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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3300/2020

ATAS/541/2021 du 02.06.2021 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3300/2020 ATAS/541/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 juin 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à VERNIER, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yves MABILLARD

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l'assurée ou la recourante), née le ______ 1969, a demandé des prestations de l'assurance-invalidité à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l'OAI ou l'intimé) le 14 octobre 2002.

2.        À teneur d'un rapport établi le 27 avril 2004 par le service médical régional AI (ci-après le SMR), l'examen clinique bidisciplinaire de l'assurée avait permis de constater qu'elle n'avait pas d'atteinte à la santé invalidante. Les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail étaient une fibromyalgie, un léger trouble de la statique rachidienne avec insuffisance posturale, un déconditionnement global, une neuropathie bilatérale des nerfs médians aux carpes d'intensité modérée et une insuffisance de poids. L'assurée présentait des douleurs au niveau de plusieurs articulations et de tout le rachis qui étaient très variables, non liées à des mouvements ou à une position spécifique, variant entre 0/10 et 10/10, et entraînant une stratégie d'évitement d'effort. Ces douleurs étaient accompagnées de quelques troubles du sommeil et d'une fatigue subjectivement immense, mais il n'y avait pas de limitation fonctionnelle objective. Le léger trouble de la statique combiné à une insuffisance musculaire, voire un déconditionnement global, pouvait expliquer une partie des douleurs, mais une rééducation ciblée était susceptible d'améliorer la situation. Le diagnostic de fibromyalgie était très probable. Le status actuel était compatible avec une activité de ménagère et il n'y avait pas de limitation fonctionnelle, sous réserve d'un déconditionnement qui était réversible. Il n'y avait pas de limitation fonctionnelle psychiatrique ni somatique. La capacité de travail était de 100% dans toute activité.

3.        Par décision du 23 juillet 2004, entrée en force, l'OAI a rejeté la demande de l'assurée au motif qu'elle n'avait pas d'atteinte à la santé invalidante et que sa capacité d'accomplir ses travaux habituels raisonnablement exigible était entière.

4.        Le 27 juillet 2017, l'assurée a formé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI.

5.        Dans un rapport établi le 25 août 2017, la doctoresse B______, médecine interne FMH, a indiqué que l'état de santé de l'assurée s'était aggravé depuis sa demande de prestations de 2004. Ses douleurs en lien avec sa fibromyalgie étaient plus importantes, plus fréquentes et plus fortes. Elle présentait des problèmes au niveau des deux pieds avec des orteils en marteau qui devaient être opérés prochainement. Elle souffrait également de douleurs chroniques au niveau de l'épaule droite en rapport avec une bursite. Elle avait un doigt en maillet avec une tendinite post-traumatique surajoutée. Par ailleurs, en raison de problèmes de gastrite, elle ne pouvait pas prendre d'AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) ce qui compliquait le traitement. Sa capacité de travail était actuellement nulle. Par ailleurs, elle devait s'occuper de son mari qui était à l'assurance-invalidité et avait énormément de difficultés à assumer le quotidien. Une réévaluation de son état de santé était impérative.

6.        À teneur d'un rapport médical établi le 5 septembre 2017 par la doctoresse C______, médecin interne-rhumatologie FMH, les diagnostics étaient une fibromyalgie depuis 1991, une scoliose dorsale haute à convexité droite, une tendinopathie de la coiffe des rotateurs, une bursite sous-acromiodeltoïdienne droite, un syndrome du tunnel carpien bilatéral, des ulcères bulbaires, une gastrite chronique et un helicobacter positif. Il y avait eu une aggravation des douleurs polyarticulaires et rachidiennes. L'antalgie était limitée par ses problèmes digestifs. L'assurée souffrait de douleurs à l'épaule droite. La force de ses mains avait diminué et elle ressentait des fourmillements la nuit liés au syndrome du tunnel carpien. Sa capacité de travail était de 0% à l'extérieur et il y avait une importante diminution des activités ordinaires du ménage et de l'aide à son mari handicapé.

7.        Par projet de décision du 29 septembre 2017, l'OAI a refusé d'entrer en matière sur la demande de prestations de l'assurée au motif que les éléments médicaux apportés ne démontraient pas une aggravation de son état de santé pouvant influencer une incapacité de travail de longue durée depuis la dernière décision.

8.        Le 12 octobre 2017, l'assurée a contesté le projet de décision de l'OAI, en faisant valoir que son état de santé s'était aggravé depuis le 23 juillet 2004.

9.        Le 3 novembre 2017, l'OAI a confirmé son projet de décision et relevé que l'activité ménagère pouvait par définition être exercée à un rythme ralenti, en répartissant les activités au gré de l'état de fatigue et des douleurs et que l'assurée ne pouvait donc se prévaloir d'une atteinte au sens de l'assurance-invalidité.

10.    Le 6 décembre 2017, l'assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, faisant valoir que différents rapports médicaux attestaient que son état de santé s'était considérablement dégradé depuis 2003 et que ses atteintes entraînaient une incapacité de travail dans l'accomplissement de ses travaux habituels.

À l'appui de son recours, l'assurée a produit un questionnaire médical rempli le 21 novembre 2017 par le docteur D______, qui posait les diagnostics de réflexe gastro-oesophagien et de suivi colique en raison d'un passé d'adénome rectal. L'état de santé de l'assurée s'était détérioré ces dernières années à la suite de l'apparition de ces symptômes de reflux et de la découverte d'un adénome en juin 2008. Ces troubles avaient une influence dans l'accomplissement de ses tâches ménagères, le reflux étant un facteur limitant pour la position penchée en avant. Il était peu probable que le reflux disparaisse. Le médecin mentionnait également un ulcère bulbaire avec gastrite à helicobacter pylori traité en juin 2014.

11.    Le 14 décembre 2017, l'OAI a conclu au rejet du recours. Malgré l'invitation qui lui avait été faite le 2 août 2017, l'assurée n'avait pas apporté d'éléments médicaux permettant de rendre plausible que son degré d'invalidité s'était modifié.

12.    Par arrêt du 6 juin 2018, la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision litigieuse et a renvoyé la cause à l'OAI pour qu'il entre en matière sur la nouvelle demande de l'assurée.

13.    Selon un rapport du Centre d'Expertises Médicales (ci-après le CEMed) du 29 juin 2020, une expertise de l'assurée a été effectuée par le docteur E______, médecin physique et réadaptation, le docteur F______, psychiatrie et psychothérapie FMH, et le docteur G______, médecin praticien. Selon l'évaluation consensuelle, l'assurée est de nationalité suisse d'origine italienne âgée de 51 ans. Elle est née en Italie en Sicile, est venue en Suisse en février 1991 et n'a jamais eu de formation diplômante ni d'activité professionnelle, tant en Italie qu'en Suisse. Elle a été mère au foyer, s'occupant de ses trois enfants désormais adultes, seule sa fille âgée de 22 ans résidait encore avec elle. L'assurée a longtemps aidé et soigné son époux, décédé en décembre 2018, qui souffrait d'un diabète sévère avec une amputation fémorale droite et séquelles d'un hématome intracrânien avec coma prolongé de plus d'un mois, justifiant d'une rente d'assurance-invalidité entière. L'assurée ne décrivait néanmoins pas d'efforts physiques inhabituels dans les soins à son époux, qui était autonome pour ses transferts, sauf au cours de deux chutes de celui-ci survenues au domicile.


L'examen clinique était confirmatif d'une arthrose acromio-claviculaire droite, avec à droite une douleur dans les dix derniers degrés d'élévation antérieure qui n'atteignait le zénith qu'en passif, avec une douleur en adduction croisée. Aucun déficit n'était noté lors des tests de la coiffe des rotateurs qui était indolore témoignant de la continence de la coiffe et de l'absence, comme à l'ultrason, de tendinopathie. L'assurée ne décrivait pas de limitation dans ses activités habituelles de la vie quotidienne en rapport avec ce diagnostic. Elle évitait de travailler le bras droit au zénith, et en particulier de faire les vitres ou de prendre des objets situés en hauteur. Ce diagnostic justifiait l'éviction de mouvements répétitifs avec le membre supérieur droit au zénith.

Aucune anomalie n'avait été constatée au niveau du pouce droit, en particulier de doigt en maillet ou de ressaut, la douleur ressentie à la palpation entrait dans le cadre de la fibromyalgie.

Le diagnostic de fibromyalgie était confirmé, laquelle était stable depuis 1991.

Une scoliose dorsale haute était connue depuis les radiographies du 20 novembre 1996, avec une discrète spondylose antérieure de D7 à D9, avec probable noyau de Schmorl. L'examen clinique montrait des troubles structurés du rachis dorso-lombaire dans le plan sagittal, avec une hypercyphose dorsale et une hyperlordose lombaire, une hyperlordose cervicale sus-jacente, mais sans aucune limitation des amplitudes articulaires du rachis cervico-dorso-lombaire, et une absence de gibbosité en antéflexion, aucune complication radiculaire. Les troubles structurés existaient depuis l'adolescence de l'assurée. Il n'y avait aucun élément en faveur de leur évolutivité. Ils n'étaient grevés d'aucune complication radiculaire.

Le syndrome du tunnel carpien était connu depuis un EMG du 19 septembre 2003. L'assurée n'avait jamais souhaité faire d'intervention et aucun déficit sensitivo-moteur n'était noté par les spécialistes traitants ni lors de la présente évaluation, aucune amyotrophie thénarienne n'étant visualisée malgré le caractère ancien de ce syndrome. Les phénomènes de paresthésies étaient également intriqués avec le tableau de fibromyalgie. Un nouvel ENMG permettrait de faire la part de ce qui revenait au syndrome du tunnel carpien et à la fibromyalgie. Cela étant en l'absence de déficit sensitivo-moteur objectif et d'amyotrophie thénarienne malgré son ancienneté, ce syndrome du tunnel carpien bilatéral n'avait aucun caractère incapacitant.

Les troubles de la statique des pieds avec des métatarsalgies statiques et les griffes d'orteil traités sans succès par des supports plantaires et par chirurgie percutanée en septembre 2016 n'entraînaient de limitation que pour les marches prolongées et n'étaient pas incapacitants dans l'activité de ménagère.

Quant aux cervicalgies, elles étaient plutôt en rapport avec l'environnement musculaire du rachis cervical et rentraient dans le cadre de la fibromyalgie, l'examen clinique montrant des amplitudes du rachis cervical totalement souples et conservées. Même si des lésions dégénératives du rachis cervical, dorsal et lombaire existaient, elles n'entravaient pas la fonction rachidienne.

Par ailleurs, l'assurée souffrait de problèmes gastriques avec la présence de symptomatologies de type douleurs et reflux avec éructations de façon intermittente. Un traitement médical était régulièrement suivi pour ce problème.

L'assurée n'avait aucune plainte sur le plan psychiatrique et n'avait jamais bénéficié de suivi spécialisé. L'évaluation n'avait pas mis en évidence de pathologie sur le plan psychiatrique. En effet, l'humeur de l'assurée était euthymique et elle n'avait pas de ruminations interrogatives et inquiètes, ni de crises anxieuses. Il n'y avait pas non plus de trouble de la personnalité mis en évidence.

Un tableau psychosomatique extensif était présent depuis des années et compatible avec une fibromyalgie. S'il existait effectivement une douleur chronique, celle-ci n'était pas à l'origine d'un sentiment de détresse, ni associée à un contexte de conflits émotionnels et de problèmes psychosociaux multiples. Les critères n'étaient donc en principe pas remplis pour retenir un diagnostic de syndrome somatoforme douloureux.

La capacité de travail dans l'activité exercée habituellement était de 100% jusqu'au 17 octobre 2016, date du diagnostic de l'arthrose acromio-claviculaire droite, puis stable à 85% dès cette date. La diminution de rendement de 15% était due à la nécessité de se reposer pour soulager le rachis et le membre supérieur droit.

14.    Par décision du 16 septembre 2020, l'OAI a retenu que le statut de l'assurée était celui d'une personne non active consacrant tout son temps à ses travaux habituels. Selon les éléments médicaux et professionnels recueillis et après lecture des pièces par le SMR, l'OAI retenait une capacité de travail de 100% dans son activité de ménagère comme dans celle d'une activité adaptée jusqu'au 17 octobre 2016 et de 80% depuis cette date. Le degré d'invalidité total était nul jusqu'au 17 octobre 2016 et d'au maximum 15% depuis cette date. Un taux inférieur à 40% n'ouvrait pas de droit à des prestations de l'assurance-invalidité sous forme de rente. Il était également rappelé à l'assurée que l'activité ménagère pouvait par définition être exercée à un rythme ralenti, en répartissant les activités au gré de l'état de santé, ce qui n'était pas le cas d'une activité lucrative. Partant, aucune invalidité durable ne pouvait être reconnue et le droit à des mesures professionnelles et/ou à une rente d'invalidité devait être refusé.

L'atteinte à la santé n'avait pas l'intensité suffisante pour ouvrir le droit à des prestations de l'assurance-invalidité. Une enquête ménagère n'apporterait aucune modification significative au degré d'invalidité, en raison du statut et de l'incapacité de travail médicalement attestée et ne devait pas être mandatée.

Une personne qui s'occupait de son ménage devait faire tout ce qu'on pouvait raisonnablement attendre d'elle pour améliorer sa capacité de travail et réduire les effets de l'atteinte à la santé. Elle devait en particulier se procurer, dans la limite de ses moyens, l'équipement ou les appareils ménagers appropriés, mieux répartir son travail en aménageant des pauses ou en repoussant les travaux moins urgents et recourir, dans la mesure habituelle, à l'aide des membres de sa famille. Une telle aide allait au-delà de ce que l'on pouvait attendre des membres de la famille si la personne assurée n'était pas atteinte dans sa santé. Aucun élément médical objectif ne justifiait une modification de l'appréciation du cas par l'OAI.

15.    L'assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans le 20 octobre 2020. Elle contestait l'appréciation des experts du CEMed et faisait valoir que son médecin traitant considérait que le diagnostic d'arthrose acromio-claviculaire droit avait une incidence d'au moins 50%. De plus, l'intimé aurait dû fonder son appréciation sur une enquête ménagère. Elle concluait à l'audition de la Dresse B______ et à ce qu'un droit à une rente lui soit reconnu. Subsidiairement, elle demandait qu'une enquête ménagère soit ordonnée.

À l'appui de son recours, l'assurée a transmis un rapport établi le 15 octobre 2020 par la Dresse B______, qui indiquait que la dernière consultation avec l'assurée avait eu lieu le 9 juin 2020 et qu'une prochaine consultation n'était pas programmée. Elle était d'accord avec l'expertise du CEMed du 29 juin 2020 en tant que celle-ci retenait que le diagnostic de gastralgies n'était pas incapacitant pour l'assurée dans l'accomplissement de ses tâches ménagères usuelles, mais pas en tant qu'elle retenait que les diagnostics d'arthrose acromio-claviculaire droite, du syndrome du tunnel carpien et de fibromyalgie n'étaient pas incapacitants pour l'assurée dans l'accomplissement de ses tâches ménagères, sans motivation.

Elle a précisé que les limitations fonctionnelles causées par les diagnostics d'arthrose acromio-claviculaire droite, du syndrome du tunnel carpien et de fibromyalgie dans le cadre de l'accomplissement de ses tâches ménagères usuelles étaient des difficultés à porter des charges lourdes, à passer l'aspirateur, repasser, laver, s'occuper du linge en raison de multiples douleurs ostéo-articulaires. Elle estimait la capacité de travail de l'assurée à accomplir ses tâches ménagères à 50%. Elle ne partageait pas la détermination du Dr E______ concernant la baisse de rendement de 15% afin de tenir compte d'une période nécessaire de repos pour soulager le rachis et le membre supérieur droit lors de l'exécution des tâches ménagères usuelles, car certaines tâches étaient impossibles à réaliser, même avec du repos, raison pour laquelle elle avait retenu une baisse de rendement de 50%.

16.    Par réponse du 3 novembre 2020, l'intimé a conclu au rejet du recours en se référant à la décision querellée. L'OAI considérait que le rapport d'expertise pluridisciplinaire du CEMed devait se voir reconnaître une pleine valeur probante. Aucun élément objectivement vérifiable, de nature clinique ou diagnostique, qui aurait été ignoré dans le cadre de l'instruction et qui serait suffisamment pertinent pour remettre en cause le bien-fondé des conclusions de l'OAI, n'avait été apporté par la recourante. Comme l'avait mentionné le SMR dans son avis du 3 septembre 2020 ci-joint, les diagnostics retenus par la Dresse B______ étaient superposables à ceux retenus par les experts. L'appréciation de la répercussion du diagnostic de fibromyalgie sur la capacité à effectuer les tâches ménagères ou une activité professionnelle devait être évaluée selon les indicateurs standards. L'assurée ne présentait pas de troubles de la personnalité, de pathologie psychiatrique, d'affection grave somatique ou psychiatrique. Elle avait des ressources personnelles dès lors qu'elle avait pu changer de pays, se marier, élever trois enfants et s'occuper durant plus de dix ans de son mari handicapé. Elle avait également des ressources externes familiales qui la soutenaient et il n'avait pas été mis en évidence d'empêchements particuliers dans ses activités quotidiennes. En effet, elle pouvait faire des courses, préparer les repas, faire la lessive, tenir son ménage, promener son chien, voir sa famille et s'occuper de l'administratif. Le seul empêchement décrit par l'assurée aux experts consistait à effectuer des gestes extrêmes avec l'épaule droite de sorte qu'elle demandait l'aide de sa fille pour laver les vitres. Ainsi selon les indicateurs standards, la fibromyalgie que présentait l'assurée n'entraînait pas de limitations fonctionnelles. Elle effectuait d'ailleurs ses tâches quotidiennes à son rythme et sans limitations. Le seul diagnostic retenu par les experts comme entraînant des limitations fonctionnelles était l'arthrose acromio-claviculaire de l'épaule droite, de sorte qu'une baisse de rendement de 15% avait été retenue. Toutefois, en présence d'une articulation qui se mobilisait à l'examen clinique sans limitation, on ne pouvait suivre la Dresse B______ sur son évaluation des empêchements ménagers. Par ailleurs, concernant le syndrome des tunnels carpiens, cette atteinte ne pouvait en général pas être retenue comme incapacitante, en l'absence de déficit neurologique sévère. Des traitements pouvaient être proposés, tels que des infiltrations, le port d'attelles nocturnes ainsi qu'une cure de tunnel carpien.

Si l'atteinte à la santé avait pour résultat que certains travaux ne pouvaient être accomplis qu'avec peine et nécessitaient plus de temps, on pouvait attendre de la personne assurée qu'elle répartisse au mieux son travail, en ménageant des pauses ou en repoussant les travaux peu urgents.

En outre, la fille de la recourante vivait sous le même toit, de sorte que son aide était exigible.

L'expertise pluridisciplinaire du CEMed constituait un moyen de preuve suffisant pour se déterminer de manière circonstanciée sur les empêchements dans le ménage, de sorte que la mise en oeuvre d'une enquête à domicile était superflue.

17.    Le 10 mars 2021, la recourante a déclaré à la chambre de céans : « Je ne peux pas lever la main droite sans que cela ne me fasse très mal. J'ai un problème d'ulcère avec des reflux. Je dois prendre des médicaments. C'est très fort. C'est comme des brûlures dans l'estomac. Ce n'est pas tous les jours. Quand j'ai mal au ventre, cela m'empêche de faire par exemple des travaux ménagers. Je me couche un petit moment. Je prends un médicament tous les jours pour ce problème mais pas d'autre médicament lorsque j'ai des brûlures. Dans ces cas, les brûlures vont mieux après un peu de repos. Cela peut m'arriver trois ou quatre fois dans la semaine. Cela dure environ une demi-heure chaque fois, puis cela se calme. Je fais attention à ce que je mange car selon quoi cela peut accentuer mon problème.

Je peux ressentir des douleurs très fortes à des endroits variables. Cela arrive trois ou quatre fois par semaine. Je prends des médicaments (Dafalgan) lorsque cela arrive. Je mets du spray sur les endroits où j'ai mal et cela attenue la douleur. Je me couche un moment. Quand les douleurs sont atténuées, je me relève, en général après une heure.

Je n'ai pas encore été opérée du tunnel carpien des deux côtés, mais je vais le faire. Cela me fait mal par moment, surtout quand je dors, mais parfois aussi la journée. Quand j'ai mal je prends du Dafalgan ou de l'Irfen.

Je vis toujours avec une de mes filles qui a 23 ans. J'ai deux autres enfants, des garçons, qui habitent un près de Lausanne et l'autre dans le canton de Genève. Depuis la COVID-19, je les vois peu. Ils me téléphonent régulièrement. Un de mes fils est marié sans enfant et l'autre non. Je m'entends bien avec ma fille qui m'aide à la maison. Elle étudie pour être éducatrice d'enfants. Elle a bientôt fini ses études.

Mon époux est décédé en décembre 2018. Il avait beaucoup de problèmes de santé. On a dû lui couper une jambe. J'ai dû m'en occuper malgré mes douleurs. J'ai des douleurs depuis longtemps, 1991-1992. Je n'ai jamais travaillé. J'ai toujours eu des douleurs. Elles ont augmenté. J'ai commencé à avoir des douleurs dans les pieds après la naissance de mon fils aîné, puis les douleurs ont monté dans mon corps. Les médecins ne savaient pas d'où ça venait. Malgré leurs examens, ils ne voyaient rien. Je me réveille en général à 7h00 après m'être réveillée souvent la nuit. Je suis moyennement fatiguée le matin. Je prends un café. Deux fois par semaine, ma fille descend le linge à la buanderie avec moi et je m'occupe de mettre le linge dans la machine. Je commence à nettoyer un petit peu ma maison, avec difficulté. J'arrive à passer l'aspirateur, mais à plusieurs reprises. Je passe vite fait la poussière et c'est tout. Je ne peux pas faires les à-fonds. Je vais chercher le linge et ma fille le remonte. Je ne peux pas porter un sac lourd. Pour les commissions, j'achète petit à petit pour ne rien porter de lourd. Le samedi ma fille m'accompagne pour les grandes courses. Depuis longtemps je ne repasse plus rien. Ma fille s'occupe de ses affaires. Je n'ai pas besoin de repasser mes affaires. Je prépare quelque chose à manger pour moi pour midi. Avant je me faisais des bons petits plats. Je fais des choses plus rapides. Je m'asseye pour couper l'oignon et l'ail. Je fais des choses simples, mais pas de plats précuisinés. Parfois ma fille est à la maison et mange avec moi. En principe, je sors le chien le matin. Mes enfants me l'ont offert à la mort de mon époux. J'aimerais que mon fils le prenne, car je ne peux pas le sortir quand j'ai des douleurs. Je ne peux pas le sortir beaucoup. Je fais des petites promenades avec lui autour de la maison. Je ne sais pas s'il va me manquer. J'hésite. Je suis comme la maman du chien. Je ne regarde pas beaucoup la télévision, parfois le soir. Je l'allume tous les soirs. Je lis un petit peu. Je salue seulement les voisines. Je n'ai pas de membres de ma famille qui habitent en Suisse. Je n'ai pas d'amis. Je discute avec d'autres propriétaires de chiens parfois. L'après-midi, je me repose, parfois je dors un peu, pendant une heure - une heure et demie environ. Je lis un petit peu. Je me mets un peu sur le balcon et je regarde la vue. Je n'ai plus de plantes sur le balcon. J'ai des citronniers. C'est ma fille qui s'en occupe. J'arrive à plier le linge. Ma fille écrit dans le carnet le montant des factures et moi je vais à la poste pour les payer. Je pourrais peut-être le faire moi-même. Je préfère que ça soit ma fille à cause de mes douleurs aux poignets. Je ne fais jamais de listes de courses et je n'écris pas de courriers. Je n'utilise pas mon téléphone portable comme un loisir. C'est ma fille qui brosse le chien. Ma fille fait un peu de ménage mais pas tellement. Elle fait les lits avant de partir. Elle m'aide quand il faut pour les travaux un peu plus difficiles comme les vitres. C'est moi qui lui demande. Elle ne le fait pas spontanément. Cela fait 5 ans que je ne descends plus en Sicile où se trouve ma famille d'abord en raison des problèmes de santé de mon époux, son décès puis la COVID.

Parfois je me sens bien la journée, parfois moins bien. Quand je ne me sens pas bien, je reste à la maison. Je n'ai rien envie de faire, par exemple préparer à manger. Cela n'arrive toutefois pas souvent. Depuis que mon mari n'est plus là, mon humeur n'est pas bonne. Quand il était là, cela allait mieux. On se parlait, on s'entendait bien. Il me manque la moitié de moi.

Je n'ai pas de suivi psychiatrique. Je n'en ai jamais eu. Je vois régulièrement mon médecin généraliste. Elle ne m'a pas envoyée chez un psychologue et ne me donne pas d'antidépresseur. Elle soigne mes problèmes de corps. Mon médecin ne m'a pas conseillé d'aller voir un psychiatre sinon j'y serais allée. Elle a peut-être pensé que mon état, suite au décès de mon mari, allait s'améliorer avec le temps, mais ce n'est pas le cas. Mon mari me manque toujours autant.

Normalement ma fille va terminer ses études au mois de juin prochain. Je ne sais pas si elle va partir comme les garçons. Ces derniers sont partis du jour au lendemain sans m'avertir. J'ai peur que cela se reproduise car je resterai toute seule. Je n'ai pas envie de faire des activités pour rencontrer d'autres personnes. Ni les médecins ni une personne de l'assurance-invalidité ne sont venus chez moi. Mon ménage n'est pas bien tenu. Derrière le canapé et derrière les meubles, il y a beaucoup de poussière. La cuisine devrait être nettoyée. »

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

4.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.        Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité.

6.        Aux termes de l'art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable.

En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.        L'évaluation des syndromes sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique ne fait pas l'objet d'un consensus médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_619/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.1).

Dans un arrêt du 3 juin 2015 (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a jugé que la capacité de travail réellement exigible des personnes souffrant d'une symptomatologie douloureuse sans substrat organique doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sur la base d'une vision d'ensemble, à la lumière des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini. L'évaluation doit être effectuée sur la base d'un catalogue d'indicateurs de gravité et de cohérence. Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

La fibromyalgie est une affection rhumatismale reconnue par l'Organisation mondiale de la santé (CIM-10, M79.0). Elle est caractérisée par une douleur généralisée et chronique du système ostéoarticulaire et s'accompagne généralement d'une constellation de perturbations essentiellement subjectives (tels que fatigue, troubles du sommeil, sentiment de détresse, céphalées, manifestations digestives et urinaires d'allure fonctionnelle). Les critères diagnostiques, établis pour la première fois par l'American Rheumatism Association, sont la combinaison d'une douleur généralisée intéressant l'axe du corps, les hémicorps droit et gauche, à la fois au-dessus et en dessous de la taille, durant au moins trois mois, ainsi que des douleurs à la palpation d'au moins 11 points douloureux ("tender points") sur 18. Si les symptômes fibromyalgiques se manifestent de la même manière sous les deux formes, celle secondaire - qui est trois fois plus répandue dans la population - se distingue de celle primaire par le fait qu'elle se trouve associée à d'autres maladies (par exemple des maladies dégénératives rhumatismales). Aucune étiologie n'a pu être clairement établie pour la forme primaire de la fibromyalgie, dont le diagnostic est posé par exclusion (tender points douloureux en l'absence de tout autre maladie, en particulier inflammatoire) (ATF 132 V 65).

La reconnaissance de l'existence d'une fibromyalgie suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un rhumatologue s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 132 V 65 consid. 3.2).

8.        Le Tribunal fédéral a développé dans sa jurisprudence relative à l'établissement de la capacité de travail exigible des personnes souffrant d'une symptomatologie douloureuse sans substrat organique les indicateurs suivants, qui s'appliquent également pour déterminer la capacité de travail exigible des personnes souffrant de troubles psychiques :

a. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable, compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par l'atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

b. Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

c. La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble psychique avec l'ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n'est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

d. Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

e. Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie.

f. Il s'agit, encore, de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé.

g. Il faut examiner en suite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective.

9.        Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

10.    En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

En cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en oeuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

11.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.    a. Lorsque la personne assurée se consacre à ses travaux habituels, l'invalidité est fixée selon la méthode spécifique. Le degré d'invalidité résulte de la comparaison des activités qu'elle déployait avant d'être atteinte dans sa santé avec celles qu'elle est encore capable d'exercer après les efforts que l'on peut raisonnablement exiger d'elle. On présume qu'il n'y a généralement pas d'empêchement dû à l'invalidité lorsqu'elle est encore active dans le ménage et exécute, au moins partiellement, les tâches qui en découlent. Cette présomption peut être renversée s'il est établi qu'elle travaille au-delà de ce qui est raisonnablement exigible ou s'il ressort du dossier qu'elle fait exécuter par des tiers la plupart des travaux qu'elle ne peut pas effectuer. Dans ce contexte, l'invalidité d'un conjoint aggrave celle du conjoint qui était déjà invalide dans la mesure où celui-ci ne peut plus compter sur une aider lui permettant de compenser son handicap (Michel VALTERIO, Commentaire, Loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI), 2018, n. 107, p. 460).

L'incapacité de travail et l'incapacité d'accomplir ses travaux habituels sont deux notions qui, même si elles se recoupent en partie, doivent être différenciées. Aux termes de l'art. 6 LPGA, l'incapacité de travail se définit comme toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir, dans sa profession ou dans son domaine d'activité, le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. Pour une nettoyeuse professionnelle, elle s'évalue donc au regard de son inaptitude à effectuer les tâches de nettoyage proprement dites (passer l'aspirateur, entretenir les sols, nettoyer les vitres, épousseter, etc.). En revanche, l'incapacité d'accomplir les travaux habituels (art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA) s'évalue différemment. Elle se fonde non seulement sur l'inaptitude de l'assurée à effectuer les tâches de nettoyage proprement dites, mais également sur l'empêchement à réaliser tous les autres travaux usuels et nécessaires à la tenue d'un ménage, tels que, notamment, la préparation des repas, les emplettes, l'entretien du linge ou les soins aux enfants (cf. Circulaire de l'OFAS concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité (CIIAI), p. 65, n. 3084 ss). La tenue d'un ménage privé permet, par ailleurs, des adaptations de l'activité aux problèmes physiques qui ne sont pas nécessairement compatibles avec les exigences de rendement propres à l'exercice similaire dans un contexte professionnel (arrêt du Tribunal fédéral I 593/03 du 13 avril 2005 consid. 5.3). À ces éléments s'ajoute également le fait qu'au titre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1er LAI), la personne assurée est notamment tenue d'adopter une méthode de travail adéquate, de répartir son travail en conséquence et de demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références citées).

Pour satisfaire à l'obligation de réduire le dommage (voir ATF 129 V 463 consid. 4.2 et 123 V 233 consid. 3c ainsi que les références), une personne qui s'occupe du ménage doit faire ce que l'on peut raisonnablement attendre d'elle afin d'améliorer sa capacité de travail et réduire les effets de l'atteinte à la santé; elle doit en particulier se procurer, dans les limites de ses moyens, l'équipement ou les appareils ménagers appropriés. Si l'atteinte à la santé a pour résultat que certains travaux ne peuvent être accomplis qu'avec peine et nécessitent beaucoup plus de temps, on doit néanmoins attendre de la personne assurée qu'elle répartisse mieux son travail (soit en aménageant des pauses, soit en repoussant les travaux peu urgents) et qu'elle recoure, dans une mesure habituelle, à l'aide des membres de sa famille. La surcharge de travail n'est déterminante pour le calcul de l'invalidité que lorsque la personne assurée ne peut, dans le cadre d'un horaire normal, accomplir tous les travaux du ménage et a par conséquent besoin, dans une mesure importante, de l'aide d'une personne extérieure qu'elle doit rémunérer à ce titre (RCC 1984 p. 143 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 du 14 janvier 2005 consid. 6.2.1).

Dans le cadre de l'évaluation de l'invalidité dans les travaux habituels, l'aide des membres de la famille (en particulier celle des enfants) va au-delà de ce que l'on peut attendre de ceux-ci, si la personne assurée n'était pas atteinte dans sa santé (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 déjà cité et I 681/02 du 11 août 2003). Il y a lieu en effet de se demander quelle attitude adopterait une famille raisonnable, dans la même situation et les mêmes circonstances, si elle devait s'attendre à ne recevoir aucune prestation d'assurance. Le cas échéant, il peut en résulter une image déformée de l'état de santé réel de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 257/04 du 17 mars 2005 consid. 5.4.4).

b. Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

Le degré d'invalidité de la personne assurée qui assume des tâches ménagères ne doit pas être déterminé sur une base médico-théorique, mais en tenant compte des conséquences concrètes de l'atteinte à la santé sur chacune des activités en partant d'une enquête menée sur place par une personne qualifiée (art. 69 al. 2 RAI). Celle-ci repose dans une large mesure sur le comportement et les déclarations de la personne assurée qui sont contrôlées jusqu'à un certain point grâce à l'expérience de la personne chargée de l'enquête. Son résultat aboutit à une évaluation qui doit être appréciée par l'administration, en cas de recours par le juge, à la lumière des conclusions du médecin relatives à l'incapacité de travail dans l'accomplissement des tâches ménagères (VALTERIO, op. cit., n. 111, p. 462).

Pour évaluer l'invalidité des assurés travaillant dans le ménage, l'administration procède à une enquête sur les activités ménagères et fixe l'empêchement dans chacune des activités habituelles conformément à la circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité. Aux conditions posées par la jurisprudence (ATF 128 V 93) une telle enquête a valeur probante.

La mise en oeuvre d'une enquête ménagère en cas de statut mixte n'est toutefois pas imposée par le droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 99/00 du 26 octobre 2000 consid. 3c in VSI 2001 p. 155). Il n'y a pas lieu de procéder à un acte administratif qu'une appréciation anticipée des preuves désigne clairement comme inutile (arrêt du Tribunal fédéral 9C_103/2010 2 du septembre 2010).

Il n'existe pas de principe selon lequel l'évaluation médicale de la capacité de travail l'emporte d'une manière générale sur les résultats de l'enquête ménagère. Une telle enquête a valeur probante et ce n'est qu'à titre exceptionnel, singulièrement lorsque les déclarations de l'assuré ne concordent pas avec les constatations faites sur le plan médical, qu'il y a lieu de faire procéder par un médecin à une nouvelle estimation des empêchements rencontrés dans les activités habituelles (VSI 2004 p. 136 consid. 5.3 et VSI 2001 p. 158 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 et I 309/04 du 14 janvier 2005). Toutefois, en présence de troubles d'ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile (VSI 2004 p. 137 consid. 5.3 déjà cité)

En présence de troubles d'ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile (VSI 2004 p. 137 consid. 5.3 déjà cité).

13.    a. En l'espèce, la recourante a un statut de non active. En principe, les empêchements dans le ménage sont, dans ce cas, établis par une enquête ménagère. En l'occurrence, une telle enquête, qui est fondée essentiellement sur les déclarations de la personne assurée, n'est pas appropriée. En effet, comme la recourante souffre de fibromyalgie, elle peut être limitée subjectivement dans ses travaux ménagers par des douleurs qui ne sont pas reconnues comme invalidantes sur le plan médical. C'est donc à juste titre que l'intimé a fait procéder à une expertise, par un rhumatologue pour valider ou pas le diagnostic de fibromyalgie, et par un psychiatre pour déterminer, cas échéant, si ce diagnostic était invalidant pour la recourante.

b. L'expertise du CEMed remplit les conditions pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. Ses conclusions sont motivées et comprennent une analyse des indicateurs développés par le Tribunal fédéral en cas de fibromyalgie. Elles ne sont pas sérieusement remises en cause par le rapport établi par le 15 octobre 2020 par la Dresse B______, qui est peu motivé et tient compte de la fibromyalgie, sans démontrer que les indicateurs seraient remplis pour reconnaître que ce diagnostic serait handicapant, ni critiquer sur ce point l'analyse des experts et sans tenir compte de l'aide exigible de la fille de la recourante.

Les conclusions de l'expertise ne sont non plus remises en cause par les rapports établis le 25 août 2017 par la Dresse B______ et le 5 septembre 2017 par la Dresse C______, qui retenaient toutes les deux que l'état de santé de la recourante s'était aggravé depuis sa demande de prestations de 2004, que ses douleurs en lien avec sa fibromyalgie étaient plus importantes et que sa capacité de travail était nulle. En effet, ces rapports sont peu détaillés et n'examinent pas les indicateurs développés par le Tribunal fédéral en la matière.

Quant au rapport établi le 21 novembre 2017 par le Dr D______, il ne remet pas non plus en cause les conclusions de l'expertise, dès lors qu'il retenait l'apparition de symptômes de reflux et la découverte de l'adénome en juin 2008 qui limitaient la position penchée en avant, sans préciser en quoi cela limitait la capacité de la recourante à faire ses travaux ménagers. Or, il ressort de ses déclarations qu'elle arrive à faire ses travaux ménagers, à son rythme, en faisant des pauses et avec l'aide de sa fille pour les travaux plus lourds.

c. En conclusion, la décision querellée est fondée sur une expertise probante et doit être confirmée.

14.    Le recours sera en conséquence rejeté et la recourante sera condamnée au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le