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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4777/2019

ATAS/1248/2020 du 21.12.2020 ( AVS ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.02.2021, rendu le 05.04.2022, REJETE, 9C_123/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4777/2019 ATAS/1248/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 décembre 2020

10ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CRANS-MONTANA

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé ou le recourant), ressortissant français né en 1957, s'est établi à Genève le 10 avril 2006, en provenance du Luxembourg. Il a déménagé à B______, Valais, le 31 décembre 2016.

2.        Par courrier du 15 mars 2019, la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la Caisse ou l'intimée) a rappelé à l'intéressé que les personnes sans activité lucrative domiciliées en Suisse avaient l'obligation de verser des cotisations aux assurances sociales suisses, ce qui impliquait l'obligation d'être affiliées à la caisse cantonale de compensation de leur lieu de domicile. Afin de procéder à l'affiliation de l'intéressé, elle l'a invité à lui retourner un questionnaire et à produire ses déclarations d'impôts complètes et les justificatifs de ses moyens d'existence pour les années 2014 à 2016.

3.        Par courrier du 8 avril 2019, l'intéressé a indiqué à la Caisse qu'il n'était pas concerné par sa demande, dès lors qu'il n'avait pas eu d'activité lucrative de 2014 à 2016. Il a précisé ne jamais avoir perçu « de prestations » depuis son arrivée en Suisse, ce dont il s'est dit très fier. Il s'était en revanche acquitté d'impôts importants. Il a ajouté qu'il avait fait valoir ses droits à la retraite en France à partir du 1er mai 2019. Dans ce cadre, il a fait grief à la Caisse de ne pas avoir transmis certains documents à la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail (ci-après : CARSAT), sa caisse de retraite en France, et l'a invitée à s'en expliquer.

4.        Dans son courrier du 25 avril 2019, la Caisse a derechef requis de l'intéressé la production de ses attestations annuelles de salaire et de ses déclarations d'impôts de 2014 à 2016, en Suisse ou à l'étranger. Sa demande concernant la transmission des pièces à la CARSAT ferait l'objet d'une réponse du service compétent.

5.        Le 17 mai 2019, l'intéressé a répondu à la Caisse qu'il n'avait jamais perçu de salaire depuis son arrivée en Suisse. Il avait adressé ses déclarations d'impôts à l'administration fiscale genevoise pour les années 2014 à 2016. Il ne souhaitait pas fournir ces déclarations s'il n'y était pas contraint. Il attendait toujours une réponse concernant sa retraite et était désappointé par le silence de la Caisse sur ce point, et il se demandait s'il s'agissait d'une sanction. Il a précisé qu'il avait choisi une adresse en France pour sa demande officielle de retraite.

6.        Le 6 juin 2019, la Caisse a rendu les quatre décisions suivantes :

a.         décision affiliant l'intéressé du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 comme personne sans activité lucrative, conformément aux informations transmises par l'administration fiscale ;

b.         décision fixant les cotisations personnelles de l'intéressé pour l'année 2014 à CHF 480.- et les frais d'administration à CHF 24.-, précisant que les cotisations étaient fondées sur la fortune nette communiquée par l'autorité fiscale, soit CHF 180'294.- au 31 décembre 2014, ce qui correspondait à un montant déterminant pour l'AVS de CHF 150'000.-. Selon l'avis joint, les cotisations étaient assorties d'intérêts moratoires de CHF 111.70 ;

c.         décision fixant les cotisations personnelles de l'intéressé pour l'année 2015 à CHF 824.- et les frais d'administration à CHF 41.20, précisant que les cotisations étaient fondées sur la fortune nette communiquée par l'autorité fiscale, soit CHF 458'353.- au 31 décembre 2015, ce qui correspondait à un montant déterminant pour l'AVS de CHF 450'000.-. Selon l'avis joint, les cotisations étaient assorties d'intérêts moratoires de CHF 148.55 ;

d.        décision fixant les cotisations personnelles de l'intéressé pour l'année 2016 à CHF 478.- et les frais d'administration à CHF 23.90, précisant que les cotisations étaient fondées sur la fortune nette communiquée par l'autorité fiscale au 31 décembre 2016, soit CHF 42'372.-. Selon l'avis joint, les cotisations étaient assorties d'intérêts moratoires de CHF 61.05.

7.        Le 2 juillet 2019, l'intéressé s'est opposé à la décision de la Caisse du 6 juin 2019 portant sur son affiliation, qu'il n'avait jamais sollicitée. Il « ne validait pas » les décisions de cotisations personnelles pour les années 2014 à 2016 et attirait l'attention de la Caisse sur le fait qu'elle avait déjà essayé de le considérer comme salarié quelques années auparavant, alors qu'il était indépendant. Aujourd'hui, elle « réessayait ». Il a répété qu'il avait demandé sa rente auprès de la CARSAT, compétente dans la gestion de sa retraite. Il habitait Paris depuis le 1er mai 2019. Il n' « autorisait pas la Caisse à gérer son dossier ».

8.        Par décision du 27 novembre 2019, la Caisse a écarté l'opposition de l'intéressé. Après avoir rappelé les principes applicables aux personnes sans activité lucrative en matière de cotisations sociales, elle a souligné qu'elle avait établi ses décisions de cotisations sur les communications fiscales, dont elle ne pouvait s'écarter. Ces communications avaient fait état d'une fortune de CHF 180'294.- en 2014, de CHF 458'353.- en 2015 et de CHF 42'372.- en 2016. L'intéressé ne contestait pas ces montants, mais uniquement son affiliation et les décisions de cotisations, pourtant fondées dans la mesure où il n'avait pas encore atteint l'âge légal de la retraite en 2016 et qu'il admettait n'avoir perçu aucun salaire pendant la période litigieuse. L'absence de revenus était confirmée par les communications de l'administration fiscale cantonale, lesquelles ne mentionnaient que la fortune de l'intéressé. Ainsi, c'était à bon droit que la Caisse avait affilié l'assuré et l'avait taxé en qualité de personne sans activité lucrative.

9.        Le 30 décembre 2019, l'intéressé a interjeté recours contre la décision sur opposition de la Caisse auprès de la chambre de céans.

10.    Par écriture du 15 janvier 2020, « annulant et remplaçant le recours du 30 décembre 2020 », le recourant a notamment exposé les difficultés rencontrées dans les relations entre la société qu'il avait créée en Suisse et l'intimée, qui avait indûment requis le paiement de cotisations de la part de cette société. Il est également longuement revenu sur sa couverture pour maladie, affirmant avoir été assuré tant en Suisse qu'au Luxembourg et avoir obtenu une dispense d'assurance en Suisse.

S'agissant des cotisations requises par l'intimée, il a affirmé n'avoir jamais été salarié en Suisse, comme cela ressortait des déclarations adressées depuis 2006 par sa société à l'intimée. Il considérait la demande de l'intimée comme une « duperie », car elle intervenait après une demande de retraite déposée auprès de la CARSAT par l'intermédiaire de la caisse de compensation du canton du Valais. En effet, l'intimée avait à la fois exigé le paiement de cotisations, tout en indiquant à la CARSAT que le recourant n'avait jamais cotisé en Suisse. À la suite de cette information, la CARSAT avait procédé à un nouveau calcul de la retraite du recourant le 20 août 2019, dont le taux était désormais de 37.5 % au lieu de 50 % pour 123 trimestres, eu égard à l'absence de cotisations en Suisse, alors qu'elle avait retenu 139 trimestres dans son calcul initial du 14 juin 2019. Il a évoqué une minoration de 22 % de sa retraite complémentaire « AGIRC ARRCO tranche A et tranche B », correspondant à EUR 418.-, qui résultait du fait qu'il n'avait pas cotisé en Suisse. Il avait accepté cette situation lors de son arrivée en Suisse, car il savait qu'il avait suffisamment cotisé pour obtenir une retraite correcte. L'attitude de l'intimée était condamnable. Il a donné des précisions sur les calculs alternatifs de sa rente au Luxembourg. Il avait déclaré une adresse secondaire à Paris chez sa fille pour verser sa retraite et s'occuper des démarches avec la CARSAT. Il ne demandait rien en Suisse pour sa retraite. Il a conclu au « rejet de la demande » de l'intimée, subsidiairement à ce que l'intimée apporte un démenti à la CARSAT en France et à la CNAP au Luxembourg concernant ses cotisations dans l'hypothèse où il serait condamné à les verser par la chambre de céans, préalablement à ce que l'intimée établisse « la conséquence financière pour la pension future du recourant en Suisse », « [à ce que la chambre de céans soit] attentive au recours » interjeté contre la décision de la caisse de compensation du canton du Valais, qui exigeait également de lui des cotisations pour les années 2017 à 2019 ; à ce qu'il lui soit alloué un montant de CHF 2'000.- « pour gestion déloyale de ce dossier et duperie », affirmant que les informations données à la CARSAT entraînaient pour lui un important préjudice, sa retraite ayant été retardée. Il avait dû consacrer beaucoup de temps aux démarches pour obtenir sa pension. L'intimée le harcelait et le menaçait depuis le 15 mars 2019.

11.    Dans sa réponse du 30 janvier 2020, l'intimée a conclu au rejet du recours. Elle a relevé que le recourant n'avait produit aucune pièce démontrant qu'il se serait acquitté de cotisations sociales dans un autre État. Il ne démontrait pas être doublement assujetti et n'exposait pas pourquoi il devrait être exempté du paiement de cotisations sociales. Il avait pourtant été invité par l'intimée à produire tout document attestant sa situation. L'obligation d'instruire d'office les faits de l'intimée était restreinte par le devoir du recourant de collaborer à leur établissement. Au vu des éléments en sa possession, c'était à bon droit qu'elle avait établi les décisions querellées, les montants y étant mentionnés n'étant par ailleurs pas contestés par le recourant.

12.    Par écriture du 12 février 2020, le recourant a affirmé que l'intimée avait esquivé les questions de fond de son recours. Il ne comprenait pas l'allusion à ses revenus passés, qui avaient été imposés de 2006 à 2016 par l'administration fiscale genevoise

Il se demandait pourquoi l'intimée lui demandait de cotiser pour les années 2014 à 2016 spécifiquement. Elle ne donnait aucune information sur la conséquence des cotisations tardives qui lui étaient demandées. Dans ces conditions, cela s'apparentait à une taxation sans lien avec un bénéfice ultérieur. Il avait réglé les impôts dus pour cette période, et la demande de l'intimée ne reposait pas sur une explication sérieuse. Il a repris ses conclusions du 15 janvier 2020.

13.    Par écriture du 26 février 2020, l'intimée a implicitement renoncé au dépôt d'une duplique.

14.    Copie de cette écriture a été adressée au recourant le 2 mars 2020.

15.    À la même date, les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger le 23 mars 2020.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Le recours a été déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA).

Le recourant a en outre pris plusieurs conclusions dont la recevabilité est douteuse, dès lors qu'elles excèdent l'objet du litige. Il en va notamment ainsi de l'exhortation de la chambre de céans à « être attentive » à l'autre recours déposé à l'encontre d'une décision de la caisse de compensation du canton du Valais, du calcul préalable de sa rente de vieillesse suisse et des consignes qu'il veut voir donner à l'intimée quant aux indications à fournir aux institutions de retraite étrangères. Ces deux dernières requêtes en particulier ne pourraient être examinées que dans le cadre d'un (nouveau) calcul du droit à la rente par les institutions compétentes.

3.        L'objet du litige porte sur l'obligation du recourant de s'acquitter de cotisations sociales à titre de personne sans activité lucrative de 2014 à 2016.

Les décisions confirmées sur opposition comprennent notamment une décision d'affiliation du recourant. On peut s'interroger sur la validité de cette décision, dont la portée est constatatoire. En effet, l'autorité ne peut rendre une telle décision que lorsqu'il existe un intérêt digne de protection (ATF 130 V 391 consid. 2.4). Or, dès lors que l'intimée pouvait rendre des décisions condamnatoires - ce qu'elle a fait en notifiant à la même date au recourant les décisions lui réclamant les cotisations arriérées - un tel intérêt paraît faire défaut (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 117/05 du 14 février 2006 consid. 2.2). La question de savoir si c'est à juste titre que le recourant a été affilié à l'AVS peut être analysée dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions fixant les cotisations. Lorsqu'une décision constatatoire a été rendue sans qu'un intérêt digne de protection n'existe, il y a lieu d'annuler d'office cette décision, rendue à tort (ATF 129 V 289 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_737/2010 du 18 juin 2011 consid. 4.6).

En l'espèce, la chambre de céans renoncera toutefois à annuler formellement la décision d'affiliation du 6 juin 2019, qui n'a qu'un caractère préparatoire par rapport aux autres décisions fixant les cotisations, dès lors que ce point n'a guère d'incidence sur l'issue du litige.

4.        En préambule, la chambre de céans relève que la présente cause révèle un élément d'extranéité puisque le recourant, s'il était domicilié en Suisse pendant la période litigieuse, est de nationalité française (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_156/2010 du 20 avril 2011 consid. 3). Dans ces circonstances, le juge examine d'office la question du droit applicable au litige (ATF 130 I 312 consid. 1.2).

L'art. 153a LAVS prévoit pour les personnes qui sont ou qui ont été soumises à la législation sur la sécurité sociale de la Suisse ou d'un ou de plusieurs États de l'Union européenne et qui sont des ressortissants suisses ou des ressortissants de l'un des États de l'Union européenne, que les actes ci-après, dans leur version qui lie la Suisse en vertu de l'annexe II, section A, de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) sont applicables aux prestations comprises dans le champ d'application de la présente loi : le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1) ; le règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.11) (let. b) ; le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (let. c) ; le règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n°1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (let. d).

Aux termes de l'art. 11 § 3 let. e du règlement n° 883/2004, la législation de l'État membre de résidence est applicable aux personnes qui ne sont pas énumérées aux lettres a à d, sous réserve des art. 12 à 16. Cette disposition prévoit le rattachement à la législation de l'État membre de résidence pour les personnes inactives économiquement (ATF 140 V 98 consid. 8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2019 du 10 juillet 2019 consid. 8.2).

Le recourant ayant été domicilié en Suisse durant les années 2014 à 2016 sans y avoir exercé d'activité lucrative, c'est ainsi le droit suisse qui lui est applicable pendant cette période.

5.        Aux termes de l'art. 1a al. 1 let. a LAVS, sont assurées au sens de cette loi notamment les personnes physiques domiciliées en Suisse.

Les caisses cantonales de compensation doivent veiller à l'affiliation de toutes les personnes tenues de payer des cotisations, conformément à l'art. 63 al. 2 LAVS.

Dès lors que le recourant ne conteste pas sa domiciliation en Suisse pendant la période en cause, il est assujetti au versement des cotisations. Son argumentation, selon laquelle la perception de cotisations sociales serait une taxation qui ne lui amènerait aucun bénéfice, ne justifie pas de déroger à cette disposition. Il convient en effet de rappeler que l'esprit même du système sur lequel repose l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité - assurance sociale basée sur le principe de la solidarité - exige que toute personne domiciliée en Suisse y participe (ATF 138 V 197 consid. 2.1). De plus, si le principe de solidarité dans l'AVS implique en principe l'absence d'équivalence, l'affiliation obligatoire peut apporter un bénéfice à une personne sans activité lucrative, qui peut en principe bénéficier en fonction de la durée de cotisation d'une rente de vieillesse suisse en complément de sa ou de ses rente(s) étrangère(s) (arrêts du Tribunal fédéral 9C_850/2016 du 26 mai 2017 consid. 4.3 et 9C_171/2016 du 15 juin 2016 consid. 4.1).  

On précisera encore, bien que le recourant n'invoque pas expressément cette disposition, que l'art. 16 § 2 du règlement n° 883/2004 ne lui est pas applicable. Cette disposition arrête que la personne qui perçoit une pension ou des pensions en vertu de la législation d'un ou de plusieurs États membres et qui réside dans un autre État membre peut être exemptée, à sa demande, de l'application de la législation de ce dernier État, à condition qu'elle ne soit pas soumise à cette législation en raison de l'exercice d'une activité salariée ou non salariée. En effet, la jurisprudence a confirmé que le refus d'exempter de l'assujettissement à l'AVS un justiciable dans une situation analogue à celle du recourant ne viole pas cette disposition, qui correspond à l'ancien art. 17bis du règlement 1408/71 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_602/2015 du 7 janvier 2016 consid. 3.5 concernant un assuré belge résidant en Suisse sans y exercer d'activité lucrative et percevant une pension de vieillesse anticipée luxembourgeoise). Il n'existe aucune raison de s'écarter de cette analyse, a fortiori dès lors que le recourant ne recevait aucune pension étrangère entre 2014 et 2016.

L'assujettissement du recourant à l'AVS est ainsi conforme au droit.

