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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2003/2022

ATA/643/2025 du 10.06.2025 sur JTAPI/822/2024 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.07.2025, 9C_393/2025
Descripteurs : ÉTABLISSEMENT STABLE;APPARTENANCE ÉCONOMIQUE;INDICE;DOUBLE IMPOSITION;QUOTE-PART;BÉNÉFICE(DROIT FISCAL)
Normes : LPA.70.al2; Cst.29.al2; LIPM.2; LHID.20.al1; LIPM.3.al1.letb; LHID.21.al1.letb; LIPM.3.al3; Cst.127.al3; LTF.100.al5; LTF.86
Résumé : Il existe un faisceau d’indices rendant vraisemblable la présence en 2016 d'un établissement stable de la recourante dans le canton de Genève. Même à considérer qu'une imposition du même substrat fiscal par le canton de Schwytz contreviendrait à l'interdiction de la double imposition inter cantonale, il appartiendra au Tribunal fédéral de se prononcer. Enfin, l'intimée a opéré la répartition du bénéfice entre les cantons de Genève et de Schwytz selon la méthode indirecte, en fonction de la répartition du temps de travail sur les deux sites qu'un employé avait indiquée. L'assujettissement limité de la recourante à Genève est ainsi justifié tant dans son principe que dans sa quotité. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2003/2022-ICC ATA/643/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juin 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Antoine BERTHOUD, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

____________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 août 2024 (JTAPI/822/2024)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______) a été inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève entre le ______ 1982 et le ______ 2008, date à laquelle elle a transféré son siège à B______ dans le canton de C______, avec comme but notamment l'importation, la fabrication, la vente, l'installation et la réparation d'appareils électroniques, particulièrement dans le domaine de l'audiovisuel.

Son siège genevois se situait au D______ dans la commune de E______, qui correspondait à celle du domicile de son actionnaire et administrateur unique (avec signature individuelle), F______. Selon le registre informatisé « Calvin » de l’office cantonal de la population et des migrations, ce dernier a également quitté Genève, le 1er décembre 2008, pour B______.

b. F______ est également l'associé-gérant, avec signature individuelle, d'G______Sàrl (ci-après : G______). Il détient 49 parts (sur 50) du capital social de cette société, la dernière part étant détenue par son épouse. À teneur du RC de Genève, le but d'G______ est l'importation, le commerce et la réparation d'appareils audiovisuels et de communication professionnels ; l'étude, la conception et la réalisation d'installations audiovisuelles et de communication professionnelles, l'engineering, l'expertise de problèmes en matière audiovisuelle et de communication. Son siège se situe au D______ à E______. Elle dispose de locaux sis H______à I______.

B. a. Du 15 au 17 janvier 2018, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a effectué un contrôle dans les locaux d’G______. Les contrôleurs fiscaux se sont entretenus avec des collaborateurs présents sur place.

b. Le 6 février 2018, trois contrôleurs de l'AFC-GE ont établi un « rapport de contrôle sur place », qui n’a pas été communiqué à A______, ni signé par ses représentants. Ils y ont notamment noté les propos d'F______ :

-          il était ingénieur en informatique, n'était pas salarié d’G______, mais d’A______, et s'occupait pour celle-ci du développement d'installations professionnelles audiovisuelles (logiciels software, design et autres) ;

-          lesdits produits, une fois finalisés, étaient revendus à G______, qui les commercialisait grâce à ses « contacts » ;

-          G______ louait à A______ un appartement (d’une surface de 84 m2, soit 2.5 pièces) situé à B______, que cette dernière lui sous-louait ;

-          il utilisait cet appartement à la fois comme son logement et comme bureau d’A______ ;

-          la délocalisation de la contribuable à B______ avait été opérée pour des raisons privées, mais également au motif qu’à Genève, elle était éloignée de l'important marché allemand ;

-          J______ et K______étaient employés d’A______.

À teneur de ce rapport, K______a notamment remis aux contrôleurs de l'AFC-GE sa carte de visite établie au nom d’A______ mentionnant uniquement l’adresse des bureaux à I______ et les numéros de téléphone et de fax genevois.

À cette occasion, les contrôleurs de l'AFC-GE ont saisi des factures, datées de 2015, envoyées à A______ à l’adresse des bureaux à I______, ainsi que des factures que cette dernière a adressées à G______ entre 2015 et 2018, indiquant J______ et L______ comme « références ». Ces factures indiquaient par ailleurs deux adresses d’A______, soit celles à Genève et B______.

c. Le 26 novembre 2020, l'AFC-GE a informé A______ de l’ouverture à son encontre de procédures en rappel et en soustraction d’impôts pour les années 2010 à 2014 et d’une procédure en tentative de soustraction pour les années 2015 à 2018. Selon les informations dont elle disposait, la contribuable exerçait, à tout le moins depuis 2010, une partie de ses activités commerciales dans les locaux de I______. De ce fait, elle entendait l’assujettir aux impôts à Genève de manière limitée. La contribuable était invitée à lui remettre ses grands livres 2010 à 2018 ainsi que « des propositions » de répartition intercantonale pour toutes ces périodes fiscales.

d. Le 31 mai 2021, A______ a indiqué être l'importateur officiel et « en partie exclusif » de systèmes audiovisuels pour la Suisse et qu’elle les vendait à des revendeurs et partenaires dans le pays. L’un de ces revendeurs était G______, qui vendait et installait des systèmes de communication audiovisuelle à des organisations internationales, entreprises, écoles, universités et autres clients depuis plus de 30 ans. Outre ses propres produits, elle proposait ceux de fournisseurs tiers. Elle fournissait des services également à G______ en les facturant au prix du marché. Elle ne maintenait aucune installation commerciale fixe à Genève et, donc, aucun établissement stable au sens de la loi, si bien qu’aucune répartition intercantonale ne devait être établie. Elle ne produirait donc pas ses grands livres 2010 à 2018.

e. Le 10 décembre 2021, l'AFC-GE a notifié à A______ un bordereau de taxation pour les impôts cantonal et communal (ci-après : ICC) 2016, à teneur duquel son bénéfice (CHF 519’325.- après un préciput de CHF 129'831.- attribué au canton de C______) était imposé à Genève à concurrence de 50%, tandis que son capital imposable était entièrement attribué au canton de C______.

f. A______ a formé réclamation contre ces bordereaux, concluant à ce qu’ils soient déclarés « sans objet » et à l’annulation de son assujettissement limité à Genève.

Les produits qu’elle commandait à l’étranger étaient livrés à l'entrepôt d’G______, d’où ils étaient transmis aux clients. Celle-ci « achetait » des services de ses employés à A______, pour l'accomplissement de certaines tâches administratives et notamment pour des travaux de comptabilité. Ces mandats étaient rémunérés aux prix du marché et comptabilisés par les deux sociétés.

Elle ne disposait d'aucune installation commerciale fixe dans le canton de Genève. L'entrepôt d’G______, où les produits commandés par A______ étaient livrés et réexpédiés, n’était qu’un simple entrepôt de transit. Son utilisation pour stocker temporairement des produits s'expliquait par le fait que le siège des deux sociétés se trouvait dans la même commune genevoise, avant son déplacement à B______. À part cet entrepôt et l'exécution « commune de commandes de tiers », les deux sociétés sœurs n'avaient aucun point de contact. Le déroulement technique de l'approvisionnement ainsi que la vente effective des produits s'effectuaient depuis ses bureaux à B______ et non pas dans le canton de Genève. La livraison des produits à l'entrepôt d’G______ et leur transmission aux clients finaux était de nature secondaire et rémunérée de manière appropriée. Le simple stockage local de produits, sans gestion ni exploitation d'un entrepôt, constituait une activité quantitativement négligeable et ne générait pas de rendement économique permettant de considérer qu'il s'agissait d'un établissement stable. Ses principales activités commerciales se déroulaient exclusivement à B______.

Les deux employés d'A______, qui travaillaient parfois pour G______, n'exerçaient pas d'activités commerciales pour A______ durant leurs activités pour G______. En conséquence, ils étaient rémunérés séparément pour leurs mandats d'importance mineure exécutés chez G______.

Enfin, elle disposait de locaux à B______ qui lui permettaient d'exercer pleinement ses activités « en relation avec les visites régulières et étendues de ses clients ».

g. Par décision du 17 mai 2022, l'AFC-GE a rejeté la réclamation, maintenu l'assujettissement à l'impôt à Genève en raison d'un rattachement économique et maintenu le bordereau de taxation ICC 2016.

Elle s’est fondée sur les éléments suivants :

-          lors du contrôle d’G______, les trois employés de la contribuable, soit F______, K______et J______, se trouvaient dans les locaux de cette première, où ils disposaient de places de travail fixes ;

-          des classeurs, des documents et des « pelles de classements » d'A______ se trouvaient dans les locaux d’G______ à I______ ;

-          un contrôle de la TVA de la contribuable avait eu lieu dans ces mêmes locaux ;

-          les comptes de la contribuable étaient établis en français, par le même mandataire, situé à Genève, que celui d’G______ ;

-          la carte de visite qu'K______avait remise lors du contrôle mentionnait l’adresse genevoise de la contribuable ainsi que ses numéros de téléphone et de télécopie genevois ;

-          K______était responsable de la préparation du matériel de marque « M______ » distribué par la contribuable. La préparation du matériel à destination de la Suisse romande s'effectuait dans les bureaux à I______. K______fournissait du conseil sur les projets importants des « intégrateurs » (entreprises tierces qui effectuaient l'installation), comme l'entité sœur, quant aux produits « M______ » les plus adaptés. Il avait indiqué, lors du contrôle, travailler environ 50% de son temps à I______ et environ 50% à C______. Il disposait dans les locaux à I______ d’un bureau contenant divers documents établis aux noms de la contribuable et d’G______ ainsi que d’une pièce beaucoup plus grande destinée au contrôle technique des objets « M______ ». Cette pièce était utilisée en tant qu’atelier et disposait de tout l'outillage nécessaire pour effectuer cette activité ;

-          J______, qui effectuait des tâches administratives pour les deux sociétés, était présente à I______ une partie de la semaine et y disposait également d’un bureau ;

-          F______ – qui s'occupait de la prospection, du design et de la programmation – possédait également un bureau dans les locaux à I______ et y disposait de tout le matériel nécessaire pour effectuer son travail ;

-          à C______, les locaux de la contribuable se situaient dans l'habitation privée d'F______, qui y vivait avec J______. L'appartement en question comportait 2.5 pièces d'environ 80 m2 et était loué à l'entité sœur ;

-          les comptes 2016 de la contribuable ne faisaient état d’aucune immobilisation (matériel informatique, matériel de bureau ou autres), excepté un véhicule. Les charges d’exploitation étaient très basses. Par exemple, le coût annuel de l’électricité n’était que d’environ CHF 240.-. Les seules charges importantes étaient les salaires des employés ;

-          en 2018, au moment du contrôle sur place, le site Internet de la contribuable indiquait qu’elle avait une succursale à I______ à l'adresse d’G______ ;

-          à la suite du contrôle d’G______ et aux remarques formulées par les contrôleurs sur place, la contribuable avait modifié son site Internet en supprimant la mention de l'adresse genevoise. Néanmoins, pendant un certain temps, la carte géographique y figurant continuait à mentionner l'adresse genevoise même si celle-ci n'était plus formellement indiquée sur le site ;

-          les factures adressées par la contribuable à ses clients mentionnaient simultanément les adresses et les numéros de téléphone et de fax de la succursale à Genève et du siège à B______.

Au vu de ces éléments, A______ avait constitué un établissement stable dans le canton de Genève. L'AFC-GE avait réparti le bénéfice et le capital imposables entre le siège et la succursale de la manière suivante : les actifs – et, partant, l'intégralité du capital propre – avaient été attribués au siège (C______) tandis que le bénéfice restant, après octroi d'un préciput au siège, avait été réparti à 50% à la succursale de Genève et à 50% au siège, considérant la répartition sur les différents sites du temps de travail d'K______.

C. a. Par acte du 16 juin 2022, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation.

Son activité se déployait dans le domaine des installations professionnelles de communication audio-visuelle, en particulier de vidéoconférence. À titre principal, elle œuvrait dans le concept de projets d'infrastructures (établissement des plans, détail du matériel et budget), dont l'installation était effectuée par des entreprises tierces (« intégrateurs »). Une fois l'installation effectuée, elle assurait un support technique et le développement des logiciels. Par ailleurs, elle était le distributeur en Suisse de « plusieurs marques de pointe reconnues dans le monde professionnel », qu’elle livrait aux « intégrateurs ».

G______ avait pour activité principale l'installation de systèmes de communication audio-visuelle. A______ lui vendait du matériel.

A______ avait trois collaborateurs, soit F______, K______et J______. Le premier, lorsqu'il n’était pas en déplacement chez les clients, effectuait principalement son travail depuis son domicile de B______. J______ assumait tout le suivi administratif, activité qu'elle effectuait exclusivement depuis le domicile d'F______, dont elle était la compagne. Elle consacrait environ 64 heures de travail par mois au suivi administratif d’G______, activité qu’elle accomplissait dans ses locaux situés à I______. K______était le responsable technique. Il accomplissait son activité principalement dans les locaux des clients. Il n'effectuait aucune réparation de matériel et n'avait pas besoin d'un atelier. Pour les interventions « logicielles sur les installations », il utilisait un ordinateur portable chez les clients. Il disposait d'un bureau à B______ et venait occasionnellement dans les locaux d’G______ à I______, où il ne disposait toutefois d'aucune place de travail fixe.

A______ ne disposait d'aucun stock physique. Le matériel choisi par ses clients était commandé à l'étranger et livré en Suisse. Pour des raisons « historiques et pratiques », ce matériel transitait par les locaux d’G______ à I______, qui ne fonctionnait que comme lieu de stockage temporaire géré par un magasinier.

En janvier 2017, G______ avait fait l'objet d'un contrôle TVA. Lorsqu'il était sur place, le contrôleur avait demandé à étendre son examen à la société sœur, soit à A______. Pour « lui être agréable », F______ avait accepté de transférer ses dossiers de B______ à I______, ce qui expliquait leur présence lors du contrôle effectué par l’AFC-GE en 2018.

Compte tenu de ces éléments, A______ ne disposait, en 2016, d'aucune installation fixe dans le canton de Genève. Le seul fait d'utiliser régulièrement les locaux d’G______ « pour la réception et la réexpédition de matériel commandé » par A______ n'était pas, « en tant que simple lieu de stockage », constitutif d'établissement stable.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Lors de leur visite des locaux à I______ en janvier 2018, les contrôleurs fiscaux avaient constaté que le bâtiment où travaillaient les employés d'A______ et d’G______ se composait de deux étages. Le rez-de-chaussée comportait des bureaux, une salle de conférence, une salle de montage et une cuisine. Au sous-sol se trouvaient une salle d'archives et un entrepôt où était stocké le matériel d'A______. Ce bâtiment appartenait à G______, qui disposait d'un droit de superficie sur le terrain. F______ y disposait d’un bureau pour son activité de salarié chez A______. Celle-ci versait un loyer à G______ pour la location de ce bureau. F______ avait indiqué aux collaborateurs de l'AFC-GE qu'il se rendait à Genève deux à trois fois par semaine pour son activité pour le compte d'A______. Il séjournait alors dans une maison sise à N______, en France voisine.

K______avait indiqué aux contrôleurs de l'AFC-GE être responsable de la réparation du matériel « M______ » distribué par A______ et fournir des conseils à des « intégrateurs » sur les produits « M______ » les plus adaptés. La facturation finale était établie par A______. Pour cette activité, il disposait de deux pièces dans ce bâtiment, soit un bureau et un atelier avec l'outillage nécessaire. Il avait expliqué que les bureaux genevois d'A______ étaient utilisés pour la réparation du matériel à destination de la Suisse romande, tandis que le bureau à B______ était destiné au matériel distribué en Suisse alémanique. Il passait la moitié de la semaine à C______ (soit du jeudi au vendredi) et la nuit du jeudi au vendredi à l'hôtel. Le trajet de son domicile de O______ à B______, qu'il effectuait avec son véhicule privé et disait durer environ 2h30, prenait, selon le calculateur d'itinéraire du Touring Club Suisse Genève, 3h57 avec un départ à 8h20 (distance de 339 km et 3h31 sans trafic). K______avait répondu, mais après une longue hésitation, aux contrôleurs de l'AFC-GE que la nuit d'hôtel passée dans le canton de C______ lui était remboursée par A______. Il avait remis auxdits contrôleurs sa carte de visite mentionnant l'adresse des bureaux genevois d'A______ et des numéros de téléphone genevois.

Les contrôleurs de l'AFC-GE avaient aussi constaté qu'J______, troisième employée d'A______, avait également un bureau dans les locaux à I______ et y disposait de tout le matériel nécessaire à son activité (notamment courriers, classeurs, pelles, etc., au nom d'A______). Le contrôle initial d'G______ par l'autorité fiscale en matière de TVA avait eu lieu en septembre 2017, et celui de l'AFC-GE en janvier 2018.

Dans la mesure où l’appartement de 80 m2 à B______ servait non seulement de bureau pour l'activité menée par A______ en Suisse alémanique, mais également de domicile d'J______ et F______, il était difficilement imaginable que toute sa documentation comptable y fût stockée. Par ailleurs, L______, une employée d’G______, avait indiqué « donner un coup de main de temps en temps » à A______, lorsque celle-ci avait beaucoup de travail, ce qui expliquait le fait que son nom figurait régulièrement sur les factures établies par la contribuable. Ainsi, cette employée devait disposer, à I______, des dossiers d'A______.

Des factures établies en 2015 et 2016 à l’attention des clients mentionnaient comme adresse, de même que numéros de téléphone et de télécopie, tant ceux de son adresse genevoise que ceux du siège social à B______, ce qui démontrait qu’elle exerçait son activité à tout le moins à parts égales entre son siège social et l'établissement stable de I______. En outre, ses bilans 2015 et 2016, établis par une société genevoise, ne faisaient état d’aucune immobilisation ou stocks.

Après le contrôle de janvier 2018, le site Internet d'A______ faisait seulement référence à son adresse dans le canton de C______, alors qu'elle mentionnait auparavant non seulement son siège social, à B______, mais également, sous « succursale » l'adresse de ses locaux, au H______, à I______. Le site Internet d'G______ indiquait qu'F______, K______et J______ étaient ses employés, alors que dans son recours, A______ précisait que ces personnes étaient ses salariés à elle. Depuis lors, le site Internet d'G______ avait été modifié en ce sens que sous la rubrique « composition du personnel » d'G______, il n'était plus fait mention que du « chef d'entreprise : F______ ». Les noms d'K______et d'J______ ne figuraient désormais plus sur le site Internet d'G______.

La régularité de la présence de ces trois salariés – chargés respectivement du développement des produits, de la réparation du matériel « M______ » et du suivi administratif d'A______ dans les locaux de I______ – permettait de qualifier ceux‑ci d'installation fixe et permanente dans laquelle était exercée une partie quantitativement et qualitativement importante de l'activité technique et commerciale d'A______. Les locaux de I______ ne servaient ainsi pas seulement de simple « lieu de stockage temporaire géré par un magasinier ».

Il en résultait qu'A______ exploitait un établissement stable à Genève au sens du droit intercantonal, créant un rattachement économique et donc un assujettissement limité d'A______ dans le canton de Genève, nonobstant l'existence de son siège à B______, dans le canton de C______.

L'AFC-GE a produit notamment une carte de visite établie au nom d'A______, pour K______, mentionnant exclusivement les bureaux de I______ et les numéros de téléphone et de télécopie à Genève, une facture d'un transporteur établie le 30 novembre 2015 adressée à A______ mentionnant l'adresse à I______, des factures établies par L______ en 2015 et 2016 au nom d'A______ comportant les adresses à I______ et à C______, une page Internet (non datée) d'A______. Selon cette pièce, son « siège social » se situait à B______ et elle disposait d’une « succursale » à I______. L'AFC-GE a également remis une page Internet imprimée le 19 septembre 2022 du site d'A______ ne mentionnant que l'adresse du siège social dans le canton de C______, une page Internet (non datée) d'G______ mentionnant que celle-ci employait treize personnes avec un rayon d'activité principal sur la Suisse romande ; une société sœur de taille identique s'occupait des projets en Suisse alémanique (F______, K______et J______ figuraient dans la « Composition du personnel » d'G______), la page Internet imprimée le 19 septembre 2022 du site d'G______ ne faisant pas mention de la société sœur, ni d'K______ou d'J______. F______ figurait toujours dans la composition du personnel.

L'AFC-GE n’a pas produit son rapport du 6 février 2018.

c. Dans sa réplique, A______ a relevé qu’F______, K______et J______ ne travaillaient pas pour A______ à I______. Elle n’y déployait pas une activité commerciale, mais y disposait seulement d’un entrepôt, dans lequel elle stockait temporairement des articles commandés pour les clients et qui leur étaient livrés à partir de ce lieu. Aucun document produit par l'AFC-GE ne démontrait le contraire.

F______ ne disposait pas d'un bureau à I______. Le versement du loyer, relevé par l'AFC-GE dans sa réponse, correspondait à la location de locaux situés à B______, dont G______ était propriétaire, et non un loyer pour des locaux de I______.

K______avait indiqué à A______ ne pas avoir tenu les propos rapportés par l'AFC-GE. En particulier, celui-ci n'effectuait aucune réparation ni contrôle du matériel « M______ » et ne disposait d'aucun atelier à cet effet. Il avait nié avoir remis à l'AFC-GE sa carte de visite professionnelle, et les numéros de téléphone y figurant n'étaient plus utilisés depuis des années. L'adresse électronique n'était pas non plus celle d'A______.

Les factures produites par l'AFC-GE ne permettaient pas de justifier l'existence d'un établissement stable à Genève dans la mesure où elles provenaient d'un ancien stock de papier utilisé. Les propos prêtés à L______ étaient également contestés. Il était en revanche possible qu'elle eût préparé les factures destinées à G______, raison pour laquelle son nom y figurait.

L'absence, dans ses bilans, d'immobilisations et de stocks confirmait ce qu’elle avait déjà indiqué, à savoir qu'elle ne procédait à des commandes de matériel auprès des fournisseurs qu'en vue de leur livraison immédiate aux clients. Dès lors, l'entreposage à I______ n'était que temporaire et ne pouvait donc constituer un établissement stable.

Son site Internet était à l'abandon depuis plusieurs années, parce qu'elle n'effectuait aucune vente par ce canal. Pour cette raison, sa mise à jour avait été effectuée tardivement.

d. Dans sa duplique, l'AFC-GE s’est étonnée qu'A______ soutienne que la carte de visite d'K______n'avait pas été remise par ce dernier aux contrôleurs, alors même qu'une copie avait été jointe à la réponse du 22 septembre 2022. À toutes fins utiles, elle en produisait l’original, observant que cette pièce ne pouvait pas se trouver dans son dossier sans avoir été remise par l’intéressé lui‑même ou par F______.

À la suite du contrôle de janvier 2018, ses contrôleurs avaient établi, le 6 février 2018, un compte rendu des éléments constatés et des entretiens qu’ils avaient tenus notamment avec F______, K______et L______. C’était dans le cadre de leurs fonctions, qui relevait du pouvoir d'autorité, que les contrôleurs avaient établi ce compte rendu. Ils étaient au bénéfice d'une carte de légitimation attestant de leur statut de fonctionnaires d’une autorité publique. De manière générale, les comptes rendus établis par des fonctionnaires, dans le cadre de leurs prérogatives légales, avaient une force probante particulière. Un simple déni d'éléments factuels consignés par eux ne pouvait remettre en cause leur force probante.

F______ avait informé les contrôleurs du fait qu’il n’était pas salarié d’G______, mais d'A______, et avait fourni les renseignements sur K______et J______. Il leur avait par ailleurs indiqué que lors de ses venues à Genève (deux à trois jours par semaine), il occupait un appartement de fonction situé en France voisine (N______) et qu’G______ ne refacturait pas à la contribuable son utilisation des locaux et aménagements à I______. On devait en déduire que si F______ disposait d'un appartement de fonction lorsqu'il venait travailler à Genève deux à trois jours par semaine, c'était pour éviter de faire les trajets de B______ à Genève et, qu'en journée, il travaillait dans les locaux I______ de ses deux sociétés, en s'occupant de leurs affaires commerciales et de la gestion de leurs employés.

L'AFC-GE détaillait les éléments recueillis auprès d'K______lors de l'entretien du 16 janvier 2018 avec les contrôleurs. Il leur avait expliqué que les bureaux genevois (c/o G______) étaient utilisés pour la réparation du matériel à destination de la Romandie tandis que le bureau à B______ (siège d'A______) était destiné au matériel distribué en Suisse alémanique. Sa carte de visite leur avait été remise à ce moment-là.

Il ne découlait pas de l'expérience de la vie et du bon sens que l'administrateur et détenteur des deux sociétés, qui partageaient le même espace professionnel à I______, travaillait exclusivement pour G______ lorsqu'il était à Genève et pour A______ seulement depuis son bureau de B______. Ce prétendu découpage de l'activité commerciale exercée par F______ pour ses deux sociétés avait pour finalité de préserver l'assujettissement d'A______ uniquement dans le canton de C______, même si son activité commerciale s’effectuait également à Genève. À cela s’ajoutait le fait que les locaux d'A______ à B______ étaient situés dans le logement d'F______ et d'J______.

Les contrôles TVA des deux sociétés avaient eu lieu en janvier et mai 2017. Si le back office était mené de manière aussi étanche que le soutenait A______, ses dossiers auraient dû logiquement être retransférés à B______ après le contrôle TVA d'A______. Tel n'avait pas été le cas, puisque des dossiers de la contribuable avaient été trouvés dans les locaux à I______.

Elle reprenait son argumentation précédente, en reproduisant des extraits du contenu du compte rendu de ses contrôleurs du 6 février 2018 sans toutefois produire ledit document.

e. A______ a répondu que les explications de l'AFC-GE à propos de sa prise de possession de la carte de visite d'K______étaient contradictoires et confuses, si bien que ce document n'avait aucune force probante. Il pouvait s'agir d'une ancienne carte de visite, plus utilisée par K______, découverte fortuitement à l'occasion du contrôle sur place.

Alors que l'AFC-GE faisait référence à un compte rendu du déroulement du contrôle et des entretiens menés, elle n'avait produit ni ce document ni les procès‑verbaux des auditions.

Elle contestait les propos prêtés à K______, F______ et L______. Enfin, elle n'était pas responsable d'une erreur dans la facture émise par un fournisseur.

f. L'AFC-GE a souligné que K______lui avait bien remis sa carte de visite le jour de la venue des contrôleurs de l'AFC-GE.

A______ reconnaissait qu'F______ passait un certain temps à Genève, dans les locaux de I______. La contribuable ne pouvait soutenir que son salarié n'effectuait aucune tâche pour elle lorsqu'il se trouvait à Genève et qu'il réservait cette activité lorsqu'il se trouvait dans le canton de C______.

La « charge de travail importante » de L______ « pour son employeur G______ » ne justifiait en rien le fait qu'elle travaillât pour A______, en établissant des factures pour cette dernière.

Les entretiens avec F______, K______et L______, effectués par des contrôleurs fiscaux, avaient été consignés. Ces derniers se tenaient à disposition du TAPI pour être entendus.

g. Par jugement du 21 août 2023, le TAPI a rejeté le recours.

D. a. Par acte du 20 septembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant au renvoi de la cause au TAPI pour instruction complémentaire et nouveau jugement ainsi qu'à l'annulation de la décision de l'AFC-GE du 17 mai 2022 et du bordereau établi le 10 décembre 2021.

Elle se plaignait notamment de la violation de son droit d’être entendue, dans la mesure où elle n’avait pas pu prendre connaissance du « compte rendu » de l'AFC‑GE du 6 février 2018.

b. Par arrêt du 19 décembre 2023 (ATA/1366/2023), la chambre administrative a admis partiellement le recours, annulé le jugement précité et renvoyé la cause au TAPI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Il n'était pas contesté que des contrôleurs fiscaux s’étaient rendus dans les locaux situés à I______ du 15 au 17 janvier 2018 et que des personnes se trouvant sur place avaient répondu à des questions posées par ces derniers. L'AFC-GE n'avait toutefois pas produit, devant le TAPI, de pièces relatives aux constats effectués sur place ou aux déclarations de ces personnes. Elle n'avait pas produit le « compte rendu » du 6 février 2018 à l'appui de sa duplique devant le TAPI, ni d’ailleurs devant la chambre administrative. De ce fait, elle avait privé A______ de se déterminer à son propos et de s'exprimer par rapport aux éléments qu'il contenait. La violation du droit d’être entendue d'A______ devait donc être retenue, ce qui conduisait au renvoi de la cause au TAPI, afin qu’il ordonne la production du procès-verbal litigieux et, si le secret fiscal l’exigeait, en communique les éléments essentiels à A______, afin qu’elle puisse se déterminer sur ceux-ci.

Ce renvoi permettrait également d’approfondir les éléments de fait relatifs à la location de l'appartement à C______, en ce sens qu’il convenait de déterminer si c’était G______ qui louait ce logement à A______ ou l’inverse. Il en était de même de la question d'un éventuel loyer versé par A______ à G______ pour la location d'un bureau dans le bâtiment sis à I______.

Par ailleurs, il convenait d’établir la date à laquelle le contrôle TVA avait eu lieu dans les locaux à I______.

Enfin, l'on ignorait quand la page du site Internet d'A______ (produite par l'AFC‑GE) avait été imprimée et la période pendant laquelle elle était disponible. Une instruction complémentaire sur ce point pouvait également apporter des éléments pertinents aux fins de statuer sur la question litigieuse, à savoir la présence d'un établissement stable d'A______ dans le canton de Genève.

E. a. Le 19 mars 2024, le TAPI a requis de l'AFC-GE la production de :

- la copie complète du « compte rendu du 6 février 2018 » cité dans sa duplique du 28 novembre 2022 ;

 

- tout document relatif aux constats qu’elle avait effectués lors du contrôle sur place d'G______ entre les 15 et 17 janvier 2018 et aux déclarations des personnes auditionnées à cette occasion ;

- toutes les pièces annexées à la réclamation d’A______ contre les bordereaux de taxation du 10 décembre 2021 ;

- toute pièce attestant de la date du contrôle TVA d’A______ ;

- tous les documents, notamment les pages du site Internet d'A______ avant et après janvier 2018 dûment datées, lui ayant permis de retenir les éléments avancés dans sa réponse quant au contenu de ce site.

b. Le même jour, le TAPI a demandé à A______ de produire :

-          une copie du contrat de location du 13 décembre 2008, conclu entre A______ et G______, relatif à la location de l'appartement à C______ ;

-          tout document attestant du versement d’un loyer à G______ pour la location d'un bureau dans le bâtiment sis à I______.

Il lui a par ailleurs demandé d’indiquer les dates exactes du contrôle TVA des deux sociétés.

c. Le 17 avril 2024, A______ a répondu que pour l’appartement à B______, il y avait deux baux successifs entre elle et G______, le premier conclu le 13 décembre 2008 et le second le 15 décembre 2014. Elle ne versait aucun loyer à G______ pour la location de bureaux à I______. En revanche, depuis 2018, G______ lui facturait CHF 500.- par mois la mise à disposition de surfaces pour un stock temporaire.

Le contrôle TVA d’G______ avait eu lieu le 31 octobre 2016 et les 11 et 12 janvier 2017.

Le contrôle TVA d’A______ avait été effectué à Genève les 5 et 7 mai 2017, pour les périodes 2012 à 2015. Un second contrôle avait eu lieu en 2020 et s’était clôturé par un entretien sur place à B______ le 1er juillet 2020.

Elle a produit :

-          les deux baux conclus entre elle et G______ les 13 décembre 2008 et 15 décembre 2014, relatifs à la location de l’appartement à C______ ;

-          quatre factures qu’G______ avait adressées à A______ en 2021, 2022 et 2023 pour le paiement des loyers des années 2018 à 2023, relatifs aux locaux à I______.

d. Le 19 avril 2024, l'AFC-GE a transmis au TAPI un bordereau complémentaire de pièces, accompagné de ses commentaires.

Elle produisait, sous couvert du secret fiscal, le « Rapport de contrôle sur place » établi par ses contrôleurs le 6 février 2018 (ci-après : pièce A1). Il s’agissait d’un compte rendu du travail effectué par ces derniers les 15, 16 et 17 janvier 2018 auprès d’G______. Ce rapport faisait état des documents remis lors de ce contrôle, tels que des extraits de comptes et diverses factures d’A______, une carte de visite et « enveloppe ». Il retranscrivait les déclarations de L______, d'F______ et d'K______, lors de leur audition au cours du contrôle.

Les autres pièces qu’elle produisait n’étaient pas soumises au secret fiscal, dont :

-          la réclamation d’A______ de janvier 2022 avec toutes ses annexes, dont le contrat de location du 13 décembre 2008 conclu entre G______ et A______, relatif à l’appartement de 90 m2 à C______, selon lequel cette première louait à la seconde ce logement pour CHF 1'400.- par mois. Étaient joints également les comptes d’G______ au 31 décembre 2016, à teneur desquels aucun loyer n’était comptabilisé, à titre de recette, pour la location de l’appartement à C______ ;

-          la copie d’un rapport TVA, indiquant que le contrôle d’A______ avait eu lieu les 4 et 5 mai 2017 dans les locaux d’G______ à I______, ainsi qu’une lettre d’ouverture de ce contrôle du 13 janvier 2017, dans laquelle le représentant de la division de la TVA indique notamment : « Conformément à l’entretien téléphonique avec vous, je vous confirme le rendez-vous fixé à sa convenance pour procéder au contrôle fiscal de votre entreprise, à I______ chez G______ (…) » ;

-          les copies d’un courriel échangé, le 12 janvier 2018, entre deux de ses contrôleurs et des pièces qui y étaient jointes, dont les captures des sites Internet d’G______ et d’A______ non datées (pièces n° 6 et 8). Ces pièces démontraient que les modifications du contenu de ces sites avaient été effectuées après le contrôle. En effet, ces captures étaient antérieures au contrôle puisqu’elles étaient jointes audit courriel. Or, elles faisaient état de la succursale d’A______ à I______, d’une part, et du fait que L______, F______ et K______étaient collaborateurs d’G______, d’autre part ;

-          la capture du site d’A______ datée du 22 février 2018. Celle-ci ne faisait plus état de la succursale à I______. Elle avait été faite peu après le contrôle ;

-          la capture du site d’G______ du 19 septembre 2022. On y constatait que L______ et K______ne figuraient plus dans la composition du personnel d’G______.

e. Le 15 mai 2024, le TAPI a communiqué à A______ une copie caviardée de la pièce A1.

f. Le 29 mai 2024, A______ a remis au TAPI une confirmation d’G______ qu’elle levait le secret fiscal sur la pièce A1 et qu’elle autorisait tant l'AFC-GE que le TAPI à la transmettre dans son intégralité à A______. Elle a requis une copie non caviardée de cette pièce.

g. Le 30 mai 2024, A______ s’est déterminée sur le bordereau complémentaire de pièces de l'AFC-GE.

La teneur des propos des salariés d’A______ et d’G______, relatés dans la pièce A1, était expressément contestée, certains d’entre eux ne correspondant pas à la réalité des faits. Ce document ne pouvait pas être considéré comme un procès‑verbal dès lors qu’il n’était pas lu et signé par les personnes entendues. En outre, il avait été établi trois semaines après le contrôle. De plus, il ne permettait pas de savoir si ces salariés avaient, de manière totalement libre, accepté de répondre aux questions des contrôleurs. Par ailleurs, A______ n’avait pas pu participer à l’audition des personnes citées, en violation de son droit d’être entendue. En raison de tous ces vices formels, cette pièce devait être considérée comme dénuée de toute force probante et établie en violation des règles fondamentales de la procédure. Elle devait dès lors être écartée du dossier.

Les seules indications sur une capture d’écran non datée d’un site Internet n’avaient aucune force probante. Elle réitérait que son site Internet était à l’abandon, parce qu’elle n’effectuait aucune vente par ce canal. Le fait que son site Internet avait été mis à jour de manière imparfaite démontrait à lui seul que ce canal ne lui était d’aucune utilité pratique.

De même, aucune conclusion utile au présent litige ne pouvait être tirée de l’examen de la capture du site d’G______ datée du 19 septembre 2022.

Le seul fait d’utiliser les locaux à I______ comme emplacement de stockage temporaire de produits destinés à être livrés aux clients n’était pas constitutif d’un établissement stable.

Enfin, au regard de la très faible activité déployée à I______, en lien avec ce stockage temporaire, retenir 50% du bénéfice comme imposable à Genève était manifestement disproportionné. Il en découlait de plus une double imposition intercantonale, l’intégralité du bénéfice ayant déjà été taxée par le canton du siège.

h. Dans sa détermination du 21 juin 2024, l'AFC-GE a exposé que la levée du secret fiscal dû à G______ ne légitimait pas A______ à obtenir l’accès à une pièce interne de l'AFC-GE, telle que la pièce A1. De plus, le contenu essentiel de cette pièce lui avait été communiqué et elle avait déjà contesté, en janvier 2023, les propos attribués à L______, à F______ et à K______. Elle n’avait ainsi pas d’intérêt concret à en obtenir la communication.

La pièce A1 était un élément de preuve qu’il appartenait au TAPI d’apprécier. Par ailleurs, le TAPI pourrait auditionner les employés d’A______ afin de vérifier s’ils avaient librement répondu aux questions posées par les contrôleurs. À cet égard, elle soulignait effectuer ses contrôles externes dans le respect des lois et règlements et n’utiliser aucun moyen coercitif lors de ses entretiens avec les employés des sociétés auditées.

Elle avait fourni assez d’indices pour qu’A______ soit imposée à Genève à concurrence de 50%. Ainsi, le jugement JTAPI/882/2023 restait pleinement d’actualité pour juger la présente cause.

i. Le 9 juillet 2024, A______ a requis formellement du TAPI une décision incidente relative à la consultation de la pièce A1.

L'AFC-GE ne pouvait soutenir à la fois que cette pièce était de nature purement interne et un élément de preuve utile pour trancher le litige. En effet, des documents internes ne pouvaient pas être utilisés comme moyens de preuve, mais servaient uniquement à la formation de l’opinion interne de l’autorité. De plus, l'AFC-GE n’expliquait pas sur la base de quels critères le caviardage de cette pièce avait été effectué.

Aucun intérêt public ou privé ne s’opposait à une consultation intégrale de cette pièce. En conséquence, subsidiairement, elle concluait à ce que ce document lui soit communiqué dans son intégralité.

j. Le 11 juillet 2024, le TAPI a communiqué à A______ l’intégralité de la pièce A1.

k. Le 18 juillet 2024, en consultant, via www.archive.org, le contenu des sites Internet d’G______ et d’A______ (état au 8 octobre 2017, respectivement au 22 septembre 2017), le TAPI a constaté que cette première y indiquait F______, K______et L______ comme étant ses propres collaborateurs, tandis qu’A______ y mentionnait disposer d’une succursale à I______, dont elle affichait l’adresse à cet endroit et le numéro de téléphone genevois. Dès fin février 2018, ces indications n’y figuraient plus. Les pages de ces sites ont été imprimées et communiquées aux parties le même jour.

l. Le 23 juillet 2024, A______ s’est déterminée sur le contenu de la pièce A1 et des pages Internet communiquées par le TAPI.

Aucun élément contenu dans la pièce A1 ne permettait de conclure à l’existence d’une quelconque activité commerciale à I______. Les pages Internet imprimées le 18 juillet 2024 ne prouvaient pas le contraire, puisqu’elle avait abandonné son site Internet et ne faisait aucune vente par ce biais.

m. Par jugement du 26 août 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Un faisceau d'indices rendait vraisemblable l'existence d'une activité commerciale à Genève, en 2016, d'A______. Cette dernière n'était pas parvenue à démontrer le contraire. Ainsi, son assujettissement limité aux impôts à Genève était confirmé.

F. a. Par acte du 25 septembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation ainsi qu'à l'annulation du bordereau émis le 10 décembre 2021.

Elle produisait le bordereau émis par le canton de C______ le 14 février 2018.

b. Le 14 novembre 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Au vu de tous les éléments figurant au dossier, il apparaissait qu'en 2016, la recourante avait exercé à Genève à tout le moins son activité de distributeur de matériel audiovisuel. Par ailleurs, le fait que l'intéressée avait indiqué sur son site Internet disposer d'une « succursale » à I______ plaidait fortement en faveur de l'existence effective d'un établissement stable à cet endroit.

Bien que la recourante se plaignait d'une double imposition intercantonale et du fait que l'attribution d'une quote-part de 50% de son bénéfice net au canton de Genève n'avait pas été expliquée, elle n'avait jamais fourni d'éléments qui auraient pu aboutir à une répartition différente. Elle n'avait pas non plus démontré avoir déclaré dans le canton du siège l'existence de son établissement stable genevois, alors que son actionnaire et administrateur avait nécessairement conscience que sa société disposait en 2016 d'un établissement stable à Genève.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 10 janvier 2025 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 9 janvier 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions.

e. Le 13 janvier 2025, l'AFC-GE a transmis à la chambre administrative un courriel de L______, qui indiquait avoir été employée auprès d'G______ durant dix ans, jusqu'au 31 octobre 2024, et être désormais à disposition pour témoigner contre le dirigeant des deux sociétés. Elle expliquait être au courant des agissements de celui-ci, qui avait pendant des années « triché vis‑à‑vis des impôts [s]uisses ». Elle avait été obligée de travailler également pour la recourante, avec laquelle elle n'avait aucun lien. L'AFC-GE a conclu à l'audition de L______ en qualité de témoin.

f. Le 27 janvier 2025, la recourante a contesté les faits allégués par son ancienne salariée. Cette dernière était « animée par une intention de nuire, qui ne mérit[ait] pas plus d'attention ». Si la chambre administrative devait donner suite à la demande de l'AFC-GE de l'entendre comme témoin, elle devrait entendre également d'autres collaborateurs de la recourante, à tout le moins toutes les personnes citées par les contrôleurs de l'AFC-GE dans la pièce A1 ainsi qu'J______.

g. Le 30 avril 2025, l'AFC-GE a sollicité la suspension de la procédure dans l'attente du jugement du TAPI, qui devait se prononcer dans une cause relative à la même contribuable et portant sur la même problématique (siège de la société sis dans le canton de C______, mais assujettissement limité dans le canton de Genève), pour ce qui concernait les périodes fiscales 2010 à 2015.

h. La chambre administrative a indiqué qu'elle n'entendait pas suspendre la procédure, la suspension étant demandée en vue d'une jonction à laquelle s'opposerait notamment l'art. 70 al. 2 LPA. La cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L'intimée sollicite l'audition de L______, qui a été employée à Genève auprès de la société sœur de la recourante jusqu'au 31 octobre 2024.

2.1 Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement ni celui de faire entendre des témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/564/2025 du 20 mai 2025 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, l'intimée a produit un courriel du 13 janvier 2025 dans lequel L______ expliquait notamment avoir travaillé également pour la recourante et, par ailleurs, exposait d'autres faits exorbitants au présent litige. L'intimée n'explique pas quels éléments déterminants pour la solution du litige l'audition de cette dernière permettrait d'apporter. Il n'apparaît, en particulier, pas nécessaire de questionner l'ancienne employée sur les circonstances de ses « dix années passées chez G______ ».

La chambre de céans dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause. En effet, les parties ont eu l’occasion d’exposer en détail leurs points de vue et de verser à la procédure toutes les pièces qu’elles ont estimé utiles. Le litige peut ainsi être jugé sans qu’il soit nécessaire d’entendre des témoins. Il ne sera par conséquent pas fait droit à la requête d'audition.

3.             La recourante conteste l'existence d'un établissement stable à Genève. Elle fait valoir que sa « faible activité d'entreposage à Genève » n'est suffisante ni qualificativement ni quantitativement pour constituer un établissement stable justifiant son assujettissement limité dans le canton.

3.1 Les personnes morales sont assujetties à l’impôt à raison de leur rattachement personnel lorsqu’elles ont leur siège ou leur administration effective dans le canton (art. 2 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 ‑ LIPM - D 3 15 ; art. 20 al. 1 1re phr. de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 ‑ LHID ‑ RS 642.14).

Selon les art. 3 al. 1 LIPM et 21 al. 1 LHID, les personnes morales qui n’ont ni leur siège ni leur administration effective dans le canton sont assujetties à l’impôt à raison de leur rattachement économique, notamment lorsqu’elles exploitent un établissement stable dans le canton (let. b).

On entend par établissement stable toute installation fixe dans laquelle s’exerce tout ou partie de l’activité de l’entreprise. Sont notamment considérés comme établissements stables les sièges de direction, succursales, usines, ateliers, comptoirs de vente, représentations permanentes, mines et autres lieux d’exploitation de ressources naturelles, ainsi que les chantiers de construction ou de montage d’une durée d’au moins douze mois (art. 3 al. 3 LIPM).

3.2 Le Tribunal fédéral a retenu l’existence d’un établissement stable lorsqu'une société possède des structures et des installations matérielles permanentes qui forment une partie de l'entreprise hors du canton et grâce auxquelles l'activité technique et commerciale est exercée d'une manière qualitativement et quantitativement significative (arrêt du Tribunal fédéral 2C_518/2010 du 9 février 2011 in RDAF 2011 II 379 consid. 4.1 à 4.4 ; ATA/760/2023 du 11 juillet 2023 consid. 3.3).

3.3 En matière intercantonale, le Tribunal fédéral a jugé qu'un faisceau d'indices réuni par le fisc était suffisant et que la vraisemblance prépondérante était un degré de preuve acceptable compte tenu du fait que le droit fiscal était un droit administratif de masse. Ainsi, les autorités fiscales peuvent retenir que l'administration effective d'une personne morale se trouve sur le territoire cantonal en présence d'une vraisemblance prépondérante. Il appartient à la personne morale d'établir les faits propres à détruire cette vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_591/2023 du 2 avril 2024 consid. 3.6.4).

3.4 En l'espèce, la recourante constate que l'évolution récente de la jurisprudence du Tribunal fédéral « permet de se baser sur un simple faisceau d'indices » dans un contexte intercantonal, dès lors qu'une vraisemblance prépondérante constitue un degré de preuve acceptable. Elle se contente d'alléguer que l'abaissement du fardeau de la preuve rendrait « malheureusement inutile une contestation détaillée des faits retenus par le [TAPI] dans son jugement querellé ».

Ce faisant, bien que l'intéressée semble estimer que la jurisprudence du Tribunal fédéral est regrettable, elle ne se détermine pas sur les éléments de fait qui ressortent de l'instruction complémentaire du TAPI, ni ne les conteste en tant que tels. Elle réitère qu'il y a lieu de retenir une « faible activité d'entreposage à Genève », sans toutefois présenter de moyens de preuve qui plaideraient contre un établissement stable sur le territoire du canton.

Or, la recourante conceptualise et commercialise des projets d'infrastructure de communications audiovisuelles, d'une part, et agit comme distributeur en Suisse du matériel y relatif, qu'elle commande auprès de fournisseurs étrangers puis les revend à des « intégrateurs », d'autre part. Dans ces circonstances, le fait d'« utiliser régulièrement les locaux de [sa société sœur] pour la réception et la réexpédition de matériel commandé » – ce que la recourante admet – s'oppose à la qualification des locaux à Genève de simple « lieu de stockage temporaire ».

Alors que son activité nécessite des locaux d'entreposage, l'intéressée n'allègue pas avoir disposé de tels locaux dans le canton de C______. Deux baux successifs depuis le 1er janvier 2009 portant sur l'appartement de B______ montrent que la société sœur de la recourante lui loue ce logement – d'une surface de seulement 90 m2. À cet égard, hormis le fait qu'il est indiqué sur le bail « habitation [et] bureaux » au titre de destination des locaux, la recourante ne fournit aucune pièce ni aucune précision sur l'accomplissement d'une activité commerciale dans cet appartement. Il est en revanche établi que sa société sœur lui facture CHF 500.- par mois depuis 2018 pour la location de surfaces. Dès lors, l'usage effectif des locaux de I______, à tout le moins pour son activité de distribution de matériel audiovisuel, justifie de retenir l'existence d'un établissement stable dans le canton de Genève.

La pièce A1 – qui a été communiquée à la recourante dans son intégralité le 11 juillet 2024 – relève, de surcroît, la présence dans les locaux de I______, en janvier 2018, de ses documents comptables et de membres de son personnel – dont K______, lequel travaillait exclusivement pour elle. La carte de visite de ce dernier, qu'il a remise à cette occasion, indiquait l'adresse et les numéros de téléphone et de fax à Genève. De plus, des factures de 2015, qui avaient été adressées à la recourante à I______, ont été retrouvées. Des factures que cette dernière avait émises en 2015 et 2016, également retrouvées à Genève, comportaient dans leur en‑tête les deux adresses, y compris celle de I______. Ces constats confirment qu'une partie des locaux genevois a été partagée et qu'il n'a pas été fait usage de ceux-ci seulement à des fins de stockage.

En outre, si son siège et l'ensemble de son activité se situaient à C______ depuis décembre 2008, il est difficile de comprendre pourquoi un contrôle TVA de l'intéressée a eu lieu dans les locaux de sa société sœur à Genève les 4 et 5 mai 2017. Même à considérer qu'F______ aurait transféré les dossiers de B______ à I______ pour « être agréable » au contrôleur, les dates de ce contrôle n'expliquent pas pour autant – contrairement à ce que soutient la recourante – pourquoi sa documentation comptable se trouvait encore à I______ plus de huit mois plus tard, en janvier 2018.

Pour le surplus, son site Internet indiquait, à tout le moins jusqu'au 22 septembre 2017, la présence d'une « succursale » à I______. Celui de sa société sœur faisait état, à tout le moins jusqu'au 8 octobre 2017, de treize « personnes [employées] à Genève », dont F______ comme chef d'entreprise, J______ comme responsable administrative et K______au développement – les deux derniers cités pourtant annoncés comme des employés de la recourante exclusivement. Ce dernier point laisse également penser que le lieu d'activité des précités était au moins partiellement à Genève. Les explications de l'intéressée selon lesquelles son site Internet « était à l'abandon depuis plusieurs années » ne convainquent pas, au vu de l'ensemble des indices convergents au dossier.

La recourante n'a pas non plus apporté la preuve du contraire, étant précisé qu'elle a notamment refusé de produire ses grands livres pour les périodes 2010 à 2018.

Il découle de ce qui précède, et en particulier de l'instruction menée sur les points requis par la chambre de céans dans son arrêt du 19 décembre 2023, qu'il existe un faisceau d'indices rendant vraisemblable la présence en 2016 d'un établissement stable dans le canton de Genève.

4.             La recourante se plaint ensuite de la violation du principe de l'interdiction de la double imposition intercantonale, l'intégralité de son bénéfice ayant déjà été taxée par le canton de C______ pour la période 2016.

4.1 Énoncé à l'art. 127 al. 3 Cst., le principe de l'interdiction de la double imposition intercantonale s'oppose à ce qu'un contribuable soit concrètement soumis, par deux ou plusieurs cantons, sur le même objet, pendant la même période, à des impôts analogues (double imposition effective) ou à ce qu'un canton excède les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles de conflit jurisprudentielles, entende prélever un impôt dont la perception est de la seule compétence d'un autre canton (double imposition virtuelle). En d'autres termes, la notion de double imposition intercantonale prohibée par la disposition constitutionnelle précitée implique un conflit de souveraineté fiscale entre cantons et suppose la réunion des quatre conditions d'identité du sujet, de l'objet, du type d'impôt et de la période fiscale (ATF 150 I 31 consid. 4.1 ; 148 I 65 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_974/2019 du 17 décembre 2020 consid. 13.1).

4.2 La personne touchée par une double imposition intercantonale peut déférer l'affaire au Tribunal fédéral dès qu'un canton a rendu une décision en dernière instance, sans qu'il soit nécessaire d'épuiser les instances dans les autres cantons concernés. Le délai commence à courir « au plus tard » le jour où chaque canton a rendu une décision (art. 100 al. 5 de loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110), ce qui signifie qu'il est possible soit de contester tout de suite la décision rendue par le canton qui statue le premier, soit d'attendre la décision d'un autre canton et, en recourant contre cette dernière, de remettre en cause également celle du premier (ATF 133 I 300 consid. 2 ; 133 I 308 consid. 2.3 ; ATA/1057/2024 du 3 septembre 2024 consid. 9.2).

Ainsi, le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral peut être déposé contre les décisions de taxation déjà entrées en force d'un autre canton, même s'il ne s'agit pas de décisions au sens de l'art. 86 LTF. Les voies de recours ne doivent en effet être entièrement épuisées que dans un seul canton (ATF 139 II 373 consid. 1.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_216/2023 du 31 octobre 2023 consid. 1.5.1 ; 2C_401/2020 du 28 juillet 2021 consid. 1.2.1 non publié aux ATF 148 I 65).

4.3 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la péremption du droit de recourir en matière de double imposition intercantonale – le contribuable perd son droit de recourir lorsqu'il reconnaît son assujettissement à l'impôt dans un canton sans réserve alors qu'il connaît la prétention fiscale concurrente d'un autre canton – n'est plus proportionnée et doit être abandonnée. Déjà, même si la péremption du droit de recourir vise à protéger le premier canton ayant procédé à la taxation, cet élément ne doit pas lui permettre de conserver des impôts perçus de manière injustifiée. Il faudrait plutôt que le contribuable soit exceptionnellement contraint d'indemniser ce canton pour les frais de procédure engagés. Ensuite, il y va de l'intérêt du second canton (qui est légitimé à taxer) à ce que les contribuables ne se soustraient pas à leurs obligations fiscales cantonales en simulant un assujettissement dans un autre canton. En effet, le comportement abusif du contribuable ne lèse pas les intérêts du canton qui a procédé à la première taxation, mais ceux du canton dont l'imposition légitime est en jeu. Or, la prétention fiscale légitime de ce – second – canton ne peut pas être protégée de manière appropriée et efficace en privant le contribuable de son droit de recours contre le canton dont l'imposition n'est pas fondée ou de son droit constitutionnel à l'élimination de la double imposition. L'art. 127 al. 3 Cst. vise la protection du contribuable, de la souveraineté fiscale du canton ayant le droit d'imposer, mais non pas du canton non autorisé à taxer. Ce droit constitutionnel ne peut être refusé qu'en cas d'abus qualifié et pour autant que le canton concerné ait, exceptionnellement, un intérêt légitime à conserver les impôts perçus (ATF 149 II 354 in RDAF 2024 II 185).

4.4 En l'espèce, l'intéressée fait valoir qu'en l'absence d'un comportement abusif qualifié de sa part, elle est fondée à se plaindre d'une double imposition intercantonale.

Or, l'ATF 149 II 354, que la recourante cite, protège la prétention fiscale légitime du second canton qui procède à la taxation, en reconnaissant au contribuable son droit de recours contre le premier canton ayant procédé à la taxation sans que l'imposition soit fondée. Partant, la contribuable ne saurait s'en prévaloir pour s'opposer à ce que le canton de Genève procède à la taxation, ce qu'il est légitimé à faire in casu, conformément aux considérants qui précèdent.

Même à considérer qu'une imposition du même substrat fiscal par le canton de C______ contreviendrait à l'interdiction de la double imposition intercantonale, il ne s'ensuivrait pas que la taxation genevoise, intervenue après la taxation C______, devrait être annulée par la chambre de céans. Il appartiendra au Tribunal fédéral de se prononcer, le cas échéant et en temps voulu, d'une manière permettant de respecter l'interdiction de la double imposition intercantonale.

La chambre de céans n'est donc pas compétente pour analyser cette question sur le fond, dans la mesure où elle ne peut pas, à la différence du Tribunal fédéral, annuler une décision ou un jugement C______.

5.             Reste à examiner si la recourante peut être suivie lorsqu'elle allègue qu'« aucun des éléments de fait retenus par le TAPI » ne permettrait de justifier comment une part de 50% de son bénéfice net a été attribuée au canton de Genève, d'une part, et que cette quote-part ne « reposer[ait] sur aucune méthode de répartition reconnue par la jurisprudence du Tribunal fédéral », d'autre part.

5.1 En présence d'entreprises disposant de domiciles fiscaux dans plusieurs cantons, une répartition intercantonale est nécessaire. Le capital et le bénéfice imposables sont alors répartis en quotes-parts entre le canton du siège et les cantons dans lesquels des établissements stables se trouvent. Chaque canton établit selon les règles de son propre droit le montant du capital et du bénéfice global. En revanche, l'établissement des quotes-parts doit se faire selon les règles fixées par la jurisprudence du Tribunal fédéral. La somme des quotes-parts attribuées à tous les cantons ne doit jamais dépasser 100% (ATA/650/2017 du 13 juin 2017 consid. 4a ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, p. 605 n. 37).

5.2 Pour ce qui est de la répartition proprement dite entre les cantons, deux méthodes sont envisageables : la méthode directe, selon laquelle les quotes-parts sont établies en se fondant sur la comptabilité des établissements concernés, et la méthode indirecte, qui alloue les parts en se basant sur d'autres critères (chiffres d'affaires, salaires, etc.). Dans la pratique, cette seconde méthode est la plus fréquemment utilisée dès lors qu'il est souvent difficile de déterminer à quelle entité et pour quelle activité exactement doivent être rattachés les charges et/ou bénéfices (Xavier OBERSON, op. cit., p. 605 n. 38).

5.3 Dans la mesure où la clé de répartition obtenue ne tient pas suffisamment compte du rôle central joué par le siège de l'entreprise, on alloue un préciput au canton de siège, lequel correspond à un pourcentage (entre 10% et 20%) préférentiel du bénéfice total de l'entreprise. Un préciput sera en général accordé lorsque la méthode directe a été appliquée, ou lorsque la méthode indirecte utilisée se fonde sur le chiffre d'affaires. Il n'y a en revanche pas lieu d'en accorder un, ou alors de manière réduite, lorsque la méthode de répartition se fonde sur les facteurs de production, dès lors que l'importance du siège et sa contribution au résultat de l'entreprise sont suffisamment pris en compte du seul fait de ce critère de partage (Xavier OBERSON, op. cit., p. 607 n. 47).

5.4 Dans les entreprises de distribution avec points de vente dans différents cantons, la répartition du bénéfice se fait en principe selon la méthode indirecte et le chiffre d'affaires est utilisé comme clé de répartition (Xavier OBERSON, op. cit., p. 607 n. 47).

Suivant les cas, des règles indirectes de répartition plus spécifiques sont nécessaires (Xavier OBERSON, op. cit., p. 607 n. 48). Par exemple, pour les entreprises de transport (maritime, chemins de fer), les bénéficies sont répartis en fonction de la fréquence du trafic dans les cantons concernés, en prenant en considération les personnes et les marchandises (ATF 92 I 264). La chambre administrative, appelée à statuer sur l'octroi d'un préciput, n'a pas remis en cause la répartition intercantonale du bénéfice d'une entreprise active notamment dans le commerce de logiciels informatiques opérée selon la méthode indirecte avec pour seul critère celui de la masse salariale (ATA/225/2017 du 21 février 2017).

5.5 En l'espèce, conformément à sa décision sur réclamation du 17 mai 2022, l'intimée a opéré la répartition du bénéfice entre les cantons de Genève et de C______ selon la méthode indirecte – à défaut de comptabilité distincte entre la succursale et le siège –, en fonction de la répartition du temps de travail sur les deux sites qu'K______avait indiquée.

Force est de relever qu'initialement, dans son recours ayant mené au jugement du TAPI du 21 août 2023, l'intéressée n'a pas contesté la part attribuée au canton de Genève.

Même si elle soutient déployer une « faible activité » à I______, de sorte que l'affectation à Genève du 50% de son bénéfice ne serait pas soutenable, la recourante n'a jamais fait parvenir à l'intimée de propositions formelles de répartition intercantonale – ce qu'elle a été invitée à faire dès l'ouverture de la procédure de contrôle. Une telle proposition ne figure toujours pas dans son recours devant la chambre de céans, dans lequel elle critique pourtant le caractère disproportionné de la quote-part de 50%.

Dans ces circonstances, rien ne permet de s'écarter de la répartition intercantonale retenue par l'intimée, qui s'avère conforme au droit.

Au vu de ce qui précède, l'assujettissement limité de la recourante à Genève pour la période 2016 est justifié tant dans son principe que dans sa quotité.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'200.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe intégralement (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 septembre 2024 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 août 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ SA un émolument de CHF 1'200.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine BERTHOUD, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :