Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1424/2024

ATA/1037/2025 du 23.09.2025 sur JTAPI/1033/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1424/2024-PE ATA/1037/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 septembre 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Mevlon ALIU, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 octobre 2024 (JTAPI/1033/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1984, est ressortissant du Kosovo.

b. En 2005 et 2007, il a déposé en Suisse deux demandes d’asile qui n'ont pas abouti.

c. Arrêté par la police le 22 janvier 2013, il a déclaré lors de son audition subséquente être venu en Suisse pour la première fois en 2005, en être reparti avant d'y revenir à plusieurs reprises pour y séjourner et y travailler sans autorisation. Son épouse et leur fils âgé de trois mois, ses parents, deux de ses frères ainsi que sa sœur vivaient au Kosovo, tandis que deux autres de ses frères vivaient en France. Il se souvenait qu’une interdiction d’entrée sur le territoire suisse prononcée à son encontre, valable deux ans à partir du 30 mars 2011, lui avait été notifiée le 25 avril 2012.

d. Par ordonnance pénale du 23 janvier 2013, le Ministère public de Genève a condamné A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.-le jour, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, pour entrée et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20).

e. Le 20 juillet 2014, A______ a été interpellé à l’aéroport de Genève alors qu’il s'apprêtait à embarquer sur un vol à destination du Kosovo.

f. Une nouvelle interdiction d’entrée en Suisse, valable trois ans à partir du 19 août 2014, a ainsi été prononcée à son encontre ; elle lui a été notifiée le 6 avril 2016.

g. Par ordonnance pénale du 11 décembre 2014, le Ministère public genevois l’a déclaré coupable d’infractions à l’art. 115 al. 1 let. a et b LEI et l’a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 30.- le jour.

h. En janvier 2016, A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour afin d’épouser B______, née le ______ 1972, titulaire d’une autorisation d’établissement.

i. Le 16 septembre 2016, il a été placé en détention extraditionnelle ; les autorités italiennes le recherchaient afin qu’il purge une peine de sept ans d’emprisonnement pour tentative de meurtre et lésions corporelles graves.

j. Le 23 septembre 2016, l’OCPM a refusé de lui délivrer une autorisation de séjour de courte durée en vue de préparer son mariage.

k. A______ a été extradé en Italie le 23 mars 2017.

B. a. En octobre 2023, A______ a sollicité auprès de l'OCPM l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur, se prévalant d’un cas de rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI.

Il vivait en Suisse depuis le mois d’août 2005, occupait un emploi en tant que pizzaiolo, n’avait jamais eu recours à l’aide sociale, était en mesure de justifier d'un niveau de français A2, avait toujours respecté l’ordre juridique et entretenait des liens étroits avec la Suisse.

À l’appui de sa requête, il a produit diverses pièces, dont un formulaire M rempli par la pizzeria C______ mentionnant son arrivée à Genève le 1er août 2005, un contrat de travail de durée indéterminée à compter du 1er juin 2022 moyennant un salaire mensuel net de CHF 3’400.- (il y est mentionné que l’employé accepte de travailler de minuit à 7h00 et qu’il n’a pas de formation au sens de la Convention collective de travail pour l’hôtellerie-restauration suisse), un extrait de son compte individuel AVS (à laquelle il a cotisé en septembre-octobre 2005, en décembre 2007, en 2008, en janvier-mars et août-décembre 2009, en août-décembre 2010, en septembre-décembre 2011, en 2013, en janvier-mai 2014, en juin-décembre 2015, en janvier-septembre 2016 et en août-décembre 2022), un extrait vierge de l’office des poursuites du 6 septembre 2023, une attestation de l’Hospice général du 17 octobre 2023 certifiant qu’il n’était pas aidé financièrement, un extrait destiné aux particuliers de son casier judiciaire suisse (vierge), un passeport des langues du 10 octobre 2023 indiquant son niveau de français oral (A2) et divers documents attestant de sa présence en Suisse.

b. Le 6 novembre 2023, l’OCPM a réclamé des documents justifiant sa présence en Suisse entre 2017 et 2022.

c. Le 13 novembre 2023, A______ a répondu qu’il ne parvenait « pas à rassembler plus de preuves de séjour pour cette période », mais qu’il transmettrait des lettres de références d’amis et de voisins.

d. Le 16 novembre 2023, l’OCPM a informé A______ qu’un témoignage était considéré comme engageant (sic) lorsqu’il avait été effectué par une personne ayant eu une relation professionnelle ou formelle avec l’intéressé (employeur, médecin, enseignant, etc.) ou qu'il provenait d’un organisme ou association reconnue (église ou association religieuse, école de musique, théâtre, etc.). Des témoignages d’amis ou de voisins ne constituaient pas de tels témoignages. Il a demandé les raisons ayant conduit à l’extradition vers l’Italie en mars 2017 et la durée de son absence. La présentation d’un casier judiciaire étranger a également été requise.

e. Le 21 novembre 2023, A______ a indiqué avoir été extradé à D______ en 2017, où il avait été jugé et condamné à trois ans de prison suite à une « bagarre ».

f. Le 25 janvier 2024, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande de régularisation formée au mois d’octobre 2023 et de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Son renvoi était par ailleurs exigible. Il lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses éventuelles observations.

g. Le 26 février 2024, A______ s’est déterminé.

h. Par décision du 11 mars 2024, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de A______ avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 11 juin 2024 pour quitter la Suisse et le territoire des États membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité n’étaient pas réalisés. À teneur des pièces produites, A______ ne pouvait pas justifier d'une présence continue en Suisse durant les dix dernières années. Il avait d’ailleurs été extradé en Italie en mars 2017 pour purger, selon ses dires, une peine de trois ans. Son séjour avait pris fin le jour de l’extradition. Par ailleurs, tout portait à croire que son absence avait été bien plus longue, aucune pièce indiquant sa présence en Suisse avant août 2022 n’ayant été fournie. L’extrait de casier judiciaire suisse destiné aux particuliers ne mentionnait que les infractions les plus graves, qui s’effaçaient automatiquement dès les deux tiers de la durée officielle atteinte, tandis que l’extrait du casier judicaire destiné aux autorités affichait toutes les infractions et celles-ci n’étaient effacées qu’au terme de la durée officielle. Malgré son expérience démontrée dans le domaine de la restauration, A______ ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration professionnelle particulièrement marquée. Le fait de travailler, de ne pas dépendre de l’aide sociale et de s’efforcer d’apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constituait un comportement ordinaire pouvant être attendu de tout étranger qui souhaitait obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait enfin pas été démontré qu’une réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences pour lui.

C. a. Par acte du 26 avril 2024, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur.

Il remplissait les critères pour être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il vivait en Suisse depuis 2005, de sorte que malgré son extradition en Italie en 2017, il y avait d’ores et déjà vécu plus de dix ans. Au cours de ces nombreuses années, il avait tissé des liens forts et créé un cercle d’amis en Suisse. Ses efforts d’intégration étaient aussi démontrés par son obtention du niveau A2 oral. Il travaillait en tant que pizzaiolo et était très apprécié par son employeur, ayant plusieurs années d’expérience dans la restauration et faisant preuve d’une intégration professionnelle poussée. Il avait toujours subvenu seul à ses besoins, n’avait jamais eu recours à l’aide sociale et n'avait pas de dettes. Bien qu’il eût fait l’objet d’une condamnation à D______, son casier judiciaire suisse était vierge. L’OCPM indiquait se fonder sur l’extrait du casier judiciaire suisse destiné aux autorités, sans toutefois démontrer qu’il aurait commis une quelconque infraction en Suisse au cours des dix dernières années.

Son renvoi n'était pas exigible. L’OCPM se bornait à citer la conclusion « logique » d’une non-obtention d’une autorisation de séjour en confirmant le prononcé de son renvoi. Cette motivation sommaire était insuffisante. D’abord, la non-obtention d’un titre de séjour était contestée dans la mesure où « le présent recours [était] en cours ». Il était ancré en Suisse, y avait forgé son caractère, y avait tissé des liens et s’était « fait » aux us et coutumes helvétiques. Malgré son séjour sans permis, sa volonté de se régulariser l’avait poussé à effectuer les démarches en vue d’obtenir un titre de séjour. Contraindre une personne ayant eu cette volonté à quitter le pays revenait à inciter le séjour des personnes qui n’avaient même pas souhaité se régulariser.

b. Le 28 juin 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

A______ s’était absenté de Suisse entre 2017 et 2020 et ne pouvait donc pas se prévaloir d’un séjour continu depuis au moins dix ans. Par ailleurs, il n’avait pas non plus séjourné de manière continue en Suisse entre 2005 et 2013. Son extradition à D______ en 2017, où il aurait été condamné à trois ans de peine privative de liberté, n’était pas anodine et devait être prise en considération dans l’examen de son cas. Enfin, bien que le recourant se fût bien intégré au niveau social et professionnel à Genève, aucun élément au dossier n’indiquait qu’il avait noué des liens étroits avec la Suisse. Âgé de 39 ans, en bonne santé, célibataire – ou marié coutumièrement dans son pays d’origine – avec un enfant vivant au Kosovo où il avait certainement encore un réseau familial, sa réintégration n’y était pas fortement compromise.

c. Par jugement du 24 octobre 2024, le TAPI a rejeté le recours.

A______ séjournait en Suisse depuis un peu plus de deux ans, soit depuis le mois d’août 2022. Il avait quitté la Suisse au mois de mars 2017, suite à son extradition en Italie. À cet égard, il alléguait avoir été condamné à une peine de trois ans pour « bagarre », sans produire le moindre élément étayant ses dires, alors qu’il était recherché pour purger une peine de sept ans d’emprisonnement pour tentative de meurtre et lésions corporelles graves. Il semblait plus probable qu'il ait été détenu en Italie plus longuement qu’il ne le disait et qu’il ait rejoint la Suisse en été 2022 dans le cadre d'une libération conditionnelle. S’agissant de son séjour antérieur au mois de mars 2017, aucun élément du dossier ne permettait de retenir qu'il ait vécu de manière continue en Suisse durant dix ans. Au contraire, il avait lui-même déclaré à la police en janvier 2013 qu’il était reparti et revenu à plusieurs reprises depuis sa première demande d’asile.

A______ ne pouvait pas se prévaloir d’une excellente intégration socioprofessionnelle. Il avait certes régulièrement exercé une activité lucrative, mais son intégration économique ne pouvait pas pour autant être qualifiée d’exceptionnelle.

Sa réintégration dans son pays d’origine ne paraissait pas gravement compromise. Il était venu s’établir en Suisse pour la première fois alors qu’il était âgé de 21 ans, de sorte qu’il avait passé toute son enfance, son adolescence et le début de l’âge adulte dans son pays d’origine. S'il risquait certes de traverser une phase de réadaptation, il pourrait vraisemblablement compter sur les membres de sa famille pour reprendre pied au Kosovo, dont il connaissait la langue et les us et coutumes.

Son renvoi était par ailleurs exigible, rien ne permettant de retenir qu’un retour au Kosovo l’exposerait à une mise en danger concrète.

D. a. Par acte posté le 25 novembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur et à l'allocation d'une indemnité de procédure.

Le jugement attaqué instrumentalisait des condamnations pénales qui n'avaient eu « aucune influence sur la partie en droit » et étaient par ailleurs prescrites, disqualifiant ainsi sa crédibilité. Le TAPI avait commis un excès négatif du pouvoir d'appréciation en se fondant sur des motifs insuffisants pour rejeter la demande.

À cet égard, son absence de condamnations pénales reflétait son respect de l'ordre public suisse. Depuis 2022, il travaillait en tant que pizzaiolo au bénéfice d'un contrat de durée indéterminée et donnait satisfaction à son employeur, qui le décrivait dans un certificat de travail de novembre 2024 comme « un excellent employé, disponible, ponctuel et toujours présent ». Il participait ainsi à la vie économique du pays. Il était indépendant financièrement et intégré dans le tissu social genevois et avait obtenu le niveau A2 à l'oral en français.

Son renvoi n'était pas exigible. Il vivait à Genève depuis 2005, soit plus de 20 ans et s'était adapté aux normes sociales et culturelles locales. Il avait quitté le Kosovo deux décennies auparavant et ses liens avec son pays d'origine s'étaient distendus. La Suisse était désormais son véritable foyer. Sa situation illustrait précisément le type de cas où la durée du séjour devenait un facteur prépondérant dans l'examen du cas de rigueur. Son expulsion au Kosovo était impossible vu les défis socio‑économiques importants du pays, en particulier le taux de chômage élevé.

b. Le 5 décembre 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

c. Le 28 février 2025, le recourant a répliqué et persisté dans les termes et conclusions de son recours.

L'affirmation selon laquelle l'argumentation développée devant la chambre administrative était en substance la même qu'en première instance ne prenait pas en compte certains éléments fondamentaux, notamment que les faits lui ayant valu d'être extradé en Italie étaient anciens – ils dataient du 3 mai 2007 – et concernaient une rixe ; malgré ses efforts, il n'avait pu obtenir un extrait de son casier judiciaire italien.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Bien qu'il n'y conclue pas expressément, le recourant propose son audition à titre de moyen de preuve concernant certains de ses allégués de fait.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, le recourant a eu l’occasion de faire valoir son point de vue tout au long de la procédure devant l’OCPM, le TAPI, puis la chambre de céans. Il a, en outre, pu produire toutes les pièces qu’il estimait utiles. Il ne motive aucunement sa demande d’audition et n’explique pas en quoi celle-ci serait nécessaire à la solution du litige.

L'audition demandée sera par conséquent refusée.

3.             Le litige porte sur la décision de l'OCPM, confirmée par le TAPI, de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable et prononçant son renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse. Si le séjour illégal a été implicitement toléré jusque-là par les autorités chargées de l’application des prescriptions sur les étrangers et de l’exécution (communes ou cantons), cet aspect pèsera en faveur de l’étranger (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 [ci‑après : directives LEI] - état au 1er janvier 2025, ch. 5.6.10).

3.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.4 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.5 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.6 De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/1093/2024 du 17 septembre 2024 consid. 3.4).

3.7 En l’espèce, le recourant a, lors de son audition par la police en janvier 2013, dit être venu en Suisse pour la première fois en 2005, en être reparti avant d'y revenir à plusieurs reprises pour y séjourner et y travailler sans autorisation ; il a aussi, devant le TAPI, admis avoir purgé en Italie une condamnation à trois ans de peine privative de liberté. Il semble affirmer désormais vivre en Suisse de manière continue depuis 2005. Le TAPI a retenu à juste titre que le recourant ne parvenait pas à démontrer à satisfaction de droit un séjour en Suisse de longue durée, qu'il était vraisemblable qu'il ait quitté la Suisse en 2017 et n'y soit revenu qu'en août 2022 à la faveur d'une possible libération conditionnelle, et que s’agissant de son séjour antérieur au mois de mars 2017, aucun élément du dossier ne permettait de retenir qu'il aurait vécu de manière continue en Suisse durant dix ans, notamment au vu de ses déclarations précitées de 2013. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique, les pièces fournies par le recourant, notamment quant à ses périodes de travail, n'allant pas dans un autre sens.

Quoi qu'il en soit, la durée de son séjour en Suisse doit de toute façon être fortement relativisée du fait qu’elle s’est intégralement déroulée dans l’illégalité, ou au bénéfice d'une tolérance des autorités lors des procédures d'asile ainsi que depuis le dépôt de la demande. Par ailleurs, la condamnation du recourant en Italie, qu'elle concerne une peine de trois ans pour rixe ou, à plus forte raison, de sept ans pour tentative de meurtre, ne témoigne pas d'un bon respect de l'ordre social, quand bien même l'infraction n'a pas été commise en Suisse. Le recourant n'a de plus pas respecté les décisions d'interdiction d'entrée dont il a fait l'objet.

Si le recourant est, certes, indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale et a pu établir parler français au niveau A2, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio‑professionnelle particulièrement réussie. Il ne rend pas vraisemblable qu’il se serait investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Enfin, bien qu’indépendant économiquement, il occupe un emploi non qualifié dans le secteur de la restauration et ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence. En outre, les connaissances professionnelles acquises en Suisse ne sont pas spécifiques à ce pays, au point qu’il ne pourrait les utiliser au Kosovo.

Le recourant est né au Kosovo et y a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte jusqu’à l’âge de 21 ans. Il y est retourné depuis à diverses reprises. Il connaît les us et coutumes de son pays, la mentalité et en parle la langue. Il ne soutient pas ne plus y avoir de famille, quand bien même il tente de minimiser ses liens avec son pays d'origine. Ainsi, malgré la durée de son séjour en Suisse, son pays ne peut lui être devenu étranger. Âgé de 41 ans et en bonne santé, il pourra faire valoir en cas de retour l’expérience et les compétences acquises en Suisse pour sa réintégration, notamment professionnelle et sociale, et ne devrait ainsi pas rencontrer d’importants problèmes de réintégration professionnelle, du moins qui soient indépendants des difficultés connues par l'ensemble de la population au Kosovo. À cet égard, les facteurs socio-économiques généraux qu'il invoque, tels que le taux de chômage dans son pays d'origine, n'ont pas à être pris en compte dans le cadre de l'analyse d'un éventuel cas d'extrême gravité. Sa situation ne permet en tout cas pas de retenir que sa réintégration serait gravement compromise au sens de la jurisprudence.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

3.8 Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Les facteurs socio-économiques prévalant au Kosovo ne peuvent pas non plus être pris en compte dans ce cadre, le manque de perspectives économiques ou un taux de chômage élevé ne constituant pas des circonstances permettant d'admettre que l'exécution d'un renvoi ne serait pas exigible.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 novembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mevlon ALIU, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.