6.        S'agissant du montant des cotisations, la chambre de céans rappelle ce qui suit.

a. Selon l'art. 10 LAVS dans sa version en force depuis le 1er janvier 2012, les assurés n'exerçant aucune activité lucrative paient une cotisation selon leur condition sociale. La cotisation minimale est de CHF 409.-, la cotisation maximale correspond à 50 fois la cotisation minimale. Les assurés qui exercent une activité lucrative et qui paient moins de CHF 409.- pendant une année civile, y compris la part d'un éventuel employeur, sont considérés comme des personnes sans activité lucrative. Le Conseil fédéral peut majorer ce montant selon la condition sociale de l'assuré pour les personnes qui n'exercent pas durablement une activité lucrative à plein temps (al. 1). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions plus détaillées sur le cercle des personnes considérées comme n'exerçant pas d'activité lucrative ainsi que sur le calcul des cotisations. Il peut prévoir qu'à la demande de l'assuré, les cotisations sur le revenu du travail sont imputées sur les cotisations dont il est redevable au titre de personne sans activité lucrative (al. 3).

Aux termes de l'art. 28 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, les cotisations des personnes sans activité lucrative, pour lesquelles la cotisation minimale de CHF 392.- par année (art. 10 al. 2 LAVS) n'était pas prévue, étaient déterminées sur la base de leur fortune et du revenu qu'elles tiraient des rentes. Les cotisations se calculaient sur la fortune ou le revenu annuel acquis sous forme de rente, multiplié par 20. Une cotisation annuelle de CHF 420.- était due pour les revenus de CHF 300'000.- à CHF 1'750'000.-, avec un supplément de CHF 84.- pour chaque tranche supplémentaire de CHF 50'000.- de fortune ou de revenu acquis sous forme de rente, multiplié par 20 (al. 1). Pour calculer la cotisation, on arrondissait la fortune aux CHF 50'000.- inférieurs, compte tenu du revenu annuel acquis sous forme de rente multiplié par 20 (al. 3).

b. Jusqu'au 31 décembre 2019, conformément à l'art. 3 al. 1bis de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20), les personnes n'exerçant aucune activité lucrative payaient une cotisation en fonction de leur condition sociale. La cotisation minimale s'élevait à CHF 65.- par an pour l'assurance obligatoire et à CHF 132.- pour l'assurance facultative au sens de l'art. 2 LAVS. La cotisation maximale correspondait à 50 fois la cotisation minimale de l'assurance obligatoire.

c. L'art. 27 al. 2 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1) dispose en substance que les assurés n'exerçant aucune activité lucrative paient une cotisation en fonction de leur condition sociale. La cotisation minimale ne peut être supérieure à CHF 21.- par an. La cotisation maximale correspond à 50 fois la cotisation minimale. Les cotisations de ces assurés et les cotisations calculées selon le barème dégressif sont échelonnées de la même manière que les cotisations dues à l'AVS.

7.        Par l'adoption des art. 10 LAVS et 28 RAVS, il s'est agi de trouver des modalités de perception des cotisations qui tiennent compte de la capacité contributive du débiteur de cotisations en fonction de ses ressources (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 223/01 du 16 octobre 2001 consid. 3b). Le Tribunal fédéral des assurances a toujours admis la légalité de la solution édictée par le Conseil fédéral pour fixer les cotisations sur la base du revenu sous forme de rente (ATF 126 V 421 consid. 3a, ATF 105 V 241 consid. 2 et les références). Il a également confirmé la légalité de l'art. 28 RAVS après sa modification entrée en force le 1er janvier 2012, laquelle a eu pour effet d'augmenter la cotisation annuelle maximale pour les personnes sans activité lucrative, jusque-là plafonnée à CHF 8'400.-, à CHF 20'450.- (ATF 143 V 254 consid. 6.3).

8.        L'art. 29 RAVS précise que les cotisations sont fixées pour chaque année de cotisation. L'année de cotisation correspond à l'année civile (al. 1). Les cotisations se déterminent sur la base du revenu sous forme de rente acquis pendant l'année de cotisation et de la fortune au 31 décembre. Le revenu sous forme de rente n'est pas annualisé. L'al. 6 est réservé (al. 2). Pour établir la fortune déterminante, les autorités fiscales cantonales se fondent sur la taxation passée en force de l'impôt cantonal. Elles tiennent compte des valeurs de répartition intercantonales (al. 3). La détermination du revenu acquis sous forme de rente incombe aux caisses de compensation qui s'assurent à cet effet la collaboration des autorités fiscales du canton de domicile (al. 4).

En vertu de l'art. 23 al. 4 RAVS, applicable aux personnes n'exerçant aucune activité lucrative par renvoi de l'art. 29 al. 7 1ère phrase RAVS, les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales. Toute taxation fiscale est donc présumée conforme à la réalité ; cette présomption ne peut être infirmée que par des faits. Dès lors que les caisses de compensation sont liées par les données fiscales, et que le juge des assurances sociales examine, en principe, uniquement la décision de la caisse quant à sa légalité, le juge ne saurait s'écarter des décisions de taxation entrées en force que si celles-ci contiennent des erreurs manifestes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier d'emblée, ou s'il s'impose de tenir compte d'éléments de fait sans pertinence en matière fiscale mais déterminants sur le plan des assurances sociales. De simples doutes sur l'exactitude d'une taxation fiscale ne suffisent pas. La détermination du revenu est en effet une tâche qui incombe aux autorités fiscales, et il n'appartient pas au juge des assurances sociales de procéder lui-même à une taxation. L'assuré n'exerçant aucune activité lucrative doit donc faire valoir ses droits en matière de taxation - avec les effets que celle-ci peut avoir sur le calcul des cotisations sociales - en premier lieu dans la procédure judiciaire fiscale. Le principe selon lequel l'assuré doit faire valoir ses droits dans la procédure judiciaire fiscale connaît toutefois une exception, lorsque le montant de l'impôt fixé dans la décision de taxation est peu élevé et que l'absence d'une valeur litigieuse suffisante enlève tout motif d'entamer une procédure fiscale. Dans ce cas de figure, un examen autonome des facteurs d'imposition sur lesquels se fonde la décision de cotisations attaquée reste possible. Cette exception doit valoir à plus forte raison dans le cas où il résulte de la taxation qu'aucun impôt n'est dû, puisque le contribuable n'a alors aucune possibilité, faute de lésion, d'emprunter la voie du recours fiscal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_441/2015 du 19 février 2016 consid. 6.4et 6.5).  

9.        En l'espèce, le recourant ne conteste pas l'exactitude des montants de la fortune sur lesquels l'intimée a fondé le calcul des cotisations, qu'elle a tirés des communications fiscales.

La quotité des cotisations - qui ne fait pas non plus l'objet de critiques du recourant - est par ailleurs conforme aux principes et aux taux rappelés ci-dessus.

C'est également à juste titre que l'intimée a requis le versement d'intérêts moratoires sur les arriérés de cotisations. En effet, les créances de cotisations arriérées réclamées pour des années antérieures sont soumises à la perception d'intérêts moratoires dès le 1er janvier qui suit la fin de l'année civile pour laquelle les cotisations sont dues en vertu de l'art. 26 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 41bis al. 1 let. b RAVS. Le taux des intérêts moratoires est de 5 % (art. 7 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 [OPGA - RS 830.11]). Il s'agit d'intérêts compensatoires destinés à compenser l'avantage financier que le débiteur peut tirer en raison du paiement tardif des cotisations tandis que le créancier, de son côté, subit un désavantage. Les intérêts moratoires n'ont pas un caractère pénal et sont dus indépendamment de toute faute du débiteur ou de la caisse de compensation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_119/2013 du 29 août 2013 consid. 7.1).

Quant aux frais d'administration de l'intimée, ils n'excèdent pas le taux maximal de 5 % de la somme des cotisations fixé par l'ordonnance du Département fédéral de l'intérieur (DFI) sur le taux maximum des contributions aux frais d'administration dans l'AVS (RS 831.143.41).

Au vu de ces éléments, la décision de l'intimée écartant l'opposition aux décisions fixant les cotisations dues par le recourant pour les années 2014 à 2016 doit être confirmée.

10.    Compte tenu des circonstances, et bien que la conclusion du recourant tendant à l'allocation d'un montant à titre de « gestion déloyale » excède l'objet du litige et qu'on peine à comprendre sur quelle base légale le recourant entend fonder cette prétention, il n'est pas inutile de souligner que l'intimée est tenue de fournir les renseignements nécessaires à la coordination des prestations à son homologue française en vertu de l'art. 76 du règlement n° 883/2004. C'est donc dans le respect du cadre légal qu'elle a donné des informations à la CARSAT, dont le recourant n'allègue d'ailleurs pas qu'elles seraient erronées.

11.    Mal fondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le