Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/711/2025 du 24.06.2025 ( FORMA ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1425/2025-FORMA ATA/711/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 24 juin 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourante
contre
DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé
A. a. A______, née le ______ 1999, a obtenu un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d’assistante dentaire au sein de l’École de commerce B______ (ci-après : l’EC) en juin 2020.
b. En août 2023 elle y a entamé l’année de maturité professionnelle, type santé. En fin d’année, elle n’était pas promue. Elle totalisait 89 heures d’absences non excusées et huit arrivées tardives.
c. À la rentrée 2024, elle a recommencé l’année de maturité professionnelle.
d. Par courrier du 28 octobre 2024, la direction de l’EC lui a adressé un avertissement en raison de 31 heures d’absence non excusées. Elle lui a rappelé que seuls les élèves présents régulièrement aux cours pourraient se présenter aux examens finaux. Un changement radical était attendu de sa part.
e. À la fin du premier semestre, en janvier 2025, elle remplissait les normes de promotion avec une moyenne générale de 4.9, aucune discipline insuffisante et aucun écart négatif à la moyenne.
f. Par décision du 10 mars 2025, la direction de l’EC l’a exclue des examens finaux de maturité. Malgré les divers entretiens, avertissements et engagement de sa part, elle cumulait 46 heures d’absences supplémentaires, soit 77 au total.
Selon le relevé individuel des remarques disciplinaires, au 10 mars 2025, elle comptabilisait 77 absences non excusées, 294 absences excusées, deux absences à une récitation annoncée, trois absences à une épreuve, sept absences excusées à des travaux, sept exclusions des cours, neuf arrivées tardives et un oubli de matériel indispensable.
g. Le lendemain, l’étudiante a interjeté recours contre cette décision auprès de la direction générale de l’enseignement secondaire en II (ci-après : DGES II).
Elle comprenait l’importance de l’assiduité des règles établies par l’école. Ses absences n’étaient pas dues à un manque de sérieux ou de motivation, mais à des raisons médicales indépendantes de sa volonté. Elle avait toujours rattrapé ses cours avec rigueur ce que ses résultats démontraient. Elle n’avait aucune note au-dessous de la moyenne et souhaitait ardemment devenir dentiste. Elle était prête à redoubler d’efforts pour prouver sa motivation et son engagement. Elle demandait que la décision soit reconsidérée et qu’elle soit autorisée à se présenter aux examens de maturité professionnelle de juin 2025.
h. Par décision du 7 avril 2025, la DGES II a rejeté le recours. Les problèmes de santé n’étaient pas prouvés. L’unique attestation médicale fournie à la direction de l’EC datait du 9 octobre 2024. Aucune demande d’aménagements scolaires relative à sa situation n’avait été formulée auprès de la direction d’établissement. Sur les 27 semaines que comptait une année scolaire, elle en avait manqué onze, soit plus de 40% des cours, ce qui n’était pas tolérable. Elle était élève au sein de l’enseignement secondaire II depuis plus de six ans et savait qu’elle était tenue d’excuser ses absences conformément au règlement. Elle ne pouvait ignorer que son absentéisme pourrait mener à une exclusion des examens de maturité professionnelle de juin 2025. Ainsi, elle n’avait respecté ni son obligation de suivre les cours régulièrement, ni celle d’excuser ses absences. Elle cumulait par ailleurs déjà un taux d’absentéisme élevé dans le passé et s’était engagée à plusieurs reprises auprès de l’EC, sans jamais tenir ses engagements. Elle n’avait notamment pas été présente durant l’après-midi du 10 février 2025 dans le cadre de son travail interdisciplinaire (ci-après : TIP), lequel comptait comme un examen final. Il n’était pas concevable de venir en classe à sa convenance sans tenir compte du règlement et des avertissements qui lui avaient déjà été adressés. La formation MP2 requérait un engagement constant, une assiduité rigoureuse ainsi qu’une participation active aux activités pédagogiques. En intégrant ladite filière et en signant, le 21 août 2024, le guide de l’élève 2024/2025, elle s’était engagée à respecter la procédure et à répondre à son devoir d’étudiante, notamment ne pas manquer les cours.
Elle était invitée à s’inscrire à la session des examens fédéraux de maturité professionnelle organisée par le Secrétariat d'État à la Formation, à la Recherche et à l'Innovation (ci-après : SEFRI). Au bénéfice d’un CFC, elle pourrait également s’engager dans une voie professionnelle qui pourrait lui offrir d’autres opportunités de formation et de spécialisation.
B. a. Par acte du 21 avril 2025, A______ a interjeté recours, devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Elle a conclu à son annulation.
Elle avait été victime, l’année précédente, d’un accident grave qui avait eu des répercussions importantes sur sa santé physique et psychologique. Il l’avait contrainte à interrompre sa scolarité pendant une longue période. Ses blessures l’empêchaient de se déplacer normalement. Elle avait traversé une période de douleurs, de traitements médicaux et de fragilité mentale. Dans ce contexte, elle n’avait pas pu excuser toutes ses absences dans les délais. Elle avait toutefois contacté les doyens, dès que cela avait été possible, pour leur expliquer la situation.
Elle avait dû mettre fin à sa première tentative de maturité, non par désintérêt ou manque de motivation, mais en raison de son état de santé.
Elle avait souhaité reprendre son parcours en août 2024, avec détermination. Dès les premiers signes d’alerte, notamment l’avertissement qu’elle avait reçu, elle s’était rendue auprès de l’infirmière scolaire pour lui expliquer sa situation. Elle avait alors, conformément au conseil reçu, demandé un certificat médical à son médecin qu’elle avait transmis à l’établissement scolaire.
Les heures d’absence ne se montaient pas à 77 h mais à 54 h. Elle n’avait pas pu corriger cette erreur en raison de l’interdiction d’accès à ses résultats et ses absences.
Son absence lors du TIP avait été mal interprétée. Elle avait dû s’absenter pendant plus de quinze minutes, en raison des troubles digestifs dont elle souffrait. Elle n’avait pas imaginé que cette pause serait perçue comme une absence injustifiée et encore moins comme une fuite de l’épreuve. Elle n’avait jamais voulu manquer de respect ni se soustraire à ses obligations scolaires.
Malgré toutes ses difficultés, elle n’avait jamais cessé de travailler. Elle avait rendu l’ensemble de ses travaux et avait toujours fait de son mieux pour rattraper les cours manqués. Aucune de ses moyennes n’était insuffisante. Les deux seules épreuves qu’elle avait manquées l’avaient été en raison du blocage administratif lié à l’interdiction de passer des examens. Elle sollicitait une seconde chance pour pouvoir aller jusqu’au bout de son parcours. Son rêve était de devenir dentiste. Elle avait récemment reçu une réponse positive de la passerelle DUBS, ce qui représentait une opportunité.
La recourante a produit une attestation médicale datée du 9 avril 2025 signée « p.o » du docteur C______ lequel mentionne que A______ « souffre d’une maladie digestive ». Elle couvre le tampon humide du D______. La spécialité du praticien n’est pas précisée.
b. Dans sa réponse, la DGES II a conclu au rejet du recours. L’étudiante conservait la possibilité de se présenter aux examens de maturité l’année suivante et pouvait également s’inscrire à la session des examens fédéraux de la maturité professionnelle organisée par ledit office.
Elle était toutefois autorisée à se présenter aux examens dans l’attente de la décision, étant précisé que ceux-ci ne seraient corrigés que si elle obtenait gain de cause dans la présente procédure.
c. Invitée, le 7 mai 2025, à répliquer et à préciser les dates de ses examens, la recourante ne s’est pas manifestée.
d. Le 22 mai 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger. L’avis a été envoyé par pli recommandé à la recourante qui l’a refusé.
e. Le 28 mai 2025, le DIP a, à la demande de la juge déléguée, précisé les dates des onze examens de la recourante, prévus entre le 28 mai et le jeudi 12 juin 2025.
f. Le 30 mai 2025, une audience a été fixée le 18 juin 2025. La convocation de la recourante est revenue à la chambre administrative avec la mention non réclamée.
Elle lui a été renvoyée par courrier A le 5 juin 2025.
g. A______ ne s’est ni présentée ni excusée à l’audience du 18 juin 2025. La cause ayant déjà été gardée à juger, la partie présente a été informée que l’arrêt serait rendu rapidement au vu de la matière.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur l’interdiction faite à la recourante de se présenter aux examens de maturité professionnelle.
2.1 L’art. 25 de la Loi fédérale sur la formation professionnelle du 13 décembre 2002 (LFPr - 412.10) prévoit que la maturité professionnelle fédérale rend son titulaire apte à suivre des études dans une haute école spécialisée (al. 1). Le Conseil fédéral réglemente la maturité professionnelle (al. 5).
2.2 Selon l’Ordonnance sur la maturité professionnelle fédérale du 24 juin 2009 (OMPr - RS 412 103.1), les enseignants qui dispensent l’enseignement préparent l’examen de maturité professionnelle et le font passer (art. 20 al. 2 OMPr).
Font l’objet d’un examen final : les quatre branches du domaine fondamental et les deux branches du domaine spécifique. Les cantons engagent des experts pour l’évaluation des examens finaux. Les examens finaux écrits sont préparés et validés à l’échelle régionale (art. 21 al. 1 à 3 OMPr).
La personne qui échoue à l’examen de maturité professionnelle peut se représenter une fois (art. 26 al. 1 OMPr).
2.3 Les élèves doivent observer les lois et les règlements de l'ordre juridique suisse ainsi que la réglementation propre à leur établissement (art. 41 al. 1 du règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 [REST - C 1 10.31]).
À teneur de l’art. 42 REST, la participation aux cours est obligatoire. Les directions d’établissements et les maîtres, par délégation, assurent le contrôle de la fréquentation scolaire (al. 1). Il appartient au responsable de groupe ou au maître de classe d'apprécier le motif invoqué pour excuser l'absence (al. 3).
Toute absence pour laquelle aucune demande d'excuse n'a été remise dans le délai prescrit par la direction de l'établissement ou dont le motif n'a pas été reconnu valable est considérée comme une absence non excusée (art. 43 al. 1 REST).
2.4 Le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci‑après : le département) délivre un certificat de maturité professionnelle aux candidats qui ont suivi l’enseignement de maturité professionnelle avec succès et réussi l’examen final organisé par le canton dans le cadre des centres de formation professionnelle (ci-après : centres), conformément à l’ordonnance sur la maturité professionnelle fédérale du 24 juin 2009 (art. 1 al. 1 du Règlement relatif à la maturité professionnelle du 29 juin 2016 - RMatuPro - C 1 10.74).
L'enseignement de maturité professionnelle est organisé selon les orientations suivantes, notamment santé et social (art. 1 al. 2 let. f RMatuPro).
L'admission en filière maturité professionnelle peut être conditionnée au nombre de places disponibles. Lorsque le nombre de candidats est insuffisant, l’ouverture d’une classe peut être différée dans le temps (art. 1 al. 4 RMatuPro).
La maturité professionnelle atteste les connaissances et aptitudes du titulaire à suivre des études au sein d'une haute école spécialisée (art. 2 RMatuPro).
L’examen de maturité professionnelle est organisé une fois par an, lors d’une session unique : a) au terme du cursus pour l’ensemble des différentes orientations ; b) avant le stage pour les formations professionnelles initiales en école comportant un stage en fin de formation. Trois branches au maximum peuvent faire l’objet d’un examen avant terme, selon un calendrier établi par le département. Les dates de l’examen de maturité professionnelle sont arrêtées par la DGES II d’entente avec les directions d’écoles professionnelles concernées (art. 20 al. 1 à 3 RMatuPro).
Seuls les élèves qui ont suivi régulièrement les cours de la dernière année sont admis à la procédure de qualification (art. 23 al. 1 RMatuPro).
Les élèves qui ne sont pas admis aux examens finaux sont astreints à refaire l’année terminale avec toutes ses exigences (art. 23 al. 2 RMatuPro).
2.5 En l’espèce, la recourante avait fait l’objet d’un avertissement écrit le 28 octobre 2024 en raison de 31 heures d’absences non excusées. Son attention avait été attirée sur le fait que seuls les élèves présents régulièrement aux cours pouvaient se présenter aux examens finaux. Le courrier relevait qu’un changement radical d’attitude était attendu. Or, elle présentait, le 10 mars 2025, 77 heures d’absences non excusées.
Le seul document médical versé à la procédure consiste en une attestation selon laquelle l’étudiante souffrait, le 9 avril 2025, d’une maladie digestive. Aucun élément supplémentaire n’est fourni. On ignore notamment de quel type de maladie il s’agit, de ses conséquences sur la santé de l’intéressée, de son éventuelle influence sur ses études ou en tous les cas sur sa présence en cours et même de quand ladite affection daterait. Il ne peut en conséquence rien en être déduit ni excuser les absences en cours d’année de l’intéressée, qu’elles se montent à 77 ou 54, comme cette dernière le soutient. En l’absence de tout autre document à même d’expliquer, a fortiori d’excuser les absences litigieuses, la direction de l’établissement n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en interdisant à la recourante de se présenter aux examens de maturité professionnelle au sens de l’art. 23 al. 1 RMatuPro.
Il sera encore relevé que la recourante a fait état d’un accident survenu pendant l’année scolaire 2023/2024, à l’origine des difficultés rencontrées pendant les deux dernières années. Or, le seul document médical produit ne fait aucun lien avec un tel complexe de faits, pour lequel aucune pièce ni aucune précision n’est fournie, qu’il s’agisse de la date de sa survenance ou de ses conséquences.
La recourante n’a par ailleurs que peu collaboré à la procédure. Elle n’a pas répondu à la demande de la chambre de céans de transmettre la décision attaquée, qui n’était pas jointe à son recours. Elle n’a pas non plus souhaité répondre aux arguments développés par la DGES II le 6 mai 2025 mais n’a surtout pas fourni de réponse à la chambre administrative quant aux dates des examens concernés, a refusé un courrier recommandé et ne s’est ni présentée ni excusée à l’audience fixée le 18 juin 2025 après avoir été convoquée par courrier recommandé et par pli A, audience qui lui aurait permis de mieux détailler sa situation.
Si les conséquences peuvent effectivement apparaître sévères, ce d’autant plus que les résultats scolaires de la recourante en janvier 2025 étaient bons, la décision respecte le principe de la proportionnalité. Elle est en effet apte à atteindre le but d’intérêt public d’une formation professionnelle de qualité et est nécessaire pour atteindre ce but. Elle est de même proportionnée au sens étroit. En effet, l’attention de l’intéressée avait expressément été attirée sur les conséquences de son absentéisme, y compris par un avertissement écrit le 28 octobre 2024. Son comportement ne s’est toutefois pas modifié. Il s’inscrit par ailleurs à l’identique de l’année 2023/2024 où elle avait totalisé 89 heures d’absences non excusées. Comme le relève le département, l’intéressée pourra s’inscrire à la session des examens fédéraux de maturité professionnelle organisée par le SEFRI voire repasser les examens l’an prochain, ce que la recourante n’a pas contesté.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
3. Vu l’objet du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 21 avril 2025 par A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 7 avril 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Blaise PAGAN, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste :
M. MAZZA
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le |
| la greffière : |