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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2594/2024

ATA/1204/2025 du 28.10.2025 sur JTAPI/336/2025 ( ICC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2594/2024-ICC ATA/1204/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2025

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE recourante

contre

A______ intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2025 (JTAPI/336/2025)


EN FAIT

A. a. Par acte authentique du 3 février 2023, B______ et C______ ont acquis en copropriété, à raison d’une moitié chacun, la parcelle n° 1______ sise sur la commune de D______, chemin E______ 2______. Ils ont notamment signé un contrat d’entreprise générale portant sur la construction d’une habitation mitoyenne.

b. Par acte notarié du 16 mai 2024, C______ a vendu ses droits de copropriété d’une demie à F______ (ci-après : la contribuable), laquelle résidait à cette adresse depuis le 15 mars 2024, pour le prix de CHF 660'603.-.

c. Le 17 mai 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a notifié à A______, notaire ayant instrumenté la vente du 16 mai 2024, un bordereau de droits d’enregistrement d’un montant de CHF 9'623.-, somme qui se déterminait comme suit :

Opérations

Val./nbre

Droits

Cent. add.

Total

Vente immobilière

660'603.00

19'818.30

19'818.30

Autres actes et opérations

1

2.00

2.20

4.20

19'820.30

2.20

19'822.50

Rabais Casatax pour F______

-10'199.50

9'623.-

d. Par pli du 25 juillet 2024, A______ a élevé réclamation à l’encontre de ce bordereau. C’était à tort que l’AFC-GE considérait qu’en cas d’aliénation d’une part de copropriété, l’acquéreur ne pouvait pas bénéficier d’une réduction entière du droit de vente. Si la villa avait été achetée par B______ et C______ en copropriété à raison d’une demie, ils auraient sans conteste pu bénéficier de la réduction totale « Casatax ». L'esprit de la loi était de favoriser au maximum l’acquisition de tout objet et ce, quel que soit le nombre d’acquéreurs.

e. Par décision du 31 juillet 2024, l’AFC-GE a rejeté la réclamation, en se fondant notamment sur la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 15 novembre 2010 (ci-après : la CCRA ; DCCR/1652/2010).

Le principe défendu par le notaire permettait à plusieurs acquéreurs de bénéficier du rabais maximum sur chacune des quotes-parts et ainsi de profiter d’allégements fiscaux multiples. La volonté du législateur consistait à accorder le rabais maximum pour l’acquisition d’un seul logement pour un prix maximum fixé par la loi, mais certainement pas à l’occasion de chaque transfert d’une part de copropriété du logement en question. Ainsi, l’achat d’une quote-part de copropriété d’un logement donnait droit au rabais d’impôt réduit dans les mêmes proportions. Cette pratique était justifiée dans la mesure où la revente d’une part de copropriété dans le délai de surveillance donnait lieu à une reprise de droits équivalente à la part revendue et non à une reprise totale.

B. a. Par acte du 9 août 2024, A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de la décision du 31 juillet 2024.

Le cas d’espèce ne constituait pas un nouveau transfert de copropriété du bien dont l’acquéreur serait déjà copropriétaire, comme dans le cas de la jurisprudence citée par l’AFC-GE, mais une première acquisition d’une part de copropriété par un tiers acquéreur. L'interprétation de l'art. 8A de la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30) et de la jurisprudence citée dans la décision attaquée, était complètement erronée car il ne s’agissait pas d’un nouveau transfert de copropriété du bien, mais d’une première acquisition de copropriété pour moitié.

b. Dans sa réponse du 11 octobre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La contribuable n’avait pas acquis la parcelle n° 1______ dans sa totalité, mais uniquement la part sur le bien qu’elle avait achetée en copropriété avec B______ une année auparavant. Ce dernier était demeuré copropriétaire de l’immeuble à raison d’une demie. L’acquéreuse avait ainsi bénéficié d’une partie de la réduction « Casatax » correspondante à sa part, de la même manière que C______ et B______ en avaient chacun profité lors d’acquisition du bien en 2022/2023. La taxation était intervenue dans le respect de l’art. 4 du règlement d'application de l'art. 8A de la loi sur les droits d'enregistrement du 1er mars 2004 (RDE - D 3 30.03). L'acquéreuse ne saurait obtenir, pour sa part correspondant à la moitié du bien immobilier, la réduction des droits d'enregistrement correspondant à une part supérieure à cette moitié de l’immeuble. C’était à tort que le notaire défendait le principe selon lequel plusieurs acquéreurs pouvaient bénéficier du rabais maximum sur chacune des quotes-parts acquises d'un immeuble et ainsi bénéficier d'allègements fiscaux multiples.

c. Par réplique du 22 octobre 2024, le notaire a maintenu que l’état de fait de la présente cause différait de celui ressortant de la jurisprudence citée par l’AFC-GE dans sa décision. En effet, l’acquisition effectuée par F______ en 2024 constituait son premier achat d’une part de copropriété de la villa en question. Ainsi, aucune raison ne s’opposait à ce qu’elle bénéficie de la pleine réduction « Casatax », ce d’autant plus que ni C______ ni B______ n'avaient bénéficié de la réduction « Casatax » à l’époque de l’achat susmentionné. 

d. Dans sa duplique du 22 novembre 2024, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions. L’art. 4 RDE, qui prévoyait que lorsque l’immeuble était acquis par plusieurs personnes, en copropriété ou en propriété commune, la réduction des droits d’enregistrement faisait l’objet d’une répartition par quotes-parts des copropriétaires, était clair et ne prêtait pas à interprétation.

e. Par jugement du 31 mars 2025, le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour nouvelle taxation octroyant à la contribuable une réduction « Casatax » complète.

L’état de fait visé par la décision DCCR/1652/2010 différait de la présente cause, qui ne concernait pas la situation d’un copropriétaire acquérant la part d’un autre copropriétaire. En effet, F______ n’était pas copropriétaire de la parcelle n° 1______ avant la vente du 16 mai 2024. Refuser à la prénommée la réduction « Casatax » entière contrevenait au but de l’art. 8A LDE, qui consistait à faciliter l'acquisition de son propre logement par l'allégement des droits d’enregistrement. En outre, l’art. 4 RDE – qui justifiait une répartition des droits d’enregistrement en fonction des quotes-parts – ne s’appliquait pas en l’espèce, étant donné que C______ n’avait vendu sa part qu’à une seule personne, en l’occurrence à F______ et non à des copropriétaires ou à des propriétaires en main commune.

C. a. Par acte du 30 avril 2025, l’AFC-GE a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation.

C’était à tort que le TAPI avait jugé qu’un rabais « Casatax » entier aurait dû être appliqué à la taxation de la contribuable sauf à contrevenir au but de l’art. 8 LDE, et qu’il avait retenu que l’art. 4 RDE ne trouvait pas application dans la mesure où C______ n’avait vendu ses droits de copropriété d’une demie qu’à une seule personne et non à plusieurs copropriétaires ou plusieurs propriétaires en main commune.

L’art. 8A LDE était précisé par des dispositions réglementaires et par une communication établie le 3 mars 2004 (ci-après : la communication) par l’AFC‑GE, d’entente avec la chambre des notaires. Cette dernière avait pour but de donner un éclairage pratique sur les conditions et les procédures d’application de cette disposition.

Le ch. 1.3.2 de la communication indiquait clairement que le logement pris dans son entier dont le prix était pris en compte consistait en une villa ou un appartement et non en des parties de celle-ci ou celui-ci. Il en allait de même du ch. 2.6, selon lequel le rabais et la réduction d’impôt étaient calculés par acquéreur en prenant en considération la quote-part de pleine propriété à l’achat. Il devait donc être admis que le TAPI avait erré en retenant que les montants figurant dans la communication s’appliqueraient ipso facto en entier à la vente des quotes-parts de copropriété d’un logement, sauf à contrevenir à la volonté de l’AFC-GE et de la commission fiscale de la Chambre des notaires.

C’était également à tort que le TAPI avait considéré que l’art. 4 RDE ne trouvait pas application. La contribuable avait acquis la quote-part de copropriété d’une demie, et non entière, détenue par C______. À la suite de cet achat, elle était devenue propriétaire par moitié de la villa à parts égales avec B______. L’acte de vente du 16 mai 2024 mentionnait d’ailleurs expressément que F______ deviendrait copropriétaire avec B______, à raison d’une moitié chacun, par l’inscription de l’acte au registre foncier.

Le principe selon lequel, à teneur de l’art. 655 al. 2 ch. 4 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les parts de copropriété d’un immeuble sont des immeubles n’était pas remis en cause. En revanche, il ne faisait pas de doute que le notaire, puis le TAPI, avaient opéré un amalgame entre la notion de part d’étage ou part de copropriété d’un propriétaire d’étages correspondant au bien immobilier dans son intégralité, la villa, et la part de copropriété de la contribuable correspondant à la moitié de cette villa. La part d’étage constituait un immeuble obligatoirement immatriculé au registre foncier. La volonté du législateur consistait à accorder le rabais maximum pour l’acquisition d’un seul logement pour un prix maximum. En cas de revente d’une partie de ce logement, il était justifié que le rabais « Casatax » prévu par l’art. 8A LDE soit appliqué en fonction de la valeur totale de l’immeuble, mais avec un rabais correspondant à la quote-part acquise. À défaut, il était manifeste que des inégalités de traitement entre contribuables se produiraient. Un acquéreur d’une partie d’un logement pourrait prétendre et bénéficier d’un allègement de même montant que l’acquéreur du logement dans sa totalité. Par ailleurs, il ne pouvait être exclu que les deux acheteurs d’un appartement ou d’une villa acquièrent un bien en différant les opérations afin de bénéficier chacun d’un rabais « Casatax » entier. À suivre le raisonnement du TAPI certaines situations relèveraient de l’absurde.

b. A______ n’a pas formulé d’observations.

c. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10). La qualité pour défendre du notaire, au demeurant non contestée, doit être admise au regard des art. 161 al. 1 let. a et 163 al. 1 LDE, selon lesquels les notaires sont débiteurs directs des droits perçus par l’État en raison des actes et opérations qui relèvent de leur ministère et qui sont soumis obligatoirement ou facultativement à l'enregistrement.

2.             La contestation porte sur des droits d'enregistrement prélevés en raison d'une transaction immobilière instrumentée par l’intimé en tant que notaire, singulièrement sur la question du montant de la réduction « Casatax » à opérer sur les droits d’enregistrement.

2.1 Les actes authentiques translatifs à titre onéreux de la propriété dressés dans le canton de Genève par les notaires sont obligatoirement soumis aux droits d’enregistrement de 3%, sous réserve des exceptions prévues par la LDE (art. 3 let. a et 33 al. 1 LDE).

2.2 Selon l’art. 8A al. 1 LDE, en cas de transfert qui a pour objet la propriété d'un immeuble destiné à servir de résidence principale à l’acquéreur, les droits d'enregistrement sur l’acte de vente sont réduits de CHF 15'000.- pour les opérations n’excédant pas CHF 1'000'000.-. Ces montants sont indexés annuellement à l’indice genevois de la construction.

L’art. 1 al. 6 RDE règle l’indexation prévue par l’art. 8A LDE. Pour l’année 2024, la réduction du droit de vente se monte à CHF 20'399.- et la valeur maximale des opérations s’élève à CHF 1'359'903.-.

Lorsque l'immeuble est acquis par plusieurs personnes, en copropriété ou en propriété commune, la réduction des droits d'enregistrement fait l'objet d'une répartition en fonction des quotes-parts des copropriétaires ou des communistes (art. 4 RDE).

2.3 À teneur de l'art. 655 al. 2 ch. 4 CC, sont immeubles les parts de copropriété d'un immeuble.

La copropriété au sens de l'art. 646 al. 1 CC est la forme de propriété collective dans laquelle chaque titulaire a une part idéale de la chose. Il s'agit d'un droit de propriété unique, dont plusieurs personnes sont titulaires (Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, tome I, 2019, 6e éd., n. 1116 et 1117).

2.4 Selon les travaux préparatoires, le but de l’art. 8A LDE est de faciliter l’acquisition de la propriété de son propre logement par l’allègement des droits d’enregistrement (Mémorial du Grand conseil [MGC] 2001-2002/VI A 1725, 1732). L’initiative populaire, qui a été retirée, ainsi que le contre-projet, qui a conduit à l’adoption de cette disposition, visaient à enrayer les effets dissuasifs que pouvaient produire la LDE sur l’accès à la propriété et tentaient, en abaissant les droits d’enregistrement sur certaines transactions immobilières, de rendre la législation genevoise plus ouverte à la propriété de son logement (Gregor T. CHATTON, Quelques réflexions au sujet du nouvel art. 8A de la loi genevoise sur les droits d’enregistrement et de sa constitutionnalité, in RDAF 2005 II 1, 9).

Selon la communication établie le 3 mars 2004 par l’AFC-GE, d’entente avec la chambre des notaires :

-          le transfert doit avoir pour objet un immeuble au sens juridique du terme (art. 655 CC) sis à Genève (ch. 1.1.2) et porter sur l’acquisition de l’immeuble en pleine propriété, que ce soit en propriété individuelle, en copropriété ou en propriété commune (ch. 1.1.3) ;

-          peuvent bénéficier de l’art. 8A LDE, les villas, les appartements en propriété par étage, mais non un immeuble locatif, même si un appartement doit servir de logement à l’acquéreur (ch. 1.2.1) ;

-          la notion d’opération immobilière comprend le prix du logement (villa, appartement) pris dans son entier (terrain, bâtiments, sans division par parts de copropriété ou de propriété commune) (ch. 1.3.2) ;

-          dès lors que l’art. 163 LDE précise qui doit en finalité supporter les droits d’enregistrement relatifs au transfert de propriété (al. 1) et aux actes hypothécaires (al. 2), le rabais et la réduction d’impôt sont calculés par acquéreur en fonction de leur quote-part de pleine propriété à l’achat (ch. 2.6) ;

-          l’acte de vente doit préciser, le cas échéant, leur quote-part respective de copropriété ou de propriété commune (ch. 3.3).

Cette communication est une ordonnance administrative interprétative à portée externe, dont le but est de rendre explicite la ligne de conduite de l’administration et de faciliter le contrôle juridictionnel (ATA/481/2012 du 31 juillet 2012 consid. 2c ; ATA/350/2006 du 20 juin 2006, consid. 5 et les références citées).

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le caractère formaliste de l’enregistrement implique une interprétation restrictive des exceptions contenues dans la LDE. Les droits d’enregistrement étant ainsi normalement prélevés à chaque fois qu’un acte translatif de propriété à titre onéreux est soumis à l’enregistrement, il faut déterminer pour chaque acte, pris séparément, s’il donne lieu à une exonération. L’exonération constituant l’exception à la perception des droits d’enregistrement, il convient d’en interpréter les conditions de manière stricte (ATA/704/2023 du 27 juin 2023 consid. 3.3 ; ATA/163/2021 du 9 février 2021 consid. 2g).

2.5 Dans une décision du 15 novembre 2010, la CCRA a considéré que la réduction des droits d’enregistrement ne pouvait concerner qu’un seul logement à la fois par propriétaire. Dans le litige qui lui était soumis, la contribuable avait d’abord acquis une parcelle, comprenant deux appartements, en copropriété avec son époux, en 2007. En 2009, son époux lui avait vendu sa part de copropriété sur la parcelle. Il n’était pas contesté qu’elle avait toujours habité les appartements bâtis sur la parcelle. En 2009, elle n’avait pas acquis le logement, sis sur la parcelle, mais uniquement la part de copropriété de son époux sur celui-ci. Elle avait en réalité déjà bénéficié d’une part de la réduction « Casatax » ensuite de la vente de 2007. En application de l’art. 4 RDE, le montant de la réduction obtenue devait se répartir par moitié entre chacun des deux conjoints. Pour le même logement, la contribuable ne pouvait obtenir deux fois la réduction des droits d’enregistrement, si bien qu’elle n’était fondée à revendiquer que la moitié de celle-ci.

2.6 Le principe d'égalité (art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]) et la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liés. Une décision est arbitraire lorsqu'elle ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens ni but. Elle viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 346 consid. 6 ; 129 I 113 consid. 5.1). L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 129 I 346 consid. 6 ; 1 consid. 3 ; 127 I 185 consid. 5 et les références citées). 

3.             En l’espèce, il n’est pas contesté que la part de copropriété acquise sur la villa par la contribuable entre dans la définition d’« immeuble » au sens de l'art. 8A LDE. Il n’est pas d’avantage remis en cause que l’intéressée occupe effectivement sa part de copropriété à titre de résidence principale et que l’opération immobilière ne dépasse pas le prix plafond prévu par l’art. 8A al. 1 LDE, cum art. 1 al. 6 let. a RDE, dans sa version applicable au moment de l’acte de vente. Dans l’avis de taxation, litigieux, l’AFC-GE a fixé à CHF 9'623.- les droits d’enregistrement portant sur l’acte de vente du 16 mai 2024, instrumenté par l’intimé. Ce montant correspond au 3% du prix de vente (CHF 660'603.-), sous déduction du rabais d’impôts de l’art. 8A LDE de CHF 10'100.50, soit la moitié de la réduction du droit de vente prévue à l’art. 1 al. 6 RDE (CHF 20'399.-).

La juridiction précédente a considéré que cette manière de procéder contrevenait au but de l’art. 8 LDE, qui consistait à faciliter l’acquisition de son propre logement par l’allégement des droits d’enregistrement. Dans la mesure où l’acquéreuse n’était pas copropriétaire de la parcelle no 1______ avant l’acte de vente du 16 mai 2024, elle n’avait, contrairement à la situation prévalant dans la décision de la CCRA du 15 novembre 2010, jamais bénéficié d’une réduction « Casatax » sur l’achat de l’immeuble en question. Elle pouvait ainsi revendiquer la totalité de la réduction lors du transfert de sa part de copropriété.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. Il s’écarte en effet du texte clair de l’art. 4 RDE, selon lequel lorsque l'immeuble est acquis par plusieurs personnes, en copropriété ou en propriété commune, la réduction des droits d’enregistrement fait l’objet d’une répartition en fonction des quotes-parts des copropriétaires ou des communistes. Il n’est en effet pas contesté que l’immeuble a été acquis en copropriété par B______ et C______, seule la quote-part de copropriété d’une demie de cette dernière ayant été transférée à la contribuable. Contrairement à ce que retient la juridiction précédente, il n’est pas nécessaire, pour que l’art. 4 RDE trouve application, que l’immeuble soit acquis simultanément par plusieurs personnes. Une telle solution reviendrait en effet à faire bénéficier, sans motif justificatif objectif, les acquéreurs de parts de copropriété ayant différé les opérations de vente au détriment de copropriétaires ayant acquis leur bien immobilier simultanément.

Ainsi, et dans la mesure où la contribuable est devenue propriétaire par moitié de la villa à parts égales avec B______, force est d’admettre que l’on se trouve bien dans la situation dans laquelle un logement est divisé en quotes-parts. L’art. 4 RDE trouve partant application.

Le principe consistant à calculer le rabais et la réduction de l’impôt en fonction de la quote-part de pleine propriété de l’achat est au demeurant repris et précisé au ch. 2.6 de la communication établie par l’AFC-GE, selon lequel le rabais et la réduction d’impôt sont calculés par acquéreur en fonction de leur quote-part de pleine propriété à l’achat. Aucune raison ne justifie de ne pas tenir compte du texte clair de cette communication, laquelle vise à assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Rien ne laisse en effet supposer qu’elle ne respecterait pas le sens et le but de l’art. 8A al. 1 LDE, étant rappelé que ce mécanisme place – comme on l’a vu – les acquéreurs d’immeubles en copropriété sur un pied d’égalité. Comme l’indique la recourante, il résulte de la lettre de la loi, interprétée à la lumière des travaux parlementaires, que la volonté du législateur consistait à accorder le rabais maximum pour l’acquisition d’un seul logement pour un prix maximum fixé par la loi et non de faire bénéficier chaque propriétaire de quotes‑parts du rabais maximum, en profitant d’allégements fiscaux multiples.

C’est partant à raison que l’AFC-GE a réparti la réduction des droits d’enregistrement en fonction de la quote-part de copropriété de la contribuable.

Le recours doit partant être admis. Le jugement querellé sera annulé et l’avis de taxation du 17 mai 2024 sera rétabli.

4.             Vu l’issue du litige, aucun émolument de procédure ne sera mis à la charge de l’intimé, qui ne s’est pas déterminé. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’autorité recourante ayant recouru dans son propre intérêt et disposant d’un service juridique (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 avril 2025 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2025 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2025 ;

rétablit l’avis de taxation du 17 mai 2024 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à A______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :