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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3201/2005

ATAS/347/2006 (2) du 11.04.2006 ( AVS ) , REJETE

Descripteurs : ; AVS ; ASSURANCE-VIEILLESSE, SURVIVANTS ET INVALIDITÉ ; RESPONSABILITÉ DE L'EMPLOYEUR(AVS) ; COTISATION AVS/AI/APG ; FAUTE ; FAUTE DU TIERS
Normes : LAVS:LAVS 52
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3201/2005 ATAS/347/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 2

du 11 avril 2006

 

En la cause

Monsieur J___________, mais comparant par Me Antoine BERTHOUD, avocat, en l'étude duquel il élit domicile

recourant

 

contre

MEROBA n° 111, Caisse de Compensation de la Fédération Romande des Métiers du Bâtiments, 24, avenue Eugène-Pittard case postale 264, 1211 Genève 12

Monsieur P___________

intimée

 

appelé en cause

 


EN FAIT

La société X___________ SA (ci-après la société) a été inscrite au Registre du commerce du canton de Genève le 23 janvier 1998. Elle avait pour but l'exploitation d'une entreprise du bâtiment spécialisée dans le second œuvre en particulier dans les domaines de la ferblanterie, installations sanitaires, commerce de matériaux et matériels de construction.

La société a été, dès sa création, affiliée auprès de la Caisse de Compensation de la Fédération Romande de Métiers du Bâtiment - MEROBA N° 111 (ci-après MEROBA) pour son personnel salarié.

Dès l'origine de la société, Monsieur P___________ en a été l'administrateur avec signature individuelle et Monsieur J___________ (ci-après le recourant), directeur avec signature individuelle également. Depuis l'été 2002, la société a eu de sérieux problèmes de liquidités.

Les factures de cotisations n'ont plus été payées depuis cette date et y compris le décompte du mois de juillet 2002, notifié le 16 août 2002. La société n'a plus fait de versement jusqu'au 9 avril 2003. A cette date la part pénale due par la société a été réglée, en partie, le solde de cette part pénale ayant été versé le 22 juillet 2003. En tout la société s'est acquittée à ces deux dates de 51'192 fr. 35, à titre de part pénale uniquement.

La société a été déclarée en faillite par jugement du Tribunal de première instance du 28 août 2003. A cette date restait dû un solde de cotisations de 25'958 fr. 70 pour la période de juillet 2002 à avril 2003, la société ayant cessé toute activité, ainsi que des frais de poursuites, des taxes de sommations et les intérêts moratoires.

6. L'administrateur de la société a été entendu par l'Office des faillites le 4 novembre 2003. A propos des causes de l'insolvabilité, celui-ci a indiqué : "A partir de 2002, baisse sensible du chiffre d'affaires et 2003 extinction complète de chantiers/mandats". Il y avait 44 créanciers, principalement des fournisseurs, aucun salaire arriéré. A titre de mobilier et de machines sont indiquées des marchandises, de l'outillage et de l'équipement, 6 véhicules et des débiteurs divers pour un montant de 192'193 fr. selon classeur de factures.

La liquidation de la faillite a été suspendue pour défaut d'actifs le 23 novembre 2004.

Par décision du 5 avril 2005, MEROBA a réclamé la réparation de son dommage au recourant pour le montant de 25'958 fr. 70, correspondant à la période susmentionnée, frais compris.

Suite à l'opposition du recourant du 6 mai 2005, MEROBA a confirmé sa décision le 29 juillet 2005.

Dans son recours du 13 septembre 2005, le recourant conclut à l'annulation de la décision, à ce qu'il soit libéré de toute prétention de MEROBA, avec suite de dépens. Sur la recevabilité du recours, il rappelle avoir reçu la décision le 2 août 2005 à son domicile, période à laquelle les délais sont suspendus selon l'art. 38 de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (ci-après LPGA).

Sur le fond, il conteste premièrement toute négligence. La société disposait, en effet, d'un carnet de commandes suffisant à la fin de l'année 2002 pour lui assurer du travail et lui permettre de couvrir régulièrement ses charges. Les difficultés d'encaissement ne paraissaient pas irrémédiables. Lorsque la situation s'est dégradée au début de l'année 2003, les responsables ont pris la décision d'effectuer tous les travaux de finition nécessaires pour permettre l'encaissement des factures puis de licencier le personnel moyennant le préavis légal d'un mois. D'ailleurs la société a pu s'acquitter de plus de 130'000 fr. de cotisations, seuls 25'000 fr. restant dus à ce jour. Deuxièmement, il allègue l'inaction de MEROBA qui, d'une part, n'a pas agi contre la société Y___________ alors qu'elle avait reçu cession d'une créance pour plus de 70'000 fr. et, d'autre part, n'a pas contesté la gestion de la faillite, cas échéant par une plainte, dans la mesure où malgré un montant de 192'193 fr. de débiteurs annoncés, la liquidation a été suspendue pour défaut d'actifs.

Dans sa réponse du 13 octobre 2005, MEROBA conclut au rejet du recours. Au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA), le recourant doit, selon elle, être tenu responsable du dommage. Rien n'indique, en effet, qu'un plan de redressement ait été mis sur pied pour assainir la société et rien ne permettait à l'employeur de penser, de façon sérieuse et objective, qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dans un délai raisonnable. Par ailleurs, aucun reproche ne peut lui être fait, s'agissant de la gestion de la faillite par l'Office concerné, d'une part, car le montant des débiteurs de même que la valeur des biens de la société n'ont pas été établis, et d'autre part, surtout parce qu'il n'appartenait pas à MEROBA d'agir le cas échéant, mais à l'administrateur de la société faillie. Enfin MEROBA ne voulait pas de la cession de créance litigieuse et en tous les cas n'était pas tenue d'accepter une telle cession à titre de paiement des cotisations dues. Il résulte en autre du dossier que la créance de plus de 70'000 fr. n'est pas reconnue à hauteur de ce montant par la société Y___________. La réduction du dommage pour faute concomitante de la caisse n'est donc pas justifiée en l'espèce.

Le Tribunal de céans a ordonné la comparution personnelle des parties qui s'est tenue le 15 novembre 2005. A cette occasion MEROBA s'est engagée à fournir un décompte général précis des sommes dues et de l'imputation des versements du recourant. Sur question, elle a également indiqué que Monsieur P___________, administrateur unique, avait également fait l'objet d'une décision en réparation du dommage, devenue définitive faute d'opposition. Des poursuites étaient actuellement en cours à son encontre.

Quant au recourant, il a expliqué que son rôle de directeur consistait à s'occuper de toute la conduite de l'entreprise, qui était la sienne propre. Aide-comptable de formation, c'est lui qui avait les contacts avec MEROBA et qui s'occupait de toute la gestion. Les difficultés financières sont apparues en automne 2002. Pour la période de septembre/octobre 2002 à mars 2003, le carnet de commandes et de soumissions en cours d'attribution leur donnait toutes les raisons de penser qu'il valait la peine de continuer l'activité. Il y avait du travail pour les 9 salariés de l'entreprise jusqu'à leur licenciement à fin du mois d'avril 2003. La poursuite de l'entreprise a d'ailleurs permis de reconstituer une trésorerie et de faire en 2003, des versements à la caisse. Sur question et s'agissant de la créance contre Y___________, le recourant a expliqué n'avoir pas refusé d'entreprendre une procédure en recouvrement contre celle-ci, mais, lors d'une réunion avec des membres de la caisse de compensation en sa présence ainsi qu'avec Monsieur P___________ en mars 2003, la caisse avait demandé si des cessions de créances étaient possibles. Cette allégation a été contestée par MEROBA qui a maintenu pour le surplus sa position. Elle a cependant accepté à bien plaire de tenter d'obtenir le paiement du solde reconnu par Y___________ de 11'671 fr. En outre, l'ouverture des enquêtes a été ordonnée.

Monsieur S___________ a été entendu en qualité de témoin le 31 janvier 2006. Technicien en installations sanitaires, il a travaillé en cette qualité auprès de la société de fin 1999 à juin 2003. Les difficultés de trésorerie sont apparues selon lui au dernier trimestre 2002. A ce moment la société avait des chantiers en cours ainsi que des perspectives, des devis avaient été établis pour les mois à venir, tous les salariés étaient occupés, il n'y a pas eu de chômage technique, ni de ralentissement des affaires. La société a même engagé à fin 2002/début 2003 un collaborateur en appui à l'équipe, ce qui paraissait justifié au témoin. Les perspectives de la société étaient sérieuses et importantes. C'est ainsi que la réfection complète des sanitaires du hall d'entrée et de la chaufferie de l'hôtel Intercontinental avaient été devisés pour un montant d'environ 1'000'000 fr. La société s'occupant déjà de l'entretien régulier de l'hôtel, elle avait donc priorité pour l'obtention du devis. Un ou deux autres projets étaient en cours avec l'entreprise générale de travaux publics Z___________ SA, pour des travaux relativement importants dont trois étapes avaient été déjà exécutées par la société. Selon le témoin, le roulement de l'entreprise et le volume du travail étaient normaux à fin 2002/début 2003, étant précisé que l'entreprise fonctionnait par phases plus ou moins calmes ou plus ou moins agitées. Selon lui la fin de la société a été causée par l'absence d'un gros chantier en cours, qui lui aurait apporté régulièrement des liquidités. Il pense que la société s'en serait sortie si elle avait obtenu un tel chantier vers l'été ou l'automne 2002. Il était au courant des difficultés de trésorerie, il allait lui-même faire des rappels verbaux auprès des architectes. Les mesures prises à cette époque, outre ces rappels verbaux, ont été de faire attention de passer des commandes au dernier moment et non pas trop à l'avance, et de mieux gérer le stock. Ils ont tout fait pour limiter les dépenses et faire des économies.

A la suite de l'audience, il a été décidé de fixer aux parties un délai au 7 mars 2006 pour conclusions après enquêtes, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

14. MEROBA a déposé ses écritures après enquêtes le 3 mars 2006. Elle a repris ses conclusions. S'appuyant sur la jurisprudence du TFA, ainsi que sur le témoignage de Monsieur S___________, elle considère que les difficultés de trésorerie n'étaient pas considérées comme exceptionnelles par le témoin, que la société n'a pas vécu d'évènement particulier qui l'ait précipitée dans les difficultés, au contraire puisque le carnet de commandes continuait d'être rempli, que les mesures prises étaient modestes et pas susceptibles de remettre l'entreprise à flot. Les conditions pour une disculpation du recourant ne sont donc pas données.

15. Dans ses écritures après enquêtes du 8 mars 2006, le recourant considère, au contraire, avoir démontré l'absence de toute négligence. En particulier les difficultés ne se sont étendues que sur 7 mois, et la société a pris la décision de mettre un terme à son activité lorsqu'il n'a plus été possible d'espérer de manière sérieuse un rétablissement par l'obtention d'un nouveau chantier important. Le montant des débiteurs figurant dans l'inventaire de la faillite prouve par ailleurs l'importance des factures ouvertes, qu'il restait à encaisser et qui auraient permis d'éviter tout dommage. Au contraire, le comportement de la caisse est quant à lui critiquable pour les raisons déjà exposées. En particulier on s'étonne que MEROBA n'ait pas agi en recouvrement des 11'679 fr. reconnus par Y___________, valant manifestement reconnaissance de dette. Il reprend par conséquent ses conclusions.

16. Par ordonnance du 27 mars 2006 le Tribunal de céans a ordonné l'appel en cause de Monsieur P___________, et lui a fixé un délai pour d'éventuelles remarques au 10 avril 2006.

En l'absence d'écritures dans le délai fixé, le Tribunal a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 1 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (ci-après : LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après : LAVS).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l’AVS, notamment en ce qui concerne l’article 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les articles 81 et 82 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (ci-après : RAVS) ont été abrogés. La LPGA s’appliquera au cas d’espèce, de même que les nouvelles dispositions en vigueur, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminant se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1). In casu, la connaissance du dommage et toute la procédure qui a suivi sont postérieures au 1er janvier 2003, la décision à l’origine du litige datant du 5 avril 2005, de sorte que les dispositions légales seront citées dans leur nouvelle teneur.

a. L’ancien art. 82 al. 1 RAVS, qui régissait les effets du temps sur une créance en réparation du dommage, a été abrogé à la suite de l’entrée en vigueur de la LPGA. La question est désormais réglée par l’art. 52 al. 3 LAVS. Selon cette disposition, le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L’employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Il s’agit de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (FF 1994 V p. 964 sv., 1999 p. 4422, cité in ATFA du 30 novembre 2004 en la cause H 96/03).

Le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a posé le principe qu’une caisse de compensation a « connaissance du dommage » au sens de la disposition précitée, à partir du moment où elle doit reconnaître, en y prêtant l’attention qu’on est en droit d’attendre d’elle et en tenant compte de la pratique, que les circonstances ne lui permettent plus de recouvrer les cotisations, mais pourraient justifier une obligation de réparer le dommage (cf. ATF 116 V 75, consid. 3b ; 113 V 181, consid. 2 ; 112 V 8, consid. 4d ; RCC 1983, p. 108). Le fait déterminant est donc de constater qu’il n’y a « rien dont on puisse tirer profit, rien à distribuer » (cf. FRITSCHE : Schuldbetreibung und Konkurs II, deuxième édition page 112), d’où résulte la perte de la créance de la Caisse.

Selon la jurisprudence, le dommage est réputé survenu lorsque les cotisations dues ne peuvent plus être perçues, pour des motifs juridiques ou de fait (cf. RCC 1983, p. 477 ; RCC 1988, p. 137). Lorsque les cotisations demeurent impayées en raison de l’insolvabilité de l’employeur (personne morale), le dommage est réputé survenu au moment où les créances de cotisations sont irrécouvrables, c’est-à-dire au moment où, eu égard à l’insolvabilité de l’employeur, les cotisations ne peuvent plus être perçues selon la procédure ordinaire. (cf. MAURER : Schweizeriches Sozialversicherungschreit, volume II, p. 69).

Eu égard au principe de la subsidiarité de la responsabilité des organes de la personne morale, une caisse de compensation ne peut invoquer la réparation d'un dommage à l'encontre de ceux-ci que lorsque le débiteur des cotisations arriérées se trouve dans l'impossibilité, en raison de son insolvabilité, de verser les cotisations à sa charge. Dans le cas d'une faillite, cette insolvabilité est constatée au moment de la publication de l'état de collocation (RCC 1992 p. 502) ou, en cas de suspension de la liquidation de la faillite par défaut d'actifs, de la publication de cette suspension (VSI 2003/6 p. 435) : c'est à ce moment que prend naissance la créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse subit un dommage et a connaissance de celui-ci.

b. En l’espèce, le délai part donc du 23 novembre 2004. La décision en réparation du dommage, notifiée le 5 avril 2005, est par conséquent intervenue dans le délai péremptoire de deux ans prescrit par l’art. 52 al. 3 LAVS.

L’intéressé a formé opposition le 6 mai 2005, soit dans les 30 jours à compter de la notification de la décision. Il a ensuite reçu la décision sur opposition le 2 août 2005 et interjeté recours le 13 septembre 2005.

Le recours respectant la forme et le délai légaux (art. 38 et 60 al. 1 LPGA) est recevable.

a) Aux termes de l’art. 52 al. 1er LAVS, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation. Il sied de rappeler que cet article est une disposition spéciale (RCC 1989, p. 117).

La nouvelle teneur de l’art. 52 al. 1er LAVS en vigueur depuis le 1er janvier 2003 reprend l'ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification. Les termes « caisse de compensation » sont remplacés par « assurances », sans que cela n’entraîne un changement quand aux conditions de la responsabilité de l’employeur (ATF 129 V 13 sv. consid. 3.5). Le TF a ainsi déjà affirmé que l’on ne pouvait inférer ni du message du Conseil fédéral concernant la 11ème révision de l’AVS ni des travaux préparatoires de la LPGA des raisons de s’écarter de la jurisprudence constante relative à l’art. 52 LAVS.

b) En l’espèce, le dommage consiste en la perte de la créance de cotisations AVS/AI/APG/AC et AM subie par la caisse durant la période du 1er juillet 2002 au 30 avril 2003, y compris les intérêts moratoire et taxes de sommation soit 25'958 fr. 70, montant qui n'est pas contesté par le recourant.

a) L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral des assurances a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public (ATF 112 V 155, consid. 5; RCC 1987, p. 220). L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 111 V 173, consid. 2; 108 V 186, consid. 1a, 192 consid. 2a; RCC 1985, p. 646, consid. 3a).

b) Lorsque l'employeur est une personne morale, ses organes répondent solidairement, à titre subsidiaire, du dommage causé par celui-ci, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (No 6003 des directives de l’Office fédéral des assurances sociales sur la perception des cotisations, ci-après : DP; ATF 114 V 79, consid. 3; 113 V 256, consid. 3c; RCC 1988, p. 136, consid. 3c; ATF 111 V 173, RCC 1985, p. 649, consid. 2.).

Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (no 6004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le TFA s'est toujours référé à l'art. 754 al. 1er CO, en corrélation avec l'art. 759 al 1er CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elle leur cause en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'art. 756 CO "non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels, mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes, ou qui assument la gestion proprement dite et ont ainsi une part prépondérante à la formation de la volonté au sein de la société" (ATF 107 II 353, consid. 5a; ATF 112 II 1985 et l'arrêt du 21 avril 1988 en la cause A; FORSTMOSER, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2ème éd., p. 209 et ss). Tel était le cas du recourant, qui était propriétaire de la société et directeur, responsable de la gestion et détenteur de la signature individuelle.

a) L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978, p. 259; RCC 1972, p. 687). La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (ATFA du 28 juin 1982, RCC 1983, p. 101).

De jurisprudence constante, le TFA a reconnu qu’il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (cf. RCC 1972, p. 690). La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit donc être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité et de gestion, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé-e. Lorsqu’il s’agit d’une société anonyme, on peut, par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions (cf. RCC 1972, p. 690 ; RCC 1978, p. 261). Une différenciation semblable s’impose également, lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985, p. 51, consid. 2a et p. 648, consid. 3b).

On peut envisager qu’un employeur cause un dommage à la caisse de compensation en violant intentionnellement les prescriptions en matière d’AVS sans que cela n’entraîne pour autant une obligation de réparer le préjudice. Tel est le cas lorsque l’inobservation des prescriptions apparaît au vu des circonstances comme légitime et non fautive (ATF 108 V 186 consid. 1b ; RCC 1985 p. 603 consid. 2, 647 consid. 3a). Il peut ainsi arriver qu’en retardant le paiement de cotisations, l’employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d’une passe délicate dans la trésorerie. Mais il faut alors, pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS que l’on puisse admettre que l’employeur avait au moment où il a pris sa décision des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATFA 277/01 du 29 août 2002 consid. 2 ; ATF 108 V 188). La jurisprudence n’admet en réalité que de manière très exceptionnelle qu’un employeur puisse décider de retarder le paiement des cotisations afin de maintenir son entreprise en vie lors d’une passe délicate dans la trésorerie (ATFA 154/00 du 22 août 2000 consid. 2c). De même, il peut être tenu compte dans l'appréciation générale du cas, du fait qu'une très courte période de cotisation impayée est en cause (par exemple trois mois dans l'ATF 121 V 243).

b) En l'espèce, les faits tels qu'ils ressortent du dossier et de l'instruction par le Tribunal ne permettent pas de disculper le recourant. D'une part, les cotisations n'ont plus du tout été payées depuis le mois de juillet 2002 jusqu'à la fin d'activité de la société le 30 avril 2003, soit pendant neuf mois, ce qui ne peut être qualifié de «courte période ». Les deux seuls versements qui sont intervenus au mois d'avril et juillet 2003 concernaient uniquement la part pénale, pour laquelle le recourant était susceptible de plainte pénale. En outre, aucun plan de paiement n'a été sollicité par le recourant, qui s'occupait de la gestion et des rapports avec MEROBA, et il n'a pas davantage procédé au versement d'acomptes, même réduits, durant cette période. D'autre part, il n'a pas été établi que la société aurait subi un événement imprévisible, exceptionnel, qui l'aurait plongée dans des difficultés de trésorerie inhabituelles. Au contraire, la société fonctionnait « par phases », les périodes de difficultés de trésorerie succédant à des périodes favorables. Les explications données par le recourant comme par le témoin confortent le Tribunal dans cette idée. Certes, au moment des difficultés de trésorerie survenue en 2002 la société avait encore un carnet de commandes en partie rempli, et l'espoir d'obtenir des commandes supplémentaires. Mais il lui manquait un important chantier qui l'aurait assise financièrement, et lui aurait permis de faire face à l'ensemble de ses obligations. Ce sont donc les circonstances, et sans doute une certaine morosité dans le domaine de la construction, qui ont rendu l'activité de la société d'abord difficile, puis impossible. Il n'y a pas là, au sens de la jurisprudence précitée, de motifs d'exculpation. En effet, les mesures prises par la société pour remédier aux difficultés n'ont consisté finalement qu'en des mesures de saine gestion courante, et ne correspondent pas à des mesures sérieuses d'assainissement. Par conséquent, une négligence grave au sens de la jurisprudence susmentionnée doit être retenue à l'encontre du recourant.

Reste à examiner dans quelle mesure il y aurait lieu de procéder à une réduction du dommage pour faute concomitante de la caisse. Une telle réduction est en effet possible si l'administration a violé son devoir, et que cette violation est en causalité adéquate avec la création ou l'aggravation du dommage (VSI 1996 pages 310 ; ATFA H 142/2003 et H 96/2003).

Le recourant invoque la responsabilité de MEROBA, à deux titres : d'une part, l'inventaire établi par l'Office des faillites faisait état de débiteurs pour plus de 192'000 fr., ce qui aurait dû largement couvrir son dommage, or, la faillite de la société aurait été mal gérée par l'Office des faillites et il eût été de la responsabilité de MEROBA de déposer plainte. Il faut cependant garder à l'esprit que le montant des créances de la masse en faillite n'a pas été établi. L'administrateur avait en effet déclaré un tel montant de créances, en se référant toutefois à un classeur de factures. Encore fallait-il que ces débiteurs soient solvables, ce que le Tribunal de céans ignore, et que la masse en faillite puisse raisonnablement agir à leur encontre. Tel ne semble pas être le cas vu la suspension de la liquidation de la faillite pour défaut d'actifs. Rien n'indique ici une mauvaise gestion de la faillite. Par ailleurs et surtout il faut constater qu'aucune obligation légale n'était faite à la caisse de déposer plainte ; il s'agit d'une possibilité, offerte à tous les créanciers. Il n'y a pas là de violation par la caisse d'une obligation, au sens de la jurisprudence susmentionnée.

D'autre part, le recourant considère que si la caisse avait poursuivi l'entreprise Y___________ , dont une créance lui avait été cédée à hauteur d'environ 70'000 fr., le dommage ne serait pas survenu.

Si cette hypothèse devait être retenue, il y aurait donc soit co-responsabilité de la caisse, soit rupture du lien de causalité entre le comportement du recourant et la survenance du dommage, ce qui exclurait toute responsabilité (ATF 119 V 407 ; RCC 1992 p. 269). Les parties ne s'entendent pas sur les circonstances qui ont entouré cette cession de créances, le recourant alléguant que la demande en avait été formulée par l'intimée, celle-ci contestant ce fait et alléguant au contraire avoir reçu une cession de créance sans son accord. On peut relever d'une part que le contrat de cession de créance n'est parfait que par l'acceptation expresse ou tacite du cessionnaire (voir art. 164 CO et les commentaires). Or, figure au dossier une correspondance qui indique le refus par MEROBA de cette cession de créance. On peut ajouter, d'autre part que l'intimée n'avait aucune obligation légale d'accepter une cession de créances, et qu'il eût appartenu au contraire au recourant d'entreprendre les procédures en poursuite envers ses débiteurs récalcitrants. Enfin, il ressort du dossier que l'entreprise en question conteste devoir la somme réclamée, ne reconnaissant devoir qu'un montant de l'ordre de 11'000 fr.

Par conséquent, aucun motif d'exculpation ne peut être retenu, ni aucune réduction du dommage effectuée. Le recours sera rejeté.

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Pierre Ries

 

 

 

 

Greffier

 

Isabelle Dubois

 

 

 

 

Juge

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le