Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/750/2025 du 08.07.2025 ( PROC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1854/2025-PROC ATA/750/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 8 juillet 2025 |
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dans la cause
A______ réclamant
contre
COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE
et
COMMISSION DU BARREAU intimées
A. a. Par décision du 16 janvier 2023, la commission du barreau (ci-après : CB) a prononcé un avertissement à l'encontre de A______, avocat inscrit au tableau genevois des avocats membres de l'Union européenne ou de l'Association européenne de libre-échange depuis 2018, pour avoir violé son devoir de diligence. Il ne maîtrisait pas suffisamment le français pour pouvoir assurer de manière satisfaisante sa participation à l'audience et notamment ses plaidoiries en défense pénale, acceptant des mandats en connaissance de ses carences linguistiques.
b. Par acte remis à la poste le 20 février 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. Il invoquait dans son acte de recours, long de sept pages, deux griefs, à savoir la constatation inexacte des faits pertinents et l'absence de violation de l'art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61). Une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue le 3 mai 2023 et a duré un peu plus de 20 minutes. A______ n'a pas produit de réplique ni d'autres écritures mais a écrit un courrier le 11 septembre 2023 afin de communiquer une pièce.
c. Par arrêt du 30 janvier 2024 (ATA/96/2024), la chambre administrative a rejeté le recours. Elle a mis à la charge de l’intéressé un émolument de CHF 500.- et dit qu’il ne lui était pas alloué d’indemnité de procédure.
d. Par arrêt du 6 novembre 2024 (2C_144/2024), le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par A______ contre l’ATA/96/2024 précité et a annulé ce dernier. Il a renvoyé la cause à la CB et n'a pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. La cause a été renvoyée à la chambre administrative pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure cantonale.
Le grief de violation de l'art. 29 LLCA était invoqué pour la première fois devant le Tribunal fédéral, ce qui était admissible (consid. 4.1). La CB avait violé l'art. 29 LLCA. Cela entraînait l'annulation de l'arrêt cantonal sans qu'il faille examiner les autres griefs soulevés dans le mémoire de recours (consid. 4.8).
B. a. Dans le délai imparti pour se prononcer sur les suites à donner à l’arrêt du Tribunal fédéral susmentionné, A______ a conclu à l'octroi d'une indemnité de procédure de CHF 26'635.35.
Il convenait de lui allouer une indemnité de procédure pleine lui restituant dans leur intégralité les frais et dépens de la procédure. Il avait versé une avance de frais de CHF 500.- et s'était fait facturer par les deux avocats qu'il avait consultés, respectivement, CHF 400.- à titre de provision le 6 avril 2022 et CHF 21'735.35 à titre d'honoraires pour la période du 1er octobre 2021 au 7 mars 2024.
b. La CB s’en est rapportée à justice quant au sort des frais et indemnités.
c. Par arrêt du 15 avril 2025 (ATA/413/2025), la chambre administrative a dit qu'aucun émolument n'était perçu pour la procédure ayant conduit au prononcé de l'ATA/96/2024, et a alloué à A______ une indemnité de CHF 1'000.-.
En tenant compte du fait que la chambre administrative appliquait le droit d'office et aurait pu annuler la décision attaquée sur la base de l'art. 29 LLCA même sans grief correspondant, il y avait lieu de ne pas percevoir d'émolument.
Il convenait en outre de fixer l’indemnité de procédure à CHF 1'000.-. L'indemnité de procédure ne constituait qu'une participation aux honoraires d'avocat, ne pouvait concerner que les frais indispensables causés par le recours (et donc une période allant de la notification de la décision attaquée, le 19 janvier 2023, au prononcé de l'arrêt de la chambre administrative le 30 janvier 2024) et prenait en compte le relatif peu d'importance des écritures (un recours de sept pages et un courrier destiné à communiquer une pièce), la brièveté de l'audience (20 minutes) ainsi que le manque de pertinence de l'acte de recours, qui ne contenait pas le grief qui avait conduit le Tribunal fédéral à annuler l'arrêt de la chambre administrative.
C. a. Par acte posté le 27 mai 2025, A______ a formé réclamation contre l'indemnité à lui allouée par l'arrêt précité, concluant à ce qu'une indemnité d'au moins CHF 3'000.- soit allouée à « l'hoirie Me A______ » (sic) et à l'octroi d'une indemnité de procédure de CHF 1'000.- pour la procédure de réclamation.
