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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2709/2024

ATA/585/2025 du 27.05.2025 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2709/2024-FORMA ATA/585/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 mai 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. Né le ______2006, A______ a entamé en août 2022 une formation de culture générale au sein de l'école de culture générale (ci-après : ECG) B______.

b. Au terme de sa première année, il présentait une moyenne générale de 3.6, avec cinq moyennes insuffisantes et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 4.5. Il ne remplissait ainsi pas les conditions de promotion en deuxième année de l'ECG.

Il a toutefois été autorisé par la direction de son établissement à redoubler sa première année.

c. En janvier 2024, à la fin du premier semestre de sa première année redoublée, A______ présentait une moyenne générale de 4.8 et satisfaisait, à ce stade, aux conditions de promotion en deuxième année de l'ECG.

Ses résultats se sont toutefois péjorés au cours du second semestre, en particulier en anglais (moyenne du premier semestre : 4.1 ; moyenne du second semestre : 3.5 ; épreuve de fin d'année : 3) et en mathématiques (moyenne du premier semestre : 4.1 ; moyenne du second semestre : 3.7 ; épreuve de fin d'année : 2.5).

Compte tenu de cette péjoration, sa moyenne annuelle au terme de l'année scolaire 2023/2024 s'élevait à 4.4, avec trois moyennes insuffisantes (anglais, mathématiques et sciences expérimentales et informatique) et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 1.2. Il ne remplissait donc plus l'une des conditions de promotion en deuxième année de l'ECG.

d. Par lettre recommandée adressée le 1er juillet 2024 à ses parents, l'ECG B______ leur a confirmé la désinscription de leur enfant de l'ECG.

e. Par courrier adressé le 9 juillet 2024 à la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : la DGES II), A______ a demandé à être promu par tolérance en deuxième année de l'ECG. Cette formation correspondait à son projet de devenir éducateur de la petite enfance, confirmé par un stage effectué auprès de la crèche D______ et une formation de baby-sitter dispensée par la Croix-Rouge genevoise. Il s'engageait à donner désormais le meilleur de lui-même pour atteindre cet objectif.

f. Par décision du 15 août 2024, la DGES II a rejeté la demande de promotion en deuxième année de l'ECG formée par A______, considérée comme une demande de promotion par dérogation exceptionnelle. Les résultats obtenus au terme de la première année redoublée n'étaient certes pas très éloignés des normes de promotion, mais il n'était pas possible, au vu de la forte péjoration observée au cours du second semestre de l'années scolaire 2023/2024, d'apprécier favorablement les perspectives de succès en deuxième année. Cette décision ne remettait toutefois pas en cause les projets d'avenir de l'élève, puisque celui-ci pouvait rechercher des stages dans le domaine de l'éducation de la petite enfance, rechercher une place d'apprentissage, voire, après obtention d'un CFC, poursuivre sa formation à l'école supérieure d'éducatrices et d'éducateurs de l'enfance (ESEDE).

B. a. Par acte expédié le 22 août 2024, A______ a formé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours contre la décision de la DGSE II du 15 août 2024, concluant implicitement à sa promotion en deuxième années de l'ECG.

Les mauvais résultats qu'il avait enregistrés lors des seconds semestres 2023 et 2024 étaient dus à des ruptures sentimentales, dont la seconde intervenue la veille des examens de fin d'année scolaire 2023/2024, qui l'avaient profondément déstabilisé et avaient eu un impact dévastateur sur sa scolarité. Il avait renoncé à mentionner ce fait dans le cadre de sa demande du 9 juillet 2024 afin de protéger son intimité.

À cela s'ajoutait que, sensible et empathique, il avait été très affecté par la procédure de divorce de ses parents, ayant eu lieu entre 2019 et 2020, suivie de la séparation de ses oncles et tantes des côtés paternel et maternel. Ces expériences difficiles lui avaient permis d'acquérir une meilleure maîtrise de lui et de se fixer des priorités.

