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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1818/2024

ATA/661/2025 du 16.06.2025 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1818/2024-FORMA ATA/661/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 juin 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure, agissant par sa mère B______ recourante
représentée par Me Didier KVICINSKY, avocat

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SERVICE DE LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______) est née le ______ 2018.

b. Le 15 septembre 2022, C______, psychologue au Centre de consultation spécialisé en autisme (ci-après : CCSA), a sollicité l’ouverture d’une procédure d’évaluation standardisée (ci-après : PES).

c. À teneur de la PES du 27 janvier 2023, A______ présentait un retard global de développement s'inscrivant dans le cadre d'un trouble du spectre autistique (ci‑après : TSA) diagnostiqué à l'âge de 1 an et 8 mois. Elle avait été suivie au Centre d'intervention précoce en autisme (ci-après : CIPA) jusqu'au mois de juillet 2022, pour un suivi thérapeutique à raison de 20 heures par semaine, lequel lui avait permis de progresser dans tous les domaines de développement, en particulier dans la communication non verbale.

Une scolarité spécialisée de type classe intégrée (ci-après : CLI), avec un personnel formé aux TSA et aux outils, serait bénéfique pour A______. Un suivi en logopédie et en psychomotricité était en place depuis octobre 2020 et il était recommandé qu'il se poursuive.

Les personnes ayant participé à l'évaluation étaient la maman de A______, C______, D______, sa logopédiste, et E______, sa psychomotricienne.

d. Selon le rapport médical établi par C______ et le Docteur F______, chef de clinique au CCSA, du 30 janvier 2023, les prises en charge de logopédie et psychomotricité avaient permis de beaux progrès pour A______. Elle avait besoin de continuer de travailler sur le développement de la communication mais aussi sur les interactions sociales ainsi que sur les comportements défis.

e. À la rentrée 2023-2024, par manque de place dans les structures d'enseignement spécialisé, A______ a fréquenté une classe de 1P en enseignement ordinaire avec un accompagnement individuel constant en classe.

f. Le 8 mai 2024, l’office médico-pédagogique (ci-après : OMP) a communiqué au service de pédagogie spécialisée (ci-après : SPS) les affectations en enseignement spécialisé définies pour l'année scolaire 2024-2025. L'affectation communiquée pour A______ était le centre H______ de la G______.

g. Par décision du 15 mai 2024, le SPS a octroyé à A______ la prestation en enseignement spécialisé pour la période du 1er août 2024 au 31 juillet 2026. Il était précisé que la pertinence de la prestation était évaluée en continu et que l'octroi pouvait être modifié à tout moment.

h. Par décision séparée du même jour, le SPS a accepté de prendre en charge les coûts du transport lié à l’enseignement spécialisé pour la période du 1er août 2024 au 31 juillet 2026.

B. a. Par acte expédié le 28 mai 2024, A______, agissant par sa mère B______, a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions précitées, concluant implicitement à leur annulation.

Depuis sa demande, A______ avait intégré l'école ordinaire à l'école des I______, avec accompagnement à 100%. Elle avait fait de grands progrès, s'était bien intégrée dans sa classe, de sorte qu'une école spécialisée serait un pas en arrière. Elle souhaiterait ainsi continuer dans la même classe.

b. Le SPS a conclu au rejet du recours.

L'accompagnement individuel dont A______ avait bénéficié pendant l'année scolaire 2023-2024 avait été mis sur pied pour pallier l'impossibilité de la scolariser dans l'enseignement spécialisé. Cet accompagnement ne serait pas reconduit si A______ continuait sa scolarité dans l'enseignement régulier. Le SPS estimait qu'une orientation dans l'enseignement spécialisé jusqu'au 31 juillet 2026 en école de pédagogie spécialisée devait être prononcée pour répondre aux besoins de A______.

Afin d'instruire le recours, il avait sollicité J______, directeur de l'établissement des I______, pour connaître la situation actuelle de A______. En date du 12 juin 2024, il avait adressé un bilan établi en mars 2024. Dans son courriel d'accompagnement du 12 juin 2024, J______ précisait que l'enseignante et l'accompagnatrice de A______ avaient mis en place un fonctionnement qui n'était pas confrontant afin d'éviter les crises lorsque cela ne fonctionnait pas comme A______ le voulait. Avec toutes ces conditions mises en place, il y avait effectivement une progression mais elle était fortement liée à l'accompagnement à 100% et à la mise en place d'un fonctionnement non confrontant afin de limiter les risques de crise. De ce fait, une poursuite de scolarité de A______ dans l'enseignement régulier n'était pas envisageable.