La chambre administrative n'avait pas exécuté correctement l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral. Ce dernier lui avait renvoyé la cause pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Or, la chambre administrative n'avait alloué aucun montant pour la procédure devant la CB.
Les factures et notes d'honoraires et de frais de son avocat s'élevaient au total à CHF 26'635.36. L'état de fait représentait une complexité particulière, les faits invoqués par l'administration fiscale cantonale (sic) étant erronés et soulevant de nombreuses questions juridiques complexes. Les écritures produites avaient revêtu une importance primordiale pour l'issue du litige. Sur cette base, sa mandante (sic) demandait qu'une indemnité de procédure de CHF 3'000.- lui soit allouée.
b. Le 10 juin 2025, la CB s'en est rapportée à justice à propos de la réclamation.
c. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été averties le 17 juin 2025.
1. Formée en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a, 63 al. 1 let. a et 87 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Le réclamant se plaint de s’être vu allouer une indemnité de procédure trop faible, et ne tenant pas compte de la procédure antérieure devant la CB.
2.1 Dans le canton de Genève, la juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/297/2025 du 25 mars 2025 consid. 2.1). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).
L'art. 87 LPA se situe dans le Titre IV de la LPA, intitulé « Procédure de recours en général » (art. 57 à 89 LPA) ; aucune indemnité de procédure n'est prévue pour la procédure précontentieuse (ou non contentieuse ; art. 10A à 47 LPA), pas plus qu'en procédure de réclamation (art. 50 à 52, applicables à la présente réclamation par le biais du renvoi de l'art. 87 al. 4 LPA).
2.2 L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.
2.3 La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/297/2025 précité consid. 2.3 ; ATA/131/2025 du 4 février 2025 consid. 2.3 ; ATA/46/2022 du 18 janvier 2022 consid. 1), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA, dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-.
2.4 Pour déterminer le montant de l'indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d'instruction, le nombre d'échanges d'écritures et d'audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l'importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l'affaire (ATA/297/2025 précité consid. 2.4 ; ATA/1313/2024 du 12 novembre 2024 consid. 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_80/2023 du 14 août 2023 consid. 6.2, qui confirme que le critère de la pertinence des écritures et de leur impact sur le sort du litige n'est pas arbitraire).
2.5 En l'espèce, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la chambre de céans « pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale ». Ce dernier vocable ne peut désigner que la procédure judiciaire cantonale, qui ne comprend vu la nature du litige qu'une seule instance. En effet, la LPA (pas plus que, par définition puisqu'elle ne concerne que la procédure devant le Tribunal fédéral, la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110) ne prévoit pas d'indemnité de procédure pour la phase précontentieuse, si bien que le Tribunal fédéral ne pouvait pas se référer à cette phase pour la fixation de dépens. L'arrêt attaqué est donc exact lorsqu'il mentionne que l'indemnité de procédure ne peut tenir compte que des frais encourus pendant la période allant de la notification de la décision de la CB, le 19 janvier 2023, au prononcé de l'arrêt de la chambre administrative le 30 janvier 2024.
Quant au montant de l'indemnité, la chambre de céans a expliqué pourquoi elle avait retenu le montant de CHF 1'000.-, à savoir le relatif peu d'importance des écritures (un recours de sept pages et un courrier destiné à communiquer une pièce), la brièveté de l'audience (20 minutes) ainsi que le manque de pertinence de l'acte de recours, qui ne contenait pas le grief qui avait conduit le Tribunal fédéral à annuler l'arrêt de la chambre administrative. Cette appréciation ne peut qu'être confirmée. Il sied par ailleurs de relever que la brièveté du recours dément d'elle-même les allégations du recourant quant à la complexité en fait et en droit de la cause, lesquelles semblent, du reste, relatives à une autre procédure, de nature fiscale.
Il suit de là que la réclamation est infondée, si bien qu'elle sera rejetée.
3. Conformément à la pratique courante de la chambre de céans, aucun émolument ne sera prélevé pour la présente procédure de réclamation. Le réclamant succombant, et agissant de toute manière en personne, il n’y a pas non plus lieu de lui allouer une indemnité pour la présente procédure (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable la réclamation formée le 27 mai 2025 par A______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 15 avril 2025 ;
au fond :
la rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure pour la présente réclamation ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______, à la Commission du Barreau ainsi qu'au Tribunal fédéral, pour information.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, Justine BALZLI, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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