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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1418/2025

ATA/734/2025 du 30.06.2025 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1418/2025-FORMA ATA/734/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juin 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______, représenté par sa mère B______ recourant

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 2008, de nationalité suisse, habite C______ [commune genevoise]. Auparavant, soit jusqu'en 2021, sa famille habitait en Haute‑Savoie.

b. Pendant l'année scolaire 2024-2025, il a suivi une classe de 2de au lycée de D______, à E______, école privée française reconnue par le Ministère de l'éducation nationale.

B. a. Par demande présentée le 1er avril 2025, A______ a sollicité son inscription pour l'année scolaire 2025-2026 au Collège de Genève (ci-après : CdG). Il a notamment joint à sa demande ses bulletins scolaires de l'année en cours ainsi qu'une attestation émanant d'un spécialiste concernant un trouble de l'apprentissage de type dyslexie ou dysorthographie.

b. Par décision du 14 avril 2025 envoyée par pli recommandé anticipé par courriel, la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) a refusé l'inscription sollicitée.

À la suite de l'examen du dossier d'A______, ce dernier ne remplissait pas les conditions d'admission fixées par la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci‑après : DGES II), conformément à l'art. 29 du règlement relatif à l'admission dans l'enseignement secondaire II du 14 avril 2021 (RAES II ‑ C 1 10.33). En effet, il n'avait pas les notes au terme de sa 3ème lui permettant d'être admis au CdG ou à l'École de culture générale (ci-après : ECG). Ses multiples notes insuffisantes lui permettaient uniquement d'être admis au sein du Centre de formation préprofessionnelle (ci-après : CFPP).

C. a. Par acte posté le 22 avril 2025, B______, agissant au nom de son fils, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles.

En 2024, un diagnostic avait révélé qu'A______ souffrait de dyslexie et de dysorthographie. Une évaluation cognitive réalisée par une psychologue avait confirmé un trouble du déficit de l'attention (ci-après : TDA) avec une extrême lenteur du traitement de l'information. Bien que ces troubles fussent présents depuis plusieurs années, c'était seulement depuis deux mois qu'il bénéficiait d'une prise en charge médicale ainsi que de mesures d'accompagnement pédagogiques spécifiques mises en place au sein de l'école. Des effets positifs étaient déjà constatés sur sa capacité à se concentrer, à traiter les consignes et à structurer son travail.

Dans ces conditions, ses résultats de 11ème année ne pouvaient pas être considérés comme un indicateur fidèle de ses réelles capacités, puisqu'obtenus sans soutien ni traitement. Il était de plus extrêmement motivé à poursuivre ses études, que ce soit au CdG, à l'ECG ou dans une école de commerce. Il demandait à bénéficier d'un traitement équitable en ayant la possibilité de passer les examens d'entrée, avec les adaptations nécessaires. afin de garantir une évaluation juste de ses compétences. L'attention de la chambre administrative était attirée sur l'égalité des chances prévue par l'art. 8 al. 2 et 4 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et sur l'art. 2 de la loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées du 13 décembre 2002 (LHand – RS 151.3).

Étaient jointes au recours une attestation du 10 février 2025 émanant d'une psychologue diagnostiquant un TDA sans hyperactivité et conseillant la mise en place de mesures scolaires adaptées, ainsi qu'une « attestation de trouble » avec proposition de mise en place d'aménagements scolaires, du 4 octobre 2024, signée par une autre psychologue, sur formulaire du service de la pédagogie spécialisée du DIP.

b. Le 6 mai 2025, le DIP, soit pour lui la DGES II, a conclu au rejet du recours.

Les notes obtenues en 2nde par A______ ne lui permettaient pas d'être admis en deuxième année du CdG. Sa moyenne générale était de 11.5/20 au lieu des 13 demandés et son option spécifique (ci-après : OS) physique-chimie était de 7.9 au lieu de 13. De plus, la seule moyenne de 9 en français lui interdisait l'admission, dès lors que le minimum demandé était de 11.

En ce qui concernait une admission en première année du CdG, il n'en remplissait pas non plus les conditions. Son bulletin de 3ème faisait état d'une moyenne générale de 11.7/20 au lieu de 13. Il cumulait aussi sept disciplines insuffisantes (français, mathématiques, anglais, allemand, histoire-géographie, physique-chimie et arts plastiques) au lieu des trois tolérées. La moyenne de 10.5 en français était inférieure à la note de 11 requise dans cette discipline. Une admission à l'ECG ou école de commerce n'étaient pas non plus possible vu les cinq disciplines insuffisantes dans son bulletin de 3ème.

Pour ce qui était du trouble de l'apprentissage invoqué, il ne pouvait être pris en compte car une admission par dérogation au sein de l'enseignement secondaire II n'était pas possible. Par ailleurs, A______ pouvait poursuivre sa formation au sein du CFPP.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 30 mai 2025 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 17 mai 2025, A______ a persisté dans les termes de son recours. À titre d'élément complémentaire important, il signalait être engagé au sein de l'équipe de F______ en catégorie U18, ce qui correspondait au plus haut niveau suisse de basketball pour son âge. La possibilité pour lui d'être scolarisé à Genève était essentielle. Une orientation vers le CFPP, qui ne proposait que des filières menant à l'apprentissage, n'était pas adaptée à son projet tant académique que sportif, ne lui permettant notamment pas de bénéficier de la filière sport-études.

e. Le DIP ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Selon l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve (al. 2).

2.1 Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d’une certaine souplesse s’agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu’elles ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est, en soi, pas un motif d’irrecevabilité, pour autant que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/634/2025 du 5 juin 2025 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant n’a pas pris de conclusions formelles. L’on comprend toutefois de ses écritures qu’il demande l'annulation de la décision attaquée ainsi que son admission dans l'enseignement secondaire II (au CdG, à l'ECG ou dans une « école de commerce ») pour l'année scolaire 2025‑2026, de sorte que le recours satisfait aux exigences minimales de motivation.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de la DGES II de refuser d'admettre le recourant dans les filières souhaitées de l'enseignement secondaire II.

3.1 La formation est obligatoire jusqu’à l’âge de la majorité au moins (art. 194 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst‑GE - A 2 00).

3.2 Le degré secondaire II est composé notamment du CdG, de l'ECG, des centres de formation professionnelle et du CFPP (art. 84 al. 1 let. a, b et c de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 - LIP - C 1 10).

Les conditions d’admission, de promotion et d’obtention des titres sont fixées par voie réglementaire (art. 85 al. 1 LIP).

3.3 L'art. 29 RAES-II traite le cas des élèves issus d'une école publique française ou privée reconnue par le ministère français de l'Éducation nationale.

Les élèves issus d'une troisième d'une école publique française ou privée reconnue par le ministère français de l'Éducation nationale sont admissibles en 12e année à l'école de culture générale, au collège de Genève et en formation professionnelle initiale d'employé de commerce en voie plein temps s'ils remplissent les normes d'admission fixées par la DGES II et publiées sur le site Internet du DIP ; ils ne peuvent pas prétendre à une admission sur tests (art. 29 al. 1 RAES‑II).

3.4 La chambre de céans a déjà jugé que si des tolérances sont prévues en matière de promotions, tant au cycle d’orientation qu’au CdG, aucune dérogation n’est prévue en matière d’admission au sein de ce dernier. La loi ne laissant aucune marge d’interprétation ou d’appréciation à l’autorité, celle-ci ne peut se voir reprocher un excès négatif de son pouvoir d’appréciation ni, partant, une violation du principe de proportionnalité (ATA/1180/2024 du 8 octobre 2024 consid. 5.7.1).

Dans un autre arrêt récent, elle a retenu que ni la loi ni son règlement d'application ne prévoient de possibilité de déroger aux exigences en matière de résultats scolaires préalables, que ce soit pour des problèmes de santé ni pour d'autres motifs (ATA/1017/2024 du 27 août 2024 consid. 2.7).

3.5 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique (art 8 al. 2 Cst.). La loi prévoit des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées (art. 8 al. 4 Cst.).

Il y a inégalité lorsque les personnes handicapées font l’objet, par rapport aux personnes non handicapées, d’une différence de traitement en droit ou en fait qui les désavantage sans justification objective ou lorsqu’une différence de traitement nécessaire au rétablissement d’une égalité de fait entre les personnes handicapées et les personnes non handicapées fait défaut (art. 2 al. 2 LHand). Il y a inégalité dans l’accès à la formation ou à la formation continue notamment lorsque: a) l’utilisation de moyens auxiliaires spécifiques aux personnes handicapées ou une assistance personnelle qui leur est nécessaire ne leur sont pas accordées ; ou b) la durée et l’aménagement des prestations de formation offertes ainsi que les examens exigés ne sont pas adaptés aux besoins spécifiques des personnes handicapées.

3.6 En l'espèce, le recourant ne conteste pas ne pas remplir les exigences posées par la DGES II pour l'accès aux filières souhaitées de l'enseignement secondaire II, et il peut être renvoyé au résumé des écritures de l'intimé dans la partie en fait ci‑dessus pour la description des déficits constatés.

Le recourant souhaite néanmoins pouvoir passer des tests d'admission, estimant que ses notes de 2nde et de 3ème ne correspondent pas à ses capacités réelles en raison d'un diagnostic récent de TDA.

L'art. 29 al. 1 RAES‑II prévoit néanmoins expressément que les élèves issus d'une école privée française reconnue par le ministère français de l'Éducation nationale ne peuvent pas prétendre à une admission sur tests. Comme déjà exposé, la jurisprudence retient en outre que ni la loi ni son règlement d'application ne prévoient de possibilité de déroger aux exigences en matière de résultats scolaires préalables, notamment pour des problèmes de santé. De plus, le TDA du recourant a visiblement été diagnostiqué plus tôt qu'allégué, vu l'attestation établie par une psychologue le 4 octobre 2024 déjà. Enfin, même si une relation entre ces deux éléments paraît à l'évidence possible, aucune des attestations figurant au dossier ne confirme expressément un lien de causalité entre le TDA constaté et les résultats insuffisants du recourant, lesquels concernent du reste aussi des matières moins intellectuelles comme les arts plastiques.

S'agissant du respect de l'interdiction de la discrimination à raison du handicap, comme le met en lumière l'art. 2 al. 4 LHand, dans le domaine scolaire, le rétablissement de l'égalité s'effectue pendant le cursus scolaire, par l'aménagement des conditions d'apprentissage et d'examen des élèves atteints de troubles de l'apprentissage ou d'autres handicaps. On ne saurait en revanche admettre qu'un élève handicapé soit considéré comme ayant obtenu un diplôme ou comme étant promu, alors qu'il ne remplit pas les conditions d'obtention du diplôme ou les conditions de promotion, du seul fait qu'il présente un handicap.

Enfin, le haut niveau sportif du recourant ne lui est ici d'aucun secours, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un motif de dérogation permettant l'admission dans les filières considérées et que l'admission au dispositif sport-art-études (ci-après : SAE) présuppose l'admission préalable dans la filière scolaire considérée (voir not. l'art. 5 al. 6 du règlement sur le dispositif sport‑art‑études du 26 août 2020 - RDSAE - C 1 10.32).

Les griefs seront donc écartés et le recours, entièrement mal fondé, rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la mère du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2025 par A______ , représenté par sa mère B______, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 14 avril 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d' B______un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à B______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. CROCI TORTI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :