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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2349/2003

ATAS/845/2005 du 06.10.2005 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2349/2003 ATAS/845/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

chambre 3

du 6 octobre 2005

 

En la cause

Monsieur M__________, mais comparant par Me J.-Potter VAN LOON en l’Etude duquel il élit domicile

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DES PERSONNES ÂGEES, route de Chêne 54, 1211 Genève

intimé

 


EN FAIT

Monsieur M__________, né le 17 janvier 1959, réfugié d’origine tunisienne, est marié et père de six enfants (nés respectivement en octobre 1980, juin 1983, juin 1987, décembre 1988, août 1994 et août 1999).

Le 21 juin 1996, il a déposé une demande de prestations fédérales et cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (ci-après PCF et PCC) auprès de l’Office cantonal des personnes âgées (ci-après l’OCPA).

S’agissant du montant de ses dépenses, l’assuré a fourni à l’OCPA plusieurs documents dont il ressortait que son loyer annuel s’élevait à 25'644 fr., charges comprises (20'400 fr. par la suite : pièce 8 OCPA), que les primes d’assurance-maladie de la famille étaient de 1'004 fr. 20 par mois et qu’il remboursait un emprunt à hauteur de 350 fr. par mois (pièce 6 OCPA).

S’agissant de ses revenus, l’assuré a informé l’OCPA qu’il recevait une rente ordinaire entière de l’assurance-invalidité d’un montant de 328 fr. depuis le 1er novembre 1994 (339 fr. dès le 1er janvier 1995) ; son épouse et ses cinq enfants étaient au bénéfice d’une rente complémentaire d’un montant de 98 fr. (102 fr. dès le 1er janvier 1995), respectivement 83 fr. (86 fr. dès le 1er janvier 1995).

Par deux décisions séparées des 28 novembre 1996 et 3 janvier 1997, l’OCPA lui a octroyé des PCF, d’un montant mensuel de 3'880 fr., et des subsides d’assurance-maladie de 920 fr. dès le 1er décembre 1996 (respectivement 3'980 fr. et 930 fr. dès le 1er janvier 1997).

Par cinq décisions du 27 mai 1997 - accompagnées d’un courrier explicatif daté du 11 juin 1997 -, l’OCPA a octroyé à l’assuré un rétroactif de PCF de 3'880 fr. par mois dès le 1er avril 1996 (3'980 fr. dès le 1er janvier 1007) ainsi que des subsides d’assurance-maladie de 920 fr. (930 fr. dès le 1er janvier 1997). Une importante part du rétroactif a été affectée au paiement d’avances consenties par divers organismes, dont l’HOSPICE GENERAL et CARITAS (cf. décisions nos438907 à 438911, pièces 32 et 34 OCPA).

L’OCPA a ensuite rendu plusieurs décisions entre juillet 1997 et mars 2001, accordant des PCF et des subsides d’assurance-maladie dont les montants annuels oscillaient entre 3’980 fr. et 4’119 fr. pour les premières, entre 930 fr. et 1’246 fr. pour les seconds, en fonction de divers changements, minimes, intervenus dans les revenus et fortune de l’assuré .

Dès le 1er avril 2001, l’assuré a en outre été mis au bénéfice de PCC d’un montant mensuel de 1'032 fr. (cf. notamment décision n°703058, pièces 38 à 88 OCPA).

Dans un courrier daté du 12 avril 2001 et accompagnant les décisions rendues le 24 avril 2001, l’OCPA a relevé que l’épouse de l’assuré n’exerçait aucune activité lucrative et annoncé que, dès le 1er septembre 2001, il serait tenu compte du gain que cette dernière pourrait réaliser si elle mettait à profit sa capacité de gain (gain estimé à 33'760 fr.).

Dans ses décisions suivantes (de mai 2001 à janvier 2003), l’OCPA n’a pourtant pas tenu compte d’un gain potentiel pour l’épouse de l’assuré.

Le 20 septembre 2002, l’OCPA a annoncé à l’assuré qu’un gain hypothétique serait pris en compte pour son épouse dès le 1er avril 2003, ce qui réduirait le montant des prestations (pièces 93 à 111, notamment pièce 103 OCPA).

Par décision du 13 mars 2003 ayant effet au 1er avril 2003, l’OCPA a réduit les PCF de l’assuré (de 3'969 fr. à 2'047 fr. par mois) tout en augmentant les PCC (de 1'306 fr. à 2'114 fr. par mois), les subsides mensuels demeurant de 1'657 fr. S’agissant de l’épouse de l’assuré, il a pris en compte un gain d’activité potentiel de 34'600 fr. par an et l’a comptabilisé à hauteur de 28'407 fr. 50 dans le calcul des PCF et de 23'942 fr. 30 dans le calcul des PCC (cf. décisions no887886, pièces 112 et 113 OCPA).

Par courrier du 31 mars 2003, l’assuré a formé opposition en expliquant que sa femme n’exerçait pas d’activité lucrative parce qu’elle suivait un traitement médical et que leurs enfants, pour la plupart encore mineurs, poursuivaient leurs études et demeuraient dès lors à leur charge. Il a produit un certificat médical daté du 6 mars 2003 émanant de la permanence de CHANTEPOULET attestant de l’incapacité totale de travailler de son épouse depuis le 22 août 2002 pour cause de maladie. L’assuré a fait valoir que sa situation financière était critique et que toute modification de ses prestations occasionnerait des difficultés à la famille (pièce 114 OCPA).

Le 12 mai 2003, l’assuré a encore transmis à l’OCPA un justificatif émanant de l’OCAI attestant que son épouse avait déposé une demande de rente d’invalidité le 5 mai 2003 (pièce 116 OCPA).

Par trois décisions du 14 octobre 2003, l’OCPA a fixé le montant des prestations et des subsides d’assurance-maladie pour les mois de septembre, octobre et novembre 2003. Comme dans la décision précédente, il était tenu compte d’un gain hypothétique de 34'600 fr. pour son épouse (cf. décisions nos923960 à 923962, pièce 119 OCPA).

Par décision sur opposition du 5 novembre 2003, l’OCPA a confirmé sa décision du 13 mars 2003. Il a estimé que les éléments fournis par le recourant ne suffisaient pas à admettre l’incapacité de travail de son épouse et qu’il y avait lieu d’attendre la décision de l’OCAI à ce sujet.

Le 8 décembre 2003, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant à ce qu’il soit constaté que l’on ne pouvait raisonnablement exiger de son épouse qu’elle exerce une activité lucrative et qu’il n’y avait dès lors pas lieu de prendre en compte un revenu hypothétique lors du calcul des prestations. L’assuré a allégué que son épouse était malade et dans l’incapacité totale de travailler depuis le 22 août 2002, que cette incapacité avait été attestée par de nombreux certificats médicaux, qu’elle avait été hospitalisée en janvier 2003 aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et qu’en juin 2003, son médecin traitant lui avait remis un bon médical pour une aide ménagère à domicile deux fois par semaine. Il a encore relevé que son épouse, d’origine tunisienne, n’avait aucune formation professionnelle - sa scolarité s’étant arrêtée après l’école primaire - et que sa connaissance de la langue française était limitée. Enfin, il a fait valoir qu’elle s’occupait toujours de leurs six enfants, alors âgés de 4 à 23 ans.

Par décision du 6 janvier 2004, l’OCPA a fixé le montant des PCF, PCC et subsides d’assurance-maladie à compter du 1er janvier 2004. Une fois encore, il a pris en compte un gain d’activité potentiel de 34'600 fr. pour l’épouse de l’assuré et l’a comptabilisé à hauteur de 22'066 fr. 80 dans le calcul (cf. décision n° 952680, pièce 120 OCPA).

Le 19 janvier 2004, l’OCPA a rendu six nouvelles décisions dans lesquelles il a recalculé le droit aux prestations, en tenant toujours compte du gain d’activité potentiel de l’épouse du recourant.

Le 8 janvier 2004, l’assuré a informé l’OCPA qu’il allait entamer une procédure de divorce et qu’il souhaitait connaître, à titre indicatif, le montant des prestations qui lui seraient allouées, en tenant compte du fait qu’il n’aurait pas la garde de ses quatre enfants mineurs (pièce 121 OCPA).

Invité à se déterminer sur le recours, l’OCPA a conclu, dans sa réponse du 22 janvier 2004, principalement, à la suspension de la cause jusqu’à droit connu sur la demande de prestations de l’assurance-invalidité déposée par l’épouse de l’assuré et, subsidiairement, au rejet du recours. Il a relevé que l’intéressée, bien que relativement jeune (41 ans), n’avait jamais essayé de trouver du travail ni suivi de cours de formation. Par ailleurs, l’OCPA a exprimé l’avis que le fait qu’elle ne dispose d’aucune formation professionnelle et ne maîtrise que peu le français ne l’empêchait pas d’exercer une activité professionnelle dans un domaine n’exigeant ni formation ni expérience particulières, par exemple. Enfin, il s’est étonné que l’intéressée, de nationalité suisse depuis 1993, n’ait pas eu le temps d’apprendre le français et de suivre une formation, laissant entendre qu’elle avait ainsi fait preuve de mauvaise volonté.

S’agissant du montant pris en compte à titre de gain hypothétique (34'600 fr.), l’OCPA a fait valoir qu’il n’avait rien d’excessif dès lors que le salaire minimum net horaire pour les employés d’entretien était de 17 fr. 30 environ, ce qui correspondait à un revenu annuel de 35'979 fr. pour une durée hebdomadaire de travail de 40 heures. Il a souligné qu’il était fort possible de trouver du travail dans cette branche pour laquelle sont parues 39 offres d’emploi en novembre 2003.

L’OCPA a encore relevé qu’en ce qui concernait la maladie de l’épouse du recourant, il ne pouvait substituer sa propre appréciation à celle de l’OCAI et qu’il y avait lieu d’attendre la décision de cet office.

Enfin, il a fait remarquer que s’il avait continué à octroyer ses prestations sans tenir compte d’un gain hypothétique, la famille se serait retrouvée dans une situation encore plus difficile en cas de rejet de la demande de prestations d’assurance-invalidité puisque l’assuré aurait alors dû rembourser les prestations versées en trop.

Le 18 février 2004, l’assuré a formé opposition aux six décisions du 19 janvier 2004.

Dans sa réplique du 27 février 2004, le recourant a intégralement persisté dans ses conclusions et fait valoir qu’il était utopique de demander à son épouse de travailler alors qu’elle ne pouvait même pas assumer son propre ménage et devait avoir recours à une aide pour ce faire, conformément aux recommandations de son médecin traitant.

Le 29 mars 2004, l’OCPA a également persisté dans ses conclusions.

Interrogé par le Tribunal de céans, le Dr A__________, de la permanence de CHANTEPOULET, a indiqué, par courrier du 14 mars 2004 (recte : 2005), que l’épouse du recourant souffrait d’hypertension artérielle, de céphalées chroniques, d’un syndrome cervico-brachial et d’un syndrome lombo-vertébral depuis le mois de mai 2002. Cela lui avait occasionné une totale incapacité de travail depuis le 22 août 2002. Il a encore précisé qu’il lui avait remis un bon médical pour une aide ménagère à domicile à raison de deux fois par semaine en raison de problèmes ostéoarticulaires et que son pronostic, après la dernière consultation, le 18 avril 2002, était relativement favorable. Il ne s’est en revanche pas prononcé sur les questions de savoir si l’exercice d’une activité lucrative pourrait être envisagé.

Par courrier du 12 avril 2005, le Dr B__________, médecin répondant de la permanence de CHANTEPOULET a confirmé les diagnostics posés par son confrère en précisant que la patiente ne bénéficiait d’aucune formation professionnelle permettant sa reconversion. Il a réservé son pronostic.

L’OCPA, le 4 mai 2005, a indiqué que ces informations n’étaient pas de nature à le faire revenir sur sa position. Il a fait valoir que rien n’assurait qu’une rente d’invalidité serait octroyée à l’intéressée et que la question de l’exigibilité d’une activité professionnelle n’avait pas été résolue.

Quant au recourant, il a fait remarquer qu’il était douteux que la dernière évaluation remontât à 2002 puisque l’intéressée était toujours suivie par la permanence.

Pour le surplus, les faits et allégués pertinents des parties seront repris en tant que de besoin, dans la partie « en droit » ci-après.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 56V LOJ , le Tribunal de céans statue en instance unique sur les contestations en matière de prestations complémentaires fédérales et cantonales. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

L’intéressé qui s’estime lésé par une décision sur réclamation (opposition) de l’OCPA peut interjeter recours, par écrit et dans les trente jours qui suivent la notification de la décision sur opposition (art. 56, 59 et 60 LPGA, art. 1 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 [LPC], art. 9 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité, du 14 octobre 1965 [LPCF] et art. 43 de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 octobre 1968 [LPCC]). Interjeté dans les délai et forme prescrits, le recours est dès lors recevable.

Le litige porte la question de savoir si un gain hypothétique doit être attribué à l’épouse du recourant et pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires fédérales et cantonales. En l’espèce, il y a lieu d’opérer une distinction entre les deux types de prestations.

5. a) Au niveau fédéral, l’art. 2c let. a LPC prévoit qu’ont droit aux prestations les invalides qui ont droit à une demi-rente ou à une rente entière de l’AI. Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond alors à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 3a al. 1 LPC), lesquels sont énumérés à l’art. 3c al. 1 LPC. La fortune est quant à elle évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (art. 17 al. 1 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 [OPC-AVS/AI]).

L’art. 2 du règlement d’application de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’AVS et à l’AI (RPCF) prévoit que, dès le 1er janvier 2003, les montants destinés à la couverture des besoins vitaux s’élèvent à  25'950 fr. pour les couples, à 9'060 fr. pour le 1er et 2e enfant donnant droit à une rente pour enfant de l’assurance-invalidité, à 6'040 fr. pour le 3e et 4e enfant et à 3'020 fr. à partir du 5e enfant. La dépense maximale pour frais de loyer a été fixée à 15'000 fr. par an pour les couples(art. 3 RPCF).

b) On considère en outre qu’il y a dessaisissement de biens au sens de l’art. 3c al. 1 let. g LPC notamment lorsqu'une personne assurée renonce sans obligation juridique à des éléments de fortune, peut prétendre à certains éléments de revenu et de fortune et ne fait pas valoir les droits correspondants, ou renonce à mettre en valeur sa capacité de gain alors qu'on peut exiger d'elle qu'elle exerce une activité lucrative (ATF 121 V 205 consid. 4a, 117 V 289 consid. 2).

Le Conseil fédéral s’est vu conférer par l’art. 3a al. 7 let. c LPC la compétence d'édicter des dispositions sur la prise en compte du revenu de l'activité lucrative que l'on peut exiger de la part d'invalides partiels et de veuves sans enfants mineurs. Ainsi, pour les invalides âgés de moins de 60 ans, le revenu de l'activité lucrative à prendre en compte correspond au montant maximum destiné à la couverture des besoins vitaux des personnes seules selon l'art. 3b al. 1 let. a LPC, augmenté d'un tiers, pour un degré d'invalidité de 40 à 49 % (art. 14a al. 2 let. a OPC-AVS/AI), au montant maximum destiné à la couverture des besoins vitaux selon la lettre a, pour un degré d'invalidité de 50 à 59 % (art. 14a al. 2 let. b OPC-AVS/AI) et aux deux tiers du montant maximum destiné à la couverture des besoins vitaux des personnes seules selon la lettre a, pour un degré d'invalidité de 60 à 66 2/3 %, (art. 14a al. 2 let. c OPC-AVS/AI).

Les revenus hypothétiques, provenant d'une activité lucrative, fixés schématiquement aux art. 14a et 14b OPC-AVS/AI représentent une présomption juridique. L'assuré peut la renverser en apportant la preuve qu'il ne lui est pas possible de réaliser de tels revenus ou qu'on ne peut l'exiger de lui.

En examinant la question de savoir si l'assuré peut exercer une activité lucrative et si on est en droit d'attendre de lui qu'il le fasse, il convient de tenir compte, conformément au but des prestations complémentaires, de toutes les circonstances objectives et subjectives qui entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu, telles la santé, l'âge, la formation, les connaissances linguistiques, l'activité antérieure, l'absence de la vie professionnelle, le caractère admissible d'une activité, les circonstances personnelles et le marché du travail (ATF 117 V 156 consid. 2c, 115 V 93 consid. 3; RCC 1989 p. 608 consid. 3c; cf. également CARIGIET, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, p. 131; CARIGIET/KOCH, supplément audit ouvrage, p. 104).

En outre, selon la jurisprudence, il y a lieu de considérer comme des ressources dont un ayant droit s'est dessaisi le revenu hypothétique de l'épouse de l'assuré qui sollicite des prestations complémentaires si elle s'abstient d'exercer l’activité lucrative que l'on est en droit d'exiger d'elle ou d'étendre une telle activité (ATF 117 V 291 s. consid. 3b; VSI 2001 p. 127 s. consid. 1b). Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge des assurances sociales d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressée qu'elle exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'elle pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce (ATF 117 V 292 consid. 3c).

Les critères décisifs ont notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi et, le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 117 V 290 consid. 3a; VSI 2001 p. 128 consid. 1b). Le revenu de l'activité lucrative potentielle devra alors, conformément à l'art. 3c al. 1 let. a in fine LPC, être pris en compte à raison des deux tiers seulement (ATF 117 V 292 consid. 3c et la référence).

En ce qui concerne le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral des assurances (ci-après le TFA) a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressée est en mesure de trouver un travail. A cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail (arrêt non publié Z. du 9 décembre 1999, P 2/99). Il y a lieu d'examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt Y. du 9 juillet 2002, P 18/02).

6. a) En l’espèce, s’agissant des prestations fédérales, l’office intimé a pris en considération, à titre de dépenses reconnues un montant de 74’169 fr. Il y a là une erreur de calcul minime dès lors que c’est un montant de 74'170 fr. qui doit être pris en considération (59'169 fr. de besoins vitaux [25'950.- + 2 x 9'060.- + 2 x 6'040.- + 3'020.-] et 15'000.- de loyer).

b) En ce qui concerne les revenus déterminants du recourant, force est de constater que les montants retenus par l’office ne sont pas non plus tout à fait exacts. Il convient en effet de retenir un montant de 11’076 fr. de rente AI (et non 11’328 fr., cf. décision du 1.10.2002, pièce 117, fourre OCPA), de 9'840 fr. d’allocations familiales (pièce 101, fourre OCPA) et de 9'531 fr. 90 de gains en apprentissage (pièce 89, fourre OCPA). En revanche, il n’y a pas lieu de revenir sur le montant de la fortune retenu (41 fr.).

c) Est contesté principalement le montant de 34'600 fr. retenu par l’OCPA à titre de gain hypothétique de l’épouse du recourant.

Le Tribunal de céans ne partage pas l’opinion de l’OCPA selon laquelle on ne pourrait prendre en compte le fait que l’intéressée a été déclarée en incapacité de travail par son médecin en l’absence de décision formelle de l’OCAI. Le recourant a en effet produit de nombreux certificats médicaux du Dr A__________ de la permanence de CHANTEPOULET (pièces 6 à 16 recourant) attestant de l’incapacité totale de travailler de son épouse depuis le 22 août 2002. Il a également produit une attestation médicale datée 13 janvier 2003, dont il ressort que son épouse a été hospitalisée le 7 janvier 2003, ainsi qu’un bon médical établi par son médecin pour une aide ménagère à domicile deux fois par semaine (pièces 17 et 18 recourant). En conséquence, il y a lieu de considérer l’incapacité de travail de l’épouse du recourant comme établie dès le 22 août 2002. Dès lors, aucun gain hypothétique ne peut être retenu.

Au surplus, le Tribunal constate qu’en considérant que l’intéressée pouvait travailler comme employée d’entretien 40 heures par semaine, l’OCPA n’a ni tenu compte de sa situation concrète, ni évalué précisément ses chances sur le marché du travail, compte tenu de son absence de formation, du temps pendant lequel elle a été éloignée de la vie professionnelle, de ses éventuelles lacunes linguistiques et du fait qu’elle a encore quatre enfants mineurs à charge, dont le dernier est âgé de quatre ans seulement (cf. ATF 117 V 290 consid. 3a; VSI 2001 p. 128 consid. 1b). Ce dernier élément n’est pas même relevé par l’autorité intimée, laquelle se contente d’affirmer qu’une activité à plein temps est tout à fait exigible. Le Tribunal de céans est d’avis qu’il est impossible d’exiger une activité à plein temps d’une femme ayant encore un enfant non scolarisé, à moins de tenir compte alors, des frais de garde qui seraient engendrés. Enfin, il apparaît fort peu raisonnable d’exiger d’une personne qui aurait besoin d’une aide à domicile deux fois par semaine pour s’occuper de son ménage qu’elle exerce à plein temps la profession de nettoyeuse.

A noter que la décision que rendra l’OCAI quant à la demande de rente de l’intéressée ne lie pas le juge en matière de prestations complémentaires cantonales. En effet, ce dernier peut prendre en compte des circonstances dont l’assurance-invalidité n’a pas à répondre, telles que la situation du marché du travail et les possibilités concrètes du conjoint de retrouver un emploi compte tenu de sa formation.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a – quoi qu’il en soit – pas lieu de retenir en l’état un gain hypothétique pour l’épouse du recourant, incapable de travailler.

d) Le calcul des PCF dès le 1er avril 2003 est dès lors le suivant :

Fortune mobilière (+ 41 fr.)

Revenu déterminant + 20'916 fr.

(rente AI de 11’076.- + allocations familiales 9'840 fr.)

Gains en apprentissage + 5’355 fr.

(gains – 1'500 fr. x 2/3 selon art. 3c al. 1 let. a LPC)

Dépenses reconnues - 74'170 fr.

(besoins vitaux de 59'170 fr. + loyer de 15'000 fr.)

Produits des biens mobiliers (non contestés) + 33 fr.

Différence à couvrir (annuelle) = + Fr. 48’317, soit 4’026 fr. 40 par mois

 

7. a) En ce qui concerne les prestations cantonales, l’art. 4 LPCC prévoit qu’ont droit aux prestations les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable. Le montant annuel de la prestation complémentaire cantonale correspond à la différence entre le revenu minimum cantonal annuel d’aide sociale applicable et le revenu annuel déterminant de l’intéressé (art. 15 al. 1 LPCC).

Les éléments du revenu déterminant sont énoncés à l’art. 5 al. 1 LPCC. Lorsque l’intéressé est invalide, ses ressources sont calculées conformément aux dispositions prises par le Conseil d’Etat (art. 5 al. LPCC). Tout comme pour les prestations fédérales, il peut être pris en compte un gain hypothétique pour les personnes partiellement invalides, âgées de moins de 60 ans, qui n’exercent pas d’activité lucrative. Ce gain est déterminé conformément aux dispositions fédérales en vigueur. Cette disposition se réfère ainsi directement aux art. 14a et 14b OPC-AVS/AI.

Le revenu minimum cantonal d’aide sociale garanti, dès le 1er janvier 2003, s’élève à 38'016 fr. s’il s’agit d’un invalide dont le taux d’invalidité est de 2/3 ou plus et dont le conjoint est, soit une personne valide, soit une personne invalide dont le taux d’invalidité est inférieur à 2/3, à 11'520, pour le 1er et 2e enfant à charge, à 7'603 fr. pour le 3e et 4e enfant et à 3'802 fr. à partir du 5e enfant.(art. 3 al. 1 RPCC).

8. En l’espèce, s’agissant des prestations cantonales, l’autorité intimée a pris en considération, à titre de dépenses reconnues un montant de Fr. 95’064.- dès le 1er avril 2003. Ce montant, non contesté par le recourant, correspond aux dispositions légales et il n’y a pas lieu de s’en écarter (80'064 fr. revenu minimum, soit 38'016 fr. + 2 x 11'520 fr. + 2 x 7'603 fr. + 3'802 fr., et 15'000 fr. de loyer). De même, les montants retenus à titre de revenus déterminants sont corrects.

Quant au gain hypothétique de l’épouse du recourant, les considérations développées supra en matière de prestations fédérales s’appliquent mutatis mutandis, les principes valables en droit cantonal étant les mêmes que ceux qui s’appliquent en la matière en droit fédéral.

9. Le calcul des PCC dès le 1er avril 2003 est dès lors le suivant :

Fortune mobilière (+ 41 fr.)

Revenu déterminant + 20'916 fr.

(rente AI de 11’076.- + allocations familiales 9'840 fr.)

Dépenses reconnues - 95’064 fr.

(Revenu minimum de 80'064 fr. + loyer 15'000 fr.)

Produits des biens mobiliers + 33 fr.

Gains en apprentissage + 3’325 fr.

(gains – ¼ Revenu minimal de 11'520 fr., divisé par 2)

Report PCF + 48'317 fr.

Différence à couvrir : 22’473 fr., soit 1'872 fr. 75 par mois

10. Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la décision sur opposition de l’OCPA du 5 novembre 2003 annulée.

Quant aux décisions rendues par l’OCPA en date du 14 octobre 2003 - tenant également compte d’un gain hypothétique -, elles ne font pas l’objet du présent recours. Soit il n’y a pas été fait opposition et elles sont entrées en force, soit il y a été fait opposition et il appartient à l’OCPA de statuer, tout comme il lui appartiendra de rendre une décision suite à l’opposition formée par l’assuré en temps utile, le 18 février 2004, contre ses six décisions du 19 janvier 2004, en tenant compte des considérants du présent arrêt.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant (conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours du 8 décembre 2003 recevable ;

Au fond :

L’admet ;

Annule la décision sur opposition de l’OCPA du 5 novembre 2003 ainsi que la décision du 13 mars 2003 ;

Met le recourant au bénéfice de prestations complémentaires fédérales d’un montant annuel de 48'317 fr. et de prestations complémentaires cantonales d’un montant annuel de 22'473 fr. ;

Condamne l’intimée à verser au recourant à titre de dépens la somme de 2'000 fr. ;

Dit que pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, les parties peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Ce mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs le recourant estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter la signature du recourant ou de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints au mémoire s’il s’agit de pièces en possession du recourant. Seront également jointes au mémoire la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132 106 et 108OJ).

La greffière :

 

 

Janine BOFFI

 

La Présidente :

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le