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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/542/2020

ATAS/505/2021 du 27.05.2021 ( LAMAL ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/542/2020 ATAS/505/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 mai 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à COLOGNY

recourante

 

contre

CSS ASSURANCE-MALADIE SA, service Droit & Compliance, sise 21 Tribschenstrasse, LUCERNE

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en 1978, est assurée auprès de CSS ASSURANCE-MALADIE SA (ci-après : l'assurance) s'agissant de l'assurance obligatoire des soins.

2.        Le 27 septembre 2018, est parvenue à l'assurance une déclaration d'accident remplie le 11 septembre 2018 par l'assurée.

Celle-ci y faisait état d'un accident s'étant produit huit mois plus tôt, soit le 12 janvier 2018 et décrit en ces termes :

« À domicile, je me suis pris la porte ouverte sur le visage, cognée/choc sur le côté gauche. J'ai eu des douleurs à la partie du bas du nez et la lèvre supérieure. Puis, quatre mois plus tard, j'ai mangé un sandwich aux pain céréales et j'ai senti une douleur et la dent 22 qui a commencé bougé. Début juillet, j'ai dû me mettre en urgence chez le dentiste qui m'a diagnostiqué la fracture et extrait la dent » (sic).

Etaient joints à la déclaration d'accident un rapport en langue russe du dentiste qui avait procédé à l'extraction et la copie d'une radiographie de la dent 22.

3.        Le 22 octobre 2018, l'assurée, sur demande de l'assurance, lui a transmis un formulaire pour l'étranger complété, la traduction du rapport du dentiste, ainsi qu'une copie de la facture pour l'extraction de la dent 22, d'un montant équivalent à CHF 173.-.

Il ressortait de ces documents que l'assurée s'était rendue en Russie pour des vacances le 2 juillet 2018. Le lendemain de son arrivée, elle avait consulté un dentiste. L'extraction avait été programmée pour le 18 juillet. Le 27 juillet 2018, une prothèse provisoire avait été placée en bouche. Le 2 août 2018, l'assurée était rentrée en Suisse.

Le dentiste indiquait, dans une brève anamnèse, que la dent était devenue mobile « when biting on a solid fragment of food ». Il a noté une résorption de l'os au niveau des dents 22 et 23 et a diagnostiqué une fracture de la racine de la dent 22.

4.        Trois demandes de prise en charge ont été adressées par la suite à l'assurance pour le traitement définitif :

-          un formulaire rempli le 13 novembre 2018 par le docteur B______ (C______ SA), accompagné d'un devis de CHF 6'745.15 ;

-          un formulaire rempli le 4 décembre 2018 par le docteur D______, du cabinet dentaire du E______, accompagné d'un devis de CHF 5'143.30 ;

-          un formulaire rempli le 20 février 2019 par le professeur F______, des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), accompagné d'un devis de CHF 5'222.75.

5.        Interrogée par l'assurance, l'assurée a indiqué en date du 20 février 2019 qu'elle avait choisi de se faire traiter par le Prof. F______.

6.        Le 30 novembre 2018, l'assurance a adressé à l'assurée un décompte dont il ressortait qu'elle refusait la prise en charge de la facture relative au traitement dentaire subi en Russie, au motif que l'intéressée ne bénéficiait d'aucune couverture d'assurance pour un traitement planifié à l'étranger.

7.        L'assurée l'a contesté par courriels des 12 et 14 décembre 2018, en alléguant que le traitement n'avait pas été planifié mais effectué dans l'urgence.

8.        Le dossier a alors été soumis au docteur G______, médecin-conseil de l'assurance, qui, le 5 mars 2019, a émis l'avis que le lien de causalité ne pouvait être retenu, compte tenu du long délai s'étant écoulé entre l'accident supposé être survenu le 12 janvier 2018 et la première consultation, intervenue en juillet 2018. Qui plus est, selon lui, l'état de la dent 22 était déjà bien compromis, la radiographie faite en Russie montrant clairement un traitement radiculaire et un composite au niveau du rebord osseux.