À cet égard, et tout en étant conscient que d'autres voies étaient susceptibles de lui permettre d'atteindre ses objectifs professionnels, il souhaitait fortement pouvoir poursuivre ses études. Sociable et respectueux, il avait toujours entretenu de très bonnes relations avec ses enseignants. Ses parents, cosignataires de l'acte de recours, s'engageaient à lui apporter le soutien nécessaire dans toutes les matières sous la forme de l'assistance régulière d'un répétiteur.

Étaient annexées au recours diverses pièces attestant de la participation du recourant à une formation de baby-sitter de dix heures dispensée par la Croix-Rouge genevoise, un stage de 40 heures à la crèche D______ et un stage de deux jours à l'école C______.

b. Dans sa réponse du 10 septembre 2024, la DGES II a conclu au rejet du recours.

Le recourant ne remplissait pas les conditions d'une promotion en deuxième année de l'ECG. Il ne disposait d'aucun droit à une dérogation, sa demande intervenant à l'issue d'une année répétée. S'il remplissait certes l'une des conditions auxquelles était soumise une dérogation exceptionnelle, soit le fait de s'approcher fortement des normes de promotion, telle n'était pas le cas de la seconde, soit la possibilité d'émettre un pronostic de réussite favorable, dès lors que ses résultats avaient connu une évolution défavorable au cours de l'année scolaire 2023/2024. Les explications avancées dans le recours (et non dans la demande de promotion) pour expliquer cette péjoration, soit des ruptures amoureuses, ne pouvaient être qualifiées de circonstances exceptionnelles et n'étaient donc pas propres à modifier la décision contestée.

c. En l'absence de réplique, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 40 du règlement de l’enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 - REST - C 1 10.31 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

3.             Le recourant sollicite une dérogation exceptionnelle pour être promu en 2e année de l’ECG.

3.1 Selon l’art. 29 REST, les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de chaque filière (al. 1). L’orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l’école et, dans cette optique, lors de l’analyse de l’octroi d’une promotion par dérogation ou d’un redoublement ou lors d’une réorientation, il doit être tenu compte des aptitudes de l’élève à mener à bien son projet de formation (al. 2). Sont également prises en considération les circonstances ayant entraîné l’échec, les progrès accomplis, la fréquentation régulière des cours et le comportement de l’élève (al. 3).

3.2 Aux termes de l’art. 21 al. 1 du règlement relatif à l’école de culture générale du 1er février 2023 (RECG - C 1 10.70), est promu de 2e en 3e année l’élève qui obtient la note annuelle de 4.0 au moins pour chacune des disciplines non regroupées et pour chaque regroupement de disciplines.

Est promu par tolérance l’élève dont les résultats satisfont aux conditions suivantes : a) une moyenne générale égale ou supérieure à 4.0 ; b) au maximum trois notes inférieures à 4.0 ; c) la somme des écarts à 4.0 des notes insuffisantes ne doit pas dépasser 1.5 (art. 21 al. 2 RECG).

Restent réservées les dispositions concernant la promotion par dérogation, définies à l'art. 30 REST (art. 21 al. 1 RECG).

3.3 Selon cette dernière disposition, la direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut accorder la promotion à des élèves qui ne remplissent pas complètement les conditions de promotion et qui semblent présenter les aptitudes nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès (art. 30 al. 1 REST). Un élève ne peut pas bénéficier de cette mesure plus d’une fois par filière (art. 30 al. 2 REST). Un élève ne peut bénéficier d’une dérogation à l’issue d’une année répétée (art. 30 al. 3 REST).

La promotion par dérogation prévue à l’art. 30 al. 1 REST est ainsi soumise à deux conditions cumulatives, la première étant que l’élève ne remplisse pas complètement les conditions de promotion, ce qui signifie qu'il doit s'en approcher, et la seconde consistant en une appréciation des aptitudes que semble avoir l’élève, qui doivent être suffisantes pour lui permettre de suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès en dépit de son échec.

