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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/141/2021

ATAS/471/2021 du 17.05.2021 ( AI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 02.07.2021, rendu le 09.08.2021, IRRECEVABLE, 9C_373/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/141/2021 ATAS/471/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 mai 2021

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CHÊNE-BOURG, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Dominique Julien COLOMBO

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1965, a déposé une demande de prestations d'invalidité le 16 mars 2005, en raison d'un surmenage professionnel aigu, un état anxio-dépressif et un abus de toxiques (cocaïne), aggravé depuis septembre 2004 (avis de la doctoresse B______ du 31 mars 2005).

2.        Il a séjourné à la Clinique genevoise de Montana du 4 au 16 avril 2005 pour un diagnostic principal de dépendance à la cocaïne, abstinent en milieu protégé.

3.        Le 11 avril 2006, le service médical régional AI (ci-après : le SMR) a rendu un avis estimant qu'il s'agissait manifestement d'une toxicomanie primaire, ne relevant pas de l'assurance-invalidité.

4.        Par décision du 8 mai 2006, l'OAI a rejeté la demande de prestations, en mentionnant que l'incapacité de gain était due avant tout à la toxicodépendance et qu'il appartenait à l'assuré ainsi qu'à son médecin de prendre des mesures pour restaurer sa capacité de travail.

5.        Selon un rapport du service des maladies infectieuses des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) du 7 octobre 2015, l'assuré avait présenté une infection nécrosante du palais mou, du sinus maxillaire droit, du septum nasal à germes multiples avec ostéite C1 de contact.

6.        Le 7 janvier 2016, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations, en signalant un trou dans son palais (difficultés à boire et à manger) et le 20 janvier 2016 une demande d'allocation pour impotent pour une atteinte au genou et une toxicomanie (consommation d'héroïne par « snif » depuis dix ans).

7.        Selon un rapport du docteur C______, FMH médecin praticien, du 8 juin 2016, l'assuré présentait un syndrome de dépendance et de trouble dépressif récurrents, épisode actuel moyen.

8.        Le 4 juillet 2016, le SMR a estimé qu'il n'y avait pas d'élément en faveur d'une aggravation de longue durée reconnue par l'assurance-invalidité. L'évolution somatique était favorable et l'évolution psychiatrique était consécutive à un problème de base (toxicomanie) qui n'était pas reconnu par l'assurance-invalidité.

9.        Par décisions du 19 septembre 2016, l'office de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI) a refusé au recourant, d'une part, le droit à une allocation pour impotent (API) et, d'autre part, le droit à une rente d'invalidité.

10.    Le 5 août 2019, le Tribunal fédéral a fait paraitre un communiqué de presse, selon lequel il modifiait sa jurisprudence concernant le droit à des prestations de l'AI en cas de toxicomanie (selon un arrêt 9C 724/2018 du 11 juillet 2019, publié in ATF 145 V 215).

11.    Le 25 novembre 2019, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations. Le docteur D______, FMH médecine interne, a écrit à l'OAI le 20 décembre 2019 que l'assuré souffrait d'une affection chronique, laquelle, conformément à l'arrêt du Tribunal fédéral 9C 724/2018 devait être évaluée par un spécialiste.

12.    Par projet de décision du 13 janvier 2020, l'OAI a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations, au motif que la situation professionnelle ou médicale de l'assuré ne s'était pas notablement modifiée.

13.    Le 13 février 2020, l'assuré a demandé à l'OAI de pouvoir consulter son médecin-conseil. Sa première demande ne concernait pas sa toxicomanie mais son atteinte au genou et au palais, dont les séquelles le handicapaient encore (et dont la procédure avait été bâclée) et la présente demande concernait la toxicomanie.

14.    Le 26 février 2020, l'assuré a requis de l'OAI un délai pour transmettre divers rapports médicaux.

15.    Par décision du 26 février 2020, l'OAI a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de l'assuré.

16.    Le 2 mars 2020, l'OAI a annulé sa décision du 26 février 2020 et fixé un délai au 3 avril 2020 à l'assuré pour communiquer les éléments médicaux évoqués.

17.    Le 25 mars 2020, l'OAI, au vu de la pandémie COVID-19, a accordé à l'assuré un délai au 31 mai 2020 pour fournir des éléments permettant de reprendre l'instruction du dossier.

18.    Le 25 mars 2020, l'assuré a écrit à l'OAI qu'il pouvait s'adresser au Docteurs D______, E______, FMH psychiatrie et psychothérapie, et F______, FMH otho-rhino-laryngologie, aux HUG.

19.    Le 3 juin 2020, l'OAI a requis de l'assuré qu'il donne suite à son courrier du 2 mars 2020.

20.    Le 4 juin 2020, l'assuré a écrit à l'OAI qu'un examen médical par les services de celui-ci pourrait clarifier la situation rapidement. Il a communiqué :

-          Un rapport du Dr D______ du 20 septembre 2018 selon lequel il suivait l'assuré depuis juin 2016, lequel présentait un traumatisme primaire lié à de grave violences domestiques, ayant entrainé des séquelles neurologique, psychologique et sociale, qui provoquaient un néo-développement ou un état de dissociation ou encore un PTSD (trouble de stress port-traumatique) et qui l'invalidaient définitivement. Un traitement de méthadone et de midazolam était nécessaire.

-          Un certificat du Dr D______ du 28 août 2019, attestant d'un traitement nécessaire de méthadone, sevre-long et dormicum.

-          Le courrier du Dr D______ du 20 décembre 2019.

21.    Le 16 octobre 2020, le SMR a constaté que les premières demandes, déposées en 2005 et en 2016 pour des troubles psychiques (dépendances multiples et épisode anxio-dépressif réactionnel), avaient abouti à des refus de prestations (pas d'atteinte incapacitante). Dans le cadre de la nouvelle demande, le Dr D______, médecin traitant, ne retenait, dans ses courriers des 20 septembre 2018, 28 août 2019 et 20 décembre 2019, que la polytoxicomanie. Il ne faisait pas mention d'une éventuelle aggravation de l'état de santé de l'assuré.

22.    Par projet de décision du 22 octobre 2020 et décision du 1er décembre 2020, l'OAI a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations, au motif que l'assuré n'avait pas démontré une aggravation de son état de santé depuis la décision du 19 septembre 2016.

23.    Le 15 janvier 2021, l'assuré, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l'encontre de la décision précitée, concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité, subsidiairement au renvoi de la cause à l'OAI pour qu'il entre en matière sur la demande. Un changement de jurisprudence pouvait entrainer dans certaines circonstances, remplies en l'espèce, la modification d'une décision entrée en force. Son incapacité de gain était totale et subsistait depuis à tout le moins mars 2011, soit à l'issue de la dernière occupation qu'il avait eue. Depuis lors, il n'avait plus été en mesure de réaliser un quelconque gain. Cette situation était due principalement à sa polytoxicomanie, soit une maladie psychique dont il souffrait depuis son adolescence. Il suivait assidûment un traitement de substitution et bénéficiait d'un suivi psychiatrique. Il avait fait tout ce qui pouvait être attendu de lui mais la maladie subsistait et son incapacité de gain aussi. Il luttait depuis de longues années contre sa maladie mais il ne restait plus qu'à constater qu'aujourd'hui - et depuis de nombreuses années déjà - son affection devait être qualifiée de durable. Une rente devait ainsi lui être allouée.

24.    Le 11 février 2021, l'OAI a conclu au rejet du recours, en soulignant qu'un changement de jurisprudence ne constituait pas un motif de revenir sur des décisions entrées en force ; par ailleurs l'état de santé de l'assuré ne s'était pas aggravé.

25.    Le 15 mars 2021, l'assuré a répliqué, en relevant qu'un changement de jurisprudence pouvait, dans certaines circonstances, réalisées en l'espèce, permettre de revenir sur une décision entrée en force, ce d'autant lorsque la modification était en faveur de l'assuré.

26.    Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

3.        L'objet du litige, déterminé par la décision du 1er décembre 2020 querellée, porte sur le point de savoir si l'intimé était en droit de refuser d'entrer en matière sur la demande de révision - ou nouvelle demande - déposée le 25 novembre 2019 par le recourant.

4.        a. Selon l'art. 87 du règlement sur l'assurance-invalidité, du 17 janvier 1961
(RAI - RS 831.201), lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l'allocation pour impotent ou la contribution d'assistance a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, parce qu'il n'y avait pas d'impotence ou parce que le besoin d'aide ne donnait pas droit à une contribution d'assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l'al. 2 sont remplies (al. 3).

Cette exigence doit permettre à l'administration qui a précédemment rendu une décision entrée en force d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans rendre plausible une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 ; ATF 130 V 64 consid. 5.2.3 ; ATF 117 V 198 consid. 4b et les références citées). À cet égard, une appréciation différente de la même situation médicale ne permet pas encore de conclure à l'existence d'une aggravation (ATF 112 V 371 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_748/2013 du 10 février 2014 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 716/2003 du 9 août 2004 consid. 4.1). Les conditions d'entrée en matière prévues par l'art. 87 al. 2 et 3 RAI ont pour but de restreindre la possibilité de présenter de manière répétée des demandes de rente identiques (ATF 133 V 108 consid. 5.3.1).

b. Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. À cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation, que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas nécessaire lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF 109 V 108 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.2). Dans cette dernière hypothèse, l'administration doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l'art. 17 LPGA et comparer les circonstances prévalant lors de la nouvelle décision avec celles existant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (ou à l'allocation pour impotent ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2010 du 22 février 2011 consid. 3 ; Ulrich MEYER/ Marco REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], in STAUFFER/CARDINAUX [éd.], Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, 3ème éd., 2014, n. 139 ad art. 30-31 LAI).

c. Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 - actuellement 2 - RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_880/2017 du 22 juin 2018 consid. 5.1). Eu égard au caractère atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l'administration pouvait appliquer par analogie l'art. 73 aRAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) - qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas de refus de l'assuré de coopérer - à la procédure régie par l'art. 87 al. 2 RAI, à la condition de s'en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (art. 5 al. 3 ainsi que 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATF 124 II 265 consid. 4a).

Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office, l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués. Lorsque ces exigences concernant la fixation d'un délai et l'avertissement des conséquences juridiques de l'omission sont remplies, le juge doit se fonder sur les faits tels qu'ils se présentaient à l'administration au moment de la décision litigieuse (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_880/2017 précité consid. 5.1). L'examen du juge se limite donc au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative (telles que se présentant au moment où l'administration a statué) justifient ou non la reprise de l'instruction du dossier. Il ne sera donc pas tenu compte des rapports produits postérieurement à la décision litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 précité consid. 4.1).

d. L'exigence relative au caractère plausible ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS, 2003, p. 396 ch. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 724/99 du 5 octobre 2001 consid. 1c/aa).

Lors de l'appréciation du caractère plausible d'une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations, on compare les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision administrative litigieuse et les circonstances prévalant à l'époque de la dernière décision d'octroi ou de refus des prestations (ATF 130 V 64 consid. 2 ; ATF 109 V 262 consid. 4a).

5.        Selon l'ancienne jurisprudence constante du Tribunal fédéral, une dépendance comme l'alcoolisme, la pharmacodépendance ou la toxicomanie ne constituait pas en soi une invalidité au sens de la loi. En revanche, elle jouait un rôle dans l'AI lorsqu'elle avait provoqué une atteinte à la santé physique ou mentale qui nuisait à la capacité de gain de l'assuré, ou si elle résultait elle-même d'une atteinte à la santé physique ou mentale qui avait valeur de maladie (ATF 124 V 265 consid. 3c ; ATF 99 V 28 consid. 2; VSI 2002 p. 32 consid. 2a, 1996 p. 319 consid. 2a). Dans son arrêt du 11 juillet 2019 précité, le Tribunal fédéral a expliqué que cette jurisprudence partait du principe que l'assuré, souffrant de dépendance, avait provoqué lui-même fautivement cet état et qu'il aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de la consommation de substances et s'en détourner ou à tout le moins entreprendre une thérapie (ATF 145 V 215 consid. 4.2).

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en ce sens que les syndromes de dépendance (« Abhängigkeitssyndromen ») et les troubles liés à la consommation de substances (« Substanzkonsumstörungen »), diagnostiqués en bonne et due forme, ne sauraient se voir dénier d'emblée toute pertinence sous l'angle de l'AI, mais doivent être considérés comme d'autres atteintes à la santé psychique pouvant entraîner une invalidité (ATF 145 V 215 consid. 5.3.3 et 6 ; aussi ATAS/773/2019 du 2 septembre 2019 consid. 10b). Dès lors qu'il n'existe pas, en matière de syndromes de dépendance - comme pour la plupart des maladies (ATF 140 V 193 consid. 3.1) - de relation directe entre le diagnostic posé et l'incapacité de travail, respectivement l'invalidité, il est nécessaire de constater médicalement les conséquences de l'atteinte à la santé sur les possibilités de gain dans chaque cas particulier (art. 7 al. 2 LPGA ; ATF 145 V 215 consid. 6.1 et la référence à l'ATF 143 V 409 consid. 4.2.1). Dans ledit ATF 143 V 409, le Tribunal fédéral avait modifié sa pratique en cas de troubles psychiques comme suit : la jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y avait lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'appliquait dorénavant à toutes les maladies psychiques, y compris troubles dépressifs de degré léger ou moyen (ATF 143 V 409 consid. 4.5 ; ATF 143 V 418 consid. 6, 7 et 8). Et, depuis le revirement jurisprudentiel opéré le 11 juillet 2019, cette même procédure structurée d'administration des preuves s'applique également aux syndromes de dépendance et troubles liés à la consommation de substances, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre leur caractère primaire ou secondaire (ATF 145 V 215 consid. 7 et 8.1 ; aussi ATAS/773/2019 précité consid. 10b).

L'examen des indicateurs standards reste toutefois superflu lorsque l'incapacité de travail est niée sur la base de rapports probants établis par des médecins spécialistes et que d'éventuelles appréciations contraires n'ont pas de valeur probante du fait qu'elles proviennent de médecins n'ayant pas une qualification spécialisée ou pour d'autres raisons (ATF 145 V 215 consid. 7 ; ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

6.        a. En droit des assurances sociales, les décisions de prestations, assorties d'effets durables, initialement non erronées doivent en règle générale être adaptées aux modifications du droit qui résultent d'une intervention du législateur - lois et ordonnances (Thomas FLÜCKIGER, in Basler Kommentar, 2020, n. 11 ad art. 17 LPGA) -, sous réserve de dispositions de droit transitoires contraires et, le cas échéant, des droits acquis (ATF 135 V 215 consid. 5.1.1 ; ATF 135 V 201 consid. 6.1.1 = RDAF 2010 I 375 [rés.] ; ATF 121 V 157 consid. 4a ; aussi, par exemple, pour le « réexamen des rentes octroyées en raison d'un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claire et sans constat de déficit organique », la let. a des dispositions finales de la modification du 18 mars 2011 [6ème révision de l'AI, premier volet], en vigueur depuis le 1er janvier 2012).

b. En revanche, un changement dans la pratique judiciaire ou administrative ne conduit en principe pas à modifier des prestations périodiques fondées sur une décision (assortie d'effets durables) entrée en force formelle (ATF 135 V 215 consid. 5.1.1 ; ATF 135 V 201 consid. 6.1.1 = RDAF 2010 I 375 [rés.] ;
ATF 129 V 200 consid. 1.2 ; ATF 121 V 157 consid. 4a ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_439/2007 du 28 février 2008
consid. 3.2 in fine).

Exceptionnellement, un changement de jurisprudence peut cependant entraîner la modification d'une décision entrée en force (avec des effets pour l'avenir) lorsque la nouvelle jurisprudence a une telle portée générale qu'il serait contraire au droit à l'égalité de ne pas l'appliquer dans tous les cas, en particulier en maintenant une ancienne décision pour un seul assuré ou un petit nombre d'assurés
(ATF 141 V 585 consid. 5.2 ; ATF 135 V 215 consid. 5.1.1 ; ATF 135 V 201 consid. 6.1.1 = RDAF 2010 I 375 [rés.] ; ATF 129 V 200 consid. 1.2 ;
ATF 121 V 157 consid. 4a ; ATF 112 V 387 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 222/99 du 23 octobre 2000 consid. 3b, SVR 2001 ALV n. 4 p. 10), cette pratique restrictive valant en tout cas lorsque l'application d'une jurisprudence nouvelle s'opérerait au détriment du justiciable (ATF 120 V 128 consid. 3c ; ATF 119 V 410 consid. 3b).

Une telle manière de procéder s'applique en particulier lorsque le maintien de la décision initiale ne peut simplement plus être justifié du point de vue de la nouvelle jurisprudence et que celle-ci a une telle portée générale que ne pas l'appliquer dans un cas particulier reviendrait à privilégier (ou discriminer) l'intéressé de manière choquante et à porter atteinte au principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst. ; ATF 141 V 585 consid. 5.2 ; ATF 135 V 215 consid. 5.1.1 ; ATF 135 V 201 consid. 6.1.1 = RDAF 2010 I 375 [rés.] ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 382/94 consid. 4a, SVR 1995 IV n. 60 p. 171 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 67 ad art. 31 LAI ; Ulrich MEYER/Marco REICHMUTH, op. cit., n. 66 ad art. 30-31 LAI).

c. En application des principes exposés, le Tribunal fédéral des assurances a, à diverses reprises, admis qu'une décision de prestations, assortie d'effets durables, entrée en force soit adaptée à un changement de jurisprudence ou de la pratique administrative intervenu entre-temps et plus favorable pour l'intéressé
(ATF 135 V 215 consid. 5.1.2.1).

Ainsi, il a jugé qu'une rente d'invalidité de l'assurance-militaire fixée selon une jurisprudence antérieure devait être adaptée à la modification de la jurisprudence intervenue en 1984, laquelle a reconnu l'indemnisation cumulative de l'incapacité de gain et de l'atteinte à l'intégrité ; la solution contraire entraînait des inégalités manifestes (ATF 121 V 157 consid. 4c). L'application d'une nouvelle pratique administrative de l'administration fédérale - étendant la qualification de salaire à l'indemnité de licenciement -, qui permettait dans certains cas d'ouvrir le droit à des indemnités de l'assurance-chômage, non reconnu jusqu'alors, dans des situations qui avaient déjà fait l'objet de décisions entrées en force défavorables, a également été admise - avec effet dès l'entrée en vigueur fixée par la directive administrative en cause -, la Haute Cour faisant ici exceptionnellement primer le principe de l'égalité de traitement sur le principe de la légalité malgré l'illicéité de ladite nouvelle pratique administrative (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 222/99 précité consid. 4, SVR 2001 IV n. 4 p. 9 ; aussi ATF 120 V 128). Le Tribunal fédéral des assurances en a jugé de même en ce qui concerne l'application directe - d'abord niée, puis reconnue ultérieurement (ATF 119 V 171) - des dispositions de droit international admettant de manière limitée la réduction des prestations pour faute (ATF 120 V 128 consid. 4 ; ATF 119 V 410 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 382/94 consid. 4, SVR 1995 IV n. 60 p. 171).

En défaveur de l'assuré en cause, le Tribunal fédéral des assurances a, entre autres, confirmé l'adaptation d'une rente pour atteinte à l'intégrité, dont le calcul reposait encore sur une jurisprudence antérieure, considérée comme erronée par les ATFA 1966 p. 148 et 1968 p. 88, aux nouvelles bases de calcul déterminantes (ATF 135 V 215 consid. 5.1.2.2 ; ATF 112 V 387 consid. 3c, confirmé par l'ATF 115 V 308).

d. En résumé, la jurisprudence n'a guère admis d'exceptions au principe selon lequel un changement de jurisprudence ne justifie pas de modifier des décisions de prestations assorties d'effets durables lorsque l'application de la nouvelle jurisprudence s'opère au détriment des assurés (ATF 141 V 585 consid. 5.2 ; ATF 135 V 215 consid. 5.1.3 ; ATF 135 V 201 consid. 6.1.3 = RDAF 2010 I 375 [rés.]). Dans les cas où une telle adaptation (dans le sens d'une réduction) a été admise (ATF 112 V 387 confirmé par l'ATF 115 V 308), le Tribunal fédéral des assurances a précisé qu'il s'agissait d'une situation exceptionnelle - au regard des critères étrangers à l'affaire sur lesquels se fondait la jurisprudence antérieure -, laquelle exigeait une solution particulière (ATF 115 V 308 consid. 4b ; cf. aussi ATF 121 V 157 consid. 4b p. 162). En faveur des assurés, le Tribunal fédéral des assurances a en revanche admis une adaptation à des conditions moins strictes, dans des cas particuliers (ATF 141 V 585 consid. 5.2 ; ATF 135 V 215 consid. 5.1.3 ; ATF 135 V 201 consid. 6.1.3 = RDAF 2010 I 375 [rés.] ; ATF 107 V 153 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 222/99 précité consid. 3b, SVR 2001 ALV n. 4 p. 9).

e. Les aspects liés à la sécurité du droit et - en cas d'adaptation au détriment de l'assuré - à la confiance dans le maintien de prestations étatiques une fois accordées peuvent entrer en conflit avec l'intérêt public à une mise en oeuvre de l'assurance conforme au droit et objectivement justifiable. La résolution de ce conflit passe par une pesée des intérêts concernés qui comprend un jugement de valeurs. En fin de compte, la jurisprudence en matière de droit des assurances sociales repose donc aussi sur une pesée des intérêts. Dès lors que dans le droit des assurances sociales, un changement de jurisprudence concerne souvent un grand nombre de cas, qui présentent en règle générale une constellation semblable en ce qui concerne les conditions du droit aux prestations, le principe de l'égalité de traitement des personnes touchées par une éventuelle adaptation des rentes revêt une importance considérable. De ce point de vue, il n'apparaît pas justifié de tenir compte dans chaque cas particulier des effets individuels et concrets d'une adaptation. Ainsi, on ne voit pas d'emblée pour quelle raison un assuré, qui, confiant dans le fait que la rente est en cours, a loué un appartement plus cher, ne devrait pas voir ses prestations réduites, contrairement à un assuré plus économe. La constellation de départ « typique » dans le droit des assurances sociales requiert au contraire une solution uniforme pour l'ensemble des personnes concernées. À cet égard, en cas de suppression ou de réduction de rentes, où en plus de l'aspect de la sécurité du droit, celui de la confiance suscitée joue également un rôle, les éléments qui parlent en faveur du maintien de la prestation prennent en règle générale le pas sur l'égalité de traitement entre les bénéficiaires d'une rente et les personnes qui viennent juste de requérir une telle prestation. Pour justifier une adaptation de la jurisprudence modifiée à une décision de prestations, assortie d'effets durables, entrée en force, en plus de la portée générale de cette jurisprudence nouvelle (qui ne suffit à elle seule pas), des éléments qualifiés doivent être réunis qui laisseraient apparaître la
non-application du changement de la pratique judiciaire à des prestations en cours comme incompatible avec le principe de l'égalité de traitement. Un tel élément existe lorsque l'ancienne jurisprudence ne trouve application qu'à un petit nombre de personnes concernées, de sorte qu'elles apparaissent privilégiées (ou discriminées), de même que si l'octroi de la prestation ne peut simplement plus être justifié du point de vue de la nouvelle jurisprudence. Dans son résultat, cette jurisprudence correspond dans une large mesure à celle des Cours de droit public du Tribunal fédéral, laquelle n'admet une intervention dans un rapport de droit durable en raison d'un changement de jurisprudence que si des intérêts publics prépondérants sont concernés (ATF 141 V 585 consid. 5.2 ; ATF 135 V 215 consid. 5.2, 5.3 et 5.4 et les références citées ; ATF 135 V 201 consid. 6.2, 6.3 et 6.4 = RDAF 2010 I 375 [rés.]).

f. S'agissant en particulier de la problématique des troubles somatoformes douloureux, le Tribunal fédéral a considéré que la précision de jurisprudence qui les concernait et qui énonçait des critère précis (ATF 130 V 352) ne saurait constituer un motif de reconsidération (au sens de l'art. 53 al. 2 LPGA) de la décision de rente (arrêt du Tribunal fédéral I 138/07 du 25 juin 2007 consid. 4, SVR 2008 IV n. 5 p. 12), pas plus qu'elle ne justifie, au titre d'une adaptation à un changement des fondements juridiques, de réduire ou de supprimer des rentes en cours, qui ont été allouées par le passé à des assurés souffrant de troubles somatoformes douloureux. En effet, l'ATF 130 V 352 n'a pas modifié la situation juridique en ce sens qu'une rente aurait été d'emblée allouée par le passé en cas de diagnostic de troubles somatoformes douloureux, alors que cela serait désormais exclu. Le diagnostic de troubles somatoformes douloureux peut conduire - avant comme après l'arrêt ATF 130 V 352 - tant à l'admission qu'au rejet du droit à la rente. L'octroi de rentes dans le passé n'apparaît dès lors ni contraire au droit, ni inapproprié ou encore choquant dans la perspective actuelle. Aussi, une adaptation des rentes en cours ne se justifie-t-elle pas du point de vue de la mise en oeuvre de l'assurance conforme au droit et objectivement justifiable. Par ailleurs, on ne se trouve pas ici dans un cas où, sous l'angle du principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.), une adaptation par le juge s'impose en particulier lorsque les décisions fondées sur l'ancienne jurisprudence ne valent plus que pour un petit nombre d'assurés : au regard du fait que le diagnostic de « troubles somatoformes douloureux » a pris une nette importance depuis le début des années nonante, la question de l'adaptation se poserait pour un grand nombre de rentes en cours. En raison du principe de l'égalité de traitement, l'administration serait tenue de soumettre tous les cas de ce genre à un examen, qui ne pourrait se limiter du point de vue de son contenu à certains aspects limités, mais devrait porter dans chaque cas particulier sur les critères nuancés dégagés dans l'ATF 130 V 352. Enfin, dans l'appréciation de l'exigibilité, il y aurait lieu de tenir compte de façon appropriée du fait que l'intéressé a bénéficié jusque-là d'une rente de manière conforme au droit et de la situation qui en est résultée. À cet égard, la doctrine exige que soit effectuée une soigneuse pesée des intérêts, sur la base de laquelle il y aurait lieu d'examiner si une adaptation dans le cas concret apparaît conforme au principe de la proportionnalité. La discussion porte donc sur l'appréciation d'un grand nombre de cas, qui supposent un examen étendu et dont le résultat est incertain. Dans ces circonstances, les conditions strictes, exposées plus haut, de l'application par le juge d'un changement de jurisprudence à des prestations en cours qui ont fait l'objet d'une décision entrée en force ne sont pas réalisées (ATF 135 V 215 consid. 6 et les références citées, dont le consid. 7 a de surcroît retenu que l'art. 7 al. 2 LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2008, ne correspond pas à une modification du droit en tant que telle, mais à l'inscription dans la loi de la jurisprudence dégagée jusqu'alors sur la notion d'invalidité, de sorte qu'il ne peut pas être considéré comme un fondement légal pour modifier des rentes qui ont fait l'objet d'une décision entrée en force ;
ATF 135 V 201 consid. 7 = RDAF 2010 I 375 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_675/2008 du 12 mai 2009 consid. 5.3 ; ATAS/757/2015 du 12 octobre 2015 consid. 7c ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 67 ad art. 31 LAI ; Ulrich MEYER/Marco REICHMUTH, op. cit., n. 68 ad art. 30-31 LAI).

La nouvelle jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), n'a pas non plus été considérée par le Tribunal fédéral comme justifiant des révisions - à la demande d'assurés - de décisions entrées en force qui leur avaient refusé des prestations. En effet, la jurisprudence créée par l'ATF 130 V 352 pouvait conduire tout autant à l'approbation qu'à la négation du caractère invalidant d'un trouble somatoforme douloureux persistant ou d'un « tableau » douloureux équivalent, et ceci vaut aussi dans le cadre de la nouvelle jurisprudence introduite par
l'ATF 141 V 281. Cette dernière jurisprudence n'entraîne pas une modification des conditions pour les demandes de prestations, mais met en place une nouvelle procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs, sans augmenter a priori les chances d'obtenir des prestations. Les refus de rentes prononcés sous l'ancienne pratique (ATF 130 V 352) n'apparaissent pas, à l'aune de cette nouvelle jurisprudence (ATF 141 V 281) et à l'aune de l'art. 7 al. 2 LPGA, comme contraires au droit, inappropriés ou simplement injustifiables. Partant, il n'y a pas lieu de s'écarter du principe de non-application d'un changement de jurisprudence tel qu'exposé plus haut, des motifs importants conduisant à une autre conclusion n'étant ni invoqués ni visibles (ATF 141 V 585 consid. 5.3).

Il est rappelé que cette nouvelle jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281) s'est ultérieurement étendue à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5 ; ATF 143 V 418 consid. 6, 7 et 8).

g. La nouvelle jurisprudence introduite le 11 juillet 2019 par l'ATF 145 V 215 concernant les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances s'applique immédiatement et vaut pour les cas futurs, ainsi que pour les affaires pendantes devant un tribunal au moment de l'adoption de la modification jurisprudentielle (ex nunc et pro futuro ; ATF 140 V 154 consid. 6.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_259/2019 précité consid. 5.1 ; ATAS/773/2019 précité consid. 10c).

Tant que la décision initiale de l'OAI querellée n'est pas entrée en force, la modification de jurisprudence du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215) doit être prise en considération pour résoudre le litige (ATAS/1036/2019 du 12 novembre 2019 consid. 17). Ceci vaut également lorsque l'office est entré en matière sur une nouvelle demande de prestations AI, mais l'a rejetée, sous l'angle de
l'art. 17 al. 1 LPGA, puisque ladite autorité doit examiner l'affaire quant au fond (arrêt du Tribunal fédéral 8C_259/2019 précité ; ATAS/1183/2019 du 5 décembre 2019 consid. 14). En effet, une administration ne saurait limiter son examen à la question de savoir si un changement important susceptible d'influencer le degré d'invalidité s'est produit, lorsqu'elle entre en matière sur une nouvelle demande au sens de l'art. 87 al. 3 (et ancien al. 4) RAI, étant donné que, se saisissant du fond d'une nouvelle demande, elle doit en instruire tous les aspects (médicaux et juridiques, notamment) et déterminer si la modification de l'invalidité s'est effectivement produite, comme si elle se prononçait pour la première fois sur le droit aux prestations (ATF 117 V 198 consid. 3 et 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 31
ad art. 31 LAI).

7.        a. Dans le cas présent, à la date du prononcé le 11 juillet 2019 de l'ATF 145 V 215, modifiant la jurisprudence du Tribunal fédéral afférente aux syndromes de dépendance et aux troubles liés à la consommation de substances, le recourant faisait l'objet d'une décision de refus de toutes prestations AI rendue le 19 septembre 2019 par l'intimé et entrée en force.

La question de savoir si ce changement de jurisprudence peut être appliqué, ex nunc et pro futuro, à des assurés atteints de syndromes de dépendance et de troubles liés à la consommation de substances malgré des décisions de refus entrées en force antérieures audit 11 juillet 2019 a été récemment tranchée par la chambre de céans dans un arrêt de principe (ATAS/394/2021 du 29 avril 2021). En application de ce dernier, il convient de retenir ce qui suit :

b. Tout d'abord, la présente situation se distingue en grande partie de celle faisant l'objet de l'abondante jurisprudence citée plus haut (en particulier ATF 141 V 585 consid. 5.2 ; ATF 135 V 215 ; ATF 135 V 201 = RDAF 2010 I 375 [rés.]) concernant la réduction ou la suppression de prestations durables octroyées à des assurés par une décision entrée en force, suite à une nouvelle jurisprudence. Contrairement à cette dernière situation, on se trouve en l'espèce dans un cas où le changement de jurisprudence est potentiellement favorable à un nombre non négligeable d'assurés qui, à l'instar de l'intéressé, souffrent de syndromes de dépendance et de troubles liés à la consommation de substances et qui, comme lui, se sont vu refuser toute prestation AI au motif que ceux-ci étaient primaires et non pas secondaires à d'autres affections.

Certes, le recourant se trouve dans une situation où l'application de la nouvelle jurisprudence (ATF 145 V 215) pourrait conduire tout autant à l'approbation qu'à la négation du caractère invalidant des troubles invoqués, comme tel était le cas, de manière similaire, pour les assurés qui avaient fait l'objet d'une décision de refus de toutes prestations fondée sur l'ATF 130 V 352 et qui en sollicitaient la révision afin que soient appliqués à leur situation les critères (indicateurs) de l'ATF 141 V 281 (ATF 141 V 585). Toutefois, la situation initiale de l'intéressé diffère de celle des assurés concernés par l'ATF 141 V 585, dans la mesure où les syndromes de dépendance et troubles liés à la consommation de substances dont il souffre ont initialement été qualifiés de primaires (et non secondaires) et, partant, ont été exclus de toute évaluation allant au-delà de cette qualification et donc de toute possibilité d'obtenir de quelconques prestations de l'AI. Ainsi, à la différence des personnes concernées par l'ATF 141 V 585, l'application de la nouvelle jurisprudence de l'ATF 145 V 215 représenterait pour l'assuré une nette amélioration de ses chances d'obtenir des prestations de l'AI par rapport à sa situation initiale. Elle exigerait en particulier un examen approfondi de sa situation, notamment médicale, à l'aune de la procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs utilisée initialement pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 218), qui pourrait seulement conduire soit au statu quo, soit à l'octroi de mesures professionnelles ou d'une rente d'invalidité, qu'elle soit entière ou partielle
(art. 28 al. 2 LAI), sans que le caractère primaire ou secondaire de ses troubles puisse être pertinent, ce alors qu'une telle procédure d'évaluation et toute possibilité d'obtenir des prestations étaient jusqu'alors exclues pour lui. Le recourant se trouve à cet égard dans le cas présent dans une situation proche de celle où est adoptée une disposition légale octroyant des prestations à des personnes qui n'en bénéficiaient pas auparavant, par exemple par une modification en leur faveur des conditions d'octroi.

Ensuite, le principe de l'égalité de traitement tend à ce que les personnes assurées qui font l'objet d'une décision de refus entrée en force rendue avant la modification de jurisprudence (ATF 145 V 215) soient traitées de manière similaire par rapport à celles dont la demande de prestations AI était en cours au moment de l'adoption de cette nouvelle jurisprudence ou qui ont déposé une demande après celle-ci. La présente situation est proche de celle des cas cités plus haut où le Tribunal fédéral des assurances a admis l'application de changements de jurisprudence ou de pratique administrative en faveur d'assurés, dont les conditions sont moins restrictives qu'en cas de modification défavorable à ceux-ci.

Par ailleurs, l'intérêt public à l'application conforme du droit ne s'oppose aucunement à une application de la nouvelle jurisprudence introduite par
l'ATF 145 V 215 aux assurés qui ont fait l'objet d'une décision de refus entrée force rendue avant ladite modification jurisprudentielle et dont les syndromes de dépendance et troubles liés à la consommation de substances ont été qualifiés de primaires et donc exclus de toute évaluation allant au-delà de cette qualification, mais est au contraire en faveur d'une telle application. D'autres éventuels intérêts publics, visant par exemple à limiter les coûts de l'AI, ne seraient pas d'un poids suffisant pour s'y opposer. À cet égard, la question de savoir si les personnes concernées sont ou non nombreuses importe peu. Au surplus, le principe de la confiance ne serait aucunement heurté en cas d'application immédiate de cette nouvelle jurisprudence, la sécurité du droit non plus du reste, s'agissant de l'éventuel octroi ex nunc et pro futuro de prestations AI à des assurés qui n'en recevaient jusqu'à présent aucune.

Vu ce qui précède, il y a lieu de retenir que l'ATF 145 V 215 a une telle portée générale que ne pas l'appliquer au recourant le discriminerait de manière choquante par rapport aux assurés dont la demande de prestations AI était en cours au moment de l'adoption de cette nouvelle jurisprudence ou qui ont déposé une demande après celle-ci. Une telle solution, qui n'est soutenue par aucun intérêt public pertinent, ne serait pas compatible avec le principe de l'égalité de traitement, tant on voit mal ce qui justifierait une telle différence de traitement, et compte tenu de surcroît de la grande importance que pourrait représenter pour l'intéressé l'octroi éventuel de prestations AI.

c. Au surplus, au regard des pièces du dossier, notamment des avis des Drs D______, C______ et des HUG (du 7 octobre 2015), on ne peut pas d'emblée conclure au caractère superflu d'un examen des indicateurs standards pour le cas de l'intéressé, selon la jurisprudence citée plus haut.

d. Partant, le changement de jurisprudence susmentionné doit s'appliquer au recourant, par une entrée en matière sur sa demande de prestations AI déposée le 25 novembre 2019 et par un traitement de cette demande, d'une manière similaire à celle d'une entrée en matière dans le cadre d'un examen sous l'angle des art. 87 al. 2 et 3 RAI ainsi que, par analogie, 17 LPGA.

8.        En conséquence, le recours sera admis, la décision querellée annulée et la cause renvoyée à l'intimé pour entrée en matière sur la demande de prestations AI déposée par le recourant, instruction et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

Le recourant, qui obtient gain de cause, et qui est représenté par un mandataire a droit à une indemnité, qui sera fixée à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision de l'intimé du 1er décembre 2020.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour entrée en matière sur la demande de prestations de l'assurance-invalidité déposée le 25 novembre 2019 par le recourant, instruction et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Alloue une indemnité de CHF 2'000.- au recourant, à la charge de l'intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le