013, entrée en force. Il n’y avait pas d’indication à une reprise chirurgicale et le cas était stabilisé ; un suivi par des spécialistes de la douleur n’était pas un traitement à la charge de l’assureur-accidents.

D.      a. Le 28 avril 2021, l’assuré, représenté par son avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision sur opposition du 18 mars 2021, en concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif au recours et, principalement, à l’annulation de la décision et à ce que la SUVA continue de fournir ses prestations légales, subsidiairement au renvoi de la cause à la SUVA. Il fait valoir qu’une pathologie organique objectivée subsiste, ce d’autant que les HUG avaient préconisé une reprise chirurgicale ; par ailleurs, l’absence d’infection active ne permettait pas à la SUVA de cesser d’investiguer. Une expertise était nécessaire ; l’avis du Dr K______ n’était pas probant, de surcroit sans l’avoir examiné. La situation n’était pas stabilisée ; une expertise orthopédique, neurologique, pharmacologique et psychologique était nécessaire. Il paraissait équitable que, durant la procédure, la SUVA continue de verser ses prestations.

b. Le 12 mai 2021, la SUVA, représentée par une avocate, a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif au recours ; le recourant ne produisait aucun élément médical qui mettait en doute les appréciations médicales sur lesquelles elle s’était fondée, de sorte que l’issue favorable du litige n’était pas crédible et le recouvrement éventuel des prestations versées s’avérerait vraisemblablement difficile.

c. Le 2 juin 2021, le recourant a répliqué en estimant que la prévision sur l’issue de la procédure lui était favorable ; l’analyse de la causalité dépendait du diagnostic qui n’était pas encore établi et la SUVA avait soudainement posé un diagnostic psychologique pour nier toute causalité.

EN DROIT

1.1. Selon l'art. 54 al. 1 let. c LPGA, les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsque l'effet suspensif attribué à une opposition ou à un recours a été retiré.

La LPGA ne contient pas de dispositions propres sur l'effet suspensif. Selon l'art. 55 al. 1 LPGA, les points de procédure qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021). Selon l'art. 1 al. 3 PA, l'art. 55 al. 2 et 4 PA, concernant le retrait de l'effet suspensif, s'applique à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral.

Selon l’art. 55 al. 3 PA, l’autorité de recours, son président ou le juge instructeur peut restituer l’effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré; la demande de restitution de l’effet suspensif est traitée sans délai.

D'après la jurisprudence relative à l'art. 55 al. 1 PA, à laquelle l'entrée en vigueur de la LPGA et de l'OPGA n'a rien changé (arrêt P. du 24 février 2004, I 46/04), la possibilité de retirer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer, en application de l'art. 55 PA, d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute. Par ailleurs, l'autorité ne saurait retirer l'effet suspensif au recours lorsqu'elle n'a pas de raisons convaincantes pour le faire (ATF 124 V 88 consid. 6a, 117 V 191 consid. 2b et les références; ATFA du 19 septembre 2006, I 439/06).

1.2. Le Tribunal fédéral a jugé qu’en présence d’avis divergents aussi bien sur la situation médicale concrète de l'assurée que sur l'appréciation de sa capacité résiduelle de travail, rendant l'issue du litige tout à fait incertaine et considérant que seul un examen détaillé des pièces médicales versées au dossier permettrait de répondre à la question de savoir si la révision du droit à la rente était justifiée, les prévisions sur l’issue du litige ne présentaient pas pour l’assurée un degré de certitude suffisant pour pouvoir être prise en considération. Ainsi, l'intérêt de l'assurance-invalidité à réduire, même à titre provisoire, le montant de ses prestations l'emportait sur celui de l'assurée à percevoir une rente entière d'invalidité durant la durée de la procédure ; le retrait de l'effet suspensif par l'autorité était par conséquent justifié (I 439/06 du 19 septembre 2006).

2. En l’occurrence, en application de la jurisprudence précitée, il est à craindre que si le recourant – qui affirme être sans ressource - n'obtient pas gain de cause, la procédure en restitution des prestations reçues à tort ne se révèle infructueuse.

Par ailleurs, s'agissant des chances de prévisions sur l'issue du litige, elles ne présentent pas un degré de certitude suffisant pour pouvoir être prises en considération. En effet, le Dr L______, médecin-conseil de l’intimé, a estimé le 16 décembre 2020 que, suite aux dernières investigations médicales, dont une scintigraphie aux polynucléaires marqués, il était établi qu’il n’existait pas d’infection active et que la symptomatologie du recourant recouvrait un diagnostic de syndrome douloureux chronique qui n’était plus en relation de causalité avec l’accident de 1996. Or, cette appréciation n’est, en l’état, mise en cause par aucun autre avis médical au dossier ; à cet égard, l’attestation médicale de la Dresse M______ du 22 avril 2021, laquelle se borne à évoquer des douleurs constantes, une faiblesse et un lâchage du membre inférieur droit, ainsi qu’une réactivation d’ostéomyélite chronique de la jambe droite, sans la documenter, n’est pas à même de conclure, sans aucun doute au sens de la jurisprudence précitée, à un lien de causalité entre les troubles de la jambe droite présentés par le recourant et l’accident. Enfin, le recourant soutient que les HUG ont préconisé une reprise chirurgicale mais, suite à la scintigraphie aux leucocytes, le Dr I______ a finalement estimé qu’il n’y avait pas d’indication à une telle intervention.

3.             Partant, la demande de restitution de l'effet suspensif au recours ne peut qu’être rejetée.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

1.        Rejette la demande de restitution de l’effet suspensif.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le