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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2191/2017

ATAS/871/2018 du 01.10.2018 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2191/2017 ATAS/871/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er octobre 2018

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Foyer B______ à GENÈVE, représenté par le CSP-CENTRE SOCIAL PROTESTANT

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), requérant d’asile macédonien né le ______ 1990, est arrivé en Suisse en juin 2011, accompagné par sa mère.

2.        Le 25 février 2014, il a déposé une demande de prestations d’invalidité auprès de l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), en invoquant une spina bifida (déformation vertébrale).

3.        En vue d’instruire sa demande, l’OAI a récolté divers rapports, au nombre desquels figurent :

-          un bilan établi le 30 avril 2012 par Mme B______, ergothérapeute. Il est difficile de communiquer avec l’assuré en raison de ses difficultés linguistiques. Ce dernier est indépendant pour le transfert de son fauteuil roulant vers son lit et vers les WC, mais a besoin d’aide pour les soins. À l’extérieur, sa mère l’accompagne fréquemment car s’il peut se déplacer seul sur terrain plat, il doit être aidé et surveillé lorsque le terrain est en pente ou qu’il doit franchir un trottoir. Il est partiellement dépendant d’autrui pour ses soins et sa douche matinale. Pour aller aux toilettes, il bénéficie de WC adaptés. Il peut s’habiller seul sur son lit mais demande souvent de l’aide en raison de douleurs dorsales. C’est sa mère qui fait généralement les courses et la cuisine. En revanche, il peut s’alimenter et déglutir sans problème ;

-          un rapport du 2 juillet 2013 du Dr C______, médecin auprès du Service de neurorééducation des HUG. L’assuré a été opéré d’une scoliose à trois reprises entre mars et mai 2013. Il porte une sonde urinaire sus-pubienne, et doit être assisté pour l’évacuation des selles. Pour se laver et s’habiller, il est assisté par les soins à domicile le matin et par sa mère le soir, car il ne peut s’occuper que de la partie supérieure du corps. Il se plaint d’un manque de stabilité de son fauteuil roulant et d’une perte d’équilibre, engendrant un risque de chute ;

-          un rapport du 23 janvier 2014 du Dr C______. L’assuré commence à sortir seul dans son quartier avec son fauteuil roulant, mais il a toujours des difficultés pour monter les trottoirs. Son ergothérapeute évalue ledit fauteuil ;

-          deux rapports des 10 mars et 14 juillet 2014 de la Dresse D______, spécialiste en prévention/santé publique et médecin-traitant. L’assuré souffre depuis sa naissance d’une spina bifida, d’une paraplégie complète, d’une cyphoscoliose, d’une displasie des hanches, d’une vessie et d’intestins neurogènes, ainsi que d’un syndrome d’Arnold Chiari. Il présente des limitations en lien avec sa paraplégie et sa déformation rachidienne. Lors de son arrivée en Suisse en 2011, il était déjà incapable de travailler ;

-          un rapport du 25 juillet 2014 du Dr C______, confirmant les diagnostics incapacitants de spina bifida myéloméningocèle opérée ; paraplégie, vessie et intestins neurogènes ; cyphoscoliose sévère opérée ; dysplasie de la hanche, défaut de croissance des membres inférieurs ; syndrome d’Arnold Chiari avec hydrocéphalie traitée dans l’enfance. Jusqu’à son arrivée en Suisse, l’assuré était dépendant de sa mère pour toutes les activités quotidiennes. En 2012, il a été hospitalisé pour des douleurs dorsolombaires, des lésions cutanées, ainsi qu’une incontinence urinaire et fécale. En 2013, il a subi une correction chirurgicale de scoliose. Il reste incapable de sortir seul car il n’a pas pu obtenir le financement d’un système d’entraînement électrique pour son fauteuil roulant. Ses troubles d’équilibre et sa scoliose restreignent sa faculté à porter des objets. Sa capacité de travail est nulle depuis sa naissance.

4.        Par décision du 3 mars 2015, l’OAI a refusé de lui accorder une rente d’invalidité et des mesures d’ordre professionnel, au motif qu’il était déjà invalide lors de son arrivée en Suisse en 2011.

5.        Cette décision est entrée en force.

6.        Le 23 mars 2015, l’assuré a déposé une demande d’allocation pour impotent.

Il avait besoin d’aide pour se vêtir/dévêtir ; se lever/s’asseoir/se coucher ; préparer ses repas et cuisiner ; se laver/se doucher ; aller aux toilettes ; se déplacer à l’intérieur/à l’extérieur sur sa chaise roulante et entretenir des contacts sociaux. En outre, il était quotidiennement assisté par l’IMAD (institution de maintien à domicile) pour des soins médicaux et sa toilette, et avait besoin d’une surveillance personnelle pour ses tâches quotidienne. Enfin, il nécessitait l’accompagnement durable de sa mère pour faire face aux nécessités de la vie et éviter un isolement.

7.        L’OAI a diligenté une enquête au foyer B______, domicile de l’assuré, en vue de déterminer son degré d’impotence. Dans son rapport du 2 juillet 2015, l’enquêtrice a indiqué ce qui suit :

-          pour se vêtir et se dévêtir : l’assuré, selon ses dires, avait pris l’habitude de se vêtir seul depuis qu’il était jeune. Sa mère lui préparait ses vêtements sur le canapé, puis il s’habillait de manière autonome. Il avait certes besoin d’aide pour prendre ses habits en haut de l’armoire, mais on pouvait exiger qu’ils soient disposés à sa hauteur. L’aide requise n’était donc ni importante ni régulière ;

-          se lever, s’asseoir, se coucher : en raison de sa maladie, l’assuré était incapable de se tenir debout, depuis toujours. Comme il souffrait d’une escarre fessière du côté gauche, il lui était plus confortable de dormir sur le canapé. Il pouvait faire seul les transferts entre son fauteuil roulant et le canapé ;

-          manger : l’assuré était autonome pour couper les aliments et les porter à sa bouche ;

-          faire sa toilette : l’assuré, qui manquait d’équilibre, ne pouvait pas s’installer sur le siège de douche et se laver seul. Il était donc assisté trois fois par semaine par une infirmière de l’IMAD pour se doucher ; en revanche, il était capable de se coiffer, de se raser et de faire sa toilette seul le matin dans une salle de bain destinée aux handicapés ;

-          aller aux toilettes : l’assuré était autonome, pour autant qu’il puisse utiliser des sanitaires adaptés aux paraplégiques. Cependant, une manière inhabituelle d’aller aux toilettes était retenue (vidange manuelle des selles) ;

-          se déplacer : à l’intérieur du foyer, l’assuré était capable de se mouvoir seul en chaise roulante. Pour l’extérieur, il avait fait l’acquisition d’un système de traction électrique pour son fauteuil roulant, ce qui lui permettait de se déplacer seul et d’emprunter les transports publics, notamment pour se rendre à l’hôpital ou au centre commercial de Balexert. L’aide de sa mère et de l’IMAD, sollicitée ponctuellement, ne paraissait ni importante ni régulière ;

-          soins exigés par l’invalidité : trois fois par semaine, une infirmière de l’IMAD surveillait son transit et soignait une escarre sacrée sur sa fesse gauche. Elle devait aussi commander des médicaments et du matériel ;

L’infirmière a précisé que l’assuré parlait un peu le français. En fin d’entretien, elle avait sollicité une traductrice habituée à l’accompagner chez le médecin pour clarifier certains faits et lui expliquer en quoi consistait l’allocation d’impotent. En conclusion, une aide régulière lui paraissait nécessaire depuis toujours pour trois actes ordinaires de la vie, soit se lever, se baigner/se doucher et aller aux toilettes de manière inhabituelle. Par conséquent, elle recommandait l’octroi d’une allocation pour impotent de degré faible depuis mars 2014.

8.        Le 6 juillet 2015, l’OAI, faisant siennes les conclusions de l’enquête, a transmis à l’assuré un projet d’acceptation d’allocation pour impotent de degré faible dès le
1er mars 2014. Il a précisé que son droit était suspendu durant le mois de février 2015, en raison d’une hospitalisation.

9.        L’assuré, représenté par le CENTRE SOCIAL PROTESTANT (ci-après : le CSP), s’y est opposé le 17 août 2015.

Il sollicitait la reconnaissance d’une impotence moyenne, au motif que l’office avait omis de tenir compte de l’aide dont il avait besoin pour se vêtir/se dévêtir, se préparer à manger et se déplacer à l’extérieur. En outre, il avait besoin de soins infirmiers quotidiens pour traiter et désinfecter son escarre. Par ailleurs, l’accompagnement de sa mère lui était nécessaire pour faire face aux nécessités de la vie.

10.    Par décision formelle du 5 octobre 2015, l’OAI a accordé à l’assuré une allocation pour impotent de degré faible dès le 1er mars 2014, au motif qu’il avait besoin d’une aide régulière pour se lever, se baigner/se doucher et aller aux toilettes.

Les arguments soulevés dans l’opposition ne modifiaient pas son appréciation : l’assuré avait déclaré à l’enquêtrice qu’il pouvait s’habiller et se déshabiller seul ; les passages de l’IMAD pour les soins et la toilette avaient déjà été pris en compte, et la préparation des repas n’était pas considérée comme un acte de la vie quotidienne ; enfin, l’acte ordinaire lié aux déplacements ne pouvait être retenu, car l’aide sollicitée n’était que ponctuelle.

11.    Par l’intermédiaire du CSP, l’assuré a interjeté recours le 5 novembre 2015, en concluant, sous suite de dépens, principalement à l’annulation « partielle » de la décision du 5 octobre 2015 et à l’octroi d’une allocation pour impotent de degré moyen, subsidiairement au renvoi du dossier à l’autorité inférieure pour nouvelle décision. Il a également sollicité l’audition de l’enquêtrice de l’OAI.

Son impotence devait être qualifiée de moyenne, car il avait besoin d’aide pour au moins quatre actes ordinaires de la vie et non trois. C’était à tort que l’OAI n’avait pas reconnu son besoin d’aide pour l’acte « se vêtir, se dévêtir » et n’avait pas fait appel à un interprète pour l’enquête, ce qui avait manifestement donné lieu à un malentendu sur ce point. Or, il avait besoin depuis toujours de l’aide de sa mère pour s’habiller, comme en témoignait son médecin traitant. En l’absence d’interprète, il n’avait pas compris les questions qui lui étaient posées, de sorte que l’intimé ne pouvait se fonder sur ses déclarations. Eu égard à sa mauvaise maîtrise du français, un interprète était d’ailleurs systématiquement mandaté pour ses entretiens avec le CSP.

Il a joint un courriel du 20 octobre 2015 transmis au CSP par la Dresse D______, médecin-traitant : l’enquête lui paraissait erronée, car l’assuré avait besoin d’être assisté par sa mère pour s’habiller et se déshabiller. Cela s’expliquait, en premier lieu, par sa déformation thoracique et sa raideur, qui l’empêchaient de mobiliser le haut de son corps, et, en second lieu, par une déformation du bassin associée à sa paraplégie. Compte tenu de ces limitations, il lui était difficile d’enfiler et de retirer correctement ses pantalons et ses chaussures. Outre l’aide dont il avait besoin pour aller aux toilettes et se laver, des soins étaient parfois nécessaires pour traiter ses escarres.

12.    Invité par la chambre de céans à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du
14 décembre 2015, a conclu au rejet du recours.

L’enquêtrice avait consigné ce que l’assuré lui avait déclaré, à savoir qu’il était habitué à se vêtir seul. Cette affirmation paraissait vraisemblable, car elle avait pu observer la gestuelle de l’assuré, lequel se transférait sans aide sur son canapé. Les difficultés alléguées par la Dresse D______ ne démontraient pas d’impossibilité, et on pouvait raisonnablement exiger de l’assuré qu’il mette ses pantalons en dépit du temps supplémentaire qui lui était nécessaire. À teneur de l’enquête, la mobilité des membres supérieurs paraissait relativement préservée. S’agissant de l’acte « se laver », l’enquêtrice avait constaté que le foyer disposait d’une salle de bain pour handicapés, qu’elle n’avait toutefois pas pu visiter. Pour ses déplacements, l’assuré faisait certes appel à une société de transport, mais seulement ponctuellement. Il admettait d’ailleurs lui-même avoir gagné en autonomie grâce à un système de traction électrique pour son fauteuil roulant.

S’agissant du grief relatif à l’absence d’interprète, l’office avait sollicité l’aide d’une traductrice en fin d’entretien pour clarifier certains faits et expliquer à l’assuré en quoi consistait l’allocation pour impotent. L’enquêtrice avait transmis à l’intéressé sa carte de visite afin qu’il puisse la contacter pour d’éventuelles précisions ou modifications quant au contenu de l’enquête, faculté dont il n’avait pas fait usage.

13.    Le recourant a répliqué le 18 janvier 2016, en persistant dans ses conclusions tendant à l’octroi d’une allocation pour impotent de degré moyen.

Il réitérait ne pas être autonome pour s’habiller. Il pouvait certes accomplir cette tâche seul moyennant des efforts considérables, mais l’aide de sa mère était indispensable lorsqu’il éprouvait plus de difficultés. Cette dernière l’aidait aussi pour ses repas, car s’il pouvait porter la nourriture à sa bouche, il n’était pas en mesure de cuisiner. Pour sa toilette, il était assisté par sa mère ou par l’IMAD et devait s’exécuter rapidement car son foyer ne comportait qu’une salle de bain destinée aux handicapés. Quant aux déplacements, une aide était aussi nécessaire, car deux fois par semaine, il devait faire appel à une société spécialisée ou prendre les transports publics avec un tiers pour se rendre à l’hôpital. La présence d’un tiers était également nécessaire pour le réinstaller dans son fauteuil en cas de chute. Par conséquent, il maintenait avoir besoin d’aide pour au moins quatre acte de la vie quotidienne. Subsidiairement, il faisait valoir un besoin d’accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie, justifiant la reconnaissance d’une impotence moyenne.

14.    L’intimé a dupliqué le 9 février 2016, en maintenant ses conclusions.

À teneur de l’enquête, l’assuré avait certes besoin d’aide pour prendre ses habits en haut de l’armoire, mais on pouvait exiger de lui qu’il les dispose à sa hauteur. Pour ses déplacements, seule une assistance ponctuelle était nécessaire. S’agissant de l’aide pour la toilette et les chutes éventuelles, elle était déjà prise en compte dans les actes ordinaires « se baigner / se doucher » et « se lever ». Enfin, le fait que l’assuré ait besoin d’aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie ne suffisait pas pour admettre la nécessité d’un accompagnement durable, car cela reviendrait à tenir compte deux fois du même besoin.

15.    Par arrêt du 18 avril 2016 (ATAS/320/2016), la chambre de céans a partiellement admis le recours, annulé la décision litigieuse et renvoyé le dossier à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision. La chambre de céans a considéré ce qui suit :

a. En l’espèce, l’intimé admet un besoin d’aide pour les actes ordinaires se lever, se doucher et aller aux toilettes, tandis que le recourant se prévaut d’un besoin d’aide pour trois actes supplémentaires soit se vêtir/se dévêtir, manger et se déplacer à l’extérieur. Par ailleurs, il soutient qu’un accompagnement durable lui est nécessaire pour faire face aux nécessités de la vie.

b. Eu égard aux indications contraires résultant de plusieurs pièces concordantes du dossier, la chambre de céans estime que l’enquête n’est pas probante lorsqu’elle relate que l’assuré s’habille systématiquement seul. En effet, le bilan d’ergothérapie de 2012 stipule que l’assuré demande « souvent » de l’aide à sa mère pour s’habiller en raison de douleurs dorsales, ce que les rapports des Drs C______ et D______ tendent à corroborer, en précisant que cette aide est liée notamment à des douleurs dorsales et à une déformation du thorax et du bassin, qui restreignent la mobilité du haut du corps et, par conséquent, l’aptitude de l’assuré à mettre ses pantalons et ses chaussures.

S’il paraît fort vraisemblable que l’assuré doit à certaines occasions être assisté par sa mère pour s’habiller, le dossier ne contient aucune indication précise sur la fréquence à laquelle cette aide lui est prodiguée, de sorte qu’il s’avère en l’état impossible de se prononcer sur son caractère régulier au sens de l’art. 37 al. 2 RAI.

Pour ce premier motif déjà, il se justifie de renvoyer le dossier à l’intimé pour qu’il complète l’instruction.

c. S’agissant des déplacements à l’extérieur, l’enquête constate que l’assuré a fait l’acquisition d’un système de motorisation « Swiss-trac » pour son fauteuil roulant, lequel lui permet de circuler seul et d’emprunter les transports publics.

On doit admettre avec l’intimé que l’assuré est capable de se déplacer seul depuis qu’il possède ce dispositif, lequel est précisément destiné à améliorer son autonomie à l’extérieur. Certes, l’intéressé soutient avoir besoin d’une aide résiduelle pour ses trajets à l’hôpital. Il précise toutefois n’effectuer ces déplacements que deux fois par semaine. Par conséquent, l’aide dont il se prévaut depuis l’acquisition du Swiss-trac n’est pas quotidienne et ne peut donc être qualifiée de régulière au sens de l’art. 37 RAI.

En revanche, pour la période précédant l’acquisition de cet appareil, l’assuré ne pouvait guère se déplacer seul. Cette conclusion résulte implicitement de l’enquête et s’impose également au regard des rapports versés au dossier, notamment du bilan d’ergothérapie et du rapport du Dr C______ de juillet 2014. Toutefois, la date à laquelle l’assuré a obtenu cet appareil ne ressort pas du dossier. Partant, il appartiendra à l’intimé de procéder aux clarifications nécessaires sur ce point également.

d. Le recourant se prévaut également d’un besoin d’assistance pour l’acte ordinaire « manger », en faisant valoir que c’est sa mère qui lui fait ses courses et la cuisine.

Contrairement à ce qu’il semble croire, l’acte « manger » ne recouvre ni la cuisine ni les courses : ces tâches ne font pas partie des fonctions partielles énumérées au chiffre 8010 CIIAI, à savoir apporter le repas au lit, couper des morceaux, amener la nourriture à la bouche, la réduire en purée et l’absorber par sonde. Il ne ressort ni de l’enquête ni du recours que ces fonctions partielles pourraient être entravée en l’espèce. L’assuré n’a donc pas besoin d’aide pour accomplir l’acte ordinaire « manger » visé par l’art. 37 RAI.

Cela étant, lorsqu’un assuré est empêché par son handicap d’accomplir ses travaux ménagers, notamment de cuisiner et de faire ses courses - ce qui pourrait être le cas ici au vu des indications données dans le bilan d’ergothérapie et la demande de prestations - il convient selon la jurisprudence de retenir un besoin d’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 al.1 let. a RAI, étant précisé que ces activités représentent selon l’expérience générale un investissement temporel d’au moins deux heures par semaine (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1056/2009 du 10 mai 2010, consid. 4.3).

Toutefois, force est de constater que l’OAI n’a pas du tout investigué la nécessité d’un accompagnement durable au sens de l’art. 38 al. 1 let. a RAI, bien que celle-ci ait été mentionnée dans la demande d’allocation pour impotent. L’enquêtrice a simplement répondu « non » à la question de savoir si l’assuré en avait besoin (chiffre 4.2 de l’enquête), sans motiver les raisons pour lesquelles cet accompagnement lui paraissait superflu. Sur ce point, on précisera que l’argument soulevé par l’intimé dans sa duplique pour écarter toute nécessité d’un accompagnement durable ne lui est d’aucun secours, car le besoin d’accompagnement éventuel est lié ici aux tâches ménagères et non aux actes ordinaires déjà pris en compte.

Pour ce motif également, il se justifie de renvoyer le dossier à l’administration afin qu’elle examine si les limitations du recourant l’empêchent d’accomplir ses tâches ménagères, et, dans l’affirmative, lui reconnaisse un besoin d’accompagnement durable.

e. Pour le reste, l’incidence éventuelle sur la valeur probante de l’enquête du fait qu’une traductrice a été sollicitée en fin d’entretien plutôt qu’au début peut être laissée ouverte, dès lors qu’indépendamment du sort réservé à ce grief, l’instruction doit être complétée, comme cela vient d’être exposé.

16.    L’assuré a bénéficié d’une pose de stomie urinaire le 22 septembre 2016.

17.    A la demande de l’OAI, la Clinique genevoise de Montana a transmis un rapport du 16 novembre 2016 attestant d’un séjour de l’assuré du 7 au 27 octobre 2016 pour reconditionnement général, renutrition, soutien psychologique et éloignement des facteurs de stress. Le diagnostic principal était le suivant : spina-bifida lombaire avec : vessie neurogène avec infections urinaires récidivantes avec : conversion montage Duke Pouch en Bricker le 22 septembre 2016. Rupture de néovessie avec choc septique sur uropéritonite, opérée le 17 mars 2016. Cystectomie totale et néovessie selon Duke en 2015. Paraplégie D12. Intestin neurogène. Dysplasie des hanches et anomalie de croissance des membres inférieurs. Cyphoscoliose sévère avec lombocruralgies chroniques.

18.    A la demande de l’OAI, l’IMAD a indiqué le 9 décembre 2016 qu’il prodiguait des prestations depuis le 20 août 2011 à l’assuré, soit des soins infirmiers pour une moyenne de 2h44 par semaine (extraction manuelle de selles, soins d’urostomie, réfection d’un petit pansement et contact avec le médecin-traitant, des soins d’hygiène et de base pour une moyenne de 2h par semaine (aide à la toilette complète dans la douche) ; l’assuré était totalement indépendant et autonome et ne recevait aucune aide pour se vêtir ou se dévêtir.

19.    Une enquête dans le cadre d’une instruction relative à une allocation pour impotent a eu lieu le 7 novembre 2016, en présence d’une interprète. Selon le rapport du 13 décembre 2016, l’assuré a déclaré qu’il avait besoin d’aide pour mettre son pantalon plusieurs fois par semaine depuis l’intervention de 2013, que depuis l’intervention de septembre 2016, il avait besoin d’une aide plus importante en raison de la gêne due à la poche de stomie et que l’IMAD l’aidait à s’habiller après la douche trois fois par semaine. Il a réaffirmé qu’il avait pris l’habitude de s’habiller et se déshabiller seul depuis son plus jeune âge et qu’il pouvait enfiler seul son pantalon depuis le lit mais qu’il était plus facile que sa mère lui mette son pantalon alors qu’il était sur le fauteuil roulant. Les enquêtrices ont constaté qu’il était capable de se baisser pour mettre ses chaussures et que ses déclarations concernant l’aide apportée par l’IMAD contredisaient le rapport de l’IMAD du 9 décembre 2016, de sorte qu’il devait être considéré comme autonome pour les actes de se vêtir et se dévêtir.

Il paraissait exigible qu’il dispose ses habits à hauteur afin de pouvoir les prendre lui-même sans l’aide de sa mère. Il avait besoin d’aide pour se lever. Il était autonome pour manger. Il avait besoin d’aide pour se baigner / se doucher. Il avait besoin d’aide pour l’extraction des selles trois fois par semaine.

L’assuré avait acquis un système de traction motorisé (swiss – track) en septembre 2014 et depuis cette date l’assuré était autonome pour se déplacer à l’extérieur. Il était autonome pour se déplacer à l’intérieur et entretenait des contacts sociaux. Il n’avait pas besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie.

Selon l’assuré, le ménage, l’entretien du linge et la cuisine avaient toujours été pris en charge par sa mère ; il était exigible de l’assuré qu’il se charge des petites tâches ménagères légères et à hauteur et qu’il privilégie des produits finis à réchauffer et fasse quelques petites emplettes ; il était aidé pour toutes les démarches administratives car il ne savait ni lire ni écrire mais cette aide n’était pas en rapport avec l’atteinte à la santé. Il n’avait pas besoin d’accompagnement pour les activités et les contacts hors du domicile ni de présence régulière d’une tierce personne pour éviter un risque important d’isolement durable ; l’aide de la mère relevait de l’obligation de réduire le dommage.

Il avait besoin de soins prodigués par l’IMAD.

Le rapport contient les recommandations suivantes : suite à l’enquête du 7 novembre 2016 au domicile de l’assuré nous recommandons d’admettre la nécessité d’une aide régulière et importante pour quatre actes ordinaires de la vie depuis toujours (voir chiffres 4.1.2 / 4.1.4 / 4.1.5 / 4.1.6). Ensuite, dès septembre 2014, date depuis laquelle l’assuré était devenu autonome pour les déplacements à l’extérieur grâce à l’acquisition d’un Swiss-Track, l’assuré a besoin d’aide pour trois actes ordinaires de la vie (voir chiffres 4.1.2 / 4.1.4 / 4.1.5). En outre, l’état de santé nécessite des soins permanents dès 2011. Il était suggéré d’octroyer une impotence de degré moyen dès mars 2014 soit un an avant le dépôt de la demande, puis une impotence de degré faible dès septembre 2014. Le gestionnaire devait prendre en considération les périodes d’hospitalisation de l’assuré.

20.    Par projet d’acceptation d’impotence du 20 décembre 2016, l’OAI a alloué à l’assuré une allocation pour impotent de degré moyen du 1er mars 2014 au 31 décembre 2014 et de degré faible dès le 1er janvier 2015 ; par ailleurs, le droit était suspendu en février 2015 en raison de l’hospitalisation de l’assuré du 28 janvier au 12 mars 2015.

21.    Le 31 janvier 2017, l’assuré, représenté par le Centre Social Protestant (ci-après : CSP), a observé qu’il nécessitait l’aide quotidienne de quelqu’un pour lui préparer ses habits et régulièrement pour les enfiler les jours où il éprouvait plus de difficultés, qu’il était incapable de se préparer seul ses repas et ne pouvait effectuer son ménage, qu’il nécessitait la présence d’une tierce personne de façon continue afin de lui venir en aide s’il venait à tomber ; l’enquête était lacunaire sur la question de la nécessité d’être aidé pour se vêtir / dévêtir et d’un accompagnement durable. Il nécessitait de l’aide pour au moins cinq actes de la vie quotidienne de sorte qu’une allocation pour impotence moyenne était due.

22.    Par courriel du 24 février 2017, la dresse D______ a notamment relevé que mettre un pantalon ne requérait pas les mêmes gestes que lacer des chaussures car cela nécessitait des appuis sur les bras pour soulever une fesse/membre inférieur, puis l’autre.

23.    Par décision du 6 avril 2017, l’OAI a alloué à l’assuré une allocation pour impotent de degré moyen de CHF 1'170.- par mois du 1er mars au 31 décembre 2014.

24.    Le 19 mai 2017, l’assuré, représenté par le CSP, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision de l’OAI du 6 avril 2017 en concluant à son annulation partielle et à la reconnaissance d’une allocation pour impotent de degré moyen.

Il avait besoin d’aide pour mettre son pantalon et s’habiller après la douche trois fois par semaine. Une infirmière de l’IMAD, Madame E______ expliquait que l’habillage ne faisait pas partie du mandat de l’IMAD le concernant, raison pour laquelle il ressortait du courrier de l’IMAD qu’il était indépendant pour cet acte.

Selon Mme E______, il parvenait en général à s’habiller seul lorsqu’il était sur son lit mais devait alors effectuer un transfert depuis son fauteuil roulant, sur lequel il ne lui était pas possible de se vêtir ; une aide lui était donc apportée pour se vêtir après la douche puisqu’il ne pouvait pas le faire depuis son fauteuil roulant et le trajet entre la salle de bain et la chambre nécessitait de traverser des parties communes du foyer ; il ne disposait pas de place suffisante dans sa chambre pour mettre ses habits à hauteur ; par ailleurs son ménage était pris en charge par sa mère car il ne pouvait l’assumer ; il ne pouvait pas non plus cuisiner et on ne pouvait exiger de lui qu’il ne mange que des plats préparés, ce d’autant qu’il n’avait pas les moyens de les acheter ; enfin, il n’était pas autonome pour toutes les courses nécessaires, il avait donc besoin d’un accompagnement durable. L’audition de Mme E______ était sollicitée.

25.    Le 14 juin 2017, l’OAI a conclu au rejet du recours au motif que l’enquête du 13 décembre 2016 était probante ; par ailleurs l’assuré était tenu de prendre les mesures appropriées comme celle d’une installation lui permettant d’accéder lui-même à ses habits ; il n’avait pas besoin d’aide pour structurer ses journées.

S’agissant de l’aide dans le ménage, elle ne pouvait être reconnue en plus que si l’assuré avait besoin d’aide ou de soutien pour structurer les journées ou pour faire face aux situations qui se présentaient tous les jours. Le besoin d’aide dans le ménage ne pouvait donc être pris en compte que cumulativement (ch. 8050.1 CIIAI). Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. S’agissant de la préparation des plats ou des courses, il fallait également tenir compte de l’obligation de réduire le dommage : outre l’aide des membres de la famille, il fallait envisager le recours à des cours ou à des thérapies pour apprendre à utiliser des moyens auxiliaires adaptés afin d’exécuter les tâches ménagères (9C_410/2009). En outre, la préparation des repas pouvait également être allégée par l’achat des produits alimentaires prêts à l’emploi (ATF I 309/04 du 14 janvier 2005). Les conditions pour retenir le besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie n’étaient pas réunies.

26.    Le 17 juillet 2017, le recourant a répliqué en relevant que suite à l’arrêt de renvoi, seule la question de la date d’acquisition du Swiss-Track avait été traitée de manière satisfaisante par l’OAI ; il ne pouvait installer dans sa chambre une armoire autrement qu’en hauteur : il ne pouvait faire ni son ménage, ni ses courses, ni la cuisine ; Ses conditions de vie dans le Foyer ne lui permettaient pas d’adapter son environnement afin qu’il puisse être autonome. En particulier, la cuisine était commune et était utilisée par un grand nombre de personnes, ce sur quoi avait insisté sa mère lors de l’enquête ménagère. La proposition de l’OAI de réduire le dommage était totalement inadaptée à sa situation et ne pouvait clairement pas être attendue de lui. De plus, son aide financière mensuelle ne lui permettait pas de se nourrir à base de produits déjà préparés, alors qu’une allocation pour impotent d’un montant plus élevé lui permettrait justement de pouvoir acquérir de tels produits. Il était alors insensé de lui refuser une allocation plus élevée au motif qu’il pourrait faire l’effort de payer des plats plus chers. L’OAI ne s’était pas conformé au jugement de la chambre de céans du 18 avril 2016 et l’obligation de réduire le dommage ne pouvait être appliquée à sa situation pour justifier de manière irrationnelle l’absence de prise en considération de ses limitations et de ses besoins.

27.    Le 30 août 2017, l’OAI a dupliqué en relevant qu’une installation permettant au recourant d’accéder lui-même à ses habits était exigible et s’est référé à ses précédentes écritures.

28.    A la demande de la chambre de céans, l’OAI a indiqué le 7 novembre 2017 que suite à l’arrêt du 18 avril 2016, seule la décision du 6 avril 2017 avait été rendue et que le recourant avait reçu une allocation d’impotence de degré moyen de mars à décembre 2014 et de degré faible de novembre 2015 à novembre 2017.

29.    Le 7 mai 2018, la chambre de céans a tenu une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

Le recourant a déclaré :

Je vis toujours au Foyer B______. Je vis toujours dans la même chambre, soit celle que l’enquêtrice a vue en 2015. Je vais deux fois par semaine à l’université ouvrière et le reste du temps je suis au Foyer. Chaque matin une infirmière vient s’occuper de moi. Ensuite j’ai des RDV de médecin ou avec l’assistante sociale et en général ma mère m’accompagne. Ma mère a été opérée et attend ne autre intervention. Elle essaie encore de m’aider mais je crains qu’après la prochaine opération elle ne le puisse plus, cela est incertain.

Actuellement je dors dans un lit et plus sur le canapé. Ma mère est tout le temps là pour m’aider au lever et au coucher. Je suis toujours aidé par l’infirmière pour mettre mon pantalon mais j’arrive à enfiler seul une veste. L’infirmière vient m’aider trois fois par semaine, quand elle n’est pas là c’est ma mère qui m’aide. L’infirmière m’aide à m’habiller. Ma mère vit aussi dans le Foyer, dans une chambre à proximité de la mienne. Il n’y a pas de personne du Foyer qui m’aide. Seul un sécuritas et des assistants sont présents. Mme F______ passe deux fois par semaine vers moi et une autre infirmière, soit celle qui me donne les soins, trois fois par semaine.

Auparavant j’étais pris en charge par l’IMAD mais les infirmières ne me donnaient pas de bons soins, cela avait également été constaté par mon physiothérapeute ; ma médecin a donc décidé de changer d’infirmière. Les soins actuels sont complètement différents que ceux donnés par l’IMAD.

Les infirmières de l’IMAD m’aidaient aussi pour m’habiller. Vous me dites que l’IMAD a écrit en décembre 2016 qu’aucune aide ne m’était apportée pour l’habillement mais je n’ai jamais entendu parler de ça. Après l’opération de septembre 2016 les douleurs se sont améliorées mais en revanche je dois faire très attention car j’ai une sonde dans le ventre qui est fragile. Avant l’opération de 2016 j’avais aussi besoin d’aide car j’étais complètement plié. Cette opération a amélioré la situation car j’arrive à me tenir plus droit, en revanche j’ai toujours besoin d’aide et j’ai toujours des douleurs.

Je suis suivi par la Dre E______ ainsi que par les chirurgiens qui m’ont opéré.

Je n’ai pas d’autre famille que ma mère à Genève. Lorsque ma mère a été hospitalisée je l’ai été également en raison d’une infection. L’hospitalisation a durée deux semaines pour nous deux. Cette décision de nous hospitaliser ensemble a été prise par mon médecin en particulier parce que je n’étais pas autonome sans l’aide de ma mère. Ma mère a subi une opération qui n’était pas très importante de sorte qu’elle a pu m’aider, cependant avec quelques difficultés.

Je remets ce jour à la Cour des photos de mon logement. La cuisine du Foyer est commune pour tous les résidents et n’est pas adapté pour une personne en chaise roulante. La cuisine est éloignée de ma chambre et n’est pas très équipée. Il y a juste un réchaud et une plaque. Je mange dans ma chambre. C’est toujours ma mère qui fait à manger. J’arriverai éventuellement à poser une casserole sur la plaque mais ensuite je ne serai pas capable de ramener la nourriture dans ma chambre. Je ne suis pas capable de faire le ménage, c’est ma mère qui s’en occupe. S’agissant de l’armoire celle-ci a été installée par l’Hospice général car chaque chambre est meublée par ce dernier. La direction du Foyer a pris des mesures strictes s’agissant de l’aménagement et nous devons pouvoir fournir une facture pour chaque meuble apporté. Je ne connais pas la dimension de ma chambre. J’habite depuis sept ans dans le Foyer. Dès que j’ai eu un permis F j’ai fait une demande pour un logement avec salle de bain privative mais il y a une liste d’attente et je n’ai pas encore eu de réponse. J’ai fait ma demande il y a quatre mois.

La doctoresse D______, responsable du programme santé migrant au HUG, a déclaré :

Le recourant est suivi dans notre service depuis son arrivée en Suisse en 2011 et je le suis depuis 2014. J’assure le suivi de médecine générale étant précisé que le recourant à un important suivi de médecine spécialisée, en chirurgie.

Le recourant est paraplégique au niveau de la 10ème vertèbre thoracique ; il s’agit donc d’une paraplégie haute. Il avait été opéré dans son pays d’origine mais de façon tardive et sans suivi. A son arrivée en Suisse, il présentait une déformation thoracique majeure ; il était complètement tordu du côté gauche ; il tenait à peine assis ; il présentait aussi des lésions cutanées importantes car son thorax touchait sa hanche, ce qui entrainait des infections permanentes. Il présentait des escarres dues aussi aux anciennes interventions. Il avait un fauteuil roulant qui n’était pas adapté. Par ailleurs il avait des problèmes pour vider sa vessie et ses intestins dus à sa paraplégie. Les interventions ont notamment visé à rendre plus sûre l’évacuation des urines en simplifiant les sondages urinaires et à améliorer l’équilibre de la colonne vertébrale. Plusieurs chirurgies ont été pratiquées avec parfois de longues hospitalisations. Il a été opéré aux HUG avec la collaboration d’un médecin de l’hôpital de Montréal. Il présente une rigidité importante de la colonne vertébrale. Je verse à cet égard au dossier des copies de radiographies. Cette rigidité complique l’autonomie du recourant et engendre aussi des douleurs importantes. Il a tendance à tomber de son fauteuil roulant car il a de la peine à maintenir un équilibre.

Il est actuellement envisagé de poser une coque sur son fauteuil pour améliorer son équilibre mais cela diminuera d’autant la flexibilité du tronc, et donc son autonomie. Une dérivation de type Bricker a dû être effectuée en septembre 2016. Il a maintenant une poche qu’il doit vider, qui est collée à sa peau, et qui diminue ses possibilités de mouvement.

Le recourant n’est pas autonome pour faire sa toilette et pour l’évacuation des selles. Il est aidé pour cela par une infirmière. De façon générale l’autonomie est difficile compte tenu de la rigidité vertébrale. Il ne peut évidemment pas ramasser une chose tombée à terre. Il y aussi un grand risque de chute en cas de mouvement. Je rappelle qu’il a été opéré tard, soit à 22 ou 23 ans, ce qui fait qu’il n’a pas pu récupérer de la même manière que s’il avait été opéré à l’adolescence. Les bras du recourant sont très développés mais il est très limité dans sa musculature thoracique, alors qu’en général les personnes paraplégiques sont capable de développer d’une façon importante musculairement le haut du corps.

Le recourant est capable de se transporter d’un lit à son fauteuil. J’ai pu constater lors des examens qu’il avait beaucoup de peine à remonter son pantalon, je l’aide systématiquement. Je ne l’ai pas vu lacer ses chaussures mais il a un grand risque de chute lorsqu’il se plie en avant en raison de la rigidité du thorax. C’est donc un mouvement qui est dangereux pour lui. Sa mère est là au quotidien pour l’aider. Il ne peut pas du tout vivre seul. Il a d’ailleurs été hospitalisé en même temps que sa mère. Il avait un début d’infection urinaire mais l’hospitalisation a été prolongée au motif que sa mère ne pouvait pas l’aider.

Actuellement la cuisine du Foyer n’est pas du tout adaptée, le recourant ne peut pas se faire à manger seul. Peut-être que dans une cuisine adaptée il pourrait cuisiner un peu, comme se faire un œuf ou chauffer de l’eau. Mais même dans un appartement il aurait besoin d’une présence permanente. Je relève que sa mère souffre actuellement d’une maladie grave qui va nécessiter une longue hospitalisation, ce qui est un problème, pour l’aide apportée au recourant. La maman du recourant devrait être hospitalisée d’ici un mois et demi, nous envisageons une hospitalisation sociale du recourant, faute de pouvoir trouver quelqu’un qui assure le travail de sa mère.

J’ai des contacts avec Mme F______ qui travaille au service de soin à domicile Bien chez soi, en tant que coordinatrice des soins. Le recourant reçois trois fois par semaine de l’aide pour la douche, l’extraction manuelle des selles et divers soins comme la vérification des urines. L’IMAD n’arrivait pas à passer trois fois par semaine et le temps consacré aux soins n’était pas toujours suffisant. A mon sens, l’hygiène est meilleure maintenant ce qui a motivé le changement de suivi.

Madame F______, infirmière auprès de l’entreprise « F______ » depuis le 2 janvier 2018 a déclaré :

Je m’occupe du recourant depuis le début de l’année. L’équipe d’aide-soignant intervient trois fois par semaine pour des soins, soit l’aide à la toilette, l’extraction manuelle des selles et les soins de la poche de stomie. Je passe moi-même une fois par semaine pour les soins en relation avec la stomie urinaire. En même temps j’examine le matériel dont le recourant a besoin et regarde les commandes qui sont nécessaires. En tout, nous passons quatre fois par semaine chez le recourant.

Le recourant est capable de passer du lit au fauteuil, les aides-soignants le conduisent ensuite à la douche, le douchent et l’habillent. Il n’est pas capable de passer tout seul un pantalon ni des chaussettes. Les aident soignants l’aident également pour habiller la partie supérieure du corps. Il n’est pas du tout capable de lacer ses chaussures, ceci est fait soit par les aides-soignants soit par sa mère. Sa mère prépare ses habits ; je pense qu’il devrait être capable de prendre seul ses habits dans son armoire. Le temps consacré est de trois fois une heure et demie, et moi-même entre une heure et une heure et demie. Sa mère est parfois présente lorsque les aides-soignants sont là mais pas toujours. Il pourrait éventuellement réchauffer un plat mais il n’est pas capable de cuisiner. Ce point avait d’ailleurs été évoqué avec nous lors de l’hospitalisation de la mère du recourant. Notre structure est prévue pour délivrer de l’aide en matière de cuisine et ménage mais cette demande n’a pour le moment pas été faite par le recourant.

Nous intervenons pour le recourant depuis août ou septembre 2017, je n’étais donc pas présente lors du changement de structure antre l’IMAD et nous. Selon l’évaluation faite à l’époque par ma collègue, nous avons été sollicités également pour une aide à l’habillage.

Vous me dites qu’en décembre 2016 l’IMAD a attesté qu’aucune aide n’était prodiguée au recourant pour l’habillage. Je ne suis pas au courant de cette situation. Je rappelle que notre mandat de base comprenait une demande d’aide pour l’habillage.

Je ne sais pas ce qu’il en est, peut être que l’aide à l’habillage était assumée par sa mère auparavant.

Je précise que le recourant ne peut effectuer que des transferts et qu’il n’est jamais mis en position debout par les aides-soignants.

30.    Le 23 mars 2018, l’OAI a observé que l’audition de Mme F______ ne permettait pas d’apprécier différemment le cas, celle-ci n’intervenant que depuis 2018 alors que les faits pertinents dans le cadre de la présente procédure étaient limités au 6 avril 2017, date de la décision litigieuse. Or, il ressortait tant du rapport d’enquête du 13 décembre 2018 que du courrier de l’IMAD du 9 décembre 2016, qu’une nécessité d’une aide régulière et importante pour l’acte « se vêtir » ne pouvait être retenue.

S’agissant de l’audition de la Dresse D______ qui avait également été entendue en qualité de témoin, elle n’appelait pas de commentaire particulier. Concernant la dérivation de type Bricker effectuée en septembre 2016 dont elle faisait mention, elle était intervenue antérieurement au rapport d’enquête du 13 décembre 2016, de sorte que l’enquêtrice avait tenu compte dans le cadre de son mandat de l’état de santé du recourant et de ses possibilités de mouvements compte tenu de cette intervention. Il était tenu compte de l’aide pour se lever car l’assuré ne pouvait, depuis toujours, se maintenir debout en lien avec sa maladie.

31.    Le rapport d’enquête du 13 décembre 2016 était probant. Il avait été tenu compte de l’aide exigible des membres de la famille, en l’occurrence celle de la mère du recourant. Dans la mesure où la situation aurait évolué après la décision litigieuse, soit que la mère n’était plus ou que partiellement en mesure d’apporter son aide en raison de ses problèmes de santé, la situation pourrait être réévaluée (demande de révision). Ainsi, les faits survenus postérieurement à la décision litigieuse, et qui avaient modifié cette situation, devaient faire l’objet d’une nouvelle décision administrative.

Pour le surplus, s’agissant de la préparation des plats ou des courses, il fallait également tenir compte de l’obligation de réduire le dommage : outre l’aide des membres de la famille (la mère), il fallait envisager le recours à des cours ou à des thérapies pour apprendre et utiliser des moyens auxiliaires adaptés afin d’exécuter les tâches ménagères. En outre, la préparation des repas pouvait également être allégée par l’achat de produits alimentaires prêts à l’emploi.

32.    Le 18 juillet 2018, le recourant a observé qu’au vu des déclarations des témoins, il était manifeste qu’il ne pouvait pas mettre son pantalon et donc s’habiller seul et qu’il avait besoin d’une aide au quotidien pour se vêtir/dévêtir ; il était insoutenable de prétendre que l’aide importante (supérieur à deux heures par semaine) fournie par sa mère était exigible en vertu du principe l’obligeant à diminuer son dommage.

33.    Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable à la présente procédure.

3.        Le délai de recours est de 30 jours. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 al. 1 et 56 à 61 LPGA).

4.        Est litigieuse la question de savoir si le recourant a droit à une allocation pour impotent de degré moyen au-delà du 31 décembre 2014. A cet égard, la décision attaquée se borne à allouer au recourant une allocation pour impotent de degré moyen du 1er mars au 31 décembre 2014. Dans la mesure toutefois où la motivation de celle-ci indique clairement que depuis le 1er janvier 2015, le recourant a droit à une allocation de degré faible, le litige porte sur le droit du recourant à une allocation pour impotent de degré moyen au lieu de faible, depuis le 1er janvier 2015.

5.        Selon l’art. 42 LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent. L’art. 42bis est réservé (al. 1er). L’impotence peut être grave, moyenne ou faible (al. 2).

Est réputée impotente toute personne qui, en raison d'une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l'aide d'autrui ou d'une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne (art. 9 LPGA). L’impotence peut être grave, moyenne ou faible (art. 42 al. 2 LAI). Est aussi considérée comme impotente la personne vivant chez elle qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a durablement besoin d’un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie. Si une personne n’a durablement besoin que d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, l’impotence est réputée faible (art. 42 al. 3 LAI).

Selon l'art. 37 al. 3 du règlement sur l'assurance-invalidité (RAI), il y a impotence de degré faible si l'assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin: a) de façon régulière et importante, de l'aide d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie; b) d'une surveillance personnelle permanente; c) de façon permanente, de soins particulièrement astreignants, exigés par l'infirmité de l'assuré; d) de services considérables et réguliers de tiers lorsqu'en raison d'une grave atteinte des organes sensoriels ou d'une infirmité corporelle, il ne peut entretenir des contacts sociaux avec son entourage que grâce à eux; ou e) d'un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI.

Il y a impotence de degré moyen (art. 37 al. 2 RAI) si l'assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin: d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie (au moins quatre, selon la circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité [CIIAI], ch. 8009); d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente; ou d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI.

L’impotence est grave lorsque l'assuré est entièrement impotent. Tel est le cas s'il a besoin d'une aide régulière et importante d'autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et que son état nécessite, en outre, des soins permanents ou une surveillance personnelle (art. 37 al. 1 RAI).

6.        a. Selon le ch. 8010 de la circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité (CIIAI), les actes ordinaires de la vie les plus importants se répartissent en six domaines:

-          se vêtir, se dévêtir (éventuellement adapter la prothèse ou l'enlever) ;

-          se lever, s'asseoir, se coucher (y compris se mettre au lit ou le quitter) ;

-          manger (apporter le repas au lit, couper des morceaux, amener la nourriture à la bouche, réduire la nourriture en purée et prise de nourriture par sonde) ;

-          faire sa toilette (se laver, se coiffer, se raser, prendre un bain/se doucher) ;

-          aller aux toilettes (se rhabiller, hygiène corporelle/vérification de la propreté, façon inhabituelle d'aller aux toilettes);

-          se déplacer (dans l'appartement, à l'extérieur, entretien des contacts sociaux).

Pour qu'il y ait nécessité d'assistance dans l'accomplissement d'un acte ordinaire de la vie comportant plusieurs fonctions partielles, il n'est pas obligatoire que la personne assurée requière l'aide d'autrui pour toutes ou la plupart de ces fonctions partielles; il suffit bien au contraire qu'elle ne requière l'aide d'autrui que pour une seule de ces fonctions partielles (ch. 8011 CIIAI; ATF 117 V 146 consid. 2). Il faut cependant que, pour cette fonction, l'aide soit régulière et importante. Elle est régulière lorsque la personne assurée en a besoin ou pourrait en avoir besoin chaque jour, par exemple lors de crises se produisant parfois seulement tous les deux ou trois jours mais pouvant aussi survenir brusquement chaque jour ou même plusieurs fois par jour (ch. 8025 CIIAI). L'aide est considérée comme importante lorsque la personne assurée ne peut plus accomplir au moins une fonction partielle ou qu'elle ne peut le faire qu'au prix d'un effort excessif ou d'une manière inhabituelle ou lorsqu'en raison de son état psychique, elle ne peut l'accomplir sans incitation particulière ou encore, lorsque, même avec l'aide d'un tiers, elle ne peut accomplir un acte ordinaire déterminé parce que cet acte est dénué de sens pour elle (ch. 8026 CIIAI).

S’agissant plus particulièrement de l’acte se vêtir/se dévêtir, il y a impotence lorsque l’assuré ne peut lui-même mettre une pièce d’habillement indispensable ou une prothèse ; lorsqu’il peut certes s’habiller seul, mais qu’il faut lui préparer ses habits ou contrôler si sa tenue correspond aux conditions météorologiques ou encore qu’il n’ait pas enfilé ses habits à l’envers (ch. 8014 CIAA).

Concernant l’acte ordinaire de manger, il y a impotence, selon le ch. 8018 CIAA, lorsque la personne assurée ne peut pas se nourrir avec des aliments préparés normalement sans l’aide d’autrui (arrêt du Tribunal fédéral 8C_728/2010). Il y a impotence lorsque la personne assurée peut certes manger seule mais ne peut pas couper ses aliments elle-même, lorsqu’elle ne peut manger que des aliments réduits en purée ou encore lorsqu’elle ne peut les porter à sa bouche qu’avec ses doigts (RCC 1981 p. 364).

b. L’art. 38 RAI définit l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie. Selon le 1er alinéa, le besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 42, al. 3, LAI, existe lorsque l’assuré majeur ne vit pas dans une institution mais ne peut pas en raison d’une atteinte à la santé: vivre de manière indépendante sans l’accompagnement d’une tierce personne (let. a), faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l’accompagnement d’une tierce personne (let. b), ou éviter un risque important de s’isoler durablement du monde extérieur (let. c). Si une personne souffre uniquement d’une atteinte à la santé psychique, elle doit pour être considérée comme impotente, avoir droit au moins à un quart de rente (al. 2). N’est pris en considération que l’accompagnement qui est régulièrement nécessaire et lié aux situations mentionnées à l’al. 1. En particulier, les activités de représentation et d’administration dans le cadre des mesures tutélaires au sens des art. 398 à 419 du code civil ne sont pas prises en compte (al. 3). L’accompagnement visé dans cette disposition ne comprend ni l'aide de tiers pour les six actes ordinaires de la vie, ni les soins ou la surveillance personnelle. Il représente bien plutôt une aide complémentaire et autonome, pouvant être fournie sous forme d'une aide directe ou indirecte à des personnes atteintes dans leur santé physique, psychique ou mentale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1056/2009 du 10 mai 2010 consid. 2). La circulaire CIIAI précise que l’accompagnement est régulier lorsqu’il est nécessité en moyenne au moins deux heures par semaine sur une période de trois mois (ch. 8053). Le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette circulaire à la loi (ATF 133 V 450 consid. 6.2). Il y a encore lieu de souligner que l'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie constitue une aide complémentaire et autonome par rapport à l'aide pour accomplir les six actes ordinaires de la vie, de sorte que l'aide déjà prise en compte sous l'angle du besoin d'assistance pour ces actes ne peut fonder un droit à une allocation au sens de l'art. 38 RAI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1056/2009 du 10 mai 2010 consid. 4.2).

Le Tribunal fédéral a reconnu qu'il ne se justifiait pas au regard de la lettre des art. 42 al. 3 LAI et 38 al. 1 et 2 RAI et des travaux préparatoires de limiter l'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie aux assurés atteints de troubles psychiques ou mentaux (ATF 133 V 450 consid. 2.2.3 p. 455; arrêts 9C_28/2008 du 21 juillet 2008 consid. 3.2 et I 317/06 du 23 octobre 2007 consid. 4.2 et 4.3, in SVR 2008 IV n° 26 p. 79).

L’accompagnement au sens de l’art. 38 al. 1 let. a RAI s’étend aux travaux ménagers (cuisiner, faire les courses, la lessive et le ménage) dans la mesure où ils ne font pas partie des actes ordinaires de la vie selon l’art. 9 LPGA en relation avec l’art. 37 RAI (arrêt du Tribunal fédéral du 10 mai 2010, 9C_1056/2009).

7.        En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport d'enquête, il est essentiel qu'il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s'agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu du rapport doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne chaque acte ordinaire de la vie et sur les besoins permanents de soins et de surveillance personnelle et finalement correspondre aux indications relevées sur place. Le seul fait que la personne désignée pour procéder à l'enquête se trouve dans un rapport de subordination vis-à-vis de l'office AI ne permet pas encore de conclure à son manque d'objectivité et à son parti pris. Il est nécessaire qu'il existe des circonstances particulières qui permettent de justifier objectivement les doutes émis quant à l'impartialité de l'évaluation (ATF 130 V 61 consid. 6.2 p. 63; cf. 125 V 351 consid. 3b/ee p. 353; cf. arrêt 9C_406/2008 du 22 juillet 2008 consid. 4.2).

8.        a. Selon la jurisprudence (DTA 2001 p. 169), le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux solutions : soit renvoyer la cause à l’administration pour complément d’instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire. Un renvoi à l’administration, lorsqu’il a pour but d’établir l’état de fait, ne viole ni le principe de simplicité et de rapidité de la procédure, ni la maxime inquisitoire. Il en va cependant autrement quand un renvoi constitue en soi un déni de justice (par exemple, lorsque, en raison des circonstances, seule une expertise judiciaire ou une autre mesure probatoire judiciaire serait propre à établir l’état de fait), ou si un renvoi apparaît disproportionné dans le cas particulier (RAMA 1993 n° U 170 p. 136). À l’inverse, le renvoi à l’administration apparaît en général justifié si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (voir RAMA 1986 n° K 665 p. 87). La récente jurisprudence du Tribunal fédéral prévoyant que la Cour ordonne une expertise au besoin ne saurait en effet permettre à l'assurance de se soustraire à son obligation d'instruire (ATF 137 V 210 ; cf. notamment ATAS/588/2013 du 11 juin 2013 ; ATAS/454/2013 du 2 mai 2013 ; ATAS/139/2013 du 6 février 2013).

b. Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

9.        a. En l’occurrence, suite à l’arrêt de la chambre de céans du 18 avril 2016, l’intimé a diligenté une enquête dont le rapport du 13 décembre 2016 a conclu à une impotence de degré moyen de mars à août 2014 et une impotence de degré faible dès septembre 2014, date à laquelle le recourant avait acquis un système de traction motorisé.

L’enquêtrice a admis la nécessité d’une aide régulière et importante pour trois actes ordinaires de la vie depuis septembre 2014 (se lever, se baigner /se doucher, aller aux toilettes de manière inhabituelle) ; elle a en particulier conclut à l’absence de besoin d’aide pour se vêtir et se dévêtir, en mettant en avant le fait que le recourant avait réaffirmé qu’il avait pris l’habitude de s’habiller et se déshabiller seul depuis son plus jeune âge, qu’il pouvait enfiler et lacer ses chaussures seul et qu’il avait affirmé que l’IMAD l’aidait à s’habiller après la douche trois fois par semaine, ce qui était contesté par l’attestation de l’IMAD du 9 décembre 2016 selon laquelle le recourant ne recevait aucune aide pour se vêtir et de dévêtir.

L’intimé considère que ce rapport d’enquête a valeur probante. Le recourant conteste ce rapport dans la mesure où il lui nie la nécessité d’une aide pour se vêtir / se dévêtir, ainsi que celle d’un accompagnement durable.

b. A cet égard, l’instruction menée par la chambre de céans ainsi que les pièces au dossier permettent de conclure à la nécessité pour le recourant d’âtre aidé pour l’acte se vêtir/se dévêtir, le rapport d’enquête du 13 décembre 2016 n’emportant, sur ce point, pas la conviction.

En effet, si le bilan d’ergothérapie relevait le 30 avril 2012 que le recourant pouvait s’habiller seul sur son lit, il indiquait aussi que le recourant demandait souvent de l’aide en raison de douleur dorsale. Par ailleurs, le 2 juillet 2017, le Dr C______ attestait que le recourant avait besoin d’aide pour s’habiller, celle-ci étant fournie par l’IMAD et par la mère du recourant ; quant à la Dresse  D______ elle mentionnait de même le 20 octobre 2015 en relevant que le recourant avait besoin d’être assisté par sa mère pour s’habiller et se déshabiller, en raison de sa déformation thoracique et sa raideur qui l’empêchaient de mobiliser le haut de son corps et par une déformation du bassin associée à sa paraplégie ; le 24 février 2017, elle a précisé, suite au rapport d’enquête du 13 décembre 2016, que mettre un pantalon impliquait des gestes différents que lacer ses chaussures. Lors de son audition devant la chambre de céans, la dresse D______ a confirmé que le recourant présentait une rigidité importante de la colonne vertébrale, ce qui compliquait son autonomie ; il était très limité dans sa musculature thoracique, contrairement aux personnes paraplégiques qui étaient capables de développer de façon importante musculairement le haut du corps ; elle avait pu constater qu’il avait beaucoup de peine à remonter son pantalon et, lors de son examen, elle l’aidait systématiquement ; enfin, entendue également par la chambre de céans, Mme F______ a précisé que les aides-soignantes de « Bien chez soi » dont la prise en charge avait débuté en août ou septembre 2017, habillaient le recourant après la douche. Celui-ci n’était pas capable de passer tout seul un pantalon, ni des chaussettes ; il était aussi aidé pour habiller la partie supérieure de son corps, ainsi que lacer des chaussures ; la société « Bien chez soi » avait été sollicitée aussi pour une aide à l’habillage, prévue dans le mandat de base.

Quant au recourant, il a indiqué qu’il était toujours aidé par l’infirmière ou sa mère pour mettre son pantalon mais qu’il arrivait à enfiler une veste seul (PV d’audience du 7 mai 2018). Il a encore précisé que selon Mme E______, l’infirmière de l’IMAD, l’habillage ne faisait pas partie du mandat de l’IMAD le concernant et que c’était pour cette raison que l’IMAD avait indiqué qu’il était indépendant pour cet acte ; après la douche, l’infirmière le rhabillait partiellement pour qu’il puisse retourner dans sa chambre ; le recourant parvenait en général à s’habiller seul lorsqu’il était sur son lit (recours p. 5). Ces dernières affirmations n’ont pas été contestées par l’intimé.

c. Au vu de ce qui précède, il apparaît que le recourant est capable, mais avec grande difficulté, de mettre un pantalon lorsqu’il est en position couchée. En raison de ses douleurs dorsales et de la limitation de la mobilité du haut du corps, il a cependant besoin de l’aide régulière de sa mère ou d’une aide-soignante/infirmière. Cette aide est nécessaire depuis toujours, soit même antérieurement aux interventions chirurgicales de 2013 et 2016 ; en particulier, l’enquêtrice ne remet pas en cause les difficultés dont fait état le recourant pour mettre un pantalon mais se fonde, pour exclure un besoin d’aide pour se vêtir/dévêtir, sur le fait que, d’une part, le recourant peut lacer ses chaussures et, d’autre part, que ses dires contredisent le rapport de l’IMAD du 9 décembre 2016. Or, le fait que le recourant soit capable de mettre des chaussures et de les lacer, n’est pas incohérent avec la grande difficulté qu’il présente à enfiler un pantalon comme l’a souligné la dresse D______ ; en outre selon les déclarations de Madame E______, résumées par le recourant et non contestées par l’intimé, de l’aide a seulement été fournie par l’IMAD au recourant par se vêtir en partie après la douche, mais le mandat de l’IMAD ne comprenait pas l’aide à l’habillage, de sorte que, contrairement à la conclusion de l’enquête, il n’y a pas de réelle contradiction entre le rapport de l’IMAD du 9 décembre 2016 et les déclarations du recourant selon lesquelles il était aidé par l’IMAD pour se vêtir, ce d’autant que, comme le relève Madame F______, le recourant, en l’absence de l’aide de l’IMAD pour s’habiller, pouvait être aidé par sa mère. Enfin, le fait que Mme E______ estime que le recourant peut s’habiller seul n’est pas déterminant, le mandat de l’IMAD ne comprenant pas cette aide et le recourant ainsi que la Dre D______ ayant constamment affirmé que la mère de celui-ci l’aidait pour cet acte.

Dans ces conditions, il convient d’admettre que le recourant a besoin d’une aide régulière et importante pour se vêtir/se dévêtir.

Ainsi, le recourant a besoin d’aide pour quatre actes ordinaires de la vie, de sorte qu’il a droit à une allocation d’impotence de degré moyen, au-delà du 31 décembre 2014.

Au vu de cette conclusion, il est superflu d’examiner si l’on peut exiger du recourant qu’il se dote d’une armoire lui permettant d’accéder à ses habits, d’acheter des plats préparés pour se nourrir ou encore s’il nécessite un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie.

10.    Partant, le recours sera admis, la décision litigieuse réformée dans le sens que le recourant a droit à une allocation pour impotent de degré moyen depuis le 1er mars 2014, sans limite dans le temps.

11.    Le recourant, qui est représenté, obtient gain de cause, il a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixe en l’occurrence à CHF 3'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03).

La procédure de recours en matière de contestation portant sur l’octroi ou le refus de prestations de l’assurance-invalidité étant soumise à des frais de justice, un émolument de CHF 500.- est mis à charge de l’intimé (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 6 avril 2017 dans le sens que le recourant a droit à une allocation pour impotent de degré moyen depuis le 1er mars 2014.

4.        Condamne l’intimé à verser au recourant la somme de CHF 3’500.-, à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 500.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le