9.        Le médecin a réitéré sa position le 13 mars 2019 dans un rapport un peu plus détaillé dans lequel il a relevé :

-          le temps écoulé entre le prétendu accident et la première consultation ;

-          le fait que des dommages tels qu'une fracture radiculaire et un foyer apical auraient dû être constatés ;

-          que le choc contre une porte devait être particulièrement violent pour être de nature à fracturer une dent saine et en bon état, au surplus au travers de la lèvre ;

-          qu'il était légitime de se demander si le rendez-vous du 3 juillet 2018 n'était pas planifié, le dentiste russe n'ayant pas attesté d'une prise de rendez-vous en urgence et la dent n'ayant été extraite que deux semaines plus tard ;

-          qu'un report de deux semaines supplémentaires pour l'extraction aurait été tout à fait envisageable d'un point de vue médical ;

-          que l'état de la dent 22 était déjà bien compromis sur la radiographie produite, avec un traitement radiculaire et un gros composite au niveau du rebord osseux, ainsi qu'un foyer apical.

10.    Par courriers du 4 avril 2019, l'assurance a informé l'assurée et les différents dentistes consultés pour devis que les frais de traitement ne relevaient pas de l'assurance obligatoire des soins.

11.    Le 9 avril 2019, l'assurée a contesté cette position.

Elle a allégué n'avoir ressenti « aucun changement dans [ses] dents » après le choc frontal survenu le 12 janvier 2018.

Ce n'était que quatre mois plus tard qu'elle avait constaté que la dent 22 s'était légèrement inclinée.

Et ce n'est qu'en arrivant en Russie pour les vacances scolaires, début juillet 2018, qu'elle a souffert d'un saignement et ressenti une douleur. Elle ne pouvait plus mastiquer avec les dents de devant, raison pour laquelle elle a consulté en urgence. C'est alors qu'elle a appris que sa dent était fracturée à la racine et qu'il n'y avait pas moyen de la sauvegarder.

12.    En juin 2019, l'assurée a une nouvelle fois contesté le refus de prise en charge et produit un nouveau devis établi par le docteur H______, de I______ Clinique dentaire, d'un montant de CHF 6'522.30.

13.    Par décision formelle du 4 juillet 2019, l'assurance a refusé la prise en charge des soins dentaires.

14.    Le 6 septembre 2019, l'assurée s'est opposée à cette décision en alléguant en substance qu'une dent ne se casse pas sans raison, que sa dent 22 était « en très bonne forme » avant l'accident, qu'il y avait certes eu un traitement de racine une dizaine d'années auparavant mais qu'elle n'avait eu aucun souci depuis lors et enfin, qu'il était parfaitement ridicule de sous-entendre que cette dent aurait pu être endommagée par autre chose que le choc qu'elle a subi en janvier 2018.

15.    Par décision du 6 janvier 2020, l'assurance a rejeté l'opposition.

Se référant à l'avis de son médecin-conseil, l'assurance a estimé qu'au vu du délai écoulé entre l'évènement et la prise en charge, l'existence d'un lien de causalité naturelle ne pouvait être retenu au degré de la vraisemblance prépondérante. En effet, la cause accidentelle ne constituait qu'une hypothèse parmi d'autres.

De même, au vu des constatations du dentiste-conseil concernant l'état antérieur de la dent touchée, il fallait nier l'existence d'un lien de causalité adéquate et admettre que la dent se serait brisée même en l'absence d'événement particulier, notamment lors d'un acte de mastication. A lui seul, le choc causé par la porte sur le visage de l'assurée n'était pas propre à entraîner, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, la fracture de la dent 22.

L'assurance a rappelé que, s'agissant d'un traitement pratiqué à l'étranger, le critère de l'urgence devait être rempli, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence.

En effet, l'assurée, qui indiquait n'avoir ressenti une douleur pour la première fois qu'en mangeant un sandwich quatre mois après l'événement, soit mi-mai 2018, aurait pu consulter à ce moment-là, puisqu'il était prévisible que cette dent aurait besoin de soins à court terme. Or, elle a attendu le lendemain de son arrivée en Russie pour se faire examiner. Au vu de la chronologie des faits, l'assurance fait remarquer qu'il est légitime de se demander si le rendez-vous du 3 juillet n'était pas planifié, d'autant que le dentiste russe n'a nullement attesté d'un rendez-vous pris en urgence et que la dent douloureuse n'a été extraite que deux semaines plus tard, le 18 juillet 2018. Elle ajoute qu'un report supplémentaire de deux semaines aurait ainsi été tout à fait envisageable du point de vue médical et que l'état de santé de l'assurée ne l'empêchait pas de rentrer en Suisse pour se faire traiter.

16.    Par écriture du 12 février 2020, l'assurée a interjeté recours contre cette décision.

En substance, la recourante allègue que la dent incriminée était « dans un très bon état » - tout comme la totalité de sa mâchoire car elle est une personne qui prend soin de sa santé et de son hygiène. Elle soutient que se baser sur l'avis du médecin-conseil, payé par l'intimée, est arbitraire.

Elle affirme que si elle n'a pas été consulter un dentiste suite à son accident, c'est qu'elle estime que le corps « se restaure tout seul », qu'un temps de guérison est nécessaire et que sa dent n'a commencé à bouger qu'en mai 2018.

Elle a alors cherché à prendre rendez-vous, mais un délai d'attente de deux mois était proposé ; comme elle était très occupée en mai et juin et avait prévu de s'absenter en juillet, ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle a eu le temps de consulter.

17.    Invitée à se déterminer, l'intimée, dans sa réponse du 12 mars 2020, a conclu au rejet du recours.

18.    Dans sa réplique du 25 juin 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle allègue que les spécialistes qu'elle a consultés ont tous pu constater le très bon état général de ses dents et n'ont relevé ni défaut, ni maladie, ni négligence, ni autre lésion. Elle en tire la conclusion que sa dent ne peut s'être cassée toute seule.

Elle reproche à l'intimée de l'avoir incitée à consulter plusieurs dentistes et à leur réclamer des devis, avant de refuser brutalement toute prise en charge.

19.    Dans sa duplique du 4 août 2020, l'intimée a persisté également dans ses conclusions.

Elle fait valoir que, contrairement à ce qu'allègue la recourante, elle ne lui a pas demandé de consulter plusieurs médecins-dentistes, mais l'a au contraire dûment informée que des consultations chez plusieurs spécialistes pour le même traitement ne pourraient être remboursées.

Elle fait remarquer que, s'il n'existe pas de délai pour déclarer un accident, une annonce tardive empêche la constatation médicale en temps utile, de sorte que le dommage et le lien de causalité avec celui-ci est plus difficile à établir. Or, c'est à l'assurée qu'incombe le fardeau de la preuve.

L'intimée constate que la recourante réfute toute valeur probante à l'avis du Dr  G______, non en raison du contenu de son appréciation, mais de son prétendu manque de qualifications et un parti pris. Elle rappelle que, selon la jurisprudence, l'élément décisif pour apprécier la valeur probante d'une pièce médicale n'est ni son origine, ni sa désignation, mais bel et bien son contenu.

Elle note qu'aucun rapport médical ne vient contredire l'avis du Dr G______ : contrairement à ce qu'affirme la recourante, aucun des six médecins-dentistes consultés durant l'automne 2018 n'a attesté d'un lien de causalité entre l'événement du 12 janvier 2018 et les dommages constatés. En l'absence de constatations médicales effectuées en temps utile, ces médecins n'ont fait que rapporter les dires de leur patiente.

L'intimée souligne qu'elle ne conteste pas la nécessité du traitement, mais uniquement l'existence d'un lien de causalité avec l'événement du 12 janvier 2018.

Enfin, elle produit un nouvel avis émanant cette fois du docteur J______, également dentiste-conseil et président de la section fribourgeoise de la Société suisse des médecins-dentistes.

Ce médecin envisage trois hypothèses :

-          l'accident de janvier 2018 a entraîné la fracture dentaire ayant mené à l'avulsion de la dent ;

-          l'évènement décrit en mai 2018 (manger un sandwich confectionné avec un pain aux céréales) est à l'origine des dégâts de la dent ;

-          la dent a pu se fracturer en raison d'un état de faiblesse.

Tout comme son prédécesseur, le Dr J______ estime que le lien de causalité naturelle ne peut être établi au vu du temps écoulé et des autres évènements décrits.

S'agissant de l'état antérieur de la dent traitée, il constate que celle-ci avait fait l'objet d'un traitement radiculaire et qu'elle portait une réhabilitation volumineuse, propre à l'affaiblir.

L'intimée, après avoir rappelé que si c'était le fait de mordre dans un sandwich confectionné avec du pain aux céréales qui était à l'origine des dégâts, le caractère accidentel devrait être nié conformément à la jurisprudence en matière de mastication, en tire la conclusion qu'en définitive, le lien de causalité entre l'événement du 12 janvier 2018 et le dommage dentaire demeure une hypothèse possible parmi d'autres qui ne résiste pas à l'examen de la vraisemblance prépondérante.

20.    Par écriture supplémentaire du 12 août 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions.

21.    Une audience de comparution personnelle s'est tenue en date du 4 février 2021.

La recourante s'est déclarée convaincue du lien direct entre le choc subi en janvier 2018 et la fracture de sa dent, tout en alléguant qu'elle ne pouvait à l'époque se douter qu'il y avait eu fracture car elle n'avait eu qu'un hématome.

Ce n'est que trois mois plus tard qu'elle a souffert à ce niveau.

Elle a alors cherché à contacter un dentiste, mais il y avait plusieurs mois de délai d'attente ; or, elle était très occupée et s'est dit que c'était peut-être passager.

La recourante conteste formellement s'être rendue en Russie spécialement pour se faire traiter.

Selon elle, le choc dû à la porte est l'hypothèse la plus vraisemblable, car c'est le seul traumatisme qu'elle a subi qui lui semble suffisamment important pour expliquer une telle conséquence.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours doit être déclaré recevable.

3.        Le litige porte sur le droit au remboursement des traitements dentaires auxquels la recourante s'est soumise à l'étranger (extraction de la dent 22 et pose d'une prothèse provisoire), d'une part, sur la prise en charge du traitement dentaire définitif devisé en Suisse (pose d'un implant avec couronne sur augmentation osseuse), d'autre part.

4.        En vertu de l'art. 24 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31 en tenant compte des conditions des art. 32 à 34.

Selon l'art. 34 al. 2 première phrase LAMal, le Conseil fédéral peut décider de la prise en charge, par l'assurance obligatoire des soins, des coûts des prestations prévues aux art. 25 al. 2 ou 29 LAMal fournies à l'étranger pour des raisons médicales.

Se fondant sur cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l'art. 36 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-maladie (OAMal ; RS 832.102). Aux termes de disposition, l'assurance obligatoire des soins prend en charge le coût des traitements effectués en cas d'urgence à l'étranger.

Il y a urgence lorsque l'assuré, qui séjourne temporairement à l'étranger, a besoin d'un traitement médical et qu'un retour en Suisse n'est pas approprié. Il n'y a pas d'urgence lorsque l'assuré se rend à l'étranger dans le but de suivre un traitement.

Il est donc déterminant que l'assuré ait subitement besoin de manière imprévue d'un traitement à l'étranger. Il faut que des raisons médicales s'opposent à un report du traitement et qu'un retour en Suisse apparaisse inapproprié (ATF non publié 9C_11/2007 du 4 mars 2008, consid. 3.2 ; ATFA non publié K 65/03 du 5 août 2003, consid. 2.2).

5.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré et le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a ; ATFA non publié I 339/03 du 19 novembre 2003, consid. 2).

6.        Il convient d'examiner les prétentions de la recourante au remboursement du traitement subi en Russie à la lumière des considérants qui précèdent.

En l'espèce, le caractère urgent du traitement reçu en Russie n'est nullement établi.

La recourante indique avoir ressenti une douleur en mangeant un sandwich quatre mois après l'événement du 12 janvier 2018, soit mi-mai 2018, mais n'avoir pas consulté en Suisse, alors qu'il était tout à fait prévisible que cette dent aurait besoin de soins à court terme. En revanche, elle s'est fait examiner dès le lendemain de son arrivée en Russie, de sorte que, comme le relève l'intimée, il est légitime, au vu de la chronologie des faits, de se demander si le rendez-vous du 3 juillet n'était pas planifié.

Quoi qu'il en soit, même si tel n'était pas le cas, force est de constater que le dentiste russe n'a pas attesté d'une consultation en urgence, que l'extraction n'a eu lieu que plus de deux semaines après la première consultation et que la pose de la prothèse provisoire n'est intervenue qu'en date du 27 juillet 2018, soit moins d'une semaine avant le retour en Suisse de l'intéressée.

Dès lors, il n'y avait pas d'urgence à extraire la dent 22, puisque celle-ci était mobile depuis près de six semaines et l'on doit convenir, avec le dentiste-conseil de l'intimée, qu'un report supplémentaire de deux semaines aurait ainsi été tout à fait envisageable du point de vue médical. On ajoutera que l'état de santé de l'assurée ne l'empêchait pas de rentrer en Suisse pour se faire traiter.

Ainsi, même si le traitement n'était pas planifié, la Cour de céans constate que le caractère urgent des prestations intervenues à l'étranger fait clairement défaut.

En conséquence, c'est à juste titre que l'intimée a refusé la prise en charge du traitement administré à l'étranger. Sur ce point, le recours est rejeté.

7.        Reste à examiner la question de la prise en charge du traitement dentaire définitif devisé en Suisse (pose d'un implant avec couronne sur augmentation osseuse).

8.        L'assurance obligatoire des soins alloue des prestations en cas de maladie et de maternité ainsi que, subsidiairement, en cas d'accident (art. 1a al. 2 LAMaL), dans la mesure où aucune assurance-accidents n'en assume la prise en charge.

Comme déjà indiqué supra, en vertu de l'art. 24 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31 en tenant compte des conditions des art. 32 à 34.

L'art. 25 LAMaL ne fonde pas un droit à la prise en charge des soins dentaires. Il n'existe un droit à de telles prestations que lorsque les conditions de l'art. 31 LAMaL sont réalisées (ATF 127 V 328).

Or, selon l'art. 31 al. 1 LAMaL, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des soins dentaires s'ils ont été occasionnés par une maladie grave et non évitable du système de la mastication (let. a), ou par une autre maladie grave ou ses séquelles (let. b) ou s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou ses séquelles (let. c). L'assurance obligatoire de soins prend également en charge les coûts du traitement des lésions du système de la mastication causées par un accident selon l'art. 1a al. 2 let. b LAMAL (art.. 31 al. 2 LAMal).

Aux termes de l'art. 4 LPGA, est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

Selon la jurisprudence, le droit à des prestations découlant d'un accident suppose l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'événement accidentel et le dommage.

9.        En l'espèce, il n'est pas contesté que l'événement supposé être survenu le 12 janvier 2018 constitue un accident. En revanche, l'existence d'un lien de causalité - tant naturelle qu'adéquate - avec l'extraction de la dent 22 pose question.

10.    La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc»; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

La jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est long, plus les exigences quant à la preuve - au degré de la vraisemblance prépondérante - du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (arrêts 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 3.2 et les références, in SVR 2017 UV n° 19 p. 63; 8C_331/2015 du 21 août 2015 consid. 2.2.2, in SVR 2016 UV n° 18 p. 55). 

11.    En l'espèce, force est de constater qu'un délai de quatre mois s'est écoulé entre l'accident décrit et les premières manifestations constatées par la recourante, qui explique n'avoir ressenti une douleur et n'avoir senti sa dent bouger pour la première fois qu'en mai 2018, alors qu'elle mangeait un sandwich confectionné avec un pain aux céréales. Auparavant, la recourante, selon ses propres dires, n'avait ressenti « aucun changement dans [ses] dents ».

Ce n'est qu'en arrivant en Russie pour les vacances scolaires, début juillet 2018, qu'elle a au surplus constaté un saignement et constaté qu'elle ne pouvait plus mastiquer avec les dents de devant ; c'est alors qu'elle a appris que sa dent était fracturée à la racine.

Tant le Dr G______ que le Dr J______, dentistes-conseils de l'intimée, ont émis l'avis que, dans ces conditions, un lien de causalité naturelle ne pouvait être retenu, vu la longueur du délai écoulé entre l'accident décrit et les premières manifestations constatées, d'une part, l'état préexistant de la dent 22, d'autre part. En effet, la radiographie faite en Russie montre clairement un traitement radiculaire et un composite au niveau du rebord osseux, ce que la recourante ne conteste d'ailleurs pas, tout en soulignant que ce traitement a été pratiqué bien des années auparavant.

En l'occurrence, les conclusions des dentistes-conseils apparaissent convaincantes, étant rappelé que la question de la causalité naturelle doit être tranchée en se fondant principalement sur des éléments médicaux et que le fait que les dentistes-conseils soient rémunérés par l'intimée ne saurait suffire, selon une jurisprudence constante, à jeter le discrédit sur leurs constatations (arrêt 8C_146/2016 du 9 août 2016 consid. 3.2 ; ATF 137 V 210 consid. 1.3.3 p. 226 s. et les arrêts cités).

On conviendra avec les dentistes-conseils que si la dent avait été touchée suite à l'événement du 12 janvier 2018 au point d'entraîner une fracture de la racine, les dommages auraient été constatés bien avant. S'y ajoute le fait qu'un choc contre une porte doit être particulièrement violent pour être de nature à fracturer une dent saine et en bon état.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'assurance en a tiré la conclusion que le lien de causalité naturelle entre l'événement et l'extraction dentaire n'était pas établi, la cause accidentelle ne constituant qu'une hypothèse parmi d'autres. Là encore, le recours doit être rejeté.

12.    Reste une dernière hypothèse à examiner, évoquée par le Dr J______, qui a fait remarquer que l'origine de la fracture pouvait tout à fait être le fait d'avoir croqué dans un sandwich confectionné avec du pain aux céréales, en mai 2018, puisque c'est alors que se sont manifestés les premiers effets négatifs.

Rappelons à cet égard qu'auparavant, la recourante n'avait ressenti aucune douleur et qu'elle n'a senti sa dent bouger pour la première fois qu'à ce moment-là.

En cas de bris d'une dent, le Tribunal fédéral a considéré que la simple présomption que le dommage dentaire se soit produit après avoir mordu sur un corps étranger dur ne suffit pas pour admettre l'existence d'un facteur extérieur extraordinaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 64/02 du 26 février 2004, consid. 2.2). Cette conclusion est valable non seulement lorsque la personne déclare avoir mordu sur « un corps étranger » ou « quelque chose de dur », mais encore lorsqu'elle croit avoir identifié l'objet. Lorsque les indications de la personne assurée ne permettent pas de décrire de manière précise et détaillée le "corpus delicti", l'autorité administrative (ou le juge, s'il y a eu un recours) n'est en effet pas en mesure de porter un jugement fiable sur la nature du facteur en cause, et encore moins sur le caractère extraordinaire de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 67/05 du 24 mai 2006 consid. 3.2). La dent ne doit pas nécessairement être parfaitement saine mais il suffit qu'elle remplisse normalement sa fonction de mastication (ATF 114 V 169 consid. 3b).

Dans ce contexte, la jurisprudence a admis par exemple que la présence d'un fragment de coquille de noix ou de noisette dans un pain aux noix, un gâteau aux noix, un croissant fourré ou un chocolat aux noisettes est extraordinaire en dépit du fait qu'on ne peut jamais exclure totalement la présence d'un fragment de coquille dans ces aliments (arrêt du Tribunal fédéral 8C_53/2016 du 9 novembre 2016 consid. 3.2, in SVR 2017 UV n°18 p. 61 et les références citées). L'existence d'un facteur extérieur extraordinaire a également été admise lorsqu'une personne se brise une dent sur un caillou en consommant une préparation de riz, même lorsque l'incident se produit à l'étranger dans un pays en voie de développement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 165/98 du 21 avril 1999 consid. 3a, in RAMA 1999 n° U 349 p. 478) ou dans le cas d'une assurée qui s'est cassée une dent sur un noyau d'olive en mangeant un pain aux olives qu'elle avait confectionné avec des olives provenant d'un sachet indiquant pour contenu des « olives dénoyautées » dès lors qu'elle ne pouvait s'attendre à y trouver un noyau (arrêt du Tribunal fédéral 9C_985/2010 du 20 avril 2011 consid. 6.2). Il en va différemment lorsqu'une personne achète dans un magasin une pizza garnie d'olives sans qu'aucune précision ne soit fournie quant à celles-ci (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 454/04 du 14 février 2006 consid. 3.6). N'est pas non plus un accident le fait de se casser une dent en mangeant une tarte aux cerises non dénoyautées de sa propre confection (ATF 112 V 201 consid. 3c). Dans ce cas, l'assuré pouvait s'attendre à trouver un noyau dans sa préparation. De même, la seule présence d'une noix ou d'une olive non dénoyautée dans une salade ne peut être considérée comme extraordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 8C_750/2015 du 18 janvier 2016 consid. 5 et 8C_ 893/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3.5), tout comme le fait de trouver un reste de projectile en mangeant au restaurant de la viande de chasse (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 367/04 du 18 octobre 2005 consid. 4.3).

Il ressort de ce qui précède que, si c'est le fait de mordre dans un sandwich confectionné avec du pain aux céréales qui est à l'origine des dégâts, le caractère accidentel doit être nié conformément à la jurisprudence en matière de mastication, puisque la présence d'une céréale particulièrement dure sur laquelle serait venue se briser la dent ne saurait être considérée comme un facteur extérieur extraordinaire.

Dans cette hypothèse également, la prise en charge aurait donc dû être refusée.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté.

 

 

 

 

 

 

 



 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

 

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le