On peut lire dans le bilan établi par J______, notamment, que l'accompagnante de A______ l'aidait à mieux gérer les moments de transitions, ses émotions et ses incompréhensions quant à l'organisation du temps scolaire et des règles. Elle l'aidait aussi à s'intégrer dans le groupe-classe et faire en sorte que ce dernier l'intègre en retour. Dans ses relations avec autrui, A______ avait appris à respecter ses camarades et les adultes de l'école, elle faisait preuve de grande empathie envers eux et avait de la facilité à créer des liens avec eux, par contre elle avait de la peine à maîtriser ses émotions liées à la tristesse.

c. Dans sa réplique du 15 août 2024, la recourante a conclu, principalement, à l'annulation de la décision querellée et à ce qu'il soit ordonné que A______ soit scolarisée en école ordinaire et qu'elle bénéficie d'un appui en classe à 100%.

La décision querellée ayant effet suspensif, A______ intégrerait l'école ordinaire à la rentrée scolaire. Si la chambre de céans devait confirmer la décision querellée, A______ devrait changer d'école avec des conséquences excessivement néfastes sur sa santé et son développement. Les progrès notables dont avait fait preuve A______ l'année précédente étaient possibles uniquement parce qu'elle avait fréquenté l'école ordinaire et bénéficiait de l'appui d'une personne à ses côtés. Contrairement à ce que prétendait J______, A______ était tout à fait apte à suivre l'école ordinaire pour autant qu'elle puisse bénéficier d'un appui en classe à 100% comme c'était le cas l'année d'avant. Sauf à vouloir « se débarrasser » d'une élève demandant une attention particulière et une vraisemblable petite surcharge de travail à son enseignante, la décision du directeur de ne plus mettre à sa disposition un accompagnement à 100% n'apparaissait pas justifiée ni justifiable.

De l'aveu même du SPS dans ses observations, A______ faisait preuve de difficultés modérées dans les domaines d'apprentissage et d'application des connaissances, et légères dans les domaines de la mobilité et de l'entretien personnel. De telles difficultés n'imposaient pas un enseignement spécialisé tel que préconisé par ledit service.

En octroyant des prestations en enseignement spécialisé à A______, le SPS prendrait une lourde responsabilité quant aux éventuelles conséquences psychiques de décompensation qu'elle pourrait subir et de ralentissement de son développement.

Contrairement à ce qu'il ressortait des pièces au dossier, la recourante ne se souvenait pas avoir accepté que sa fille soit scolarisée en établissement spécialisé. Il s'agissait bien plutôt de faire bénéficier sa fille d'une classe intégrée, la journée d'enseignement étant aménagée selon les besoins de l'enfant. Enfin, il était relevé que les pièces produites par l'intimé étaient relativement anciennes et ne pouvaient renseigner sur l'évolution actuelle de A______ et sa capacité à suivre l'enseignement ordinaire.

d. La recourante a produit deux rapports médicaux, l'un du Docteur K______, pédopsychiatre responsable du suivi de A______, et l'autre de L______, sa psycholologue et psychothérapeute, favorables tous deux à ce que A______ bénéficie d'une intégration en école ordinaire.

Dans son rapport du 23 juillet 2024, le Dr K______ constatait le progrès indéniable de A______ au niveau de son neurodéveloppement, ses acquis au niveau du langage, de la communication et de la relation avec les autres, sachant qu'une classe spécialisée présentait une hétérogénéité majeure qui n'était pas compatible avec ses besoins normatifs et l'enseignement spécialisé risquerait non seulement de faire régresser les compétences acquises mais aussi de les faire disparaître, comme il y avait un risque de décompensation psychique du fait d'interrompre l'évolution de son système de récompense qui était aujourd'hui actif par ses progrès au niveau neurodéveloppemental, qui pourrait alors lui être délétère. A______ était apte à suivre une scolarité normale.

Dans son rapport du 4 juin 2024, L______ attestait pour sa part que A______ était une enfant qui avait déjà beaucoup évolué et qui présentait des capacités cognitives importantes qui lui assuraient encore une grande marge de progression. Elle avait beaucoup d'empathie et une compréhension fine des situations sociales. Actuellement, elle avait une curiosité qu'elle mettait au service des apprentissages et se montrait très intéressée à comprendre comment son environnement fonctionnait, elle avait donc besoin d'être nourrie de connaissance. Au vu de tous ces éléments, elle estimait favorable pour A______ de bénéficier d'une intégration en école ordinaire.

e. Le 29 octobre 2024, la juge déléguée a tenu une audience de comparution personnelle et d'enquêtes.

ea. B______ a persisté dans ses conclusions. Elle a exposé que le début d'année scolaire se passait bien pour A______. Elle était bien acceptée par ses camarades, avait des amis et était invitée aux anniversaires. Elle était un peu agitée au début de l'année, ce qui était normal mais elle avait bien trouvé ses repères. Elle avait aussi fait beaucoup de progrès. Elle parlait beaucoup mieux, l'enseignante lui avait indiqué bien la comprendre et on lui avait rapporté qu'elle ne faisait pas de crises. Elle apprenait à lire et la logopédiste était satisfaite. Elle effectuait également des calculs. Elle s'entendait bien avec ses enseignantes, surtout avec M______ qui la suivait pour la deuxième année. Sa fille se sentait bien et revenait à la maison très contente des cours. Elle ne bénéficiait d'aucun appui en classe et malgré le passage d'un appui de 100 à 0%, la situation se passait bien. La situation depuis la PES du 27 janvier 2023 avait évolué pour sa fille.

eb. La représentante du SPS a exposé qu'en 2023, A______ faisait partie des quelques dizaines d'enfants pour lesquels il n'y avait pas de places à disposition en enseignement spécialisé dans le canton de Genève, raison pour laquelle cet appui à 100% avait été mis en place. Pour cette nouvelle année scolaire, l'affectation en enseignement spécialisé avait pu lui être proposé et cet appui n'avait pas pu être maintenu car il n'était pas prévu dans le catalogue des mesures de pédagogie spécialisée. Un besoin d'un accompagnement individuel à 100% était le cas typique d'un besoin dans l'enseignement spécialisé.

Elle estimait le besoin relativement urgent pour A______ de changer d'école, de sorte qu'il serait tardif d'attendre la fin de l'année scolaire. Il était inutile d'effectuer une nouvelle PES car elle conclurait à nouveau à une affectation en école spécialisée.

ec. Le Dr K______ a confirmé être le pédopsychiatre responsable du suivi de A______. Il la voyait toutes les semaines ou tous les quinze jours. Conformément à son rapport du 23 juillet 2024, il demeurait convaincu que A______ devait demeurer dans une classe ordinaire. Elle continuait à faire des progrès et il y avait une évolution clinique favorable. Conserver les mesures actuelles pour ne pas exiger d'elle une nouvelle adaptation était du bon sens. En deux ans, son évolution était passée de 0 à 100%. Avant, elle ne parlait pas, était très agitée et ne pouvait se concentrer. Aujourd'hui, elle était organisée dans le temps et dans l'espace, ce qui permettait la socialisation. Elle pouvait s'exprimer, des habitudes avaient été mises en place et cette évolution était à mettre en rapport avec l'école. Du fait de la normalisation en école ordinaire, il était vraiment surpris en bien et changeait son pronostic. Il considérait comme important de ne pas éclater un système qui fonctionnait bien. Même pour les années suivantes où les exigences en termes d'apprentissage seraient plus élevées, cette continuité en école ordinaire serait bénéfique pour A______ et lui permettrait de s'émanciper.

Quand il avait fait mention dans son rapport de risques encourus d'une décompensation du système psychique de A______, cela signifiait qu'elle pourrait réagir de manière très négative à ce changement, qu'elle ne le comprendrait pas dans la mesure où elle s'était investie. A______ connaissait une intolérance à la frustration et changer cette routine pourrait produire en elle des effets délétères qui pourraient même être observés dans le futur. En vue du développement de la cognition, il était opposé aux stratégies mises en place pour éviter les frustrations et il considérait que même le système actuel sans accompagnement était adapté pour A______.

ed. M______, l'enseignante de A______ les jeudis et vendredis, a exposé qu'elle était déjà son enseignante l'année précédente les jeudis et vendredis matin. La moitié de ses camarades étaient également déjà dans sa classe l'année d'avant. Actuellement, cela se passait mieux pour A______ que l'année passée en termes d'intégration, de gestion des émotions, de frustrations et elle était assez bien intégrée. Elle se questionnait beaucoup au niveau de son apprentissage. Elle et sa collègue ne parvenaient pas à adapter un apprentissage spécifique pour A______ avec 18 autres camarades dans la même classe. Elle prenait ce qu'elle pouvait s'agissant de toutes les disciplines scolaires. Elle lui faisait de temps en temps des petits tests informels, pour savoir ce qu'elle avait retenu mais individualiser un travail était compliqué. C'était « quand elle veut » : elle prenait quand elle était intéressée et avec sa collègue, elles la laissaient tranquille quand elle ne souhaitait pas travailler ; elles allaient beaucoup dans son sens pour éviter les frustrations et parce qu'il y avait 18 autres enfants à gérer. Elles pouvaient plus la forcer l'année précédente quand elle avait son accompagnement. L'enseignement régulier avait été bénéfique pour elle en termes de socialisation mais au niveau de l'apprentissage, elle se demandait si elle y gagnerait avec un enseignement plus pointu. Elle n'avait pas la formation d'enseignante spécialisée, elle allait donc au feeling, et ignorait si elle faisait juste ou pas. Sans accompagnement, ce serait compliqué de continuer pour A______ et pour l'attention que les enseignantes devaient également donner aux autres élèves. Avec un accompagnement à la hauteur de ses besoins, elle pourrait continuer comme l'année d'avant. L'accompagnateur devrait venir du secteur spécialisé. L'année 2023/2024, l'accompagnatrice était une jeune fille qui sortait de l'IUFE (soit de l'enseignement ordinaire) et cela avait été compliqué pendant les trois quarts de l'année. Laisser faire A______ comme elle l'entendait ne pouvait pas continuer pour la suite de l'année et les suivantes et ne pas la laisser faire engendrerait des frustrations, des crises que l'enseignante ne pouvait pas accepter car elle devait gérer toute une classe.

ee. J______ a exposé être directeur d'établissement depuis seize ans et avoir effectué auparavant 21 ans dans un internat accueillant des élèves à besoins éducatifs particuliers. Il était partisan de « l'école pour tous » mais il fallait qu'elle ait les moyens de donner aux enfants ce dont ils avaient besoin. Dans le cas contraire, l'école deviendrait maltraitante. A______ était plus productive et attentive en petit groupe. Elle se fatiguait et avait besoin de moments où elle vaquait à ses occupations hors du groupe. À son avis, elle avait besoin d'une structure particulière car l'école ordinaire ne pouvait lui offrir ce dont elle avait besoin, à savoir un accompagnement individuel.

f. Dans ses observations du 29 novembre 2024, le SPS a persisté dans la décision querellée. Le témoignage de M______ avait montré que A______ n'était pas en mesure de suivre l'enseignement régulier sans que des mesures fussent prises pour lui éviter toute contrariété. Les apprentissages de la 2P et a fortiori de la 3P ne pourraient pas être acquis dans ces conditions et elle aurait des difficultés à suivre l'enseignement régulier sans un accompagnement permanent effectué par une personne compétente dans l'enseignement spécialisé.

g. Le 14 février 2025, la recourante a relevé que cela faisait maintenant plus de six mois qu'elle fréquentait l'école ordinaire sans mesure particulière, que son intégration dans la classe se passait sans aucune difficulté et qu'elle parvenait à suivre les cours et à se débrouiller en classe. Elle progressait de jour en jour et la changer maintenant d'école pour la mettre dans un établissement spécialisé aurait des conséquences fâcheuses et gravissimes, ce qu'avait confirmé le Dr K______ lors de son audition.

h. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, également sur les actes d'instruction demandés.

i. Par courrier spontané du 4 juin 2025, la recourante a exposé que la situation actuelle était complètement différente de celle du début de la procédure. Durant cette année scolaire, elle n'avait nullement été accompagnée et elle avait fait des progrès. Il convenait que le canton de Genève s'aligne sur les autres cantons romands qui connaissaient depuis de nombreuses années déjà les réseaux d'accompagnement en classe ordinaire.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 39 du règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 - RPSpéc - C 1 12.05).

2.             La chambre de céans a procédé à une comparution personnelle des parties et à l'audition du Dr K______, de M______ et de J______. La recourante sollicite également l'audition de L______ et d'C______.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’occurrence, le dossier contient déjà un rapport de L______, de sorte qu'il est superflu de procéder à son audition en sus. L'audition d'C______ est quant à elle sollicitée par la recourante au motif qu'il y aurait une erreur dans la PES du 30 janvier 2023, qu'elle lui aurait indiqué que A______ était trop avancée pour aller en école spécialisée et qu'elle devait plutôt aller en classe intégrée dans l'école ordinaire. Toutefois, cette audition serait superflue compte tenu de ce qui suit.

La chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause, de sorte qu’il ne sera pas donné suite aux requêtes d'actes d'instruction complémentaires formulées par la recourante.

3.             Est litigieuse la décision d'octroi d'une prestation sous forme d'un enseignement spécialisé en faveur de A______ pour la période du 1er août 2024 au 31 juillet 2026.

3.1 En vertu de l'art. 24 al. 1 de la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées (CDPH -RS 0.109), les États parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à l'éducation. En vue d'assurer l'exercice de ce droit sans discrimination et sur la base de l'égalité des chances, ils font en sorte que le système éducatif pourvoie à l'insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d'éducation visant notamment le plein épanouissement du potentiel humain et du sentiment de dignité et d'estime de soi (let. a) ; l'épanouissement de la personnalité des personnes handicapées, de leurs talents et de leur créativité ainsi que de leurs aptitudes mentales et physiques (let. b) ; et la participation effective des personnes handicapées à une société libre (let. c). Dans ce contexte, l'interdiction des discriminations quant à l'exercice du droit à l'éducation est directement applicable, en ce sens que, lorsque l'État propose des offres dans le domaine de l'éducation, il doit concevoir un accès non discriminatoire et ne doit exclure personne de leur utilisation pour des motifs discriminatoires (ATF 145 I 142 consid. 5.1).

3.2 Selon l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. Cette règle interdit toute mesure étatique défavorable à une personne et fondée sur le handicap de cette personne, si cette mesure ne répond pas à une justification qualifiée (ATF 145 I 142 consid. 5.2 ; 143 I 129 consid. 2.3.1). D'après l'art. 8 al. 4 Cst., la loi prévoit des mesures en vue d'éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées. C'est sur la base de ce mandat que le législateur a adopté la loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l'élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand - RS 151.3).

Selon l'art. 20 al. 1 LHand, les cantons veillent à ce que les enfants et adolescents handicapés bénéficient d'un enseignement de base adapté à leurs besoins spécifiques.

3.3 L'instruction publique est du ressort des cantons (art. 62 al. 1 Cst.), qui doivent ainsi pourvoir à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants (art. 62 al. 2 Cst.) et à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés jusqu'à l'âge de 20 ans au plus tard (art. 62 al. 3 Cst.).

3.4 Les cantons disposent d'une marge de manoeuvre considérable dans le cadre des principes précités, également en ce qui concerne l'enseignement spécialisé (art. 46 al. 3 Cst.; ATF 141 I 9 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2023 du 29 septembre 2023 consid. 4.5). Ils ne sont toutefois pas totalement libres de décider de la manière dont ils souhaitent organiser l'enseignement de base. Il ressort en effet de l'art. 8 al. 2 Cst. et de l'art. 20 al. 2 LHand, qui oblige les cantons à encourager l'intégration des enfants handicapés dans l'école régulière par des formes de scolarisation adéquates, pour autant que cela soit possible et serve le bien de l'enfant handicapé, une préférence pour la scolarisation spécialisée intégrative (ATF 141 I 9 consid. 5.3.1 ; 138 I 152 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 227/2023 précité consid. 4.5 ; 2C 346/2022 du 25 janvier 2023 consid. 3.2.5, tous deux avec les nombreux arrêts cités).

La priorité, dans le domaine de la pédagogie spécialisée, des solutions intégratives par rapport aux solutions séparatives constitue en effet l'idée de base de la LHand, qui vise à créer des conditions propres à faciliter aux personnes handicapées la participation à la vie de la société, en les aidant à être autonomes dans l'accomplissement d'une formation notamment (art. 1 al. 2 LHand). L'intégration des enfants handicapés dans les écoles ordinaires, accompagnée de mesures d'encouragement appropriées, tient compte de cet objectif, car elle facilite le contact avec les enfants non handicapés du même âge, prévient la marginalisation des enfants handicapés par rapport à ceux qui ne le sont pas, favorise la compréhension mutuelle et la diversité scolaire et facilite l'intégration sociale des personnes handicapées à un stade précoce (ATF 141 I 9 consid. 5.3.1 ; 138 I 162 consid. 4.2 ; arrêt 2C 227/2023 précité consid. 4.6 et les arrêts cités).

3.5 Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée (art. 1 et. 2 let. a AICPS).

L'art. 2 let. b AICPS prévoit que, dans le domaine de la pédagogie spécialisée, les solutions intégratives sont préférées aux solutions séparatives, ceci dans le respect du bien-être et des possibilités de développement de l'enfant ou du jeune concerné et en tenant compte de l'environnement et de l'organisation scolaires.

Cette approche est exprimée dans des termes identiques à l'art. 2 al. 1 let. b de l'Accord intercantonal du 25 octobre 2007 sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (A-CDPS; BLV 417.91) auquel le canton de Genève a adhéré le 18 décembre 2008.

3.6 Selon l'art. 10 al. 2 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), l’école publique, dans le respect de ses finalités, de ses objectifs et des principes de l'école inclusive, tient compte des situations et des besoins particuliers de chaque élève qui, pour des motifs avérés, n’est pas en mesure, momentanément ou durablement, de suivre l’enseignement régulier. Des solutions intégratives sont préférées aux solutions séparatives dans le respect du bien-être et des possibilités de développement de chaque élève, en tenant compte de l’environnement et de l’organisation scolaire.

En référence aux principes de l’école inclusive mentionnés à l’art. 10 al. 2 LIP et à l'AICPS, le département met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés (art. 28 al. 1 LIP).

De la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu'ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l'enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

3.7 La formation dans le domaine de la pédagogie spécialisée fait partie du mandat public de formation et privilégie les solutions intégratives aux solutions séparatives, dans le respect du bien-être et des possibilités de développement de l’élève concerné et en tenant compte de l'environnement et de l'organisation scolaire (art. 2 al. 2 RPSpéc).

La prestation d’enseignement spécialisé comprend l'enseignement et l'éducation adaptés aux besoins de l'enfant ou du jeune concerné. À cette fin, si nécessaire, elle comprend également la prestation de conseil et de soutien dans les domaines de la logopédie, de la psychomotricité et de la psychologie. Elle est dispensée en structure d'enseignement spécialisé, soit en classe intégrée au sein d'un établissement régulier ou en école de pédagogie spécialisée (art. 11 al. 10 RPSpéc). Elle est subsidiaire aux mesures prévue aux al. 4 à 8 (art. 11 al. 9 RPSpéc), soit l’éducation précoce spécialisée (al. 4 et 5), la logopédie (al. 6) la psychomotricité (al. 7) et le soutien spécialisé en enseignement régulier (al. 8).

3.8 L'autorité compétente doit déterminer les besoins éducatifs de l'élève dans le cadre d'une évaluation complète, avant de définir les mesures de pédagogie spécialisée les plus adaptées en fonction de ceux-ci (ATF 145 I 142 consid. 7.6 ; 141 I 9 consid. 5.3.4). Dans ce cadre, le bien-être de l'enfant est prioritaire (art. 3 al. 1 et 23 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant - CDE - RS 0.107 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_376/2023 du 23 février 2024 consid. 4.5 et les références citées).

Le Tribunal fédéral a rappelé à plusieurs reprises que sur cette base, il pourra être établi si l'enfant doit être scolarisé de façon intégrative ou séparative. Une scolarisation séparée s'avère inadmissible (respectivement disproportionnée) lorsque les besoins de l'enfant peuvent être satisfaits par un soutien supplémentaire dans la classe ordinaire - et donc par une mesure moins contraignante (arrêts 2C_376/2023 précité consid. 4.5 ; 2C_227/2023 précité consid. 4.9 ; 2C_346/2023 précité consid. 3.2.6 ; 2C_817/2021 précité consid. 6.6). Dans un tel cas, ces mesures de soutien ne peuvent pas être refusées (avec pour conséquence un placement en école spéciale) au seul motif que l'organisation de l'école ne permet pas de les fournir (arrêts 2C_227/2023 précité consid. 4.9 ; 2C_817/2021 précité consid. 6.6 et les arrêts et la référence cités).

Si l'organisation de l'établissement scolaire peut être prise en compte dans la décision à rendre, elle ne peut toutefois être opposée aux intérêts de l'élève que si le fonctionnement efficace et ordonné de l'école ne peut plus être maintenu et que la mission de formation est remise en cause (ATF 129 I 12 consid. 8.4 ; arrêts 2C_376/2023 précité consid. 4.5 ; 2C_227/2023 précité consid. 4.9 ; 2C 817/2021 précité consid. 6.6). Il convient d'examiner dans chaque cas particulier quelle forme de scolarisation correspond le mieux aux besoins de l'enfant d'un point de vue professionnel (ATF 138 I 162 consid. 4.2 et 4.6.2 ; arrêt 2C_376/2023 précité consid. 4.5 et les arrêts cités).

La priorité de la scolarisation intégrée sur la scolarisation spéciale est un principe fondamental de la LHand (ATF 141 I 9 consid. 5.3.1) La scolarisation ordinaire doit être autant que possible le régime standard (ATF 141 I 9 consid. 5.3.2). Il n’existe cependant pas de droit à l’intégration à l’école ordinaire. Il faut prioritairement tenir compte du bien de l’enfant. Ses besoins particuliers déterminent la solution « juste » dans le cas individuel, dont on ne s’écartera que si et dans la mesure où un intérêt public prépondérant l’exige, dans le respect du principe de la proportionnalité (ATF 141 I 9 consid. 5.3.4 et les références citées).

3.9 La chambre administrative a déjà annulé une décision d'octroi d'une prestation d'enseignement spécialisé au motif qu'elle ne prenait pas en compte les progrès de l'enfant signalés par les parents et survenus postérieurement à la PES. Il ne pouvait être exclu qu’elle ne corresponde plus aux compétences d’apprentissage et comportementales de l’enfant, de sorte que la prestation préconisée était susceptible de ne plus répondre aux besoins réels de l’enfant (ATA/853/2021 du 24 août 2021 consid. 6).

Elle a également jugé que la PES figurant au dossier n'était pas suffisamment étayée et actuelle pour être confirmée, l’autorité compétente devant actualiser ses renseignements au sujet de l’enfant en recueillant également les avis de tous les intervenants (ATA/944/2021 du 14 septembre 2021 consid. 6 ; ATA/451/2024 du 9 avril 2024 consid. 2.10 ; ATA/1389/2024 du 26 novembre 2024 consid. 4.14.1).

Elle a également considéré que l’enfant devait pouvoir poursuivre sa scolarité en école ordinaire jusqu’à ce que ses besoins aient été établis et qu’une évaluation complète de la situation puisse être faite (ATA/35/2019 du 15 janvier 2019 consid. 9).

3.10 En l’espèce, la maman de A______ s'oppose à la prestation d'enseignement spécialisé octroyée le 15 mai 2024 et souhaite que sa fille poursuive sa scolarité en enseignement ordinaire.

A______, âgée actuellement de 6 ans et demi, souffre d'un retard global de développement s'inscrivant dans le cadre TSA. La décision querellée octroyant une prestation d'enseignement spécialisé se base sur une PES établie le 31 janvier 2023, soit sur une évaluation réalisée plus d'un an auparavant, alors que A______ n'était pas encore scolarisée. Dans les personnes ayant participé à cette évaluation manquent L______ et le Dr K______, psychologue, respectivement pédopsychiatre responsables du suivi de A______ qui suivaient déjà tous les deux A______ à cette époque.

Si les fondements de cette PES semblent ainsi incomplets, ils ne sont surtout plus d’actualité. Depuis l’établissement de cette PES et, singulièrement, même avant le prononcé de la décision attaquée, il n'est pas contestable que la situation de A______ avait évolué. En effet, en raison d'un manque de place dans les structures d'enseignement spécialisé, à la rentrée 2023-2024, A______ a fréquenté une classe de 1P en enseignement ordinaire avec un accompagnement individuel constant en classe. S'agissant de l'année scolaire 2024-2025 en 2P, en raison de l'effet suspensif attaché au recours, A______ est demeurée en classe ordinaire, sans accompagnement.

Il ressort de l'instruction de la cause que cette deuxième année scolaire en école ordinaire se passe bien pour A______ en termes d'intégration et de gestion des émotions, et qu'elle a fait de nets progrès en termes d'apprentissage et de connaissances. Plus particulièrement, M______, enseignante de A______ deux jours par semaine, a relevé lors de son audition que cela se passait mieux pour A______ que l'année précédente en termes d'intégration, de gestion des émotions, de frustrations et qu'elle était assez bien intégrée. L'enseignement régulier avait été bénéfique pour elle en termes de socialisation quand bien même au niveau de l'apprentissage, elle se demandait si elle y gagnerait avec un enseignement plus pointu. Elle a considéré qu'avec un accompagnement à la hauteur de ses besoins, elle pourrait continuer comme l'année d'avant. L'accompagnateur devrait venir du secteur spécialisé car laisser faire A______ comme elle l'entendait ne pouvait pas continuer pour la suite de l'année et les suivantes tant pour elle que pour ses autres camarades. Le directeur de l'école des I______, J______, avait indiqué dans son courriel du 12 juin 2024 qu'il y avait effectivement une progression mais qu'elle était fortement liée à l'accompagnement à 100% et à la mise en place d'un fonctionnement non confrontant afin de limiter les risques de crise. Il a précisé lors de son audition que si elle avait besoin d'une structure particulière, c'était parce que l'école ordinaire à Genève ne pouvait lui offrir ce dont elle avait besoin, à savoir un accompagnement individuel.

Dans leurs rapports de juin, respectivement juillet 2024, le Dr K______ et L______ étaient tous deux favorables à ce que A______ bénéficie d'une intégration en école ordinaire. L______ attestait que A______ était une enfant qui avait déjà beaucoup évolué et qui présentait des capacités cognitives importantes qui lui assuraient encore une grande marge de progression. Elle avait beaucoup d'empathie et une compréhension fine des situations sociales. Le Dr K______ constatait le progrès indéniable de A______ au niveau de son neurodéveloppement, ses acquis au niveau du langage, de la communication et de la relation avec les autres, et considérait qu'elle était apte à suivre une scolarité normale. Au contraire, il déconseillait une classe spécialisée présentant une hétérogénéité majeure qui n'était pas compatible avec ses besoins normatifs et l'enseignement spécialisé risquerait non seulement de faire régresser les compétences acquises mais aussi de les faire disparaître, comme il y avait un risque de décompensation psychique du fait d'interrompre l'évolution de son système de récompense qui était aujourd'hui actif par ses progrès au niveau neurodéveloppemental, qui pourrait alors lui être délétère.

Lors de son audition le 29 octobre 2024, alors que A______ avait commencé sa deuxième année en classe ordinaire depuis deux mois, le Dr K______ a confirmé ses conclusions. Il a précisé qu'elle continuait à faire des progrès et qu'il y avait une évolution clinique favorable. Il considérait comme important de ne pas éclater un système qui fonctionnait bien. Même pour les années suivantes où les exigences en termes d'apprentissage seraient plus élevées, cette continuité en école ordinaire serait bénéfique pour A______ et lui permettrait de s'émanciper. Elle pourrait réagir de manière très négative à un changement, elle ne le comprendrait pas dans la mesure où elle s'était investie. En vue du développement de la cognition, il était opposé aux stratégies mises en place pour éviter les frustrations et il considérait que même le système actuel sans accompagnement était adapté pour A______.

3.11 Il ressort ainsi des rapports et avis émanant des différents professionnels impliqués dans la prise en charge actuelle de l'enfant que son bien, tant en ce qui concerne son apprentissage, les perspectives de développement que son bien-être affectif et émotionnel, passe par le maintien dans une classe ordinaire, accompagné certes de mesures appropriées. Les difficultés que connaît A______ n'imposent en l'état pas un enseignement spécialisé et il semble qu'il serait au contraire préjudiciable à son développement de la faire changer d'environnement.

Compte tenu de ce qui précède, la mesure querellée n'est pas conforme à l’intérêt de l’enfant ni à la loi qui prévoit que les solutions intégratives sont préférées aux solutions séparatives, ceci dans le respect du bien-être et des possibilités de développement de l'enfant ou du jeune concerné et en tenant compte de l'environnement et de l'organisation scolaires (cf. art. 2 let. b AICPS ; art. 10 al. 2 LIP précités).

Il sera rappelé à cet égard la jurisprudence fédérale selon laquelle une scolarisation séparée s'avère inadmissible (respectivement disproportionnée) lorsque les besoins de l'enfant peuvent être satisfaits par un soutien supplémentaire dans la classe ordinaire - et donc par une mesure moins contraignante. Dans un tel cas, ces mesures de soutien ne peuvent pas être refusées (avec pour conséquence un placement en école spéciale) au seul motif que l'organisation de l'école ne permet pas de les fournir (arrêts 2C_376/2023 précité consid. 4.5 ; 2C_227/2023 précité consid. 4.9 ; 2C_817/2021 précité consid. 6.6).

Cette orientation scolaire s'aligne enfin sur le principe de la priorité de l'enseignement spécialisé intégratif par rapport à l'enseignement spécialisé séparatif, consacré tant par la loi que par la jurisprudence et qui doit constituer le cas normal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_376/2023 consid. 7.2).

3.12 Il est enfin noté que la décision querellée indique expressément que la pertinence de la prestation est évaluée en continu et que l'octroi peut être modifié à tout moment.

En conséquence, une nouvelle évaluation actualisée et complète de la situation doit être effectuée, destinée à déterminer les besoins de A______ en termes de scolarité et la mesure la plus adaptée pour y répondre, en recueillant également les avis des médecins et spécialistes suivant A______. Il devra s'agir d'une solution intégrative, nécessitant certes un soutien spécialisé. Une telle analyse devra intervenir rapidement, afin que la suite de la scolarité de l’enfant puisse être déterminée au plus tôt. Dans l’intervalle, A______ devra pouvoir continuer à fréquenter l’école ordinaire avec un accompagnement à 100% comme elle en bénéficiait lors de sa scolarisation en 1P, dans la mesure du possible par une personne provenant du secteur spécialisé.

En conclusion, le recours sera partiellement admis, les décisions litigieuses annulées et la cause renvoyée au SPS pour complément d'instruction et pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

4.             Vu l'issue de la procédure, aucun émolument ne sera perçu et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 mai 2024 par A______, agissant par sa mère B______, contre les décisions du service de la pédagogie spécialisée du 15 mai 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule les décisions du service de la pédagogie spécialisée du 15 mai 2024 ;

renvoie la cause au service de la pédagogie spécialisée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Didier KVICINSKY, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - service de la pédagogie spécialisée.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Joanna JODRY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. RAMADOO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :