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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2688/2025

ATA/1275/2025 du 12.11.2025 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2688/2025-PRISON ATA/1275/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 novembre 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ DE LA BRENAZ intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______ est incarcéré à l’Établissement fermé de La Brenaz (ci-après : La Brenaz) depuis le 22 mai 2024 en exécution de peine.

b. Depuis le début de sa détention, il a fait l’objet des sanctions disciplinaires suivantes :

- le 7 février 2025, d’un avertissement écrit pour avoir adopté un comportement contraire au but de l’établissement ;

- le 27 mars 2025, d’une sanction de trois jours de suppression des activités communes pour refus d’obtempérer aux multiples ordres d’un agent, trouble à l’ordre ou à la tranquillité de l’établissement ou ses environs immédiats, et pour avoir adopté un comportement contraire au but de l’établissement ;

- le 30 juin 2025, d’une sanction de mise en cellule forte et de suppression de toutes les activités, y compris visites, sport, formation, loisirs et repas en commun pour une durée de trois jours, pour refus d’obtempérer, comportement inapproprié, opposition aux injonctions des agents de détention, trouble de l’ordre ou la tranquillité dans l’établissement et ses environs immédiats. Cette sanction a été confirmée par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) par arrêt du 29 octobre 2025.

c. Selon le rapport d’incident du 29 juillet 2025, lors de son départ en conduite extérieure à B______, A______ a été fouillé et ont été découverts dans ses poches quatre élastiques à cheveux et cinq comprimés d’anxiolytiques. Malgré les questions du gardien principal, il est resté silencieux. Le gardien principal lui a rappelé qu’il n’était pas normal dissimuler des objets dont il savait pertinemment qu’ils étaient interdits en conduite extérieure et que son attitude non coopérative ferait l’objet d’un rapport d’information. Selon le service de médecin pénitentiaire, les comprimés d’anxiolytiques correspondaient à son traitement mais la quantité était excessive, ce qui supposait qu’il stockait ses médicaments.

d. Après son audition, il a fait l’objet, le même jour, d’un avertissement pour avoir adopté un comportement contraire au but de l’établissement.

B. a. Par acte remis à la poste le 4 août 2025, l’intéressé a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette sanction.

L’usage du droit au silence au sens de l’art. 113 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) ne devait pas être interprété comme un indice de culpabilité ou entraîner d’autres inconvénients. Par ailleurs, les surveillants ne pouvaient pas recourir à la tromperie, la contrainte ou la force pour une obtenir une déposition, en application de l’art. 140 CPP.

Il se sentait menacé et persécuté par les agents de détention.

b. Le 1er septembre 2025, La Brenaz a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n’ayant pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti, la cause a été gardée à juger le 23 septembre 2025, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA - E 5 10).

2.             On comprend des écritures du recourant qu’il conteste la sanction.

2.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

2.2 Le statut des personnes incarcérées à La Brenaz est régi par le règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 REPSD).

2.3 Selon l’art. 43 REPSD, la personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers. Selon l’art. 44 REPSD, il est interdit notamment, d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (let. j).

Si un détenu enfreint le REPSD, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 46 al. 1 REPSD). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 46 al. 2 REPSD).

2.4 Le directeur de l’établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : (a) un avertissement écrit ; (b) la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de 3 mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières ; (c) l'amende jusqu'à CHF 1'000.- ; (d) les arrêts pour dix jours au plus (art. 46 al. 3 REPSD).

2.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – , de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATA/439/2024 du 27 mars 2024 consid. 3.6 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.4).

2.6 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limitant à l’excès ou l’abus de ce pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/439/2024 précité consid. 3.7 ; ATA/97/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4f).

2.7 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/254/2025 du 13 mars 2025 consid. 5.5 ; ATA/154/2025 du 11 février 2025 consid. 3.4 et les références citées).

2.8 En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir refusé de répondre aux questions des agents et, partant, de coopérer avec eux. Il était par ailleurs en possession de quatre élastiques et de cinq comprimés d’anxiolytiques, soit des objets interdits en conduite extérieure.

Il invoque son droit de garder le silence en invoquant l’art. 113 CPP, selon lequel le prévenu n’a pas l’obligation de déposer contre lui-même. Cette disposition, applicable à la procédure pénale, ne s’applique pas ici, la sanction disciplinaire querellée relevant du droit disciplinaire administratif et non du droit pénal.

De même, le droit de ne pas s'auto-incriminer et à se taire déduit de l'art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne s'applique pas à la procédure administrative (arrêt du Tribunal fédéral 2C_644/2010 du 12 mars 2011 consid. 3.1) ni en amont d’une procédure pénale (ATA/1086/2024 du 6 septembre 2024 consid. 2.2.1 ; ATA/1077/2023 du 3 octobre 2023 consid. 6.1). Ainsi, la jurisprudence a déjà retenu, dans le domaine de la procédure fiscale, que si le principe s’appliquait à la procédure pénale fiscale, y compris la procédure en soustraction d'impôt, il n’était pas possible d'en tirer des conclusions pour l'organisation de la procédure de rappel d'impôt, que celle-ci soit menée avant, parallèlement ou après la procédure pénale. Il n'est donc pas possible de déduire de l'interdiction de l'obligation de s'auto-incriminer un « effet préalable » sur les procédures non pénales. Il serait manifestement excessif d'étendre la protection des droits fondamentaux de l'art. 6 § CEDH à cette procédure et de permettre ainsi au contribuable de se soustraire au moins partiellement à son obligation fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_288/2018 du 1er février 2019 consid. 2.2 et 2.4 ; ATA/1064/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.1). Le droit de ne pas s'auto‑incriminer n'est par conséquent pas applicable en l'espèce.

2.9 Le recourant invoque également l’art. 140 al. 1 CPP qui dispose que les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, la tromperie et les moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre sont interdits dans l’administration des preuves.

Encore une fois, relevant du droit pénal, cette disposition ne s’applique pas à la présente sanction administrative.

Il est ainsi établi que par son comportement, le recourant a contrevenu aux art. 42, 43 et 44 let. j REPSD.

Il reste à déterminer si la sanction est proportionnée.

2.10 Le recourant ne s’en prend ni à la nature ni à la quotité de la sanction.

La sanction infligée est un avertissement, soit la sanction disciplinaire la plus légère. Cette sanction apparaît proportionnée à la faute commise, tout en tenant compte de trois antécédents. L’autorité intimée, qui jouit d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, n’a ainsi pas abusé de son pouvoir d’appréciation ni violé la loi.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             La procédure étant gratuite, il ne sera pas perçu d’émolument. Le recourant succombant, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 août 2025 par A______ contre la décision de l’Établissement fermé de La Brenaz du 29 juillet 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Établissement fermé de La Brenaz.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :