Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/595/2025 du 27.05.2025 sur JTAPI/850/2024 ( ICC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2647/2023-ICC ATA/595/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 27 mai 2025 4ème section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Antoine BERTHOUD, avocat
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 août 2024 (JTAPI/850/2024)
A. a. A______ est contribuable dans le canton de Genève.
b. Il est administrateur, avec signature individuelle, B______SA (ci-après : B______ SA), laquelle détient des participations dans trois autres sociétés, à savoir C______SA, D______SA et E______SA (ci-après : les trois sociétés).
B. a. Dans l’état des titres de sa déclaration fiscale 2017 du 28 novembre 2018, A______ a déclaré détenir, d’une part, 4’000 actions d'B______ SA, soit l’intégralité de son capital-actions, à une valeur imposable au 31 décembre 2017 nulle et, d’autre part, une créance envers B______ SA dont la part non postposée s’élevait à CHF 2’079’800.-.
Selon son bilan 2017, B______ SA était débitrice d’un montant de CHF 3’850’000.- envers le contribuable à titre d’« avance actionnaire (postposée) » et ce dernier avait une créance en compte courant de CHF 4’769.- envers elle.
b. Par bordereau ICC 2017 du 30 septembre 2019, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fixé la valeur des actions d'B______ SA à CHF 1’208’000.-, en application de la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts (ci-après : CSI) du 28 août 2008 (ci-après : la circulaire n° 28) ; la valeur fiscale brute de chaque action était ainsi de CHF 302.-.
L'AFC-GE a refusé, après analyse des comptes d'B______ SA, la postposition fiscale de la créance de CHF 3’850’000.- au motif que le débiteur devait apparaître comme définitivement insolvable pour que la postposition soit admise en totalité, ce qui n’était pas le cas ; la fortune mobilière brute du contribuable était ainsi arrêtée à CHF 5’578’847.-.
c. Le contribuable a élevé réclamation contre ce bordereau, contestant en substance les valeurs retenues des actions d'B______ SA et de la créance postposée. Il a réitéré qu'B______ SA était surendettée.
d. L’AFC-GE a indiqué que son service des titres, après analyse du dossier, avait déterminé la part recouvrable de la créance envers B______ SA à CHF 2’969’378.- au lieu et place de CHF 2’079’800.-.
Elle a joint le calcul détaillé, sous forme de tableau, de la valeur imposable de cette créance postposée, invitant le contribuable à lui confirmer s’il était d’accord avec ce nouveau montant. Il ressort dudit tableau que, lors du calcul, les réserves latentes issues des participations d'B______ SA dans les trois sociétés ont été prises en compte pour déterminer le montant de la part recouvrable de la créance envers B______ SA.
e. Il s’en est suivi un échange de courriels au terme duquel les intéressés ont campé sur leurs positions.
f. Par décision sur réclamation ICC 2017 du 14 juillet 2023, l’AFC-GE a maintenu la valeur estimée des actions d'B______ SA, en se fondant notamment sur la circulaire n° 28, en particulier son ch. 34 (moyenne pondérée entre la valeur de rendement doublée et la valeur substantielle), dans la mesure où B______ SA avait principalement une activité commerciale.
La créance était couverte en partie par les actifs figurant au bilan 2017, de sorte qu’une partie de celle-ci n’apparaissait pas comme définitivement perdue, à savoir, selon ses calculs, un montant de CHF 2’969’378.-.
Un bordereau rectificatif a été remis au contribuable ; sa fortune mobilière brute a ainsi été arrêtée à CHF 4’693’456.-.
g. Le contribuable a interjeté recours contre cette taxation par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à ce que la valeur des actions d'B______ SA soit ramenée à CHF 194’447.-, à ce que la valeur de sa créance postposée envers B______ SA soit ramenée à CHF 2’075’030.- et au renvoi du dossier à l’AFC-GE pour nouvelle taxation.
Sur la base d’un calcul détaillé du 10 juillet 2019, l’AFC-GE avait estimé la valeur de chacune des 4’000 actions d'B______ SA à CHF 302.-, soit une valeur totale taxée de CHF 1’208’000.-. B______ SA détenait trois participations qui avaient fait elles-mêmes l’objet d’estimations de la valeur des actions. La différence entre la valeur estimée de CHF 1’208’000.- et la valeur comptable avait été reprise comme « réserves latentes non imposées » dans le calcul de la valeur substantielle des actions d'B______ SA. Ces mêmes participations avaient produit des dividendes de CHF 120’000.- en 2015 et CHF 200’000.- en 2016. Si l’on faisait abstraction de cette distribution de dividendes, le résultat de l’activité opérationnelle d'B______ SA avait été un bénéfice de CHF 39’950.82 en 2015 et une perte de CHF 14’709.59 en 2016. Or, l’AFC-GE avait pris en considération l’intégralité du bénéfice annuel dans le calcul de la valeur de rendement des actions litigieuses, sans tenir compte du fait qu’il provenait essentiellement des dividendes précités.
Dans sa décision querellée, l’AFC-GE indiquait avoir appliqué le ch. 34 de la circulaire n° 28. Conformément à cette circulaire, l’estimation des titres non cotés se fondait sur une moyenne pondérée entre valeur de rendement, d’une part, et valeur substantielle, d’autre part. Par la capitalisation des bénéfices réalisés, la valeur de rendement cherchait en réalité à appréhender le goodwill de l’entreprise. C’était pour ce motif que, dans certains cas, la pratique admettait une pondération simple entre valeur substantielle et valeur de rendement. Du fait que les holdings pures ne réalisaient aucun bénéfice découlant de leur propre activité et susceptible de générer un goodwill, elles étaient évaluées exclusivement sur la base de leur valeur substantielle ; il en était de même des sociétés immobilières. Dans le cas de sociétés commerciales avec des participations croisées, les dividendes reçus étaient déduits du résultat pour le calcul de la valeur de rendement. Il ne se justifiait pas de limiter cette méthode de calcul aux seuls cas de participations croisées ou réciproques. En effet, le résultat bénéficiaire de participations était constitutif de leur propre goodwill et était pris en compte dans le cadre du calcul de la valeur substantielle de la société-mère. En l’espèce, des réserves latentes non imposées de CHF 816’650.- avaient été intégrées dans le calcul de la valeur substantielle d'B______ SA en tenant compte de l’estimation de ses participations. Or, il était contraire à la notion de goodwill appréhendée par la valeur de rendement de prendre en compte des résultats réalisés par une société tierce. Il n’y avait par ailleurs aucune raison de corriger le bénéfice déterminant en le diminuant des dividendes dans le seul cas des participations croisées. Si la CSI avait donné cet exemple dans la circulaire n° 28 (exemple n° 2 au ch. 34), c’était en raison de la complexité de la méthode qui, toutefois, avait manifestement une portée générale dès qu’il y avait perception de dividendes. La valeur de rendement d'B______ SA devait par conséquent être calculée sur la base de la moyenne suivante :
Exercice | Bénéfice | Corrections | Déterminant |
2016 | 185’302.- | - 200’000.- | - 14’698.- |
2015 | 159’951.- | - 120’000.- | 39’951.- |
2014 | 35’998.- | 0.- | 35’998.- |
Total : |
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| 61’251.- |
Revenu annuel imposable moyen : CHF 20’417.-
Valeur de rendement (capitalisée à 7%) : CHF 291’671.-
Compte tenu de la pondération avec une valeur substantielle nulle, le total de la valeur des actions d'B______ SA devait être fixé à CHF 194’447.-.
S’agissant de sa créance postposée envers B______ SA de CHF 3’850’000.-, l’AFC-GE avait évalué sa valeur imposable à CHF 2’969’378.- en prenant en considération un total d’actifs de CHF 4’432’563.- et de passifs hors créance postposée de CHF 2’357’533.-, chiffres correspondant à ceux du bilan d'B______ SA. Elle avait toutefois augmenté la valeur des actifs de la réserve latente sur les participations détenues par B______ SA de CHF 894’347.50, alors même que cette réserve avait déjà été prise en compte dans l’estimation des actions d'B______ SA, étant précisé que celle‑ci se basait sur le bilan au 31 décembre 2016 et que le calcul de la postposition se fondait sur les chiffres au 31 décembre 2017. Or, la même réserve ne pouvait pas, dans la taxation du même contribuable, être prise en compte à la fois pour le calcul de la valeur des actions et pour celui de la créance postposée, sous peine de créer une double imposition des mêmes valeurs. L’évaluation de la créance ne devait par conséquent pas tenir compte de la réserve latente sur les participations détenues par B______ SA et être ramenée à CHF 2’075’030.- (4’432’563.- moins 2’357’533.-).
h. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
i. Après de nouveaux échanges d'écritures, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 26 août 2024.
Aucun élément de la circulaire n° 28 ne permettait de retenir que les dividendes obtenus par B______ SA ne devaient pas être pris en compte. Les dividendes issus de ses participations en 2015 et 2016 ne constituaient pas des revenus uniques et extraordinaires. Au surplus, le bénéfice annuel d'B______ SA ne provenait pas essentiellement de ces dividendes. Il n'y avait donc pas lieu de les soustraire du bénéfice net. Par ailleurs, il découlait du texte de la circulaire n° 28 que les dividendes issus de participations étaient retranchés du calcul de la valeur de rendement uniquement en cas de participations croisées, ce qui n'était pas le cas.
La solution adoptée par l'AFC-GE pour déterminer la valeur de la créance postposée, qui prenait en compte les réserves latentes, était parfaitement légitime au vu de la nature de la créance postposée. Au demeurant, les réserves latentes n'avaient pas été imposées à double. Elles n'avaient, en effet, pas été imposées en tant que telles, mais prises en compte comme un élément du calcul de l'évaluation tant des actions d'B______ SA que de la créance postposée.
C. a. Par acte remis à la poste le 1er octobre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation. Il demandait à ce que la valeur des actions d'B______ SA soit ramenée à CHF 194'447.- et à ce que la valeur de sa créance postposée envers B______ SA soit ramenée à CHF 2'075'030.-. Le dossier devait être renvoyé à l'AFC-GE pour nouvelle taxation.
Le litige avait trait à l'interprétation de la circulaire n° 28. Le rendement net réalisé par B______ SA provenait majoritairement des dividendes qui lui avaient été versés par ses différentes participations. Pour cette raison, elle avait bénéficié d'une substantielle réduction pour participations. Il y avait ainsi lieu de corriger le bénéfice déterminant pour le calcul de sa valeur de rendement en soustrayant les dividendes reçus. Par ailleurs, nonobstant l'absence d'une mention expresse dans la circulaire n° 28 ou son commentaire – constitutive d'une lacune manifeste –, il n'y avait aucune raison que la correction du bénéfice déterminant ne soit effectuée qu'en cas de participations croisées, et non lorsque la société poursuivait également sa propre activité commerciale.
Le TAPI n'avait pas bien compris son argument selon lequel le calcul de la postposition consacrait une imposition multiple de la même substance auprès du même contribuable. Il n'était pas correct que ce calcul tienne compte des réserves latentes sur les participations d'B______ SA, alors que celles-ci avaient déjà été prises en compte pour l'évaluation des actions qu'il détenait. En réalité, une créance postposée avait une valeur vénale nulle.
b. Le 31 octobre 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours. Elle a notamment relevé le but d'B______ SA, soit l'exploitation de commerces de quincaillerie, de droguerie et d'épicerie, conformément à ses statuts.
c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 6 décembre 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.
d. Le 13 novembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.
e. Le 5 décembre 2024, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Il convient d'abord de déterminer la valeur des actions d'B______ SA que le recourant détient, qui constituent des titres non cotés en bourse. Le litige porte sur la question de savoir si les dividendes issus des participations d'B______ SA dans les trois sociétés doivent être déduits du bénéfice net dans le calcul de sa valeur de rendement.
2.1 L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 46 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08), qui comprend notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature (art. 47 let. b LIPP). L’état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l’année pour laquelle l’impôt est dû (art. 49 al. 1 LIPP).
2.2 La fortune est estimée à sa valeur vénale (art. 14 al. 1 LHID ; art. 49 al. 2 LIPP). La valeur vénale constitue une notion juridique indéterminée qui relève du droit (ATF 148 I 210 consid. 4.4.3). Elle est la valeur marchande objective d'un actif à un moment donné, soit la valeur qu'un acheteur paierait normalement dans des circonstances normales (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.1 ; 2C_1057/2018 du 7 avril 2020 consid. 4.1 ; ATA/372/2025 du 1er avril 2025 consid. 4.2).
2.3 L'évaluation selon la valeur vénale est obligatoire pour les cantons. La LHID ne prescrit toutefois pas au législateur cantonal de méthode d'évaluation précise pour déterminer cette valeur (ATF 134 II 207 consid. 3.6). Les cantons disposent donc en la matière d'une marge de manœuvre importante pour élaborer et mettre en œuvre leur réglementation, aussi bien quant au choix de la méthode de calcul applicable pour estimer la valeur vénale que pour déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1 2e phr. LHID, dans quelle mesure le critère du rendement doit, le cas échéant, également être intégré dans l’estimation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 4.1). Un certain schématisme est admis en la matière, pourvu que l’évaluation ne soit pas fondée sur le seul critère du rendement et qu’elle n’aboutisse pas à des résultats qui s’écartent par trop de la valeur vénale (ATF 134 II 207 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2010 du 12 octobre 2011 consid. 3.1 ; ATA/372/2025 précité consid. 4.3 ; ATA/495/2024 du 16 avril 2024 consid. 3.2).
2.4 L'évaluation de titres non cotés fait l'objet de la circulaire n° 28, dont la CSI édite en outre annuellement un commentaire afin de refléter la pratique et de tenir compte de la jurisprudence. Cette circulaire concerne un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir d'appréciation, et la jurisprudence a souligné qu’elle poursuivait un but d'harmonisation fiscale horizontale et concrétisait ainsi l'art. 14 al. 1 LHID. En tant que directive, la circulaire ne constitue certes pas du droit fédéral ou intercantonal, ne crée aucun droit ni aucune obligation et ne lie donc pas le juge (arrêts du Tribunal fédéral 2C_321/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2.3 ; 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3.1, in RF 70 2015 432 ; 2C_1168/2013 du 30 juin 2014 consid. 3.6, in RDAF 2015 II 34 [rés.]). La circulaire n° 28 est toutefois reconnue, de jurisprudence constante, comme présentant une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés, même s'il n'est pas exclu que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 5.6.5, non publié in ATF 147 II 155 ; 2C_953/2019 précité consid. 4.2 ; 2C_1082/2013 précité consid. 5.3.1).
L'activité effective d'une société détermine son mode d'estimation (ch. 6 de la circulaire n° 28).
Pour les sociétés commerciales, industrielles et de services, la valeur de l'entreprise résulte de la moyenne pondérée entre la valeur de rendement qui est doublée, d'une part, et la valeur substantielle déterminée selon le principe de continuation de l'exploitation, d'autre part (ch. 34 de la circulaire n° 28). La valeur de rendement s'obtient par la capitalisation du bénéfice net des exercices déterminants augmenté ou diminué des reprises ou déductions (ch. 8.1 de la circulaire n° 28). Sont notamment déduits les revenus uniques et extraordinaires, tels que les gains en capital ainsi que les dissolutions de réserves et de provisions (ch. 9.2.a de la circulaire n° 28). Cette méthode est généralement appelée « méthode des praticiens » (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 précité consid. 5.3.1 ; 2C_309/2013 du 13 septembre 2013 consid. 3.6, in RDAF 2014 II 346).
La circulaire n° 28 réserve des situations où seule la valeur substantielle de la société est prise en compte, ce qui est le cas des sociétés nouvellement constituées (ch. 32 de la circulaire n° 28), des sociétés holding, de gestion de fortune et de financement (ch. 38 de la circulaire n° 28), ainsi que des sociétés immobilières (ch. 42 de la circulaire n° 28).
Les principes d'estimation de la circulaire n° 28 doivent être choisis de telle manière que le résultat se rapproche au mieux de la réalité économique. Les instructions de ladite circulaire reposent sur la constatation empirique que la valeur vénale dépend du rendement passé et à venir sous la forme de dividendes et autres participations au bénéfice ainsi que de la rentabilité de la société, et qu'elle est influencée par d'autres facteurs comme par exemple la fortune, les liquidités, la stabilité de la marche des affaires, etc. (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 précité consid. 5.5 ; ATA/372/2025 précité consid. 4.4).
2.5 Les exemples n° 2 au ch. 34 et n° 5 au ch. 38 de la circulaire n° 28 concernent l'estimation de titres de sociétés ayant des participations croisées ou réciproques. Il s'agit par exemple de deux sociétés indépendantes A et B, A détenant des actions de B et B des actions de A. L'estimation est alors établie selon une formule de calcul prévoyant que les dividendes de participations doivent être déduits des résultats nets des années correspondantes pour déterminer la valeur de rendement des sociétés.
2.6 En l'espèce, le recourant ne conteste pas l'usage de la circulaire n° 28, mais uniquement le calcul de la valeur de rendement d'B______ SA, en ce que les dividendes issus de ses participations devraient être soustraits des bénéfices imposables. Il convient donc d'examiner les circonstances concrètes d'espèce pour savoir si un tel point de vue peut être partagé.
2.6.1 B______ SA a pour but : « exploitation de commerces de produits de toute nature, alimentaire ou non, notamment exploitation de commerces de quincaillerie, de droguerie et d'épicerie, de même qu'activité annexe de petite restauration, ainsi qu'acquisition, détention, administration et cession de participations et investissements, minoritaires ou majoritaires, dans tous types de sociétés et entreprises commerciales, industrielles ou financières, suisses ou étrangères », et non exclusivement la gestion de participations. Le recourant n'allègue pas qu'elle aurait un statut de holding pure, mais reconnaît son caractère « mixte ».
Dans la mesure où B______ SA « exploite son propre commerce de quincaillerie », qui génère « l'essentiel [de son] chiffre d'affaires » – à savoir CHF 10'980'333.67 en 2015 et CHF 11'116'393.45 en 2016 –, il ne peut être retenu qu'elle devrait être évaluée selon la méthode applicable aux holdings pures. Partant, le ch. 41 et l'exemple n° 5 au ch. 38 de la circulaire n° 28, auxquels le recourant se réfère et qui concernent les « [s]ociétés holding pures, sociétés de gérance de fortune et sociétés de financement », ne sont pas pertinents pour appréhender la situation d'B______ SA.
2.6.2 En outre, le recourant explique que les holdings pures sont évaluées sans tenir compte d'une valeur de rendement, « laquelle ne serait constituée que par des versements de dividendes et autres produits de participations ». Or, il ne soutient pas que l'évaluation d'B______ SA devrait être basée sur sa seule valeur substantielle, comme pour les précitées. Dès lors que cette évaluation doit, au contraire, tenir compte d'une valeur de rendement, force est de constater que cette dernière est constituée également par les versements de dividendes issus de ses participations dans les trois sociétés.
Par ailleurs, l'interprétation que l'intéressé fait de la circulaire n° 28 ne convainc pas. Il n'expose en particulier pas en quoi il serait « éviden[t] » que la correction des bénéfices déterminants s'imposerait de manière générale dès qu'il y aurait perception de dividendes. Il découle, au contraire, du texte clair de la circulaire n° 28, de ses exemples et de son commentaire que cette correction devrait uniquement être effectuée en cas de participations croisées ou réciproques. Dans ces circonstances, rien ne permet de retenir une lacune en la matière qui devrait être comblée par voie d'interprétation. Or, B______ SA n'entre pas dans la catégorie des sociétés ayant des participations croisées. Dans la mesure où il n'y a pas de participations réciproques, le recourant ne peut donc pas se prévaloir de l'application de la méthode utilisée pour ces sociétés, ni réclamer la déduction des dividendes.
Les dividendes étant annuels et récurrents, à savoir d'un montant de CHF 120'000.- en 2015 et de CHF 200'000.- en 2016, ils ne sauraient du reste être déduits du bénéfice net au titre de « revenus uniques et extraordinaires », ce que le recourant ne prétend à juste titre pas.
Il y a ainsi lieu de retenir, avec le TAPI, que dès lors qu'B______ SA ne constitue ni une société holding pure, ni une société ayant des participations croisées au sens de la circulaire n° 28, les dividendes qu'elle a obtenus ne doivent pas être soustraits des bénéfices déterminants pour le calcul de sa valeur de rendement.
Pour le surplus, le recourant évoque la réduction pour participations dont B______ SA a bénéficié. Toutefois, cette réduction concerne l'impôt sur le bénéfice ou le revenu, et non l'impôt sur le capital ou la fortune, si bien qu'elle ne saurait avoir d'incidence sur l'issue du litige.
En conséquence, ce grief sera écarté.
3. Il convient ensuite de déterminer la valeur de la créance postposée du recourant envers B______ SA. Le recourant considère que la prise en compte des réserves latentes issues des participations d'B______ SA dans les trois sociétés pour le calcul de la créance postposée crée une double imposition des mêmes valeurs auprès du même contribuable, puisqu'elles ont déjà été prises en compte dans l'évaluation des actions d'B______ SA qu'il détient.
3.1 S'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification d'un réviseur agréé. S'il résulte de ce bilan que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur vénale d'exploitation, ni lorsqu'ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d'administration en avise le juge, à moins que des créanciers de la société n'acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société dans la mesure de cette insuffisance de l'actif (art. 725 al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 ‑ CO ‑ RS 220).
3.2 Il y a surendettement lorsque l’actif social ne couvre plus les fonds étrangers (Henry PETER/Francesca CAVADINI, in Pierre TERCIER/Marc AMSTUTZ, Commentaire romand du code des obligations II, 2017, n. 31 ad art. 725 CO). Dans ce cas, les dettes sociales ne sont plus couvertes par les actifs, que ceux-ci soient estimés à leur valeur d’exploitation ou à leur valeur de liquidation (Marie‑Noëlle ZEN-RUFFINEN/Marc BAUEN, Le conseil d'administration, 2017, p. 296 n. 771). La postposition de créance est considérée comme une mesure d’assainissement (Henry PETER/Francesca CAVADINI, op. cit., n. 30 ad art. 725 CO).
3.3 En cas de faillite, la société désintéressera les titulaires des créances postposées seulement après avoir intégralement réglé tous ses autres engagements, mais avant un quelconque remboursement des fonds propres à ses actionnaires. De là le fait que certains auteurs ont qualifié les créances postposées de « quasi-fonds propres ». D'un point de vue fiscal, les créances postposées sont d'ailleurs considérées comme du capital propre dissimulé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_77/2012 du 31 août 2012 consid. 3.4 ; Henry PETER/Francesca CAVADINI, op. cit., n. 55 ad art. 725 CO).
3.4 L’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a édicté une circulaire n° 6 intitulée « Capital propre dissimulé de sociétés de capitaux et de sociétés coopérative (art. 65 et 75 LIFD) » du 6 juin 1997 (ci-après : la circulaire n° 6, publiée aux Archives 66 pp. 296 ss), qui expose la pratique en matière de sous‑capitalisation de sociétés de capitaux.
Cette circulaire, qui concerne l'impôt fédéral direct, n’a pas valeur de loi. Cependant, elle a pour but d’assurer une pratique uniforme. À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre administrative ne saurait s’en écarter sans justes motifs (arrêt du Tribunal fédéral 2P.338/2004 du 26 avril 2006 consid. 4.1 ; ATA/162/2013 du 12 mars 2013 consid. 11).
La circulaire n° 6 est applicable en droit cantonal selon l'information n° 6/97 aux associations professionnelles du 9 octobre 1997 de l'AFC-GE (ATA/162/2013 précité consid. 11).
3.5 D’après la circulaire n° 6, les règles concernant le capital propre dissimulé permettent de distinguer, quant à leur traitement fiscal, les fonds étrangers des fonds propres (point 1 de la circulaire n° 6).
Pour déterminer le capital propre dissimulé des sociétés de capitaux, il faut partir en règle générale de la valeur vénale des actifs à la fin de la période fiscale. L'autorité de taxation se fonde sur les valeurs déterminantes pour l'impôt sur le bénéfice des sociétés, sauf si des valeurs vénales plus élevées peuvent être démontrées (point 2.1 de la circulaire n° 6 ; ATA/162/2013 précité consid. 12).
3.6 En l'espèce, l'argument de double imposition des mêmes valeurs tombe à faux. En effet, ce ne sont pas les réserves latentes elles-mêmes – d'un montant de CHF 894'347.50 –, qui font l'objet de la taxation, mais bien la fortune du recourant, dans laquelle figurent notamment deux actifs, les actions et la créance postposée. Ainsi, quoi que l'intéressé en dise, le même substrat fiscal n'est pas taxé « à deux reprises », les réserves latentes servant uniquement à l'évaluation des titres.
Il ne peut non plus être retenu qu'« une créance postposée a[urait], en réalité, une valeur vénale nulle ». Contrairement à l'affirmation du recourant, la créance postposée peut conserver une certaine valeur. Pour la déterminer, il convient de procéder à une liquidation fictive de la société – laquelle implique de réaliser les actifs à leur valeur vénale, et donc de déterminer les réserves latentes sur les participations. Or, la liquidation des actifs d'B______ SA lui permettrait in casu de réaliser de substantielles réserves latentes et, par conséquent, de rembourser au moins partiellement la créance litigieuse.
En outre, il apparaît également cohérent, dans la mesure où une créance postposée est assimilable à du capital propre dissimulé conformément à la jurisprudence susmentionnée, de déterminer sa valeur sur la base de la valeur vénale des actifs. À nouveau, cette dernière tient compte des réserves latentes.
Pour le surplus, le grief d'imposition multiple convainc d'autant moins que les années servant de base de calcul de la valeur des actions d'B______ SA et de la créance postposée sont différentes, à savoir respectivement 2016 et 2017.
L'AFC-GE a dès lors évalué la créance postposée sans violer la loi.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 1er octobre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 août 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge d'A______ un émolument de CHF 700.- ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Antoine BERTHOUD, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
M. PERNET |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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