Dans le cadre de l'examen de ces conditions, l’autorité scolaire bénéficie d’un très large pouvoir d’appréciation, dont la chambre de céans ne censure que l'abus ou l'excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de ce pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (ATA/1697/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4d et les références citées).

3.4 Il est établi en l'espèce que, au terme de sa première année redoublée, le recourant ne remplissait ni les conditions ordinaires d'une promotion en deuxième année de l'ECG ni, en raison d'un nombre trop élevé de moyennes inférieures à 4, celles d'une promotion par tolérance. Seule aurait donc pu entrer en considération la possibilité d'une promotion par dérogation exceptionnelle au sens de l'art. 30 al. 1 REST. Dans le cas du recourant, qui terminait en juin 2024 une année répétée, cette possibilité est toutefois expressément exclue par l'art. 30 al. 3 REST.

La décision refusant la promotion est ainsi bien fondée, ce qui entraîne le rejet du recours.

3.5 Nonobstant l'impossibilité, résultant de l'art. 30 al. 3 REST, d'accorder au recourant une promotion par dérogation exceptionnelle, la DGES II a examiné si les deux conditions cumulatives d'une telle dérogation auraient été réunies. Elle est parvenue à la conclusion que cela aurait pu être admis pour la première, relative à la satisfaction au moins partielle des conditions de promotion, mais pas pour la seconde, portant sur l'appréciation des aptitudes de l'élève en relation avec sa capacité à suivre l'enseignement de l'année suivante malgré son échec.

Sur ce point, la chambre de céans ne peut que constater que l'appréciation négative qu'a portée la DGES II sur les capacités du recourant à pouvoir suivre avec succès l'enseignement de deuxième année de l'ECG ne consacre en rien un abus du large pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu. Il résulte en effet de l'évolution négative des évaluations obtenues par l'élève durant l'année scolaire 2023/2024 dans des branches importantes, comme l'anglais ou les mathématiques, que celui-ci ne maîtrisait pas, au terme de sa première année répétée, les connaissances supposées être acquises à ce stade de sa scolarité. Sa moyenne en anglais est ainsi passée de 4.1 au premier semestre à 3.5 au second et 3.0 à l'épreuve de fin d'année, alors que la moyenne de mathématiques est pour sa part passée de 4.1 au premier semestre à 3.7 au second et 2.5 à l'examen de fin d'année, quand bien même c'était la seconde fois que le recourant, qui redoublait son année, recevait cet enseignement. Compte tenu de l'importance de ces branches dans le cursus d'apprentissage, ainsi que du fait que l'enseignement de deuxième année est supposé se fonder sur les connaissances acquises et maîtrisées en première année, il ne peut être reproché à la DGES II d'avoir émis un pronostic défavorable sur les aptitudes du recourant à suivre avec succès l'enseignement de deuxième année.

Les élément d'explication de ces mauvais résultats fournis – dans son recours seulement – par le recourant ne sont pas de nature à modifier fondamentalement cette appréciation, comme l'a retenu l'autorité intimée. Compte tenu de l'âge du recourant, et même à admettre qu'il est une personne sensible et empathique, considérer qu'une rupture amoureuse ne constitue pas en soi une circonstance à ce point exceptionnelle qu'elle justifierait de s'affranchir des critères usuels ne procède en effet pas d'un abus du pouvoir d'appréciation. Il sera du reste relevé à cet égard que ni la rupture amoureuse invoquée ni ses éventuels effets négatifs ne sont établis à satisfaction par les pièces du dossier ; en particulier, le recourant n'a produit aucun certificat médical à cet égard. De la même manière, l’autorité pouvait, sans abus de son pouvoir d’appréciation, considérer que la procédure de divorce des parents du recourant qui s’était déroulée en 2019 et 2020, ne justifiait pas de déroger aux conditions légales et réglementaires.

Le refus de la demande de promotion par dérogation en deuxième année aurait ainsi dû être confirmé, même si celle-ci n'était pas intervenue au terme d'une année répétée au sens de l'art. 30 al. 3 REST.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 août 2024 par A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la jeunesse et des sports du 15 août 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :